Faire la guerre
« Ainsi, d’un côté, il est très difficile, dans les siècles démocratiques, d’entraîner les peuples à se combattre ; mais, d’une autre part, il est presque impossible que deux d’entre eux se fassent isolément la guerre. Les intérêts de tous sont si enlacés, leurs opinions et leurs besoins si semblables, qu’aucun ne saurait se tenir en repos quand les autres s’agitent. Les guerres deviennent donc plus rares ; mais, lorsqu’elles naissent, elles ont un champ plus vaste » (1). La guerre de haute intensité serait-elle un horizon inévitable ?
L’articulation de la mise en œuvre nouvelle de la pratique de la guerre avec les lois internationales, implique aussi la participation d’acteurs étatiques peu soucieux des considérations juridiques, par le biais d’intermédiaires (proxies) et de mercenaires, notion qui n’a rien de nouvelle. Le cosaque, les partisans, les francs-tireurs, sont des formes de combattants émergeant par-delà la figure du soldat en armes, qui se voient réactualisées par des caractérisations nouvelles. Nombre de formes d’acteurs et de praticiens de la guerre semblent ainsi ne pas avoir été bouleversées dans leur nature mouvante et sanglante depuis des siècles.
Le déni de la vie, du respect des lois de la guerre et de celui dû aux civils lance une transgression intolérable à notre ensemble de normes et de conceptions morales occidentales. Là où l’honneur et les rites de reddition – ce qui ne signifie pas pour autant une guerre « propre » (2) – pouvaient autrefois constituer une forme de respect du vaincu, garantissant que ce dernier ne nourrissait pas le sillon d’une guerre prochaine, ils ne sont en aucun cas observables sur les vaincus que sont les civils dans les théâtres d’opérations actuels. C’est dans cette logique que la force militaire interventionniste a comme fonction vitale l’inclusion de toutes les communautés.
Pour autant, ce sont ces normes et codifications qui régissent l’action de nos troupes. La déshumanisation de l’ennemi ne doit pas être un début de réponse en tant qu’arme efficace. Lui refuser sa légitimité et l’existence d’un but dans son action, c’est omettre de comprendre ses modes de fonctionnement et ses revendications, politiques comme militaires. La nécessité pour la nation de considérer une guerre comme juste et légitime est centrale pour le soutien des forces, des femmes et des hommes qui défendent un « vaincu » incapable de pouvoir se défendre seul.
Entre la multiplication des tensions et les risques d’affrontement interétatiques, l’affaiblissement du droit et des instances multilatérales ou encore l’attitude décomplexée de gouvernements autoritaires, l’environnement international accuse une dégradation rapide et prononcée depuis une décennie. La compétition stratégique interétatique s’impose désormais comme le principal enjeu sur la scène internationale, renvoyant progressivement le terrorisme au second plan, d’autant plus face à la crise sanitaire actuelle de la Covid-19, mêlant rivalités diplomatiques et compétition technologique sur fond de pandémie. Phénomène poussant les États à raffermir leurs positions et prôner un protectionnisme bien logique.
L’analyse du fait guerrier contemporain force au constat d’une complexification des dynamiques conflictuelles, à la fois par la multiplication des théâtres d’affrontement et la diversification des acteurs engagés. Les conflits voient ainsi un enchevêtrement des domaines stratégiques conventionnels aux nouveaux supports de conflictualités, à l’instar des combats menés dans le Haut-Karabagh voyant l’intégration de capacités non-conventionnelles au domaine conventionnel. Finalement, l’établissement de lectures duales – donc dichotomiques – entre conflits réguliers ou irréguliers, basse ou haute intensité ou, similairement, acteurs étatiques ou non-étatiques, rend plus difficile la compréhension des conflits contemporains.
Conjointement aux transformations des formes contemporaines de conflictualités, à la multiplication des lignes d’affrontement et au retour de la compétition stratégique interétatique, la dernière décennie est marquée par une augmentation sans précédent des dépenses militaires. À la fois cause et conséquence du désordre international croissant, ce réarmement s’effectue de manière globale et sans distinction dans les phases de production, d’acquisition et d’exportation militaro-technologiques. Enfin, la stratégie française se heurte à la question de la soutenabilité du statut et des actions de la France au regard des moyens limités. Ainsi, l’ambition du statut de puissance influente sur l’ensemble de l’éventail international et le refus du déclassement stratégique sont contredits par ces problématiques. Ne pas pouvoir « faire » seul implique seulement de le faire collégialement, mais ne bride en rien.
Enfin, l’ensemble de ces réflexions nous amènera alors à s’interroger sur la façon et les moyens avec lesquels l’armée française évolue dans son rapport au reste du monde. À ce titre, l’opération Hamilton permet non seulement la lecture de nombreuses dynamiques à l’œuvre dans la guerre contemporaine, tant des aspects politiques, opérationnels que tactiques, mais apporte également des clefs de compréhension sur les évolutions à venir de court et moyen termes.
Les enjeux et finalités de la guerre en 2021 : la singularité stratégique française au sein de l’environnement de défense européen et international
La stratégie intégrale française
Là où auparavant, l’irruption d’une guerre totale était nécessaire pour que le politique unifie les stratégies générales afin de soutenir le militaire vers la victoire, l’union de ces stratégies est désormais permanente, puisque l’on ne distingue plus la guerre de la paix. La conflictualité a dès lors débordé en dehors du cadre de la guerre et a fait de la réalité une situation de crise constante n’impliquant pas toujours de violences physiques (armées). Désormais, la militarisation s’applique également au temps de paix à travers une coexistence conflictuelle perpétuelle. La pondération de l’application de la violence n’existant plus chez certains États, le durcissement caractérise la situation actuelle. La France a ainsi dû adapter sa stratégie à ce changement de paradigme, tout en évoluant avec la conjoncture internationale.
Le général Lucien Poirier le préconisait ainsi dans son ouvrage en trois tomes Stratégie théorique. Celle-ci est élaborée pour se placer au service des objectifs politiques et rassemble trois stratégies générales que sont les stratégies militaires, économiques et culturelles. Elles combinent « leurs buts, leurs voies et leurs moyens » (3) pour atteindre le projet politique, perçu comme la « transcription de l’idéologie en actes » (4) et qui vise à contrer les projets adverses. Mais quel est le projet de la France aujourd’hui ?
La France développe et applique sa stratégie intégrale dans trois directions. La protection du sanctuaire, la consolidation de la relation avec les alliés de la France en Europe et enfin l’affirmation de la puissance française et de ses intérêts dans le monde (5). D’une part, l’objectif principal du politique que cette stratégie entend atteindre est celui de l’affirmation de sa puissance par la protection de son sanctuaire. D’autre part, la recherche de son autonomie stratégique et de son indépendance intellectuelle, qui repose en partie sur sa dissuasion nucléaire, est essentielle.
Multilatéralisme et défense des valeurs démocratiques
Puissance d’équilibre engagée au service de la paix et de la sécurité internationale, la France s’exprime à l’échelle internationale au sein des organisations multilatérales (6) qui participent pleinement à la stratégie d’engagement libérale. En favorisant l’engagement collectif, à l’image de la mobilisation de forces spéciales européennes dans le cadre de la Task Force Takuba, la France réaffirme ainsi son attachement aux principes multilatéraux en dépit même de l’érosion notable de ces derniers. Ainsi, l’Otan est décrite comme institution « essentielle à la sécurité de la France » (7) et l’Union européenne a « vocation à devenir cadre de référence […] pour mettre en œuvre une approche globale des crises » (8) par la « convergence des Européens autour d’intérêts communs de défense et de sécurité » (9).
La France, en tant que septième puissance militaire du monde (10), détentrice de l’arme atomique, a les moyens de faire, de faire faire, d’empêcher de faire et de refuser de faire afin de protéger ses intérêts (11). En attestent ses 120 opérations extérieures (Opex) effectuées depuis 1963 sur près de 17 théâtres différents (12). Par les opérations Pamir et Héraclès en Afghanistan entre 2001 et 2014, et plus récemment Barkhane qui a pris la suite de Serval et d’Épervier dans la Bande sahélo-saharienne (BSS) depuis 2014, la France démontre sa capacité à « faire ». Sur treize ans de guerre en Afghanistan, elle a déployé en tout près de 70 000 soldats (13) avec au plus fort de la mobilisation en 2010, 4 000 engagés. Il en va de même pour les frappes tactiques en BSS qui visent à déstabiliser ou décapiter les Groupes armés terroristes (GAT) en détruisant leurs emprises territoriales. La lutte antiterroriste doit-elle être de facto considérée comme envisageable au long terme ?
