Les tensions provoquées par la politique étrangère lors des deux derniers siècles s’expriment chez les politiques britanniques par une réticence à s’engager dans de nouvelles « aventures » militaires en remettant en question leur efficacité. Parallèlement, un manque de soutien populaire à l’égard des dirigeants politiques fait des interventions à l’étranger un sujet toxique et une source de discorde. Cet essai analysera l’ancrage historique des relations politico-militaires et la nature de la politique britannique où l’absence de constitution rend le processus décisionnel flou et plutôt informel. Bien que la transformation du Chief of the Defence Staff (CDS) en commandant en chef soit peu envisageable, la mise en place de la Fusion Doctrine offre une opportunité importante d’intégrer les militaires au cœur de la stratégie nationale.
Se réinventer face à l’échec : les mutations du système politico-militaire britannique au début du XXIe siècle
« Nous avons quarante mille raisons pour justifier l’échec,
mais pas une seule excuse pour l’expliquer ». Rudyard Kipling (1)
La crise au cœur des relations politico-militaires
Les deux dernières décennies semblent avoir créé une crise au Royaume-Uni dans les relations politico-militaires et le processus de décision stratégique. Les lignes de démarcation très claires définies par la Constitution de la Ve République en France n’existent tout simplement pas outre-Manche. Même avant 1958, la position de l’armée française au sein de la République était prééminente. En effet, la situation géographique de la France, la vulnérabilité historique de sa frontière à l’Est et la menace du Pacte de Varsovie nécessitaient une armée de terre de masse, fournie par la conscription, alors qu’en Grande-Bretagne, le rôle de l’armée dans le gouvernement et la société en général a toujours été traditionnellement beaucoup plus nuancé. La nature plutôt informelle des relations politico-militaires britanniques reste assez similaire à celles qui prévalaient en 1914 lorsque, faute de structure décisionnelle adaptée, le Conseil des ministres (« Cabinet ») convoqua le 5 août un Conseil de guerre comprenant les autorités militaires de l’époque, avant que le Premier ministre Asquith nomme le maréchal Kitchener au poste de ministre de la Guerre. Les relations politico-militaires britanniques vont évoluer subtilement pendant le reste du siècle où les personnalités éminentes abondent dans un écosystème fondé sur un équilibre des pouvoirs entre le Palais royal, le Gouvernement, les militaires, le Parlement et la Presse. C’est un domaine dans lequel règne le flou pour assurer la liberté de manœuvre politique et où les militaires sont divisés pour mieux être contrôlés.
Au début du XXIe siècle, le gouvernement travailliste au pouvoir compte à son crédit trois interventions militaires importantes réussies au Kosovo, en Sierra Leone et au Timor oriental. Il vient également de mettre fin au conflit en Irlande du Nord avec les Accords du Vendredi Saint (10 avril 1998). Fort de ces succès manifestes, le gouvernement de Tony Blair s’engage ensuite avec le même succès aux côtés des États-Unis, en Afghanistan, à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Puis Washington et Londres se penchent sur l’Irak de Saddam Hussein et la campagne qui suit est notamment décrite par le général Sir Richard Dannatt, chef d’état-major de l’armée de terre (Chief of General Staff, CGS) entre 2006 et 2009, comme la plus controversée depuis celle de Suez en 1956 (2). Cet engagement militaire est le pivot à partir duquel la donne change. La Grande-Bretagne se lance en effet dans une démarche complexe et difficile en s’associant à une campagne pour « changer le régime » en Irak, afin de maintenir son influence auprès de son allié américain, tout en cherchant à renforcer son mandat en Afghanistan, marqué par le départ de son contingent de la région de Kaboul pour l’Helmand. Ce tournant majeur amorce deux décennies de tensions entre le politique et le militaire britanniques, qui se prolongent avec les engagements en Libye, en Syrie et, aujourd’hui, au Mali. Le résultat de cette tension s’exprime chez les politiques britanniques par une réticence à s’engager dans de nouvelles « aventures » militaires en remettant en question leur efficacité.
Parallèlement, le manque de soutien populaire à l’égard des dirigeants politiques, fait des interventions à l’étranger un sujet toxique et une source de discorde. Par voie de conséquence, les sujets de défense ont à peine été présents lors de la campagne des dernières élections législatives, fin 2019. Alors que le gouvernement britannique s’est engagé depuis dans l’Integrated Security and Defence Review (3), la pertinence de l’architecture de la prise de décision stratégique au Royaume-Uni mériterait très probablement d’être remise en question.
Cet essai se penche sur les racines historiques des relations politico-militaires britanniques au XXe siècle, analyse la nature des tensions et des précédents des deux dernières décennies pour proposer enfin une vision de ce à quoi ces relations pourraient ressembler à l’avenir. Elles devront préserver les points forts de la souplesse institutionnelle britannique, très appréciée par l’allié américain, tout en bannissant leur tradition d’improvisation en instaurant des organisations et des processus plus robustes. C’est une condition essentielle pour restaurer la confiance du Parlement dans le processus décisionnel de l’exécutif sur les questions stratégiques. Il conviendra aussi de maintenir l’agilité décisionnelle, qui devrait exister au cœur du système politique britannique.
Une tradition ancrée dans l’histoire et la géographie
Les relations politico-militaires en Grande-Bretagne ont une histoire riche que l’on pourrait faire remonter à la pensée d’Adam Smith et à son ouvrage La richesse des nations (1776), où l’économiste écossais considérait l’armée comme un auxiliaire du commerce et de la prospérité, un principe économique libéral qui se perpétue aujourd’hui quel que soit le parti au pouvoir (4). La manière britannique de faire la guerre est d’approche jominienne (5) et cette vision fut renforcée, à la fin de l’époque victorienne, par le colonel G.F.R. Henderson (professeur d’histoire de l’École de Guerre britannique entre 1892 et 1899), dont la lecture de la guerre civile américaine préconisait de confier la définition de la stratégie aux militaires (6). C’est cette tradition consistant à donner la liberté d’action aux chefs militaires qui a naturellement conduit à la convocation du Conseil de guerre du 5 août 1914 et à confier la conduite de la guerre au plus éminent soldat britannique de l’époque, le maréchal Kitchener, vétéran de la guerre des Mahdistes (Soudan) et de la seconde guerre des Boers (Afrique du Sud). On sait que ce choix n’eut qu’un temps, Lloyd George incarnant par la suite, comme Clemenceau en France, le retour en force de l’autorité civile dans la conduite de la guerre. La Première Guerre mondiale a ainsi fait passer la Grande-Bretagne, au moins de manière transitoire, d’une puissance maritime jominienne à une puissance continentale clausewitzienne, dont les oppositions politico-militaires et leurs conséquences servent de base à cette étude.
