Un engagement fort de sens
L’engagement dans l’action est intrinsèquement fort de sens. Il est le fruit d’une volonté, d’une éducation et de valeurs profondément ancrées, mais il demande à se nourrir constamment d’une réflexion toujours vive, perspicace et essentielle.
Importance des valeurs tout d’abord qui guident et donnent du sens à l’action militaire : le colonel Gabriel Bonnet l’exprimait déjà en 1957 dans un texte : « L’Officier, “chef de jeunesse” ».
Guillaume Fayein et Pascal Forissier reprennent aujourd’hui ce même thème de façon plus large dans « Valeurs et formation des décideurs », en mettant au cœur des enjeux de gouvernance la question des valeurs. De l’éducation à l’éthique dans le service public, aucune institution ne peut se dire « nationale » sans disposer de valeurs reconnues au niveau de la nation. Ces valeurs, de provenance parfois diverses, se diffusent par osmose au sein de la société. S’il était possible d’en identifier un fonds permanent national, il comporterait certainement les valeurs de don de soi et d’engagement, liées au choix de se mettre au service des autres.
Avec la complexification des actions militaires, notamment du fait d’un encadrement juridique toujours plus strict, comment retrouver le sens de son action, de son devoir ? « ROE et tactique : l’honneur au secours de la complexité » du général Yakovleff nous renvoie à la notion d’honneur. « C’est en élevant le débat au-dessus du niveau juridique, en le plaçant au niveau moral, que le soldat trouvera un sens à son action, y compris dans les limitations. Les anciens, qui se souciaient moins de réglementer que nous, avaient créé un concept englobant, justifiant à la fois l’emploi raisonné de la force et ses limites : l’honneur militaire ».
Entretenir ces valeurs qui guident l’action au service de la Nation exige un travail de réflexion et d’adaptation à ce monde qui évolue. Qui pense l’action dans le domaine militaire ? Avant tout le stratège, dont Laurent Henninger dans « Le socle intellectuel du stratège » regrette, en ces temps d’anti-intellectualisme, la disparition. « Le stratège est d’abord et avant tout un politique, au sens le plus noble de ce mot » qui « doit vaincre une entité qui réfléchit… contre lui. » Ce texte met en garde contre le simplisme et l’autisme stratégique qui refusent de voir le monde dans sa complexité et dans sa réalité.
Pour Pierre Hassner, dans « Considérations sur l’incertitude », cette complexité est avant tout le fruit d’une montée en puissance de « l’incertitude stratégique [qui] tient pour une grande part à la crise politique ».
« Penser l’ennemi », article au titre évocateur du général Emmanuel de Romémont, rappelle que l’identification de l’ennemi est une tâche que doit assumer la Nation tout entière. Lorsqu’elle se trouve dans des temps troublés, le lien Armée-Nation doit être plus fort que jamais : « il appartient à l’État et à la société de se faire pleinement stratèges ».
Pourtant, le lien Armée-Nation ne doit pas conduire à une assimilation générale. Bernard Pêcheur, Rémy Heitz et l’amiral Pierre Vandier en débattent dans « Le militaire, travailleur, justiciable, citoyen comme les autres ? ». ♦