Alors que la situation française semble irrésistiblement osciller entre opération de maintien de la paix et lutte contre le terrorisme depuis 2001, le bilan apparaît contrasté sur la plupart des théâtres d’intervention. En plus des problématiques liées à la non-résolution voire l’enlisement des situations conflictuelles, désormais qualifiées de « crises enkystées » (14) – vocable révélateur d’un certain malaise dialectique – le bien-fondé des interventions militaires françaises est interrogé. Le bilan et la soutenabilité des actions amènent ainsi au débat fondamental sur le mode d’action stratégique, hésitant entre des engagements de longs termes à dominante civile ou des interventions militaires ponctuelles.
Par-delà la vision et les instruments de la stratégie française, son application n’est pas concevable sans légitimité. La politique de défense française trouve l’approbation de l’opinion publique (15). À cette légitimité interne s’ajoute également la quête de crédibilité internationale, auprès des autorités politiques comme des populations locales dans les pays d’intervention. La décision d’intervention au Mali en 2013 est, à ce titre, doublement soutenue par la demande officielle du gouvernement malien puis par la résolution 2085 du Conseil de sécurité. L’engagement en coalition s’accompagne d’une crédibilité proportionnelle à la composition de cette dernière. Comme le rappelle le général (2S) Castres, « en termes de légitimité, le nombre de drapeaux importe plus que le nombre de soldats » (16).
Sur les théâtres d’opérations, cette légitimité s’observe par la traduction des obligations du droit international de l’action des armées françaises avec les obligations du droit international, consubstantielle à l’affirmation de son statut de puissance au sein du système international contemporain (17). De l’application stricte des règles du droit des conflits armés par les militaires (18), à l’assistance apportée par les conseillers juridiques (ou LEGAD) dans la planification et la conduite des opérations sur les théâtres extérieurs, l’usage de la force armée s’effectue ainsi dans un cadre précis. L’encadrement de l’exercice de la force permet à la fois d’assurer une protection à l’égard des militaires et des populations civiles (19), de faciliter la sortie de crise et, enfin, de réaffirmer l’éthique et le respect normatif propres à la France. Comme le soulignait en 2015 le général de Villiers, alors Chef d’état-major des armées (Céma), si l’irruption de phénomènes tels que le terrorisme sur les théâtres d’opérations marque par leur brutalité, il convient de se « garder de tomber dans un mimétisme où nous perdrions notre légitimité » (20).
De plus, à travers ses interventions extérieures et ses exercices qui servent de vitrines aux engins français – à l’image de la mission Skyros (21) – la France démontre qu’elle dispose aussi bien de moyens de qualité que d’une capacité de projection vite et loin de ses forces aériennes et terrestres, tout comme d’une permanence de ses forces maritimes. En outre, elle dispose également d’une capacité de dissuasion aussi bien aéroportée que maritime, qui sert sa stratégie déclaratoire et lui permet de « refuser de faire », en lui octroyant une autonomie stratégique. Avec ses Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et ses Rafale capables d’emporter l’arme nucléaire, la France envoie ainsi le message à ses alliés comme à ses « ennemis potentiels » qu’elle peut faire, faire faire, empêcher de faire et refuser de faire.
L’environnement de défense européen et international : vers un retour de la compétition stratégique
Alors que les décennies précédentes offraient d’importantes perspectives en matière de coopération et de gouvernance au sein de l’environnement de défense international, les récentes évolutions observées constituent une mise à l’épreuve de l’ordre multilatéral et des partenaires traditionnels.
Les partenaires à l’épreuve de la décennie 2020
La France soutient le renforcement de la coopération européenne en matière de défense, qui doit prendre différentes formes (coopération bilatérale et multilatérale entre les États européens, l’UE et l’Otan).
Pour les Européens, un multilatéralisme repensé, au service de la sécurité collective, conforme à leurs principes fondateurs, doit articuler deux exigences : d’une part, la promotion d’un agenda international renouvelé pour la maîtrise des armements et d’autre part, d’un réel investissement européen en matière de défense (22). Les États européens font face à des crises et des menaces de genre nouveau dans la décennie à venir (23).
Pour faire face à toutes ces menaces, l’Europe doit repenser sa défense et renforcer ses coopérations bilatérales (comme euro-britannique, – « l’Angleterre hors-UE a toujours joué un rôle de gardien d’équilibre de puissances européen » (24)) et multilatérales (l’Otan, qui vit ces dernières années une crise multidimensionnelle : par une divergence d’intérêts et de vision stratégique entre ses membres et le Conseil de sécurité de l’ONU). Pourquoi ne pas construire une Europe de la défense et retrouver son autonomie stratégique (25), ainsi bâtir une culture stratégique commune pour tous les pays européens (26). Une réflexion centrale est à avoir sur le partage capacitaire pour la France, qui conserve des dynamiques de défense transnationales, prises en compte dans un modèle d’armée complet, secondé par ses partenaires.
Dans la perspective de l’Europe (27) de demain, les normes ne peuvent être sous contrôle américain, les infrastructures, ports et aéroports sous capitaux chinois et les réseaux numériques sous pression russe. Pour quel idéal de défense ?
L’Europe de la défense efficace devra disposer d’une stratégie, d’une base juridique et d’un budget. Une politique de défense et de sécurité commune existe, non pas une armée ou un organe de commandement commun permanent, malgré les tentatives répétées de coopération militaire permanente (28). Trois initiatives pour bâtir l’Europe de la défense (29) – l’Initiative européenne d’intervention (IEI), la Coopération structurée permanente (CSP) et le Fonds européen de défense (FED) –, y participent. Bien qu’il existe plusieurs projets pour consolider les relations entre Européens au niveau de la défense et de la stratégie afin de défendre leurs intérêts, tout cela reste actuellement chimérique. Croire en une prétendue souveraineté dans le Rafale, plutôt que dans des projets tels que le Scaf (Système de combat aérien du futur – projet franco-germano-espagnol) ou le MGCS (Système de combat terrestre principal – franco-allemand, voire britannique) qui ne contraignent pas à la rentabilité et à l’exportation mais contribuent à l’effort militaire commun, semble être un prisme de réflexion à revoir pour la France. De même que pour ses partenaires dans leurs considérations respectives ; n’apparaissant pas davantage être des parangons de coopération européenne.
Concurrents et partenaires circonstanciels
La France a tenté de lancer un débat auprès de ses partenaires européens sur la place de sa politique de dissuasion nucléaire sur le Vieux Continent. Cela s’est principalement traduit par des tentatives de jonction entre les notions de sécurité européenne et d’intérêts vitaux de la France. Cette volonté et cette capacité renforcent l’UE comme l’Otan (30). De même, on remarque que, dans le cadre du suivi des déclarations communes de 2016 et 2018, de l’Union européenne et de l’Otan, la coopération entre eux n’a cessé de s’accroître, ce qui a permis d’assurer un niveau élevé de complémentarité entre les initiatives proposées par ces organisations, ainsi que leur renforcement mutuel.
La période post-Covid est une période de mutation et d’incertitude stratégique à tous les niveaux, parallèle à un remaniement de la scène politique au sein de plusieurs pays (31). Ces changements provoquent un recul de chaque État sous une forme de protectionnisme plus ou moins prononcé.
Une contestation extra-européenne freinant les processus en cours
Les États-Unis eux-mêmes recourent à l’action unilatérale. Washington peut se montrer réticent à ratifier des accords limitant sa souveraineté (Statut de Rome de la Cour pénale internationale [CPI], Traité d’interdiction complète des essais nucléaires [Ticen]) et se réserve la possibilité de révoquer tout engagement jugé contraignant et « injuste » (Accords de Paris sur le climat de 2016) ou de donner à sa propre législation une portée extraterritoriale. Preuve en est, les États-Unis diminuent les ressources allouées aux instances multilatérales.
La Russie mène un travail de contestation ou de blocage des institutions et instruments internationaux, et met en place, lorsque ses intérêts sont en jeu, des instances régionales alternatives. Mais que sera la Russie post-Poutine de 2024, et comment les Russes et les Européens vont-ils gérer cette période transitoire ? Quelle sera la vision de la nouvelle Russie vis-à-vis de la région Eurasie et de son système international ?
La Chine de Xi Jinping fait le choix, dans son voisinage, d’une posture privilégiant l’influence économique et les
rapports bilatéraux, une expansion économique, commerciale régionale et internationale au détriment des autres puissances, ce qui déstabilise l’ordre établi, surtout par ses ambitions d’hégémonie et sa stratégie « One Belt, One Road » (OBOR), menaçant directement les intérêts occidentaux, que ce soit en Asie Pacifique (le développement de sa flotte maritime et son expansion maritime en mer de Chine) ou sur le continent européen (la route de la soie).