L’analyse classique que fait le professeur Hew Strachan du rapport de l’armée de terre britannique à la politique affirme que si la « suprématie du pouvoir civil » n’a jamais été remise en question parce que l’armée s’enorgueillissait de sa neutralité, les forces armées ont cependant toujours été politiquement interventionnistes (7). Il existe, en effet, une relation complexe entre les cinq principaux acteurs de l’État cités précédemment (le Palais royal, le Gouvernement, les militaires, le Parlement et la Presse) qui a été utilisée avec succès par les « frocks » et les « brass » (8) pour se neutraliser mutuellement (9), notamment par le biais de la presse et de son influence sur l’opinion publique. Ainsi, alors qu’il était le commandant en chef du corps expéditionnaire britannique, le field-marshal French a exploité la presse pour mettre en exergue la crise des munitions en 1915 et provoquer la chute du dernier gouvernement libéral britannique (10).
Le risque politique et l’approche indirecte
La notion de risque est au cœur de la double identité politique du Royaume-Uni, à la fois comme monarchie constitutionnelle et démocratie parlementaire. Au lendemain de la Grande Guerre, Lloyd George et Churchill ont, dans leurs écrits, sévèrement critiqué les chefs militaires, plus particulièrement le général Haig, commandant en chef du corps expéditionnaire à partir de décembre 1915. Ce faisant, ces deux hommes d’État n’ont pas assumé le risque politique de leur gestion de la guerre, qui était loin d’être convaincante en termes de grande stratégie, révélant à l’époque un manque caractérisé de volonté pour s’engager pleinement sur le front occidental. Cette indécision a entraîné des expéditions inutiles dans les Dardanelles, en Mésopotamie et à Salonique, détournant des ressources importantes du théâtre principal contre l’Allemagne. Ce n’est qu’à partir du désastre des Dardanelles, mi-1915, que le gouvernement britannique commença à assumer progressivement la responsabilité de ce qui était désormais une guerre totale et à accepter la logique de Clausewitz sur la nature politique des décisions en la matière.
Le désir de gagner rapidement et facilement, but fixé pour la prise de contrôle de Gallipoli, est une caractéristique constante de l’orientation politique britannique en temps de guerre. L’ancien Chief of the Defence Staff (CDS), le général David Richards a récemment souligné les dangers des attitudes ou des postures plus symboliques que sérieuses dans les opérations récentes (11). Cette gestion du risque se manifeste aujourd’hui par une approche conjointe civilo-militaire qui cherche à prodiguer des conseils de teneur politique. Cependant, selon James de Waal, un ancien diplomate spécialiste des questions politico-stratégiques, cette manière de faire ne permet ni une prise de décision audacieuse, ni l’établissement d’une stratégie solide (12). Le risque est, au contraire, de conduire à adopter des compromis faibles, où toute la gamme des options militaires, même les plus audacieuses, est supprimée et où les décisions politiques sont présentées comme étant approuvées par les militaires, alors que ce n’est pas forcément le cas. De son côté, Hew Strachan s’interroge sur l’efficacité du contrôle parlementaire, qui pourrait être considéré comme le seul contrôle formel de la politique de défense, dès lors que la création d’un état-major de la défense fait entrer les militaires dans le giron ministériel et traduit donc une absence de culture d’indépendance par rapport au ministère (13).
La direction de la défense britannique au plus haut niveau
La structure actuelle est l’héritière d’un système forgé au XIXe siècle et reposant sur un double contrôle, avec un commandant en chef indépendant du ministre de la Guerre, nommé, quant à lui, pour diriger la politique militaire (14). En 1890, la commission Hartington, créée pour réformer le ministère de la Guerre, recommanda que cette structure soit remplacée par un état-major général de l’armée de terre et un Conseil de guerre où les chefs militaires, les hauts fonctionnaires et les ministres siégeraient côte à côte (15). La mise en place de cette structure coïncide avec la création en 1904 d’un Committee of Imperial Defence (CID) ayant pour but la mise en cohérence stratégique entre l’Amirauté et le ministre de la Guerre, innovation préconisée par la commission Elgin après la guerre des Boers (16). Au sein de ce comité fut institué un secrétariat qui est à la base du Cabinet Office et qui a placé le rôle du secrétaire au premier plan, permettant au colonel Maurice Hankey d’entrer en scène en tant que facilitateur entre le contrôle politique et les armées. Hankey est considéré comme l’architecte du fonctionnement du « cabinet » aujourd’hui.
Le modèle de contrôle intégré mis en place durant la Première Guerre mondiale par le général Robertson, chef d’état-major de l’armée de terre (17), fit de ce dernier le seul conseiller militaire du gouvernement (18). Cette désignation créa une dépendance importante à l’égard de cette autorité et renforça l’influence des chefs militaires, car le positionnement du chef d’état-major créait une forme de primauté sur le ministre, bien que leur coopération correspondît au résultat souhaité (19), ainsi que le démontra la coopération entre le Secrétaire d’État Haldane et le maréchal Haig qui fut directeur de l’état-major de l’armée de terre. Ce contrôle intégré a créé une tradition de ministres loyaux envers les militaires, ce qui est compréhensible étant donné les risques et les enjeux du moment mais sans cohérence en termes de politique globale de défense et de grande stratégie. Par conséquent, au moment de la Seconde Guerre mondiale, Churchill tira les leçons de cette situation : en tant que Premier ministre, il assuma également la fonction de ministre de la Défense, conseillé par le Comité des chefs d’état-major (Chiefs of Staff Committee) pour conduire la stratégie militaire, tandis que la politique et la stratégie nationale étaient débattues et approuvées au sein du Conseil des ministres, assez souvent en format de Conseil de guerre réduit.
