Ni la guerre, ni la paix. Maîtriser l’entre-deux
Dans son Introduction à la stratégie en 1963, le général André Beaufre dresse les conséquences de la dissuasion nucléaire sur la conflictualité. Il écrit que « la grande guerre et la vraie paix seraient mortes ensemble » à la faveur d’une lutte d’intensité plus basse « devenue permanente » (1). Beaufre a vu en son temps un effacement de l’opposition entre guerre et paix. Cela résonne aujourd’hui avec une permanence de l’insécurité face au terrorisme, au risque de prolifération nucléaire et au retour de la compétition entre puissances retenues par l’Actualisation stratégique de 2021. Il s’agit de menaces qui dépassent le cadre de la guerre pour venir caractériser cette zone grise d’entre deux. Le terrorisme combattu à l’étranger garde sa forme endogène « qui risque de progresser encore demain (2) ». La généralisation du recours aux stratégies usant d’une force en deçà de la guerre et au-delà de la paix s’inscrit dans des actions visant civils comme militaires par des actions de coercition, de sabotage ou de subversion.
Dans ce contexte d’élargissement des menaces aux civils, la France doit étendre ses objectifs au-delà de la simple défense des services publics pour aller vers la sécurité nationale. Une tâche lourde où les militaires ne doivent être que des acteurs de la sécurité parmi d’autres. C’est cette protection accrue qui doit permettre le maintien de la vie nationale face aux fragilités structurelles et aux crises ponctuelles. Cette résilience, résultante d’une logique d’adaptation permanente à un environnement mouvant, doit allier une réinvention des promesses économiques et sociales sur le plan interne, et une volonté d’affronter ensemble les menaces extérieures.
La France, face à des tendances structurelles inquiétantes (montée des inégalités, changement climatique, diminution du poids démographique relatif de l’Europe dans le monde), risque de voir son déclassement stratégique exacerbé par la compétition et les actes de subversions de ses rivaux étatiques. Déclassement et long déclin se substituent à la défaite dans l’entre-deux car ces menaces de « zones grises » sont graduelles, difficiles à attribuer et agissent sur le long terme en visant des faiblesses déjà présentes en France. Cette dernière doit donc calibrer sa réponse sécuritaire face aux menaces étrangères et internes sans pour autant compromettre son modèle social et politique – tout cela sans offrir un prétexte à la confrontation.
Les menaces de l’entre-deux sont ici non militaires et indirectes, certes, mais celles-ci précèdent, prolongent voire accompagnent des actions paramilitaires et militaires. Ce sont aussi des stratégies qui créent un climat de tensions, congédiant indirectement la paix positive. Cela augmente le risque d’escalade, mal maîtrisé notamment par la multiplication des petits incidents et des crises. Si jusqu’à maintenant la guerre majeure de haute intensité, contournée plutôt que bannie, n’est pas advenue, c’est aussi grâce à la dissuasion. Ainsi, la réponse à ces menaces passe inéluctablement par le maintien de forces conventionnelles, des alliances et de la dissuasion nucléaire. Des forces conventionnelles puissantes empêchent l’adversaire d’imposer « un fait accompli ». Les partenaires de l’Otan concourent à cet objectif à l’échelle de l’Europe. L’inflexibilité de la dissuasion nucléaire limite la possibilité d’escalade et protège à son tour les forces conventionnelles.
L’élargissement et le renforcement des menaces aux secteurs civils : conjuguer sécurité, résilience et continuité de la vie nationale
Le délégué général du Haut comité français pour la résilience nationale, Christian Sommade, définit la résilience « comme la volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’événements graves, puis à rétablir rapidement leur fonctionnement normal, à tout le moins dans des conditions socialement acceptables (3) ». Cette résilience est donc à la fois immatérielle et matérielle et doit être mise en place de façon à construire une culture de l’adaptation permanente.
Renforcer la résilience de la nation par la consolidation de la cohésion nationale
L’armée est un acteur de la cohésion nationale et concourt à la résilience nationale. Elle dispose d’un rôle économique (accès à l’emploi, dynamisation des économies locales autour des casernes) et d’un rôle d’intégration sociale. Aujourd’hui encore, il est pertinent de reprendre le Maréchal Lyautey : « l’officier est un merveilleux agent d’action sociale » (4). L’armée bénéficie ainsi d’une image positive : en juin 2020, 85 % des Français déclarent lui faire confiance (5). Est-ce le cas lorsque les armées sont une force de projection dans des pays lointains et dans des conflits à long terme ? Cette image positive porte-t-elle un risque de s’effriter d’autant plus que les succès opérationnels ne se soldent pas toujours par des victoires politiques ? Il s’élève justement des voix en France qui interrogent la nécessité de continuer l’opération Barkhane qui patine dans le « bourbier malien » (6).