Le cas de la Turquie de Recep Erdogan est complètement différent, comme allié aussi embarrassant qu’indispensable. En jouant plusieurs rôles au niveau régional et surtout à l’ouest de la Méditerranée, elle adopte une position duale : elle demeure un partenaire militaire des Européens comme membre de l’Otan, de même que leur ennemi (coopération avec les troupes russes au nord de la Syrie, soutien des militants pro-turcs et opérations militaires contre les Kurdes).
Le fait guerrier moderne : multiplication des conflits et tensions, complexification des fronts de guerre et insaisissabilité des acteurs
Entre combats de haute intensité et conflictualités silencieuses
« La guerre est le domaine de l’incertitude ; les trois-quarts des éléments sur lesquels se fonde l’action restent dans les brumes d’une incertitude plus ou moins grande. Plus qu’en n’importe quel domaine, il faut qu’une intelligence subtile et pénétrante sache y discerner et apprécier d’instinct la vérité. » Par cette formule, Clausewitz, dans Vom Kriege, peignait l’asphyxiant brouillard de guerre auquel se confronte tout décideur. La nature de celle-ci ne cesse d’évoluer et les définitions historiques des termes qui lui sont associés deviennent de plus en plus floues. Réaliser une typologie des conflits s’avère donc périlleux, puisque les frontières entre les notions de conflits réguliers et irréguliers, conventionnels et non-conventionnels, et donc de basse et de haute intensité, sont de plus en plus distendues.
Dans son analyse du terme de conflit irrégulier, Hervé Coutau-Bégarie démontre l’ambiguïté entre ce qui est régulier et ce qui ne l’est pas (32). Il faut évaluer l’impact stratégique et comprendre que ces deux catégories ont évolué historiquement quant à leur signification et à leur portée tant normative que stratégique. Le conflit irrégulier, sémantiquement, s’opposerait ainsi au conflit régulier, celui qui se trouve théoriquement encadré par des règles (strictes, juridiques et stratégiques), auxquelles les deux camps acceptent de se conformer. Dans le terme « irrégulier », l’on perçoit le jugement négatif réservé à l’autre, qui ne respecte pas les règles établies par la coutume et le droit. Puisque subjectif, le terme de guerre asymétrique, irrégulière, devient bien plus un pathos qu’une analyse stratégique pertinente. Face à des États occidentaux ayant atteint une supériorité technologique écrasante, l’impossibilité de riposter amène l’ennemi à repenser tactiques et stratégies.
Le risque d’un retour de la guerre interétatique, tel qu’évoqué par le général Thierry Burkhard (33) nous amène à questionner la signification de « conflictualité de haute et basse intensité ». Si la littérature stratégique abonde pour distinguer les conflits de « basse intensité » de la « vraie » guerre, les penseurs militaires restent très discrets sur la « haute intensité », ou HEM (34), et notamment la complexité à définir cette dite « intensité » (35). Que dire du concept d’hybridation des conflits ?
La guerre dite hybride, posant à celui qui la subit un dilemme d’interprétation, donc d’attribution et de réponse, est un concept discutable. Si on la définit comme étant un « conflit mêlant l’emploi de modes d’action conventionnels et non conventionnels, d’adversaires réguliers et irréguliers, et d’affrontements étendus aux champs immatériels » (36), il serait possible de considérer que basse intensité et haute intensité se croisent, dans la « haute intensité tactique », « opératique » et « stratégique », dans un multi-échelonnage complexe. La haute intensité n’est plus seulement un niveau de violence, mais une dynamique faite d’interactions violentes croissantes (37). Elle est aujourd’hui au centre d’un débat brûlant, contraire à la conception millénaire de la guerre, où l’action armée ne se limite plus au temps du conflit (38). Dans cette vision, l’irrégulier, l’exception, ne serait-il finalement pas aujourd’hui permanent ?
Les pratiques contemporaines de guerre asymétrique
Le terrorisme est un phénomène pluriséculaire (39), qualifié « d’actes maléfiques » par G.W. Bush à la suite des attentats du 11 septembre 2001 (40), fortement ancré dans les mémoires (à l’instar des « troubles » en Irlande du Nord (41)). C’est un mode d’action pouvant être utilisé par tous les courants idéologiques et par tous les acteurs, y compris les États, qui connaît aujourd’hui de fortes dynamiques transnationales (42). Le terrorisme n’est ni spécifiquement lié à la religion, ni le produit de la folie ou de la barbarie, concepts n’ayant que peu de valeur heuristique en études stratégiques. Enfin, le terrorisme se caractérise par ses cibles qui sont avant tout civiles, à l’inverse de la guérilla qui use de techniques similaires mais contre des cibles militaires. La visée de cibles civiles permettant en théorie de contraindre et d’amener à remplir un objectif politique (43).
Les différents combats modernes impliquent la venue dans le monde militaire de nouveaux acteurs, mais également le retour de formes passées de pratique de la guerre. C’est ainsi que le mercenariat fait son retour ces dernières décennies au travers des sociétés privées américaines comme Blackwater (Academi depuis 2011) ou russes comme Wagner (44). Ce dernier groupe (45), fondé en 2014 et présent en Ukraine, en Syrie, en Centrafrique, au Soudan, est à craindre en raison de sa décomplexion. Les rapports ambigus du groupe Wagner avec les Forces armées russes ne trompent personne, ses mercenaires ayant tout d’une force conventionnelle envoyée comme avant-garde (46) pavant la voie au reste des troupes en niant l’implication de Moscou, qui pratique le déni plausible (47). Si le mercenariat d’État était une forme ouverte et acceptée de pratique de la guerre dans le Grand Siècle (48), sa probable non-utilisation au sein d’armées démocratiques sera-t-elle une faiblesse ? Quelle place pour les acteurs non-étatiques ?
Le cyberespace et l’information deviennent, avec la montée en puissance des technologies de communication, des secteurs essentiels pour les armées à l’avenir (49). Le contrôle de l’espace cyber permet à tous les acteurs, quelle que soit leur taille, de menacer les fonctions vitales d’un État (50). Peut-on parler d’un pouvoir égalisateur de l’octet, comme celui permis par l’atome ? Qu’arriverait-il si un État ennemi, une organisation terroriste ou criminelle arrivait à mettre à l’arrêt le pays entier par une cyberattaque massive (51) ? Le Pearl-Harbor numérique, pensé depuis les années 1990 (52), est-il même possible ?
La question se pose notamment sur des conflits de long terme, demeurant difficiles à mener tant pour des raisons politiques que budgétaires et humaines, d’autant plus que les Opex semblent ne pas suivre des logiques élémentaires de compréhension de la situation. L’analyse, la mise en place d’objectifs clairs et de moyens en adéquation avec ces objectifs étant les trois éléments qui permettent d’éviter un enlisement (53).
La perspective d’un conflit de haute intensité nécessitant la conjugaison des efforts militaires français
L’Armée française au « front » : appréhension du feu, du moral et du champ de bataille
Les théâtres d’opérations du Mali et de Syrie-Irak possèdent des similarités (l’asymétrie du conflit et son irrégularité) et des singularités, notamment le combat en zone urbaine en Syrie, un front souvent aride et non-anthropisé en Irak ou au Mali. L’environnement différencié nécessite de repenser la logistique. L’historien Laurent Henninger (54) propose une théorie des espaces « lisses et fluides » distincts des espaces « striés et rugueux ». Stratégiquement, un espace lisse est un espace où la technologie permet une domination facile.
Fig. 1 - État-major des armées, carte des opérations et missions militaires, au 10 février 2021.
A contrario, les espaces striés, propres au combat terrestre, sont favorables à une guerre asymétrique : la haute technologie apporte un avantage comparatif ; toutefois, la détermination et la ruse de l’ennemi peuvent toujours utiliser les stries du terrain et celles du champ cognitif pour réduire cet avantage. Sur les divers théâtres, l’ennemi terroriste est passé maître dans l’art de « strier le lisse », nivelant le différentiel capacitaire. La possibilité de gagner une guerre est interrogée à l’aune des capacités irrégulières et hybrides auxquelles sont confrontées les armées de l’opération Chammal (55). La ville s’est imposée comme « l’ultime champ de bataille » (56). La compréhension permanente de la situation par les plus petits échelons tactiques est un paramètre clé, qui passe par les plateformes ISR (57) et les drones.