Churchill était très conflictuel dans l’exercice de ses fonctions de Premier ministre et cela exigeait une force de caractère significative du président du Comité des chefs d’état-major pour contrôler, exploiter et canaliser le « génie » de son chef (20). Le rôle de son chef d’état-major particulier, le général Ismay, doit également être souligné. Ancien collaborateur de Hankey au sein du CID, Ismay réussit à faire exister pendant toute la durée de la guerre cette fonction de chef d’état-major particulier jusque-là inédite dans le système politico-militaire britannique. Il est à noter que les années de Churchill à Downing Street offrent un certain nombre d’exemples importants des raisons pour lesquelles un dirigeant politique doit sonder, examiner, inspirer et motiver ses commandants militaires (21). Ces années soulignent également que l’idée selon laquelle les relations politico-militaires peuvent se dérouler sans heurts est illusoire. Pour être argumentée et nécessaire, la contradiction n’est cependant pas toujours la bienvenue dans la sphère politique ; c’est la raison pour laquelle le rôle que Hankey joua pendant la Première Guerre, puis Ismay pendant la Seconde, est un élément clef (22). Cela dit, cette fonction d’expertise auprès du chef du gouvernement disparut après 1945, pour n’être recréée qu’en 2010 par David Cameron, qui s’adjoignit alors les services d’un assistant militaire au 10 Downing Street. Cependant, contrairement à l’époque de Churchill, le poste n’est alors désormais tenu que par un jeune colonel.
La structure contemporaine du ministère de la Défense
et de l’État-major de la Défense
En 1964, le ministère de la Défense est créé, concluant ainsi un processus engagé avec la création du CID. La planification militaire devient de plus en plus interarmées et interministérielle. Fondée sur l’expérience de la Seconde Guerre mondiale, la proposition Mountbatten de 1963 – l’amiral est alors CDS – préconise la création d’un commandant en chef de la défense. Mais le nouveau gouvernement, constitué fin 1964 par le travailliste Wilson, ne retiendra pas cette mesure. Le CDS a depuis lors fonctionné selon un compromis typiquement britannique de leadership sans (totale) autorité, à la différence du Chef d’état-major des armées (Céma) français qui détient, lui, des responsabilités budgétaires importantes (23) et qui a formellement autorité sur les trois chefs d’état-major d’armée.
Depuis lors, la tendance a été de subordonner la stratégie militaire à la réalité financière. La structure a été conçue pour y parvenir, notamment grâce aux réformes menées par le ministre Michael Heseltine, à partir de 1984, qui ont instauré l’état-major central de la défense tout en accroissant le contrôle ministériel pour assurer la primauté du Permanent Secretary (PS) (24). Les récentes réformes qui ont suivi le rapport de Lord Levene (25) sont, quant à elles, fortement inspirées par le modèle de l’entreprise. Elles ont également donné au CDS un peu plus d’autorité grâce au fait que les chefs d’état-major d’armée ne siègent plus au Conseil de la Défense (Defence Board) (26). Toutefois, ces derniers, également « cinq étoiles » comme le CDS, assument la pleine autorité budgétaire pour leurs armées respectives et sont, de fait, responsables devant le PS, non devant le CDS. Une fois de plus, le principe « diviser pour régner » a été appliqué.
Le CDS est à la tête des forces armées et dirige la défense avec le PS. Il est le conseiller militaire du gouvernement et le commandant des opérations stratégiques (27). À l’inverse, le CDS n’est pas responsable des capacités avec lesquelles les opérations sont menées et n’exerce pas de « commandement plein et entier » sur les chefs d’état-major des différentes armées (28). Si le CDS et le PS sont conjointement responsables de la stratégie (29), toutes les récentes revues stratégiques de la défense britannique ont été fondées sur les questions budgétaires plutôt que sur l’analyse stratégique et la définition des besoins, avec pour résultat un financement qui ne s’est finalement pas avéré à la hauteur de l’ambition stratégique. La seule exception à cette règle a été la Strategic Defence Review (SDR) de 1998 à l’issue de laquelle le gouvernement travailliste a créé une capacité d’intervention globale, entreprenant deux campagnes de moyenne envergure avec un instrument militaire mal adapté à ces engagements (30).
Un processus décisionnel flou
Mis en place au cours des deux dernières décennies ce cadre a pourtant été considéré comme insatisfaisant dans la mesure où il a sapé la confiance dans l’équilibre politico-militaire. La crédibilité et l’utilité de l’action militaire ont donc été remises en question à l’occasion de ce que l’on peut considérer comme des guerres par choix, où les intérêts nationaux n’étaient pas directement en jeu. Néanmoins, une brève réflexion sur le processus décisionnel qui déclencha l’intervention militaire aux Malouines en 1982, ou en Sierra Leone en 2000, montre que la personnalité d’un acteur clef, le risque politique et le plaidoyer militaire ont toujours eu une influence. En 1982, la victoire improbable de la Grande-Bretagne est largement fondée sur les conseils d’un seul chef d’état-major d’armée, l’amiral Henry Leach, First Sea Lord, qui, intérêts stratégiques mis à part, voit dans cette crise une occasion inespérée pour la Royal Navy de prouver sa valeur à un moment où ses moyens financiers et matériels sont menacés de sévères réductions.
Pour leur part, les actions du Brigadier Richards en Sierra Leone en 2000, à la tête de l’opération Palliser (31), ont été assez extraordinaires. Elles peuvent être considérées comme un exemple de la force et de la souplesse du processus de décision politico-militaire au Royaume-Uni. Le changement de mission opéré par Richards, de sa propre initiative, a été accepté et salué comme un succès pour le gouvernement de Tony Blair (32). Cette tendance aux processus flous s’est clairement manifestée et a dérivé en Irak et en Afghanistan où certaines décisions d’engagement ont été prises dans l’intérêt de telle ou telle armée plutôt que pour répondre aux exigences politiques ou opérationnelles des théâtres respectifs. En bref, le gouvernement Blair a engagé la Nation dans une guerre à grande échelle (au regard des capacités de la Grande-Bretagne) pour des raisons qui se sont avérées peu judicieuses, manquant ensuite, dans la décennie suivante, de volonté politique pour atteindre ses buts de guerre. Hew Strachan observe d’ailleurs que l’administration Blair s’est engagée dans la campagne irakienne avant même de décider quels étaient réellement ses objectifs de guerre (33).