La cohésion nationale est aussi fragilisée par des facteurs endogènes comme en a témoigné la crise des Gilets jaunes. Les débats autour des inégalités croissantes, de l’immigration et du changement climatique restent très clivants dans un contexte où prolifère une méfiance exacerbée par les « infox » et les théories du complot, parfois attisées par des puissances étrangères. Aujourd’hui, les clivages qui se construisent autour de la crise sanitaire de la Covid-19 offrent de nouveaux terrains pour une nouvelle fragmentation sociale avec, par exemple, une forte poussée de l’opinion anti-vaccin. Pour qu’une société soit résiliente, il faut pourtant qu’elle soit prête et en mesure de se souder autour d’un projet commun, celui d’une cohésion nationale parée à affronter les défis de son époque.
L’image externe et la crédibilité de la France (et de l’Occident en général), son Soft Power, dépendent de la subsistance d’un modèle à même de rayonner à l’international. Si elle ne repense pas son architecture de gouvernance et ses schémas traditionnels, la France viendrait à se fragiliser en tant que nation. En échouant à rebâtir son contrat social mis à mal par son incapacité à remplir certaines des missions fondamentales de l’État telles que « l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la sécurité et à la santé (7) », la France verrait la cohésion de la nation s’effriter.
Or, cette cohésion est permise par un sentiment d’appartenance et une mémoire. La résurgence de débats mémoriels, notamment sur la guerre d’Algérie, l’inflation des commémorations rituelles (8), l’arrivée de nouveaux combats mémoriaux – parfois clivants – risquent, selon le Rapport Kaspi de 2008, « d’affaiblir la conscience nationale » (9). La polarisation croissante des débats pourrait exacerber certains clivages identitaires plutôt que les apaiser. Pourtant, le débat démocratique est nécessaire et témoigne, de façon positive, d’une réflexion des Français sur un passé complexe et un avenir commun à construire. Sur ce terrain, le rôle de l’Éducation nationale est et sera crucial. C’est par les programmes scolaires, la formation des enseignants aux problématiques civiques, que se forment les citoyens de demain. Dans le registre de la formation morale de la jeunesse, la Nation dispose d’autres leviers que le Service national universel (SNU) nouvellement apparu et dont la pertinence du format est souvent remise en cause (10). La Journée défense et citoyenneté (JDC, anciennement JAPD, Journée d’appel de préparation à la défense) comporte beaucoup de limites : « Sa brièveté et ses finalités mal identifiées » font douter qu’elle puisse dépasser le rôle de simple temps d’information pour jouer celui de temps de formation (11). Se pose alors la question de savoir si un retour d’un service militaire ajusté aux exigences du réel serait pertinent aujourd’hui.
Reste à voir comment les citoyens peuvent s’engager directement dans des activités d’intérêt national. La réserve opérationnelle est un cas très intéressant : le réserviste fait entrer une part de la nation au sein de l’institution militaire. Il acquiert et va porter une conscience, un engagement à servir un intérêt supérieur. Il est une composante volontaire au service de l’intérêt national. De retour dans la vie civile, il est un « vecteur » de la culture militaire dans son milieu.
Le continuum de la défense et de la sécurité, atout crucial pour la protection des personnes
Le territoire national n’est pas le champ d’une guerre qui serait perceptible de tous. Il est pourtant confronté à des défis transfrontaliers ne permettant pas non plus de concevoir pleinement la paix. Depuis 2001, et plus particulièrement depuis 2015, les forces armées sont impliquées de manière accrue dans la sécurité humaine (12), soutenant ainsi la résilience et la cohésion des Français. Dans le contexte d’une menace terroriste quasi permanente, le concours des armées, en complément des actions policières, s’est avéré nécessaire.
La sécurité humaine recoupe à la fois une dimension objective de sûreté soit un droit à valeur constitutionnelle, et une dimension subjective liée aux sentiments et opinions des citoyens (13). L’État français est alors chargé de répondre au sentiment d’insécurité croissant de la population. En 2018, 74 % des Français considéraient que « les attentats terroristes sur le sol national sont la forme de menace la plus préoccupante dont la France peut être l’objet » (14). En effet, le terrorisme était initialement perçu comme une menace pour le territoire. Recoupé avec la criminalité organisée et usant de procédés quasi-militaires, il est devenu une préoccupation également sécuritaire. Ceci a graduellement créé un réel continuum de la défense et de la sécurité. « S’ils étaient, hier, les premiers dans la défense, et le plus souvent les seuls, ils [les militaires] ne sont plus qu’un élément parmi d’autres dans la sécurité » (15).