Dès lors est repensée la technique de l’engagement qui doit être, en priorité, fait au profit de l’échelon micro-tactique, devant être autonome, avec une capacité d’initiative et une polyvalence capacitaire, pour avoir un rôle décisif sur la victoire. À Tombouctou, le 14 avril 2018, le groupe de légionnaires du capitaine Ceri affronte des assaillants djihadistes : « À l’extérieur, le combat fait rage […] Djihadistes et légionnaires échangent des tirs à bout portant. Le groupe d’intervention, chargé de se porter en renfort aux endroits où le combat est le plus rude, arrive en véhicule blindé […] Une munition pénètre le blindage et frappe le radio-tireur […] il faut impérativement l’évacuer vers le médecin […] les tirs nourris continuent et blessent un autre légionnaire. Un groupe de quatre ou cinq combattants ennemis équipés de gilets-explosifs tentent une percée. » (58). Mais si la complexité de cet environnement de combat implique une vigilance accrue, l’armée française est poussée à opérer dans des environnements ouverts et sensiblement peu urbanisés au Mali. Le contexte guerrier actuel tend à nous faire « oublier certains aspects de la guerre » (59) : s’opposer à une possible supériorité aérienne adverse, combattre sous le feu d’une artillerie et le nombre important de camarades morts au combat. Sommes-nous prêts moralement à accepter une intensité inconnue depuis plus de vingt ans ?
Une préparation opérationnelle actualisée pour des conflits de demain amenés à changer
Des réformes sont engagées dans plusieurs domaines afin de répondre à ces défis : tant dans la doctrine, les organisations, les équipements que de la préparation opérationnelle. Les forces devront être « puissantes » car entraînées et adaptées aux nouvelles menaces, consacrant un modèle d’armée ductile. L’Armée de terre réformée verra ses effets physiques et immatériels conjugués, menant une guerre de terrain et de perceptions.
La préparation opérationnelle est ainsi repensée à l’aune des contraintes de l’engagement contemporain. On peut se référer par exemple à l’exercice multi-luttes Zest 2020 qui a eu lieu en Méditerranée. Il s’agit d’un exercice interarmées et interalliés, visant l’entraînement de toutes les unités de la Marine dans des domaines variés (lutte anti-surface, antiaérienne, menaces sous-marines, guerre des mines, défense cyber) (60). Une attention particulière est accordée au caractère réaliste des configurations de l’entraînement afin d’assurer le haut niveau d’entraînement des équipages, de préparer les unités au combat de haute intensité. Les pilotes français doivent cultiver des pratiques telles que l’appui-feu au sol, par le biais des JTAC (61), avec les troupes de l’Armée de terre.
Le caractère interarmées a pour but de développer l’interopérabilité, avec la mobilisation au cours de cet entraînement des unités de la Marine (forces de surface, aéronautique navale et commandos Marine), du 3e Régiment d’artillerie de Marine de l’Armée de terre ; et des avions de chasse Mirage 2000D et 2000C de Nancy et Orange, ainsi que la marine espagnole et l’armée de l’air italienne. Il s’agit de « créer un environnement d’entraînement réaliste et plus complexe » conformément aux exigences d’une marine de combat (62). Dans l’Armée de terre, le Commandement de l’entraînement et des écoles du combat interarmes (Com E2CIA) adapte en permanence l’offre d’entraînement des Centres d’entraînement spécialisés (CES). L’organisation d’un exercice majeur inédit depuis la guerre froide, de niveau division est prévue en 2023 (avec la mobilisation de 15 000 à 20 000 soldats), servant la communication stratégique et la dissuasion. De même, l’exercice Warfighter (63), rassemblant les armées franco-anglo-américaines, dessert ce même objectif.
Un cas concret d’adaptation tactique au combat : le système d’arme complet en environnement urbain
Parmi l’ensemble des évolutions observées, nous choisirons d’approfondir l’exemple de l’emploi requis d’un système d’arme complet (arme, munition, optique, optronique et calculateur), maîtrisé par un opérateur en mission. La technologie en combinaison avec la masse facilite l’occupation du terrain et bouscule le rapport de force bien qu’un matériel plus ancien puisse aussi être utilisé. La discrétion de l’opérateur lui permet de collecter des renseignements ciblés sans mobiliser un matériel conséquent. Le tireur d’élite en zone urbaine est une pièce maîtresse.
Les tireurs vont au-delà du kilomètre dans des environnements cloisonnés : face à ce constat, une montée en gamme de notre propre capacité a eu lieu dans le domaine du contre- sniping. Des travaux sous forme de « développement agile » entre experts de la capacité de tir de haute précision du 1er RPIMA (64) et fabricants de munitions ont permis l’optimisation d’autres calibres que le.50, dont le.408 Chey Tac. Les retours opérationnels militent pour une généralisation du réducteur de son (RDS) à l’ensemble des opérateurs (65). Le RDS accroît la discrétion de l’élément débarqué lors d’échanges de tirs. L’élément est moins localisable, surtout en milieu semi-ouvert, puisque la signature acoustique en est diminuée et la flamme en est réduite. La réduction de cette signature visuelle rend plus difficile la localisation des opérateurs par l’adversaire, augmentant ainsi leur survivabilité. Aussi, l’absence de nuisance sonore facilite la communication au sein du groupe, à la voix et radio, et permet surtout de mieux discriminer l’adversaire qui n’en utilise pas. De même, la spécificité de la zone (urbaine) implique que la détection et l’identification de l’ennemi soient parfois tardives, d’où la nécessité en cas de cible blindée d’un segment antimatériel à courte et moyenne distances (66). Les situations opérationnelles multiples et la technicisation de l’action militaire avec des contraintes normatives rendent complexe l’opérabilité optimale des forces. Vers quel modèle d’armée doit-on poursuivre ?
Vers un « modèle d’armée complet et équilibré » : un outil ductile en réponse à l’incertitude du contexte international et à l’effort de réarmement global
Effort de réarmement global et adaptation des armées nationales aux nouveaux enjeux : un développement généralisé des capacités de projection
Le 17 juin 2020, le général Thierry Burkhard, Cémat, juge que l’Europe « est cernée » par « la militarisation sans complexe du monde » (67). La tendance mondiale au cours des années 2010 est à l’augmentation des dépenses militaires, dépenses qui se sont particulièrement accélérées à partir de l’année 2018 (68). Au total, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 7,15 % au cours de la dernière décennie (69) : cela correspond à la perception d’un monde plus incertain.
Fig. 2 - Dépenses militaires mondiales, par région, SIPRI, avril 2020.
La tendance des 15 pays aux dépenses militaires les plus élevées était à la hausse entre 2010 et 2020. Les pays occidentaux étant déjà les mieux équipés, l’augmentation de leur puissance ne se fait qu’à la marge. Les cinq États les plus dépensiers étaient les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie ainsi que l’Arabie saoudite. Cela représente le plus haut niveau de dépenses depuis la crise financière de 2008 (70). Six des 15 pays les plus dépensiers entre 2010 et 2019 étaient membres de l’Otan (États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie et Canada), dépenses représentant un total de 929 Md$ en 2019. Le total des dépenses militaires des 29 membres de l’Otan était de 1 035 Md$ en 2019.
L’Asie-Pacifique, espace de convoitises et de concentration militaire
L’explosion du réarmement naval chinois
Les puissances de la région Asie-Pacifique demeurent conscientes des enjeux commerciaux que représente la région. La Chine a opéré une politique navale expansionniste qui suscite l’inquiétude chez ses voisins. Le budget militaire total de la Chine est estimé à 175 Md$ en 2019 (71), soit une augmentation de 6,6 à 8,1 % par an depuis 2016 (85 % entre 2010 et 2019 !). Cela représente 40 % du budget de la défense américain, surpassant sa marine en nombre de navires de guerre.
Au cours des dix dernières années, la marine de l’Armée populaire de libération (APL) aurait ainsi reçu 37 bâtiments de surface, notamment amphibies. La Chine ne dispose pas des capacités de projection américaines qui détiennent 11 porte-avions nucléaires, n’en possédant que deux à propulsion classique, tandis qu’un nucléaire est en construction. Les porte-hélicoptères, comme le récent Type 075 (72), complètent cette capacité de projection. Elle militarise aussi de manière conséquente ses garde-côtes (73) et développe de nouveaux chars ainsi qu’un bombardier stratégique d’un rayon d’action de 12 000 kilomètres, le Hong-20, preuve de la volonté de développement des capacités de projection et de frappe lointaines. La politique expansionniste chinoise oblige ainsi aux dépenses militaires en Asie et en Océanie.