L’Irak, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie
Sur le plan stratégique, il ne semble y avoir aucun lien entre l’Irak de Saddam Hussein, le terrorisme et la Grande-Bretagne, une Grande-Bretagne s’inscrivant dans le projet néoconservateur américain visant à créer une nouvelle dynamique au Moyen-Orient. Le but politique pour Londres n’était-il pas tout simplement l’expression d’un soutien britannique visant à conforter l’adhésion de Washington à la défense européenne ? Le général Richard Dannatt, alors CGS (2006-2009), souligne que celle-ci en a été « réduite à ramasser les morceaux » d’une stratégie nationale défaillante et d’une guerre de plus en plus impopulaire dont l’administration de Gordon Brown, devenu Premier ministre, a cherché à se distancer, notamment en termes de coût (34). Le rapport Chilcot publié en 2016 sur le rôle du Royaume-Uni dans la guerre en Irak, relève que les options choisies par le gouvernement ont été conçues pour assurer un effet de levier avec le partenaire américain (35). De Waal affirme, lui, qu’elles visaient également à satisfaire l’Army qui, autrement, aurait été mise sur la touche si la contribution britannique avait été uniquement fondée sur des capacités aériennes et maritimes (36). Cela a conduit à une approche de la guerre selon les principes d’un calendrier en chemin de fer, à l’instar de ce qui avait prévalu en 1914, afin de respecter les échéances américaines et de convoquer les réserves nécessaires pour armer une division de combat (37).
L’extension de la mission en Afghanistan en 2006 est tout aussi controversée : le Royaume-Uni a cherché à compenser une perception de sous-performance en Irak sur un théâtre supposé plus populaire (mais périphérique sur le plan stratégique) où il estimait être plus à l’aise. Il s’agissait aussi pour Londres de renforcer son leadership au sein de l’Otan et de sa Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) déployée sur le théâtre (38). La Grande-Bretagne a cependant sous-estimé la tâche à laquelle elle était confrontée (39). Dans les deux cas, le processus de décision a été remis en question au regard des résultats décevants obtenus en Irak et en Afghanistan. L’absence de renseignement et de réflexion communes, combinée à la facilité avec laquelle le gouvernement a pu s’engager dans une action militaire, a suscité des inquiétudes sur le bon fonctionnement des relations politico-militaires.
Cela a conduit à la création du National Security Council (NSC) en 2010 (40). Toutefois, même si ce concept continue à se développer grâce à la Strategic Defence and Security Review 2015 (41) et à la National Security Capability Review de 2018 (42), il n’a cependant pas tiré tous les enseignements de l’Irak. À la tête du gouvernement à partir de 2010, David Cameron a commis les mêmes erreurs en Libye et en Syrie que celles de ses prédécesseurs travaillistes même si, à chaque fois, il a été correctement conseillé par les forces armées et les services de renseignement (43). La personnalité du dirigeant et les considérations de politique intérieure continuent de dominer le processus décisionnel, quels que soient les responsables et la façade donnés aux réunions. Il est à noter que le général David Richards, qui fut CDS à l’époque de Cameron, parle avec admiration du leadership et de la détermination de l’ancien Premier ministre. Le problème est que sa stratégie était imparfaite. Or, contrairement à Churchill, mais à l’exemple de Lloyd George, il n’a pas accepté les conseils militaires qui lui étaient prodigués (44).
Le rôle consultatif du Parlement
Entre 2003 et 2018, il était convenu que le gouvernement consulterait le Parlement avant de s’engager dans des opérations militaires. L’absence de constitution écrite au Royaume-Uni permet normalement au pouvoir exécutif de décider une intervention militaire sans consultation du pouvoir législatif car le Premier ministre dispose de cette « prérogative royale » qui lui est déléguée par la Reine. Pourtant, tout dépend de l’équilibre recherché entre légitimité et risque politique. Dans le cas des frappes punitives contre la Syrie en 2013, David Cameron a demandé le soutien du Parlement qu’il n’a pas obtenu, compromettant pour une part la stratégie occidentale dans la région (45). En 2018, Theresa May a exercé la « prérogative royale » pour se joindre à la France et aux États-Unis afin de frapper le régime syrien. Il est à noter que la pertinence des dispositions légales relatives à l’usage de la force armée n’a pas été remise en cause par le rapport parlementaire de 2014 sur le sujet, mais les questions demeurent sur la cohérence entre la politique et la stratégie (46).
Ce qui est en jeu, c’est la cohérence des conseils donnés aux décideurs et la pertinence de leurs décisions dans l’exercice de leurs responsabilités, avec une attention particulière portée à la distinction entre les décisions relevant de prérogatives politiques et celles concernant le domaine militaire. La décision de se déployer en 2006 à Sangin, dans le nord de la province afghane de l’Helmand, est une illustration bien connue de ce travers (47).
Comme le fait remarquer de Waal, la confiance et le charisme d’un dirigeant ne suffisent pas lorsqu’on est confronté à un examen minutieux de résultats insuffisants. Le rapport sur l’intervention en Libye de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Communes attribue clairement la responsabilité de l’échec stratégique à long terme et de la crise actuelle à David Cameron (48). Ce document fait remarquer que les objections soulevées au sein du NSC par le directeur du MI6 (Secret Intelligence Service, les renseignements extérieurs britanniques), John Sawers, et le CDS, le général David Richards, n’ont pas été communiquées au Cabinet. Leur opposition témoigne de la crédibilité du NSC en tant que forum de débat et de contradiction, mais le Premier ministre a tout de même pu passer outre l’avis de ces deux conseillers stratégiques ; en particulier parce que ces éléments n’ont apparemment pas été portés à la connaissance du Conseil des ministres. C’est ce manque de rigueur et de transparence qui a été mis en cause pour réclamer un plus grand rôle du Parlement.