La mobilisation contre le terrorisme est au centre des priorités de l’État français. Une conception binaire de la sécurité intérieure d’une part, et de la défense extérieure d’autre part, consacrée dans les Livres blancs de 1994 et 2003, a laissé place, au regard des tensions suscitées par la menace terroriste, à une conception unitaire. Faisant de la sécurité une priorité nationale, la Loi de programmation militaire 2014-2019 souligne que « l’action des forces armées s’envisage conjointement avec celle de l’ensemble de l’appareil d’État ».
L’opération Sentinelle
Cette opération, dans le cadre du Plan Vigipirate, représente 10 000 soldats réquisitionnés par le SGDSN sur l’ensemble du territoire français dès le 12 janvier 2015, dont 7 000 déployés et 3 000 en réserve. Si cette répartition a varié ces dernières années, le dispositif actuel est rehaussé depuis le 26 octobre 2020 au rang d’urgence attentat. Il s’agissait de rétablir l’effectif initial à la suite des attentats de Conflans et de Nice. Ce qui semble faire son effet auprès des citoyens français dont 78 % soutiennent Sentinelle et 81 % placent leur confiance dans l’armée en cas d’attaque terroriste. Dans ce contexte, les soldats sont investis strictement de la qualité de force publique liée à une crise majeure en tant qu’ultima ratio. Leurs missions sont donc limitées : « réalisation de manœuvres (…), établissement de barrages, emploi d’armes à létalité réduite (…), ouverture du feu sous conditions ». S’est donc opérée, sinon une uniformisation, du moins une harmonisation des pratiques entre policiers, gendarmes et militaires. Ce dernier point permet de soulever un débat, mis en lumière notamment par Jean-Paul Hanon, au titre de « la militarisation des tâches policières et sa contrepartie, la “policiarisation” des missions militaires ». Certains en viennent même à critiquer cette opération Sentinelle. Michel Goya, par exemple, parle d’une « opération d’affichage politique qui use les armées » et relève, en théorie, du rôle de la police.
Depuis 2009, la Gendarmerie est rattachée au ministère de l’Intérieur au même titre que la Police, établissant une passerelle entre forces armées et services de sécurité intérieure. Dès 2010, leur rassemblement au sein du Secrétariat général de défense et de sécurité nationale (SGDSN) semble avoir opéré une « fusion » et instauré une véritable coordination (16). L’instruction interministérielle n° 10100 de 2010 a ainsi encadré la procédure de réquisition des forces armées. Ceci permet de renforcer la protection des événements de grande ampleur et les structures publiques, alors considérés comme des « cibles dures » (17).
La menace terroriste demeure éparse et imprévisible si bien que les effectifs déployés pourraient n’être jamais suffisants. C’est pourquoi le SGDSN soutient l’externalisation de la sécurité humaine, permettant aux structures événementielles et aux autorités publiques de recourir à des sociétés militaires et de sécurité privées (18).
Protéger les capacités économiques pour permettre la continuité de la vie nationale
D’après le Code de la défense, une infrastructure vitale est « un établissement, une installation ou un ouvrage […] dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation (19) ». De très nombreux sites entrent ainsi dans ces critères (centrales électriques, nucléaires, barrages, ponts, centre de télécommunication, hôpitaux, centre des décisions politiques, etc.), aboutissant à établir un dispositif démesuré en termes de protection, aujourd’hui caduc. En 2013, la SGDSN initie un processus de révision des directives nationales de sécurité, dans le but d’adopter une approche tous risques, en incitant les opérateurs à élaborer des Plans de continuité d’activité (PCA) (20). La France est passée d’une sécurité des infrastructures à une sécurité des activités, et ce par un renforcement du lien entre public et privé. L’expression « d’activités d’importance vitale » a ainsi été retenue dans les directives en évitant les mots « infrastructures critiques ».
C’est particulièrement le cas pour la sécurité du nucléaire, pour laquelle ont été créés en 2009 vingt Pelotons spécialisés de protection de la Gendarmerie (PSPG) pour faire face aux menaces sur les sites nucléaires. Ils ont la particularité d’être financés par EDF (convention civilo-militaire), responsable de la sécurité de ses Centrales nucléaires de production d’électricité (CNPE) (21). Concernant la cybersécurité : en mettant au point des outils de détection d’attaques adaptées, en rendant obligatoire le signalement des incidents significatifs, l’État ne se contente plus de répondre seulement à ses propres besoins. Il prend désormais aussi en compte ceux des opérateurs vitaux pour la Nation (22). La France dispose également d’un réseau de CERT (23) (Computer Emergency Response Team), de centres d’alerte et de réaction aux attaques informatiques destinés aux entreprises et aux administrations.