La réponse défensive – timorée mais réelle – des voisins japonais, coréens, australiens et indiens
Preuve en est, le Japon cherche à renforcer et développer ses capacités de projection aériennes et maritimes dans un contexte de tensions autour des îles Diaoyutai/Senkaku (74). Ceci explique ses travaux de conversion des destroyers Izumo (75) afin qu’ils puissent accueillir les avions américains – assemblés au Japon (76) – Lockheed F-35 Lightning II à décollage vertical, permettent de contourner la Constitution japonaise héritée de la Seconde Guerre mondiale. Les dépenses militaires demeurent faibles en pourcentage de part du PIB (de 1,0 % à 0,9 % du PIB de 2010 à 2019) (77). Selon le Programme de défense à moyen terme (PDMT) couvrant la période 2019-2023, la JMSDF (force maritime d’autodéfense japonaise) doit recevoir 23 navires. Le nombre total de sous-marins doit être de 22 unités.
Les dépenses militaires de la Corée du Sud représentent une part de 2,7 % de son PIB en 2019 (contre 2,5 % en 2010). Pour exemple, le déploiement en 2017 du THAAD (Terminal High-Altitude Area Defense : système antimissile américain), est une réponse directe aux véhémences nord-coréennes – notamment de ses essais nucléaires – et ce, malgré la présence de bases navales américaines sur son sol. Cependant, ce dispositif anti-aérien entrave tout autant la Chine que la Corée du Nord, dualité confortant la posture défensive de Séoul (78).
La mer de Java et la mer de Chine méridionale étant des espaces de tension particulièrement importants, l’Indonésie cherche à développer ses capacités maritimes : en 2019, elle a dépensé 0,7 % de son PIB contre 0,6 % en 2010 dans la défense. Pour exemple, huit sous-marins doivent être opérationnels d’ici 2024. Trois sous-marins diesel-électriques de la nouvelle classe Nagapasa ont déjà été livrés, de 2017 à 2019, en complément de ses sous-marins de classe Chang Bogo allemands (79). Et ce, malgré la disparition récente du KRi Nanggala, le 21 avril 2021, de la classe vieillissante Cakra (mise en service en 1977).
L’Inde cherche à améliorer les capacités de déploiement de ses navires face au renforcement des capacités du Pakistan et la politique expansionniste chinoise. Ses dépenses militaires ont atteint 71,1 Md$ en 2018, soit une augmentation de 6,8 % sur un an (37 % sur dix ans). L’Inde ne dispose que d’un seul porte-avions opérationnel, l’INS Vikramaditya (45 500 tonnes, ex- Bakou soviétique, lancé en 1982, acheté en 2004 et entré en service en 2014) (80). Le porte-avions Vikrant (65 000 t, fabrication locale) ne devrait entrer en service qu’en 2023 après huit ans de retard (81).
Toujours dans la zone Asie-Océanie et face à la menace chinoise (82), l’Australie, qui consacre 1,9 % de son PIB à sa défense depuis 2010, dépensera 600 millions de dollars dans le développement de blindés – Hawkei et Bushmaster – et l’équipement en munitions sur dix ans, en coopération notamment avec Thales (83). La Royal Australian Navy est en cours de modernisation. Les nouveaux navires de patrouille australiens (classe Arafura et Cape) doivent être construits au cours de la décennie 2020. Le groupe français Naval Group a obtenu un contrat de vente (84) de sous-marins Shortfin Barracuda en avril 2019 pour 32 milliards d’euros afin de renouveler la flottille sous-marine australienne : les 6 bâtiments de la classe Collins de conception suédoise seront remplacés par 12 de la classe Attack dans les prochaines décennies.
La place de l’Otan dans le Pacifique
Les États-Unis sont la seule puissance dotée de capacités de projection mondiale massives, notamment en nombre de porte-avions opérationnels. Leurs dépenses militaires ont augmenté de 5,3 % en 2019, pour un total de 732 Md$ (3,4 % de son PIB contre 4,9 % en 2010) (85), soit 38 % du total des dépenses militaires mondiales et 70,72 % du total des dépenses militaires de l’Otan. Les États-Unis font toutefois face à plusieurs problèmes dans leurs forces aériennes. Le F-35 a subi plusieurs retards importants, à tel point que le Pentagone craint une rupture capacitaire. Les avions ravitailleurs Boeing KC-46A doivent eux aussi faire face à des retards importants, ce qui pourrait contraindre les États-Unis à annuler des opérations.
L’Europe centrale divisée accroissant des clivages historiques
La Russie, compétitrice historique de l’Otan et la Turquie, en voie de modernisation
En Europe, la Russie développe ses capacités maritimes. Les priorités navales de la Russie sont les suivantes : assurer la permanence de la dissuasion nucléaire, garantir et protéger l’accès des SNLE à la haute mer et sanctuariser leurs zones de déploiement (86), assurer la projection de puissance en profondeur et suivre l’activité des flottes de l’Otan, en particulier celles des groupes aéronavals américains. Enfin, la flotte maritime militaire de Russie doit verrouiller ses espaces côtiers par la mise en œuvre de capacités de déni d’accès et d’interdiction de zone (A2/AD) (87). La Russie est le 4e État qui a le plus dépensé au monde en 2019, avec une augmentation de 4,5 % pour atteindre 65,1 Md$, soit 3,9 % de son PIB contre 3,6 % en 2010 (88). Elle demeure cependant une marine à portée régionale. La Flotte de la mer Noire concentre les efforts de modernisation (89), ayant notamment reçu les nouvelles frégates de la classe Amiral Grigorovich. La stagnation économique russe limite cependant le développement capacitaire des autres flottes, mais aussi de ses moyens aériens et terrestres (90).
La Turquie a dépensé 20,4 Md$ en 2019 pour ses dépenses militaires en cherchant la masse plutôt que la supériorité technologique (91), bien que son budget représente 2,7 % de son PIB, contre 2,3 % en 2010 (92). La marine turque cherche à développer ses moyens de projection, notamment par l’intermédiaire du porte-aéronefs Anadolu (93), de conception espagnole et construit localement, qui doit être livré en 2021. L’ancienne Sublime Porte a cependant été retirée de la structure de production du F-35 (94) destinés à son porte-aéronefs, remettant nombre de données technologiques en perspective, et ne peut compter pour l’instant que sur ses propres F-16 et potentiellement des Su-57 russes (95). En Méditerranée, la question de l’approvisionnement en hydrocarbures ainsi que la manne liée à son exploitation et sa vente suscitent des tensions régionales importantes (96).
La réponse européenne et otanienne
Face aux manœuvres de la Turquie, la Grèce développe ses capacités militaires, en particulier ses moyens aériens. Son budget était de 5,47 Md$ en 2019 (2,6 % de son PIB contre 2,7 % en 2010 (97)), soit une baisse de 4,96 % par rapport à 2018. Son budget a toutefois augmenté en 2020, pour atteindre 6,6 Md$, signe d’un réarmement prégnant. De plus, le budget de la Grèce devrait augmenter de 57 % en 2021 (98).
Le Royaume-Uni base sa stratégie maritime sur le contrôle des mers, la manœuvre navale et la projection de puissance (99). Il a dépensé pour 48,7 Md$ en 2019 (1,7 % du PIB), soit une baisse importante depuis 2010 (alors 2,4 % du PIB) (100). Le gouvernement britannique a toutefois annoncé en 2020 une augmentation significative des dépenses militaires pour les quatre prochaines années (22 Md$ entre 2020 et 2024). La question de la fiabilité du F-35B comme avion embarqué demeure cependant une problématique centrale.
Le constat d’une période de renouvellement global des capacités militaires est clair au regard des efforts budgétaires évoqués. Toutefois, cela n’implique pas une forte augmentation des dépenses en termes de PIB depuis 2010, au vu de nombreuses baisses. Le discours est double : si le dilemme stratégique impose aux États de se réarmer face à leurs voisins, cette montée en puissance est aussi dialectique et fait de ces modernisations une rhétorique visant à raffermir son statut sur la scène internationale ou régionale. L’effort a été porté sur les forces maritimes, notamment depuis 2010. Elles conservent leur rôle grandissant de vecteur de projection des troupes, de maintien de la souveraineté sur les mers et de la dissuasion nucléaire.
L’Espace comme domaine stratégique et vecteur central de renseignement militaire
Les armées françaises doivent faire face à de nouvelles menaces notamment dans l’Espace et le cyberespace. C’est pourquoi elles doivent s’adapter à la fois structurellement et institutionnellement. Pour ce qui concerne la stratégie spatiale de défense, la LPM (2019-2025) prévoit de renouveler l’ensemble des capacités militaires spatiales existantes soit : CSO, Ceres, Syracuse. Le 3 septembre 2019 a été créé le Commandement de l’Espace, celui-ci a pour but de concentrer l’expertise spatiale : il « a donc pour mission de fédérer, coordonner et commander les moyens du spatial de défense, de conduire les opérations spatiales militaires sous l’autorité du [Céma] et du Centre de planification et de conduite des opérations [CPCO] », celui-ci « intègre depuis 2019 un « J-Espace », dont la fonction est d’intégrer la dimension spatiale à toutes nos opérations ».