La politique et la personnalité priment
Alors que Tony Blair cherchait à obtenir davantage d’influence auprès de George Bush, David Cameron visait la même chose avec Nicolas Sarkozy et une intervention humanitaire réussie s’est transformée en changement de régime impromptu, sans plan pour la phase suivante (49). Le général David Richards souligne, pour sa part, que les tensions se sont accrues dans la gestion du dossier syrien, où un manque de détermination politique a conduit à une non-intervention, au mieux à une simple action symbolique. Alors qu’une approche plus active et plus globale du problème aurait pu atténuer le désastre humanitaire que l’inaction occidentale a exacerbé. On le sait, le vide laissé par les Occidentaux a été comblé par la Russie avec succès (50). Cet exemple souligne également un manque de réflexion stratégique, tiraillé par la tyrannie des médias d’information continue qui, finalement, poussent les dirigeants politiques à adopter une approche à court terme, fondée d’abord sur des slogans et des considérations électoralistes.
L’histoire du processus décisionnel politico-militaire britannique au cours du siècle dernier et les controverses des deux dernières décennies mettent en évidence l’inévitable sentiment d’improvisation et de responsabilités mal définies qui caractérisent le système de gouvernement outre-Manche. Il est toutefois difficile d’imaginer un gouvernement en place renoncer à des processus décisionnels et des prérogatives particulièrement souples tant qu’il peut en profiter. Toutefois, contrairement à la réputation (imméritée) des chefs militaires britanniques de la Première Guerre mondiale (51), la génération actuelle tient la barre très haut sur le plan moral. Et ce sont les hommes politiques qui, seuls, portent la responsabilité d’une série d’aventures militaires controversées au cours des deux dernières décennies. Il faudrait, par conséquent, restaurer l’équilibre en formalisant la communication des avis militaires vers le Cabinet, qui devrait être l’ultime réunion décisionnelle, car le NSC est plus un lieu de débat qu’un conseil exécutif, même si un bon nombre de ministres y participe.
L’équilibre politique-militaire
La création du NSC et les réformes issues du rapport de Lord Levene (52) ont permis au gouvernement de contrôler davantage l’appareil de défense après ce qu’il considère comme l’échec militaire dans l’atteinte des objectifs de politique nationale. Une approche à la Huntington semble avoir prévalu en Irak et en Afghanistan où les militaires ont bénéficié d’une grande autonomie dans la conduite des opérations (53). On se souvient que le célèbre politiste américain recommandait aux autorités politiques de ne pas interférer en ce domaine. Le témoignage de Sir Sherard Cowper Cowles devant la Commission de la défense confirme cette tendance, dans la mesure où l’ancien ambassadeur à Kaboul parle du sentiment de devoir « s’en remettre aux militaires (54) ».
Il s’agit également d’un trait générationnel qui n’était pas apparent au cours des décennies précédentes, où un conseil de guerre restreint avait été mis en place pour traiter les questions de la conduite stratégique des opérations. Pendant 13 ans, le gouvernement travailliste n’a pas procédé de la sorte et mené ces campagnes militaires comme des actions de temps de paix. Par ailleurs, ni le ministre de la Défense ni les chefs militaires eux-mêmes, n’ont insisté sur le besoin de cette instance au plus haut niveau, alors que le gouvernement se désintéressait des opérations qu’il avait ordonnées (55).
L’exploitation des médias, avec l’intention d’améliorer le soutien populaire et la compréhension pour les forces britanniques engagées sur les deux théâtres, par le général Richard Dannatt, CGS entre 2006 et 2009, explique également qu’une grande partie du discours populaire actuel soit anti-gouvernemental et anti-interventionniste (56). Dans un écosystème dominé par le risque politique, les déclarations publiques de cette autorité militaire respectée constituaient une attaque significative contre le gouvernement et un rappel de la voix puissante que les militaires représentent au sein de la société. Inversement, ces derniers pâtissent de leur parti pris d’optimisme et de leur tropisme naturel à être en capacité d’agir, qui est un élément central de leur culture professionnelle. Le culte de la mission les pousse à trouver des solutions aux situations inattendues, ce qui les conduit bien souvent à avoir une vision trop ambitieuse de leurs possibilités avant une opération et une vision trop positive de leurs progrès une fois engagés. Il n’est pas étonnant alors que les responsables politiques soient frustrés lorsqu’il n’y a pas de fin immédiate en vue, et que les citoyens se sentent dupés par des discours qu’ils trouvent éloignés de la réalité.
Vers une approche globale
La revue stratégique de 1998 a également vu la naissance du Department for International Development (DfID) (57), qui a nourri l’approche globale de la Grande-Bretagne en Irak, Afghanistan et Libye. L’alignement opérationnel entre le DfID et le Ministry of Defence (MOD) a été fréquemment mis en cause et le concept d’approche globale (« Comprehensive Approach ») a été remplacé par la Fusion Doctrine (58). Avec une initiative supplémentaire en 2018, visant à introduire un Senior Responsible Owner (SRO) (59) pour assurer la cohérence entre les différents départements ministériels à travers une structure matricielle. Concernant cette dernière initiative, la question est de savoir si le Secrétariat de la sécurité nationale (NSS) (60) est suffisamment armé pour soutenir ce processus ; en particulier, si ce dernier devenait « l’état-major général de la défense et de la sécurité » au sens le plus global du terme, c’est-à-dire dans la perspective d’une politique de sécurité nationale pour laquelle il faudrait actionner simultanément tous les leviers de la puissance nationale.