La résilience française dans son aspect matériel doit pouvoir faire face aux crises ponctuelles tout comme aux menaces structurelles telles que le changement climatique. Cela passe par la bonne gestion des ressources et un investissement dans l’avenir, mais aussi une protection militaire de ces efforts. Par exemple, l’opération Harpie lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane ayant détruit 157 000 hectares de forêt depuis 2001 (24) et polluant l’eau par l’utilisation du mercure. Les patrouilles de gendarmes arrêtent les orpailleurs clandestins et détruisent leurs campements malgré un accroissement des activités lié en partie au discours d’impunité tenu par le gouvernement brésilien de Jair Bolsonaro (25). Cela se décline face aux menaces étrangères et de façon plus conjoncturelle par une protection des entreprises françaises dans le cyberespace, par exemple. Le passage de nombreux secteurs d’activité vers le télétravail pendant les confinements a augmenté la surface d’attaque exploitée par les cybercriminels. Ils coûtent aux victimes en moyenne 35 000 euros. Pour faire face à cette situation, d’ici à 2025, l’État va mobiliser 720 millions € de fonds publics dans une stratégie nationale pour la cybersécurité (26).
Crise sanitaire : une mise à l’épreuve de la résilience française
Au fur et à mesure que l’épidémie de la Covid-19 se transformait en pandémie, la menace est devenue une crise sanitaire. Cette crise, née de l’emballement des événements et d’une multiplication des difficultés, a entraîné une déstabilisation généralisée des organisations et des structures qui ont été dans l’incapacité de rétablir un équilibre rapidement. La crise constitue « un moment d’incertitude structurelle qui remet en cause les schémas d’actions traditionnels » et fragilise la société tout entière. Le risque que représentait la Covid-19 a été sous-évalué et la crise qui en découle aujourd’hui met en lumière les failles dans la culture de prévention ainsi que la nécessité d’investir dans la fonction de préparation et de planification à long terme de l’État.
Une crise multidimensionnelle
La crise sanitaire a révélé d’importantes failles au sein des États européens. « Multidimensionnelle », elle touche en premier lieu le secteur hospitalier mais également les domaines économique, social et éducatif. En somme, elle affecte la vie nationale avec toutes les conséquences qu’impliquent une restriction des flux et un confinement de la population. Les capacités de résilience de la société sont mises à rude épreuve, avec une exacerbation des tensions préexistantes. La crise a également montré les risques d’une dépendance française et européenne à la Chine en matière de santé mais aussi, plus généralement, la nécessité d’une coopération européenne pour parvenir à une plus grande efficacité et autonomie.
Une réponse militaire à la crise ?
Déclenchée dès le 25 mars 2020, en appui des moyens civils, l’opération Résilience a mis à disposition des vecteurs militaires, aériens et maritimes pour faciliter les transferts de soignants et de patients afin de permettre le désengorgement de certains hôpitaux. Le personnel spécialisé dans le domaine biologique a été déployé, les trois porte-hélicoptères amphibies de la Marine nationale ont été mobilisés tandis qu’un Élément militaire de réanimation a été mis en place afin d’appuyer les capacités hospitalières de la ville de Mulhouse et celles du Centre hospitalier de Mayotte. Le Service de santé des armées (SSA) a pu faire face pendant la première et la deuxième vague grâce à sa ductilité, sa disponibilité et sa résilience interne. Mais, comme l’a rappelée la ministre des Armées, la mission du SSA est dévolue au soutien des armées, ses faibles moyens (1 % de la santé publique) ne peuvent remplacer qu’un maigre fragment des capacités du secteur de la santé publique.
Contrer des menaces par-delà la paix mais en deçà de la guerre
Les actions de « zones grises » dans les nouveaux espaces de conflictualité : mer, cyberespace, Espace
En parlant de « zone grise », nous parlons ici d’une action et non pas d’espace comme nous avons pu le traiter précédemment. Le spectre qui qualifie l’intensité de cette dernière est gris, en deçà du seuil d’attribution et d’agression constitutif d’un acte de guerre. Bien que des caractères objectifs et juridiques définissent le seuil d’agression, pour une action de « zone grise », ce sont surtout les éléments subjectifs qui le déterminent. Trois seuils de subjectivité peuvent ainsi être distingués : « celui ressenti par l’agressé, celui revendiqué par l’agresseur et celui reconnu par la communauté internationale (27) ». Plusieurs caractéristiques rendent certains espaces particulièrement propices aux actions de « zone grise » :
– Les espaces communs, à la fois res nullius, sans maître, et res omnium, un héritage commun inappropriable par une entité souveraine. « Ce double statut a toujours tendu à en faire des milieux conflictuels, ultimes, voués au droit du plus fort (28) ».
– Les espaces étendus sont particulièrement difficiles à surveiller, ce qui complexifie l’attribution des attaques. À titre d’exemple, la Zone économique exclusive (ZEE) française représente vingt fois la superficie de la France métropolitaine.