Le Chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’Espace assure, quant à lui, le commandement organique. Il collaborera, par ailleurs, avec le Centre national d’études spatiales (Cnes), ce qui permettra une véritable synergie des moyens et des compétences entre les deux organismes. De surcroît, le programme ARES (Action et résilience spatiale), lancé en 2019, devra s’occuper de la surveillance de l’Espace mais aussi d’intervenir en cas de danger pour nos satellites. Enfin, les premiers éléments du laboratoire d’innovation spatial des armées viennent d’être mis en place en collaboration avec la Direction générale de l’armement (DGA) et le Cnes. Le général Lecointre, Céma, rappelle aussi l’importance du cyber où nos moyens de défense sont appelés à se développer, ainsi il convient de se doter de nouvelles capacités : moyens de lutte informatique défensive et offensive. Le budget cyber sera ainsi porté à 201 M€ en 2021.
Doter budgétairement, structurellement, matériellement et humainement la France
Depuis la fin de la guerre froide, les dépenses de la Défense en part du PIB ont régulièrement diminué. Si elles sont d’ailleurs passées sous la barre des 2 % du PIB depuis 2010, elles n’en ont pas moins continué à baisser jusqu’en 2015 où 1,79 % du PIB fut affecté au budget de la Défense. Néanmoins, depuis 2018, les dépenses de la Défense en part du PIB ont augmenté, les armées devant en effet mener une lutte de plus en plus vive.
La loi de programmation 2019-2025 a fixé comme objectif d’atteindre les 2 % du PIB affectés au budget de la Défense en 2025 soit environ 50 Md d’euros. Les crédits alloués à la Défense ont ainsi augmenté de 1,7 Md chaque année depuis 2019. Le budget de la Défense, s’il était de 32,2 Md en 2017, devrait s’établir à 39,2 Md en 2021. Il convient toutefois de nuancer l’augmentation de ces crédits. En effet, l’augmentation de l’année 2018 a permis d’absorber la régulation budgétaire du second semestre de 2017 (101). Il faut aussi rappeler que l’objectif est de 50 Md€ en 2025, soit une hausse moyenne de 2,3 Md€ par an. En réalité, 57 % de l’effort serait fourni sur les trois dernières années, les moins assurées, à l’augmentation de 1,7 Md par an, succéderait une augmentation de 3 Md en 2023. La soutenabilité de l’effort militaire a un coût croissant, demeurera-t-il supportable face aux nouveaux enjeux ?
La Base industrielle et technologique de défense (BITD) est très importante pour nos armées : en effet, elle assure l’autonomie stratégique de la France. Son niveau élevé de recherche et de développement assure aux armées françaises un haut niveau technologique. Il est donc important comme le rappelle la LPM (2019-2025) « de maintenir un haut niveau d’excellence mondiale des compétences accessibles ou maîtrisées par l’industrie française, afin d’être en mesure de développer de nouvelles technologies » (102). Pour préserver ce patrimoine technologique et industriel, le ministère des Armées renforce ses efforts afin de consolider « la culture d’innovation ». Si le soutien du ministère des Armées porte sur l’ensemble de la BITD, il bénéficie plus particulièrement aux start-up et PME, notamment à celles susceptibles d’apporter des technologies de rupture (103). Qu’en est-il de nos effectifs et de la soutenabilité humaine de l’effort militaire ?
Se doter humainement
« Le propre de la puissance est de protéger » disait Blaise Pascal dans ses Pensées, au sujet des militaires de son époque. Près de quatre siècles plus tard, des « sentinelles » patrouillent dans les rues des plus grandes villes françaises. Leur présence permanente, parfois renforcée, n’est pas sans remettre en question la notion de guerre pour l’opinion publique. Pour comprendre les enjeux de soutenabilité de la société française face au spectre d’une guerre de plus en plus proche, il faut avant tout s’intéresser à la médiatisation des opérations militaires.
Les principaux acteurs de ce traitement sont en premier lieu les responsables politiques. Viennent ensuite les chefs militaires et leurs communicants (104), chargés de rendre compte de l’efficacité des actions menées, ainsi qu’un aperçu de la réalité du théâtre d’opérations et de la vie des soldats. Il faut également noter une progression du traitement médiatique depuis les années 2010, dont la guerre en Afghanistan représente un véritable tournant (105). En effet, le sacrifice des soldats replace la guerre au cœur du quotidien des Français en raison des hommages nationaux successifs et forts.
La formation des officiers de demain
La dotation humaine de nos armées est un enjeu majeur pour l’institution militaire et un véritable défi, non pas de demain, mais bien actuel. Le projet des « ESCC 2030 », entend ainsi rénover et actualiser la formation des officiers de l’Armée de terre. L’objectif est d’en faire de vrais chefs, prêts à « affronter demain ce qui n’a jamais été », à l’aune de nouvelles menaces et face à des théâtres d’opérations diversifiés, pour leurs hommes et dans la société, à savoir : des hommes de leur temps. L’École des officiers continue donc à privilégier la cohésion, l’esprit de corps et la discipline. Il s’agit aussi de former ces jeunes chefs dans leur vocation, les préparer à l’exercice d’un métier bien singulier qui conditionne leur vie en la mettant en gage, et fait de leur mort une hypothèse de travail.
Si « la joie de l’âme est dans l’action », il faut aussi comprendre les actes découlant de la morale qui encadre cette action, leur exigence, et le caractère nécessaire à la prise de décision. C’est pourquoi Saint-Cyr, l’École navale et l’École de l’Air axent la formation des futurs officiers selon quatre défis : la combativité, l’intelligence, l’autorité et l’humanité. Ces axiomes sont aux fondements de l’exercice du commandement. Plus que cela, il s’agit de mettre de côté les cultures, parfois cloisonnées, de chaque armée, au profit d’un modèle d’armée unifié et complet. Il ne s’agit pas seulement d’insuffler une réforme académique à la formation des chefs de demain, mais de diversifier leur recrutement et leur formation en elle-même, tel que l’incarne le IVe Bataillon de la future Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, l’école des officiers sous contrat de l’Armée de terre. L’objectif est donc de taille : adapter continuellement la formation initiale des élèves-officiers pour les préparer à l’exercice de leurs futures responsabilités.
Le rapport des Français à l’armée est un sujet fondamental et mouvant. S’ils acceptent paradoxalement l’armée comme une force défensive du territoire national, ils appréhendent avec difficulté sa projection comme corps expéditionnaire. Cet aspect est central et fragilise nos armées dans la perspective de la haute intensité, d’une attrition et d’un effort que notre société ne comprendrait pas ou ne voudrait supporter. Mais comment préparer une société à une guerre dont elle n’a jamais eu à payer le prix ? L’opération Sentinelle, contre toute attente, n’a fait que renforcer la méconnaissance du monde militaire par les Français : la spécificité des soldats s’y efface au profit d’un outil de sécurité intérieur global, brouillant ainsi les frontières entre l’exercice de la force armée en elle-même et la sécurité intérieure. Ce standard d’exception devenue permanente doit-il être repensé dans sa forme actuelle ?
L’opération Barkhane, menée au Sahel et au Sahara depuis 2014, est désormais remise en question. Il faut également ajouter à une lassitude de cette opération et la méconnaissance du monde militaire par l’opinion publique, malgré de vastes opérations de communication (106). Enfin, le nombre important de morts au combat nécessite la préparation de l’opinion publique et invite à un questionnement plus général quant aux liens entre l’institution militaire, la société et les médias, ainsi que sa place dans l’espace public (107).
(1) Tocqueville (de) Alexis, De la démocratie en Amérique, tome II, partie 3, 1840.
(2) Vo-Ha Paul, Rendre les armes. Le sort des vaincus, XVIe-XVIIe siècles, Champ Vallon, 2017, 432 pages.
(3) Poirier Lucien. Stratégie théorique, Tome II, Économica, 1987.
(4) Ibid.
(5) Référence à la théorie des trois cercles de Lucien Poirier, ibid.
(6) Parmi ces organisations, on compte notamment l’Organisation des Nations unies (ONU) au sein de laquelle la France dispose d’un siège permanent au Conseil de sécurité, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan) ou encore l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE).
(7) Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2008, p. 99 (https://www.vie-publique.fr/).
(8) Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2013, p. 65 (http://www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr/).
(9) Actualisation stratégique 2021, p. 35 (https://www.defense.gouv.fr/).