La récente publication de The Good Operation (61) par le MOD va dans ce sens, bien que ce document ressemble plus à une brochure de présentation qu’à un guide politique. Inspiré par les conclusions du rapport Chilcot – cette publication se présente d’ailleurs comme la « Chilcot Checklist » (62) –, The Good Operation offre des principes et une ligne directrice adaptés pour s’engager dans une action militaire. Il est toutefois étonnant que ce document ait été publié par le MOD plutôt que par le NSS qui est normalement, et dorénavant, l’organisation interministérielle chargée de la fusion des questions de défense et de sécurité. D’ailleurs, cette approche validée par le MOD peut-elle suffire pour rassurer le Parlement et éradiquer ce qui semble souvent apparaître comme une tradition de l’improvisation ? On remarquera, avec une pointe d’ironie, combien l’on se réjouit d’avoir désormais une stratégie nationale unique (63). Ceci n’est évidemment pas qu’un idéal à atteindre car la définition de cette stratégie est essentielle et doit être coordonnée par le Cabinet Office. Le succès de la Fusion Doctrine est étroitement lié à la capacité du National Security Council (NSC) et du National Security Secretariat (NSS) à coordonner les actions de niveau stratégique, comme l’a fait récemment remarqué avec justesse le général de brigade John Clark, qui fut l’assistant militaire du Premier ministre en 2016-2018 (64).
Une volonté de transformer ?
Le Royaume-Uni est une démocratie occidentale unique en son genre, avec son absence de constitution et une forme de gouvernement fondée sur la préséance, le compromis et le consentement. Les enquêtes sur l’Irak et la Libye ont condamné l’action des Premiers ministres Blair et Cameron aussi fermement que les commissions royales avaient condamné le gouvernement de l’époque pour les désastres de Gallipoli et Kut en 1915 et 1916 (65). La logique aurait voulu que les armées y gagnent en considération, mais les luttes intestines ont toujours permis aux ministres de diviser pour mieux régner. Un moyen efficace d’équilibrer les exigences politiques pour déterminer l’exigence minimale. Telle est la tradition libérale et mercantile britannique. Aucun ministre ne souhaiterait habiliter le CDS à devenir le commandant en chef des trois armées comme l’amiral Mountbatten le préconisa au début des années 1960. Si Lord Levene (66) a pu envisager de concrétiser la vision de l’ancien CDS, cette perspective a été instantanément détruite par le Second Permanent Secretary du MOD à l’époque (2011-2012), Jon Day, qui laissa entendre que le général David Richards souhaitait se voir donner les mêmes pouvoirs que Cromwell (67).
Comme le recommande de Waal, une codification plus poussée des rapports politico-militaires pourrait être bénéfique, mais la culture l’emporte sur la politique. Et au regard de l’héritage des deux dernières décennies, un pouvoir exécutif fort sur le modèle de la Ve République n’aurait pas aidé. Il s’agissait de choix et de risques politiques, et le système politico-militaire britannique s’est trompé, tout simplement. Il y a maintes bonnes explications mais finalement pas d’excuse, selon la formule sévère de Kipling à l’issue de la guerre des Boers. À titre de comparaison, la France a fait des choix politiques « sûrs » qu’elle était en mesure de justifier. Paris a ainsi limité son risque politique dans le domaine militaire avec une projection judicieusement calibrée en Afghanistan, un motif humanitaire pour la Libye et l’argument du contreterrorisme pour le Sahel.
Quelles perspectives prévisibles ?
Ce qui doit changer outre-Manche cependant, c’est l’approche en matière de production de la stratégie nationale. Le véritable défi est de savoir comment consolider au mieux les meilleures pratiques afin d’éviter d’improviser dans le nouveau contexte des relations stratégiques internationales désormais marquées par une concurrence permanente en dessous du seuil de confrontation, tout en continuant à bénéficier de la souplesse inhérente à la pensée britannique. Le rôle du CDS et de ses adjoints est essentiel ; il repose en particulier sur leur personnalité, leur charisme et, surtout, leur autorité morale. De plus, l’autorité militaire, sous contrôle du pouvoir politique, n’est pas sous son commandement. Le Premier ministre est le chef du gouvernement de Sa Majesté, il n’est pas le chef des armées, ce qui relève des prérogatives du souverain. Ce lourd fardeau impose au dirigeant politique et au chef militaire une obligation d’action commune car ils doivent marcher ensemble sur le chemin du court terme politique, éclairé par une vision stratégique de long terme. Ceci doit être le but de la Fusion Doctrine, d’un NSC et d’un NSS qui doivent être suffisamment robustes en termes de structure et de processus pour gagner la confiance du Parlement et permettre au Premier ministre l’exercice de la « prérogative royale ».
La mise en place des Senior Responsible Owner (SRO) pour la planification stratégique entraîne naturellement la question d’un équivalent pour des opérations dès qu’elles commencent. Il s’agit de pouvoir actionner tous les leviers du pouvoir national, par exemple via la création d’un poste qui serait un « préfet opérationnel » présent sur le théâtre au niveau opératif. Car une des grandes faiblesses du Royaume-Uni en Irak et en Afghanistan fut l’insuffisante compréhension de la situation sur le terrain et le manque de coordination interministérielle.
Une tentative de bilan
Alors que la Grande-Bretagne cherche à se définir dans un cadre post-Union européenne (Brexit), le début du XXIe siècle a été marqué par des relations politico-militaires insatisfaisantes, qui influencent les questionnements sur l’utilité du militaire et la manière dont la force armée pourrait être employée à l’avenir. Ainsi, les engagements successifs en Irak en 2003, puis en Afghanistan (Helmand), en Libye et en Syrie ont porté préjudice aux forces armées. Les opérations, il est vrai, sont rarement parfaites et les processus décisionnels doivent continuer à tirer parti de la souplesse britannique. Le vrai problème est le manque de profondeur stratégique dans les analyses et les décisions, trop souvent sacrifiée au profit des considérations de politique intérieure. Cette hiérarchie des priorités conduit à une forme d’improvisation et à des processus flous en termes de responsabilité. L’ensemble remet en question l’exercice de la « prérogative royale » en matière de conduite des opérations et conduit à un manque de compréhension mutuelle entre les « Frocks » et les « Brass » du début du XXIe siècle.