– Le manque de juridiction nationale, internationale ou la remise en cause d’outils multilatéraux qui créent des espaces à la souveraineté ambiguë. C’est le cas de certaines frontières terrestres et de certains États faillis.
La haute mer, l’Espace et le cyberespace sont des territoires susceptibles d’être visés par des actions de « zones grises » car familiers à ces trois caractéristiques. Certains espaces sont particulièrement stratégiques et propices à ces actions de « zones grises ». Les nouvelles technologies consacrent dans ces espaces des opportunités économiques nouvelles et importantes. Ces espaces sont à cet égard éco-stratégiques.
Exemple d’une action en « zone grise » : L’attaque d’Abqaïq et de Khurais du 14 septembre 2019
sur les infrastructures pétrolières saoudiennes
S’agissant du bombardement d’un territoire par une force étrangère, l’acte est constitutif d’une agression selon les critères objectifs des Nations unies. Malgré d’importants dommages économiques, la communauté internationale ainsi que les autorités saoudiennes se sont montrées prudentes dans leurs réponses afin de prévenir tout risque d’escalade incontrôlée pour éviter une guerre dans cette région stratégique. Ainsi, pour les acteurs, le seuil subjectif de l’agression n’a pas été franchi. De plus, le seuil d’attribution n’est pas atteint. Les analystes internationaux jugent peu crédibles la revendication des milices houthis, soutenues par l’Iran, car l’attaque a mobilisé des moyens dont ils ne semblent pas disposer. L’attaque viendrait du nord-ouest, probablement de l’Irak ou de l’Iran. In fine donc, cet acte ne relève pas de la guerre. Cependant, face à ces tensions, à ces attaques, qualifier la situation de paix semble aussi à exclure. Nous sommes donc bien dans l’entre-deux, entre paix et guerre : dans un acte de « zone grise ».
En mer, deux types d’exploitations sont particulièrement conflictuels : les hydrocarbures et les ressources halieutiques. Le développement de l’offshore profond (plus de 1 000 m) et ultra-profond (plus de 1 500 m) ont rendu accessibles de nouvelles ressources d’hydrocarbures (29). L’industrialisation de la pêche a conduit à une exploitation des ressources toujours plus au large, dans les eaux internationales ou dans les ZEE d’autres entités (sans forcément les accords nécessaires). Dans les deux cas, surexploitation et raréfaction des ressources motivent cette déportation vers le large.
Le phénomène de mondialisation s’appuie particulièrement sur la maritimisation des échanges (90 % du volume des échanges commerciaux) facilités par l’invention du conteneur. Néanmoins, elle est aussi l’interface de larges activités illicites telles que le narcotrafic, l’immigration illégale, la piraterie, etc. Il convient donc de sécuriser la mer, garantir et sécuriser ses approvisionnements (30) tout en maintenant la libre circulation. Le porte-conteneurs Ever Given, échoué dans le canal de Suez le 24 mars 2021, a bloqué pendant six jours plus de 10 milliards € de marchandises dont 3 navires de la compagnie française CMA-CGM, créant momentanément un bond du cours du pétrole de 5 % (31). Ce simple accident questionne les conséquences potentielles d’un attentat et impose une protection des intérêts français en dehors des frontières. Les nombreuses bases militaires – dont une française – à Djibouti servent par exemple à sécuriser la Corne d’Afrique, point de passage stratégique vers le canal de Suez. Parallèlement à ces flux matériels, la mondialisation se traduit par l’essor de flux immatériels. La numérisation crée de nouveaux espaces investis par l’économie. Ainsi, la maîtrise des couches physiques (câbles sous-marins (32), satellites, antennes relais, Data Centers …) et logiques se révèle indispensable à la résilience – particulièrement sur le plan économique – de la société.
Économiquement, on constate une multiplication des acteurs et une intensification des rivalités. Les armées sont au cœur de ces espaces stratégiques afin de lutter contre les actions de « zone grise » et de sauvegarder les intérêts français. La stratégie nationale s’articule autour d’un triptyque pragmatique : connaître, surveiller, durcir.
« Assurer sa souveraineté, c’est d’abord surveiller ! », rappelle le commissaire principal Yvan, conseiller pour l’action de l’État en mer (33). Or, pour surveiller il faut déjà connaître : « les premiers renseignements se cherchent et se classent dès le temps de paix (34) », disait le général Jean-Alphonse Colin (1864-1917). La surveillance s’organise premièrement par la voie satellitaire : par l’emploi de divers moyens tels que l’ISR (Intelligence, surveillance, reconnaissance) chez la Marine nationale ; le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (Cosmos) ou encore les trois satellites Satam (Système d’acquisition et de trajectographie) qui permettent une cartographie et une identification (35) en temps réel des activités spatiales.