(10) Global Fire Power (GFP), « 2021 Military Strength Ranking » (https://www.globalfirepower.com/countries-listing.asp). Le GFP met à disposition des chercheurs une collection de données analytiques des 140 puissances militaires en se focalisant, à partir d’une cinquantaine de critères individuels sur la possible capacité de chaque nation à faire la guerre conventionnelle sur terre, sur mer et dans les airs.
(11) Sur Serge, Relations internationales, Éditions Montchrestien, 2000, p. 229.
(12) Gomart Thomas, Les guerres invisibles, Tallandier, 2021, p. 257.
(13) Ministère des Armées, « Afghanistan : la fin d’un engagement structurant », 23 décembre 2014 (https://www.defense.gouv.fr/).
(14) Actualisation stratégique 2021, p. 11.
(15) En 2021, sur un échantillon de 1 004 personnes interrogées, 51 % se disent défavorables à l’engagement des armées françaises au Mali (contre 42 % en novembre 2019 et 27 % en février 2013). Voir « Les Français et l’intervention militaire au Mali, 8 ans après le déclenchement de l’opération Serval », Ifop pour Le Point, 12 janvier 2021 (https://www.ifop.com/).
(16) Castres Didier, Félix-Paganon Jean et Bujon De L’Estang Véronique (modératrice), « 4e panel – Quelle légitimité pour les interventions (ONU, Otan, UE) » dans « Militaires et diplomates : leur rôle dans la politique étrangère de la France aujourd’hui – Colloque », Les Cahiers de la RDN, 2020.
(17) David Charles-Philippe et Schmitt Olivier, « Le droit international : apports et limites » dans La guerre et la paix, approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie, Sciences Po Les presses, 2021, p. 284-288.
(18) Dans le cadre du recours à la force armée, les militaires français sont soumis à l’application des principes d’humanité, de discrimination et de proportionnalité. Ces trois principes composent la matrice de l’emploi de la force, sur les théâtres d’opérations extérieures comme sur le sol national.
(19) Code de la Défense, article L.4132-12.
(20) Général d’armée Pierre de Villiers, colloque « Droit et Opex », 2 novembre 2015, Paris (https://www.defense.gouv.fr/).
(21) Mission de l’Armée de l’air et de l’Espace, lancée depuis Djibouti en janvier 2021, faisant « escale en Inde, aux Émirats arabes unis, en Égypte et enfin en Grèce », ayant pour buts de raffermir les liens diplomatiques avec les pays alliés visités (possesseurs de Rafale ou intéressés par lui) et de démonstration de puissance. Cf. Ministère des Armées, « Communiqué – Lancement de la mission Skyros », 17 janvier 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(22) Revue stratégique de Défense et de Sécurité nationale, octobre 2017, p. 16-19.
(23) Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2013, p. 27-46.
(24) Santopinto Federico, « Le Brexit et la défense européenne : un choix de fond pour l’Union », Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip), 11 décembre 2018 (https://grip.org/).
(25) Mauro Frédéric, Autonomie stratégique, le nouveau graal de la défense européenne, Grip, 2018 (https://grip.org/).
(26) Macron Emmanuel, « Initiative pour l’Europe - Discours du président de la République pour une Europe souveraine, unie, démocratique », 26 septembre 2017, La Sorbonne (https://www.elysee.fr/).
(27) Gautier Louis, Europe de la Défense : statu quo ou relance ?, Fondation Jean-Jaurès, avril 2019 (https://jean-jaures.org/).
(28) Arte, « Pourquoi l’Europe a-t-elle besoin de l’Otan ? » 4 juillet 2019 (https://www.youtube.com/watch?v=lnxvon6XmmM).
(29) Parly Florence, Quelle est la position stratégique de la France sur l’Europe de la défense ? (Conférence de la ministre des Armées), Fondation Jean-Jaurès, 15 avril 2019 (https://jean-jaures.org/nos-productions/quel-avenir-pour-l-europe-de-la-defense).
(30) Macron Emmanuel, discours du 26 septembre 2017, La Sorbonne, op. cit.
(31) L’après-Trump avec l’élection du démocrate Joe Biden à la présidence des États-Unis, le départ de la Chancelière d’Allemagne Angela Merkel (en poste depuis 15 ans !) après les élections fédérales de septembre 2021, etc.
(32) Coutau-Bégarie Hervé, « Guerres irrégulières, de quoi parle-t-on ? » Stratégique, 2009, n° 93/96, p. 13-30 (https://www.cairn.info/).
(33) Delorme Florian, entretien audio avec le général Thierry Burkhard (Cémat) et Thomas Gomart (directeur de l’Ifri), « Demain la guerre. De la guérilla à la haute intensité, préparer nos armées », France Culture, 26 octobre 2020 (https://www.franceculture.fr/).
(34) « Hypothèse d’engagement majeur » dans la terminologie militaire française actuelle.
(35) La Maisonneuve (de) Éric, « Concept de sécurité et « haute intensité » », RDN, n° 838, mars 2021, p. 63-70.
(36) Clée Fabrice (colonel), « Le retour de la haute intensité : comment redéfinir le concept et poser le problème de sa préparation », Brennus 4.0 Lettre d’information du Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC), octobre 2019, 5 pages (https://www.penseemiliterre.fr/).
(37) Ibid.
(38) « Florence Parly : “En 2049, la guerre sera permanente et invisible” » [conférence], L’Obs, 26 avril 2019 (https://www.nouvelobs.com/.
(39) Bauer Alain, « Terrorismes », MOOC du CNAM, janvier-mars 2021.
(40) Lynn John, De la guerre, Une histoire du combat des origines à nos jours, Tallandier, 2011, p. 432.
(41) Goya Michel, « Bloody Sunday ou de l’emploi délicat de la force armée en sécurité intérieure », La Voie de l’Épée, 6 mars 2019 (https://lavoiedelepee.wordpress.com/).
(42) En témoigne l’alarmante situation au Mozambique, cf. Auzouy Romain et Puxton Matteo, « Mozambique : l’évolution de la menace jihadiste en Afrique », RFI, 31 mars 2020 (https://www.rfi.fr/).
(43) À l’exemple de l’attentat de Kaboul, perpétré par l’État islamique (32 morts, 58 blessés) à l’arme lourde, le 6 mars 2020, malgré l’accord (29 février) du retrait des forces américaines d’Afghanistan. Cf. AFP, « Une trentaine de morts dans le premier attentat à Kaboul depuis l’accord USA-talibans », La Croix, 6 mars 2020 (https://www.la-croix.com/).
(44) Nexon Marc, « Les confessions d’un mercenaire russe », Le Point, 8 décembre 2020 (https://www.lepoint.fr/).
(45) Guillot d’Estrées Thomas, Le Groupe Wagner, un outil menaçant de l’influence russe, Institut d’études de géopolitique appliquée, octobre 2020 (https://www.institut-ega.org/).
(46) Facon Isabelle, Gros Philippe et Tourret Vincent, « L’empreinte militaire russe en Méditerranée orientale à l’horizon 2035 », Fondation pour la recherche stratégique (FRS), juin 2020 (https://www.frstrategie.org/).
(47) C’est en employant le subterfuge de mercenaires camouflés en conseillers militaires, que la Russie aurait ainsi formé en 2019 des combattants en Centrafrique, étendant ainsi son vaste réseau international de ventes d’armes, tout en prouvant son fort pouvoir de déstabilisation à moindre coût humain, diplomatico-militaire, politique, économique.
(48) Corvisier André, L’armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère de Choiseul : le soldat, Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Paris, série Recherches, t. XV.
(49) « L’information : vers une dématérialisation des frontières de la défense. Étude de cas : la cyberdéfense française » in Lecoq Tristan. (dir.), « Les nouvelles frontières de la défense - la Mer, l’Espace et l’information », Les Cahiers de la RDN, 2020, p. 53-74 (https://www.defnat.com/).
(50) Lamigeon Vincent, « L’armée française muscle son arsenal en cyberdéfense », Challenges, 24 novembre 2019.
(51) Nombre d’exercices ont déjà lieu en France, comme le DefNet, chaque année, entraînement interarmes en cyberdéfense, conduit par le ComCyber.
(52) Évocation par Winn Schartau, expert en sécurité informatique auditionné devant le Congrès, en 1991, de l’expression de « electronic Pearl Harbor ».
(53) Goya Michel, « Se désengager d’un enlisement », La Voie de l’Épée, 1er mars 2020 (https://lavoiedelepee.blogspot.com/).
(54) Henninger Laurent, « Espaces fluides et espaces solides : nouvelle réalité stratégique ? », RDN n° 753, octobre 2012, p. 5-7.