L’Irak et l’Afghanistan en sont venus à représenter un traumatisme politique à tous les niveaux de la société pour la Grande-Bretagne et risquent de transformer une Nation interventionniste en une Nation isolationniste, conduisant à une perte d’intérêt pour l’instrument militaire, désormais perçu comme manquant de pertinence. Cela reviendrait à mal comprendre la nature unique des armées, des menaces et des risques. Il apparaît donc nécessaire, voire primordial, d’accorder, au sein du gouvernement, plus d’attention aux relations politico-militaires à travers la Fusion Doctrine. Sans vouloir aller jusqu’à renverser la célèbre formule de Clemenceau en affirmant que « la guerre est trop importante pour être laissée aux hommes politiques (et aux fonctionnaires) », l’amélioration de l’approche stratégique britannique passe par une présence militaire parmi les « SRO ». Cette amélioration s’obtiendra également accordant davantage de poids à la partie militaire au sein du Secrétariat de la sécurité nationale (NSS) (68). Enfin, ce dernier devrait être élargi pour devenir l’état-major interministériel de la Nation soutenant le conseil de sécurité nationale dans une ère géostratégique de concurrence constante.
Éléments de bibliographie
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(1) Dans The Lesson (www.poetryloverspage.com/poets/kipling/lesson.html), Rudyard Kipling, le chantre de l’impérialisme britannique à propos de la seconde guerre des Boers (1899-1902) au cours de laquelle les Britanniques se virent initialement infliger de sévères défaites. Ce jugement peut également faire écho au bilan des guerres des années 2000 dont les résultats furent loin des succès attendus.
(2) Dannatt Richard, Boots on the Ground: Britain and Her Army Since 1945, Profile Books, 2016, p. 271. Ce constat ne manque pas d’une forme d’ironie car le niveau des pertes fut beaucoup plus élevé en Afghanistan, mais il semble que l’Irak ait pris la place de la Somme [en 1916, cette bataille fit 213 000 blessés et 206 000 morts ou disparus chez les Britanniques] dans la mémoire collective nationale, où l’Afghanistan est un Passchendaele contemporain [cette 3e bataille de Ypres fit en 3 mois de 1917 plus de 200 000 pertes chez les Britanniques].
(3) L’examen intégré de la défense et de la sécurité (revue stratégique interministérielle).
(4) Le 5 mars 2020 le ministre de la Défense a présidé une conférence intitulée « Évaluer la contribution de la défense à l’économie britannique. ».
(5) Une approche maritime qui accorde aux Britanniques une liberté de manœuvre pour agir avec des forces minimales contre les points stratégiques. L’armée de terre britannique fut la plupart du temps d’une taille modeste mais professionnelle.
(6) Strachan Hew, Politics of the British Army, Oxford, 1997, p. 4.
(7) Ibid, p. 7.
(8) Le terme de « frocks » désigne traditionnellement les hommes politiques, du fait de leurs longs manteaux, tandis que les autorités militaires sont appelées « brass » en raison des broderies d’or qui ornent leur casquette.
(9) Strachan Hew, op. cit., p. 69.
(10) Ibid., p. 131.
(11) Richards David, Taking Command: The Autobiography, Headline, 2014, p. 315.
(12) Waal (de) James, Depending on the Right People, Chatham House, 2013, p. 29.
(13) Strachan Hew, op. cit., p. 266.
(14) Avant la création du ministère de la Défense en 1964, les trois armées dépendaient chacune d’un ministre distinct ; la référence au ministre de la Guerre ne s’applique donc qu’à l’Army (armée de terre). La Royal Navy était sous l’autorité du Premier Lord de l’Amirauté et, après sa création en 1918, la Royal Air Force (RAF) était subordonnée au ministre de l’Air.
(15) Strachan Hew, op. cit., p. 121.
(16) Ibid., p. 68.
(17) Chief of the Imperial General Staff (CIGS), le general Sir William Robertson fur le premier CGS « moderne » de 1916 à 1918.
(18) L’adjectif « militaire » fait ici référence à la seule armée de terre. Le seul conseiller en matière navale était naturellement le First Sea Lord.
(19) Haldane, à la tête du War Office entre 1907 et 1912, et Haig (Director, Army Staff Duties) sont considérés comme un exemple parfait de partenariat entre le politique et le militaire. Ensemble, ils ont préparé la création du futur corps expéditionnaire britannique déployé sur le continent à partir d’août 1914.
(20) Cohen Eliot, Supreme Command: Soldiers, Statesmen, and Leadership in Wartime, Anchor, 2003, p. 114.
(21) Ibid., p. 114. Churchill poussa des innovations comme le déchiffrement du système Enigma, les chars, le système des convois dans l’Atlantique, le développement de commandos, le Special Operations Executive (SOE)… Mais ce génie a dû être équilibré compte tenu de son manque de discernement stratégique : les Dardanelles, la Norvège, la Grèce constituèrent autant d’échecs douloureux.
(22) Ibid., p. 11.
(23) Le Céma est responsable du budget pour les capacités (Programme 146), mais également pour la préparation et l’emploi des forces (Programme 178).
(24) L’équivalent du Secrétaire général pour l’administration (SGA) en France.
(25) Levene (Lord), Defence Reform; An independent report into the structure and management of the Ministry of Defence, Ministry of Defence, 2011, 82 pages (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(26) Le Conseil de défense britannique comprend le ministre, le CDS (Céma), le VCDS (équivalent du Major général des armées – MGA), le PS et le directeur du budget.
(27) Levene (Lord), op. cit., p. 24.
(28) Le Commander of Strategic Command est placé au niveau des chefs d’état-major d’armée.
(29) Levene (Lord), op. cit., p. 36.
(30) Bailey Jonathan, Iron Richard et Strachan Hew (dir.), British Generals in Blair’s Wars, Routledge, 2013, p. 20.
(31) Projeté sur place pour mener une évacuation des ressortissants, le général de brigade Richards a pris la décision de renforcer l’autorité du gouvernement du Sierra Leone et, par la suite, il a évité une évacuation.
(32) « Without official sanction from London, Richards protected the capital Freetown from rebel attacks and prevented it from falling. In so doing, he made a remarkable unilateral decision to go beyond his mandate in order to save a civilian population from the overwhelming likelihood of an all-out slaughter ». Giovanni (di) Janine, « Sierra Leone, 2000: A Case History in Successful Interventionism », The New-York Review of Books, 7 juin 2019 (http://www.nybooks.com/daily/2019/06/07/sierra-leone-2000-a-case-history-in-successful-interventionism/).