Deuxièmement, la surveillance est aussi physique notamment via des patrouilles, au large des départements d’outre-mer. Pourtant, certaines mesures semblent inadaptées face à l’étendue des territoires à surveiller : « à part la Guyane, nous ne disposons que de 50 % des moyens que l’on devrait avoir pour assurer une bonne surveillance de nos ZEE » déplorait en 2017 le chef d’état-major de la Marine d’alors, l’amiral Christophe Prazuck (36). En attendant l’arrivée des 6 Patrouilleurs outre-mer (POM), des 10 Patrouilleurs océaniques (PO) et du programme Avismar (Avion de surveillance et d’intervention maritime), « un “trou” capacitaire est donc toujours prévu entre 2020 et 2024 en outre-mer, mettant en péril la capacité de la France à assurer sa souveraineté sur ses ZEE (37) ». La collaboration apparaît alors comme une solution pour une surveillance plus efficiente. C’est le cas dans le spatial où la France entretient une coopération avec les acteurs américains et européens, par le biais d’entités publiques comme le Centre national d’études spatiales (Cnes) et privées comme ArianeGroup. Le durcissement des cibles molles passe par des doctrines affirmées et claires. Dans le domaine spatial, celle-ci est basée sur l’autodéfense : « nous nous réservons le moment et les moyens de la riposte » précise la ministre des Armées (38).
Les rivaux et ennemis de la France investissent ces « zones grises »
On parle souvent de guerre politique (Political Warfare), dont George Kennan donne la définition suivante : celle-ci serait la continuation de la guerre par d’autres moyens, une application de la doctrine de Clausewitz en temps de paix. Dans sa définition la plus large, elle serait l’utilisation de tous les moyens dont dispose une nation, à l’exception de la guerre, pour atteindre ses objectifs. Ces opérations, déclarées ou clandestines, vont de déclarations officielles et les mesures économiques, en passant par la propagande, jusqu’à des opérations clandestines de soutien amical d’éléments étrangers, de guerre psychologique et même l’encouragement d’une résistance souterraine aux États hostiles (39). Si ce concept présente des limites (parler de guerre sans violence relève pour une part du sensationnalisme et toute guerre n’est-elle pas politique ?), celui-ci a le mérite d’exposer la conception permanente de la conflictualité que se font les rivaux de la France. La Russie se voit comme dans un état de siège permanent et le Parti communiste chinois (PCC) estime jouer sa survie depuis Tiananmen (1989) et la chute de l’URSS (1991). À l’inverse, ce concept de « guerre politique » souligne la difficulté qu’ont les Européens à envisager une permanence de la conflictualité (40).
Exploitant ces faiblesses, certains rivaux stratégiques de la France accomplissent dans ces « zones grises » des actions de subversion qui visent à la déstabiliser, elle et ses alliés.
• Russie : la guerre politique substitue aux actions coercitives militaires directes une stratégie indirecte visant la manipulation, la déstabilisation et le chantage par des opérations d’influences et de désinformation. Cette doctrine, qui puise ses origines dans la guerre civile russe (41), est d’ailleurs devenue indissociable de la doctrine de cyberguerre (42). Elle se caractérise par l’utilisation généralisée de divers actes de violence avec une conception stratégique très ambiguë permettant le déni plausible de l’acteur qui l’entreprend. Cette subversion est menée de manière systématique et réfléchie, prolongée et graduelle. Elle consiste à éviter les actions qui, en raison de leur gravité et de leur ampleur, pourraient renforcer trop fortement la détermination d’un ennemi et ses instincts d’autodéfense. Finalement, elle repose sur la déstabilisation de l’adversaire ainsi que l’élément de surprise. La doctrine russe prend notamment la forme d’opérations d’influence au Sahel où des campagnes de désinformation visent à déstabiliser la position de la France, la présentant comme une puissance occupante (43).
• Chine : depuis 2003, le PCC a adopté une révision du règlement de l’Armée populaire de libération mettant en œuvre sa propre conception de la guerre politique par la doctrine des trois guerres (44), regroupant la guerre psychologique, de l’opinion publique et du droit. La première consiste à perturber le processus décisionnel, fragilisant le lien entre l’armée et l’État. La deuxième relève de l’influence des médias pour rallier l’opinion publique. Enfin, la troisième et dernière est caractérisée par l’usage du droit conformément aux intérêts stratégiques de l’État pour obtenir une supériorité normative, concept aussi connu sous le nom de Lawfare. C’est une conception qui repose sur la non-binarité des concepts de paix et de guerre, pensés non pas en opposition, mais plutôt dans un prolongement temporel. La guerre politique est ainsi continue car le Parti est au centre de l’État et doit constamment assurer sa légitimité. Cette stratégie est illustrée par la coordination de campagnes de désinformation prônant la légitimité de la Chine en mer de Chine du Sud combinée avec des techniques d’attaques graduelles par des milices de pêcheurs, alliant le non militaire et le paramilitaire (45). Les techniques de guerre politique chinoise ont également été mises en œuvre pendant la crise sanitaire par des campagnes de désinformation massive, visant à minimiser la responsabilité chinoise, célébrer ses contributions globales et sa lutte contre la pandémie (46).