(55) Voir la critique du colonel Légrier dans la RDN, février 2019 : Merchet Jean-Dominique, « Opération Chammal : l’article du colonel Legrier passe mal à Paris », Secret Défense-L’Opinion, 15 février 2019 (https://www.lopinion.fr/).
(56) Chamaud Frédéric et Santoni Pierre, L’ultime champ de bataille. Combattre et vaincre en ville, Pierre de Taillac, 2019, 310 pages.
(57) Intelligence - Surveillance - Reconnaissance.
(58) Collectif, La lune est claire, la Légion étrangère au combat 2008-2018, Belles Lettres, 2020, p. 290.
(59) Entretien avec Michel Goya par Chloé Masero pour Sorbonne Université, janvier 2021.
(60) SIRPA Marine, « Lancement de l’exercice multi-luttes ZEST : la Marine se prépare aux opérations de demain », ministère des Armées, 1er décembre 2020 (https://www.defense.gouv.fr/).
(61) Joint Terminal Attack Controller, éclaireur au sol désignant aux pilotes les cibles.
(62) Commission de la défense nationale et des forces armées, « Audition de l’amiral Pierre Vandier, Chef d’état-major de la Marine, sur le projet de loi de finances pour 2021 », Assemblée nationale, 14 octobre 2020 (https://www.assemblee-nationale.fr/).
(63) « Lancement Warfighter 21-4 : Train as you fight! », Armée de terre, 7 avril 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(64) 1er Régiment de parachutistes d’infanterie de Marine : opérant au sein du Commandement des opérations spéciales (COS), forces spéciales de l’Armée de terre.
(65) Bureau innovation équipement (BIE) de l’État-major des Forces spéciales terre, « Combattre un ennemi asymétrique à tendance paritaire en zone urbaine », Fantassins n° 43, Retex, hiver 2019 (https://fr.calameo.com/read/00514150932d2f50ba6c3).
(66) Ibid.
(67) Burkhard Thierry, Vision stratégique du Chef d’état-major de l’Armée de terre. « Supériorité opérationnelle 2030 », Armée de terre, avril 2020 (https://www.defense.gouv.fr/web-documentaire/vision-strategique-2020/index.html).
(68) Les dépenses militaires mondiales enregistrent la plus forte augmentation annuelle depuis une décennie atteignant 1 917 milliards de dollars en 2019, communiqué du SIPRI, Observatoire des armements.
(69) « Military Expenditure by Region in constant 2019 US dollars », SIPRI 2020 (https://sipri.org/).
(70) « Global Military Expenditure sees Largest Annual Increase in a Decade—says SIPRI—Reaching $1917 billion in 2019 », 27 avril 2020 (https://www.sipri.org/).
(71) Tian Nan et Su Fei, « A New Estimate of China’s Military Expenditure », SIPRI, janvier 2021 (https://sipri.org/).
(72) Vavasseur Xavier, « China’s Second Type 075 Landing Helicopter Dock Started Sea Trials », Naval News, 22 décembre 2020 (https://www.navalnews.com/).
(73) Chia-Yu Huang Mike, « The 2018 Reform of the China Coast Guard: Logic, Development and Implications », The Korean Journal of Defense Analysis, vol. 31 n° 3, septembre 2019, cité dans Périscope, revue de presse stratégique du Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM), n° 8, février 2021.
(74) Pflimlin Édouard, « Îles Senkaku/Diaoyu : des tensions croissantes », Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), 17 février 2021 (https://www.iris-france.org/).
(75) Pflimlin Édouard, « La stratégie navale du Japon », Iris, 19 mai 2020 (https://www.iris-france.org/147132-la-strategie-navale-du-japon/).
(76) Gady Franz-Stefan, « Japan to Continue Assembling F-35A Fighter Jets at Home », The Diplomat, 8 janvier 2020 (https://thediplomat.com/).
(77) Pflimlin Édouard, « La stratégie navale du Japon », op. cit.
(78) Bondaz Antoine, « La réaction chinoise au déploiement du THAAD, illustration du dilemme sud-coréen », FRS, 10 avril 2017 (https://www.frstrategie.org/).
(79) Nuclear Threat Initiative, « Indonesia Submarine Capabilities », 27 avril 2021 (https://www.nti.org/).
(80) Saint-Mézard Isabelle, « La marine indienne, évolutions capacitaires et nouvelles missions », RDN, n° 812, Été 2018, p. 117-121.
(81) Khurana Gurpreet S., « Fondements de la stratégie navale de l’Inde », Études marines n° 17, Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM), janvier 2020, p. 68-79.
(82) Tuel Pierre-François. « Stratégie maritime – La Royal Australian Navy : pilier de l’espace Indo-Pacifique ? », RDN, n° 790, mai 2016, p. 117-119.
(83) Bauer Anne, « Thales signe avec l’Australie un contrat de 609 millions d’euros pour des munitions stratégiques », Les Échos, 29 juin 2020 (https://www.lesechos.fr/).
(84) Menut Thibault, « Guerre d’influence autour du “contrat du siècle” de Naval Group », Portail de l’IE, 16 mars 2021 (https://portail-ie.fr/).
(85) Tian Nan, Kuimova Alexandra, Lopes Da Silva Diego, Wezeman Pieter D. et Wezeman Siemon T., « Trends in World Military Expenditure, 2019 », SIPRI, avril 2020 (https://www.sipri.org/sites/default/files/2020-04/fs_2020_04_milex_0_0.pdf).
(86) Delanoë Igor, « La stratégie maritime russe en mer Noire », RDN n° 802, été 2017, p. 36-41.
(87) Delanoë I., « La stratégie navale russe », Études marines n° 17, CESM, janvier 2020, p. 38-47.
(88) Tian Nan et al., « Trends in World Military Expenditure, 2019 », op. cit.
(89) Evitts Jonathan, Russian naval modernization and strategy, Naval Postgraduate School, 2019.
(90) Migault Philippe, « L’armée russe conserve une guerre de retard », Revue internationale et stratégique, vol. 92, n° 4, 2013, p. 139-146 (https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2013-4-page-139.htm).
(91) Cailleteau François, « Mesurer l’effort de défense », RDN, n° 777, février 2015, p. 101-107.
(92) Tian Nan et al., « Trends in World Military Expenditure, 2019 », op. cit.
(93) Lamidel Thibault, « Le problème des porte-avions », RDN, n° 798, mars 2017, p. 49-53.
(94) Trévidic Bruno, « Washington éjecte la Turquie du F-35 », Les Échos, 18 juillet 2019 (https://www.lesechos.fr/).
(95) Kravchenko Stepan et Meyer Henry, « Russia is trying to sell Turkey its Own Stealthy New Fighter after U.S. Revoked Access to F-35 », Time, 27 août 2019 (https://time.com/5662553/russia-turkey-fighter-jet/).
(96) Mazzucchi Nicolas, « Méditerranée orientale : les hydrocarbures de la discorde », RDN, n° 822, été 2019, p. 27-32.
(97) Tian Nan et al., « Trends in World Military Expenditure, 2019 », op. cit.
(98) Cette évolution est à observer au regard de l’achat des 18 Rafale à Dassault Aviation.
(99) Bosbotinis James, « Le Royaume-Uni et la puissance maritime », Études marines n° 17, CESM, janvier 2020, p. 58-67.
(100) Tian Nan et al., « Trends in World Military Expenditure, 2019 », op. cit.
(101) Richter Friederike, « Les budgets de défense en France : une difficulté chronique du respect des lois de programmation militaire ? », Les Champs de Mars, n° 30, 1/2018, p. 407-417 (https://www.cairn.info/).
(102) Ministère des Armées, « Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense », 13 juillet 2018 (https://www.legifrance.gouv.fr/).
(103) Raison pour laquelle il existe une réserve financière permettant d’allouer des fonds à des innovations non prévues dans la LPM.
(104) Boulanger Philippe, « Chapitre 8 - Médias et conflits armés » in Boulanger Philippe (dir.), Géopolitique des médias. Acteurs, rivalités et conflits, Armand Colin, 2014, p. 225-262.
(105) Klotz Martin, « Afghanistan : un cas concret de communication institutionnelle », Inflexions, vol. 14, n° 2, 2010, p. 101-104.
(106) Chéron Bénédicte, « Le “dire” militaire vu des médias : subtils équilibres et crispations récurrentes », Inflexions, vol. 39, n° 3, 2018, p. 57-64.
(107) Chéron Bénédicte et Retsin Émilie, « S’engager dans l’Armée de terre. Nouveaux regards sur la spécificité militaire », Les Champs de Mars, vol. 33, n° 2, 2019, p. 71-90.