(33) Strachan Hew, The Direction of War: Contemporary Strategy in Historical Perspective, Cambridge, 2013, p. 65.
(34) Dannatt Richard, op. cit., p. 276 et p. 313.
(35) Le rapport Chilcot – du nom de son président, un ancien haut-fonctionnaire – fut le résultat d’une enquête officielle lancée en 2009 à la demande du gouvernement de Gordon Brown.
(36) Chilcot John, The Iraq Inquiry, 2016, p. 121. L’auteur affirme qu’une projection terrestre conséquente avait pour but d’accroître l’influence britannique au sein de la coalition, tandis que James de Waal (op. cit.) met en avant la volonté de ne pas exclure l’armée de terre.
(37) Waal (de) James, op. cit., p. 6.
(38) Dannatt Richard, op. cit., p. 295 et Chilcot John, op. cit., p. 124.
(39) Richards David, Taking Command, Headline, 2014, p. 185. Le parallèle avec la Grande Guerre est frappant. En 1915, le Royaume-Uni se battait sur deux fronts (Flandres et Gallipoli), alors qu’il ne disposait des ressources pour armer qu’un seul théâtre.
(40) Présidé par le Premier ministre, regroupant le National Security Advisor, le Cabinet Security et tous ministres concernés par les sujets du jour. Le CDS et les chefs des services de renseignement sont normalement présents, mais ils ne sont pas membres du NSC.
(41) HM Government, National Security Strategy and Strategic Defence and Security Review 2015: A Secure and Prosperous United Kingdom, novembre 2015, 94 pages (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(42) HM Government, National Security Capability Review, mars 2018, 49 pages (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(43) Jenkins Simon, « Our Leaders are hooked on the Narcotics of Glory », The Guardian, 14 septembre 2016.
(44) Dannatt Richard, op. cit., p. 231 ; Richards David, op. cit., p. 318 et Strachan Hew, Politics of the British Army, op. cit., p. 152.
(45) Dannatt Richard, op. cit., p. 343.
(46) House of Lords’ Constitution Committee 2nd report of session 2013-2014, Constitutional arrangements for the use of armed force.
(47) Waal (de) James, op. cit, p. 10. En 2006, les autorités militaires ont pris la décision de redéployer la 16e Brigade parachutiste vers le nord de la province du Helmand sans accord politique. Les conséquences de cette décision furent importantes car les pertes ont augmenté de façon significative. Une intervention supposée légère est devenue une opération de haute intensité dans une zone non stratégique, exigeant environ 40 000 hommes. À son apogée, l’opération britannique comptait 10 500 militaires déployés dont 456 sont morts et 6 663 ont été blessés dont 591 grièvement. (www.gov.uk/government/fields-of-operation/afghanistan et www.gov.uk/government/fields-of-operation/iraq).
(48) House of Commons’ Foreign Affairs committee, « Libya: Examination of Intervention and Collapse and the UK’s Future Policy Options », 6 septembre 2016, p. 11.
(49) House of Commons’ Public Administration and Constitutional Affairs Committee, Lessons still to be learned from the Chilcot Inquiry, 27 février 2017, p. 16 et p. 60 ; Richards David, op. cit., p. 338.
(50) Richards David, op. cit., p. 320.
(51) Sheffield Gary, A Short History of the First World War Army, Oneworld, 2014, p. 179.
(52) Levene (Lord), op. cit.
(53) Giraud Vincent, « Les relations politico-militaires britanniques et la malédiction de Huntington », un papier (non publié) du CHEM, 2015.
(54) Defence Committee Enquiry on Decision Making in Defence Policy, « Oral evidence of Sir Sherard Cowper-Coles », 16 décembre 2014 (http://data.parliament.uk/).
(55) Elliot Christopher, High Command: British Military Leadership in the Iraq and Afghanistan Wars, Hurst, 2015, p. 222.
(56) Dannatt Richard, Leading from the Front: the Autobiography, Banta Press, 2010, p. 354.
(57) Ministère du Développement international qui a pour but de coordonner l’aide britannique à l’étranger.
(58) McKeran William, « Fusion Doctrine: One Year On », RUSI, 8 mars 2019 (https://rusi.org/).
(59) Autorité responsable principale.
(60) National Security Secretariat (NSS).
(61) Ministry of Defence, The Good Operation, A Handbook for those Involved in Operational Policy and its Implementation, 2017, 62 pages (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(62) Ce guide précise l’importance d’une culture du challenge (p. 13), l’importance de respecter le processus de planification (p. 14), l’importance des objectifs politiques (p. 17), les preuves pour justifier l’action militaire (p. 22).
(63) Ministry of Defence, The Good Operation, op. cit, p. 38.
(64) Clark John, Left in the Dark. How a Lack of Understanding of National Power Generation threatens our Way of Life, Policy Exchange, 2019, p. 7.
(65) L’opération contre les Dardanelles était une tentative franco-britannique en 1915 de pénétrer dans la mer de Marmara et s’emparer de Constantinople avec pour but d’attaquer les Empires centraux par son (faible) partenaire turque. Pour faire passer la flotte par les détroits, une force débarqua sur la péninsule de Gallipoli en avril 1915. Pendant huit mois, elle ne réussit jamais à exploiter au-delà des têtes de pont. Kut était une garnison britannique en Mésopotamie qui fut contrainte à la reddition face aux Turcs en 1916, à cause d’une expédition de secours mal conçue, mal équipée, un relief difficile et une désorganisation logistique du port de Bassorah.
(66) Levene (Lord), op. cit.
(67) Richards David, op. cit., p. 271. Oliver Cromwell fut, entre 1646 et 1649, le commandant des forces parlementaires pendant la guerre civile avant de devenir « Lord protecteur » de la République entre 1649 et 1658. À ce titre, il disposa d’un pouvoir absolu.
(68) La crise sanitaire actuelle a souligné le rôle crucial tenu au Royaume-Uni par les cadres militaires détachés auprès des autres ministères dans la structuration de leur planification pour affronter la situation ; et donc l’aptitude des officiers à être employés au-delà de leur domaine de référence.