• État islamique : la doctrine développée par Daech se structure autour de trois axes : le recrutement, la gouvernance et l’utilisation des médias (47). La déclaration du califat joue un rôle central dans le processus de recrutement, chose rappelée par Abou Bakr al-Baghdadi lorsqu’il a prononcé son premier sermon en tant que calife autoproclamé (48). Ce recrutement passe aussi par l’affiliation des recrues à la religion seule, à travers l’apprentissage de la langue arabe et de la charia (la loi islamique). La gouvernance des territoires permet à l’EI de mener des campagnes de recrutement en leur sein, et d’affirmer sa capacité d’attraction, en y centralisant un nombre important de soldats étrangers (49). Internet est devenu le terrain d’action privilégié de l’EI pour diffuser sa propagande, le présentant comme un État fonctionnel et puissant, visant l’anéantissement des oppositions. Les réseaux sociaux permettent de déployer des méthodes décentralisées de dissémination de propagandes et de fausses informations. Malgré les suspensions de comptes opérées à l’encontre des membres de l’organisation, ces derniers abondent, créant un circuit incessant de prolifération de propagande djihadiste.
La Revue stratégique de Défense et de Sécurité nationale 2017 recommande plusieurs lignes de conduite défensive reposant sur la capacité d’anticipation des renseignements français (50). De plus, en réponse à la montée des différentes menaces, l’Actualisation stratégique de 2021 prévoit une « doctrine cyber offensive » ainsi qu’un renforcement des alliances militaires et politiques existantes (51).
Protéger la démocratie et la souveraineté française
La stratégie présentée en janvier 2021 par Florence Parly présente l’utilisation par les forces françaises des capacités cybernétiques lors de leurs opérations, en complément des moyens conventionnels. Ces outils cyberoffensifs constituent une capacité interarmées, sous l’autorité du Chef d’état-major des armées (Céma), dans la conception d’une manœuvre globale fondée sur la doctrine de « lutte informationnelle dans le cyberespace ». Les campagnes de déstabilisation incluses dans la guerre politique menée contre la France se jouent pour beaucoup dans l’espace numérique. Sur la scène politique, en 2017, le mouvement d’Emmanuel Macron En Marche ! était ainsi la cible de tentatives d’hameçonnage attribuées à un groupe de hackers russes, Pawn Storm. Celui-ci est déjà accusé d’avoir visé le Parti démocrate durant la campagne d’Hillary Clinton aux États-Unis en 2016. Ces opérations visent à saper la confiance dans le système démocratique et à établir une rupture claire entre les décideurs et les citoyens. Pourtant, depuis 2009, la « souveraineté numérique » est devenue une priorité pour le ministère de l’Intérieur, avec l’objectif d’étendre « à l’espace numérique le champ de l’État de droit ». Dans la loi du 7 octobre 2016 « Pour une République numérique », l’article 29 consacre la notion de souveraineté numérique, en proposant la création d’un Commissariat qui lui soit dédié. Il s’agit, selon Bernard Benhamou, ex-délégué interministériel aux usages de l’Internet, de développer la capacité de l’État à « maîtriser l’ensemble des technologies, tant d’un point de vue économique que social et politique » et de « se déterminer pour avoir sa propre trajectoire technologique ».
Au sein de l’identification des « stratégies hybrides », le rapport décrit l’utilisation de la numérisation massive ainsi que la désinformation comme des pratiques conflictuelles avec les valeurs démocratiques, en référence à la pratique extensive qu’en font la Chine et la Russie. De plus, le Lawfare, est aussi présenté comme pouvant constituer une piste de stratégie défensive française face aux nouvelles menaces. Le degré d’offensive et d’hybridité dans les pratiques défensives françaises reste conditionné par les valeurs démocratiques que le pays entend défendre. C’est une limite inévitable qui interroge néanmoins sur leur efficacité face à des menaces qui se diversifient et s’intensifient.
Le renseignement, menace stratégique et outil de défense permanent
Face à diverses menaces qui ne sont pas ouvertement conflictuelles, la posture défensive française renforce ses capacités de renseignement afin « d’anticiper et de disposer d’une autonomie d’appréciation, de décision et d’action (52) ». Il s’agit de se préparer au conflit, sans pour autant s’y engager ouvertement et, tel que le présente l’historien George-Henri Soutou, « le Renseignement constitue l’aspect le plus politique de la Stratégie : c’est à son propos que la distinction entre Paix et Guerre s’efface le plus (53) ».
L’importance du renseignement dans la stratégie de défense nationale a considérablement progressé entre 2014 et 2017 avec une hausse de 20 % du nombre d’agents et une hausse des crédits d’environ 32 % au cours des cinq dernières années (54). Le cycle du renseignement consiste dans le travail de collecte et d’exploitation de données brutes à l’aide de différents capteurs (55). Les services peuvent également avoir recours à des techniques défensives et offensives de contre-espionnage et de lutte informationnelle parfois proches des tactiques de ses adversaires (56).
La Stratégie nationale de renseignement, rendue publique en 2019 (57), rappelle l’étendue des enjeux, la priorité actuelle étant la lutte contre le terrorisme mais aussi l’anticipation de ruptures majeures comme le changement climatique, la crise migratoire, la lutte contre les tentatives d’ingérence ou d’espionnage de puissances étrangères (58) ou encore le rôle du renseignement dans la supériorité opérationnelle avec « un dispositif maintenu en Afrique, en particulier à Djibouti et dans le Golfe (59) ». Le renseignement pénitentiaire se développe également pour surveiller le retour de djihadistes et prévenir la radicalisation d’autres détenus, notamment dans un contexte de surpopulation carcérale (60).
Le rapport de 2019 de l’Assemblée nationale sur le renseignement souligne l’importance d’un lien entre le renseignement et la vie publique avec la création en 2007 d’une Délégation parlementaire au renseignement. Ainsi, c’est un véritable cadre juridique qui se construit autour du renseignement dans le but d’accroître la transparence et le contrôle des services, une démarche nécessaire mais paradoxale dans un domaine où prime le secret.
Face à une mobilité nouvelle de la menace terroriste, il s’agit tout d’abord de conserver une ligne de conduite globale cohérente et éviter « l’émiettement du renseignement (61) ». Cela nécessite un certain décloisonnement des services dont les principaux sont la DGSE (sécurité extérieure), la DGSI (sécurité intérieure), la DRM (renseignement militaire), la DRSD (sécurité de la défense), la DNRED (renseignement douanier) et le Tracfin (action contre les circuits financiers clandestins) (62).
Une coopération entre ces services est essentielle dans l’appréhension des menaces et en premier lieu, une collaboration étroite DGSI-DGSE qui « assure un continuum de prise en charge entre la menace intérieure et les menaces exogènes visant le territoire national (63) ». Les enjeux principaux de cette coopération interservices sont la diffusion de l’expertise et de la connaissance des outils entre les services, ainsi que la mutualisation et la valorisation des données (64). Toutefois, la coordination entre les services reste encore insuffisante et les attentats de 2015, notamment, représentent « un échec global du renseignement (65) ».
Et si la coopération entre services français est essentielle, celle avec des services étrangers l’est tout autant. Elle permet à l’Union européenne de contrebalancer d’autres puissances sur la scène internationale et de lutter plus efficacement contre une menace terroriste commune. L’agence Europol de renseignement intérieur existe depuis 1998 et est complétée en 2002 par une coopération judiciaire, Eurojust. Le président Macron, dans son discours à La Sorbonne en 2017, demande le « rapprochement [des] capacités de renseignement en créant une Académie européenne du renseignement (66) ». A donc été créé, le 5 mars 2019, le Collège du renseignement en Europe qui réunit les communautés du renseignement des pays européens afin de développer une culture stratégique commune dans ce domaine. Même dans un secteur marqué par le secret et la souveraineté étatique, une unité européenne apparaît possible.
Hors de l’UE, les relations entre services sont davantage bilatérales. Il existe notamment une alliance franco-britannique forte dans le domaine du renseignement avec la signature des accords de Lancaster House en novembre 2010 (67). D’autres coopérations comme la relation entre les services français et marocains ont également été précieuses dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Toutefois, ces relations ne sont pas dénuées de tensions étant donné que « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts (68) » et qu’il peut être difficile de déterminer la source et la validité des données.
Le maintien d’une protection militaire du territoire et des intérêts français : maîtriser l’incertitude
Ces menaces graduelles, toujours en deçà du seuil de l’agression, n’attentent pas directement ou immédiatement à la survie de l’État. Elles invitent à une adaptation constante de la défense française, car elles visent à contourner la dissuasion plus traditionnelle, qu’elle soit conventionnelle ou nucléaire. La réponse à ces menaces suggérerait à première vue de désinvestir les domaines plus classiques de la conflictualité. C’est en partie ce qui a pu se faire en Europe, avec la fin de la guerre froide, engendrant une baisse des dépenses militaires et une réduction des effectifs.
L’exemple de la récente Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy britannique parue le 16 mars 2021 est parlant, en ce que le Royaume-Uni met l’accent sur un engagement accru dans la cyberdéfense, l’Espace et les technologies avancées, aux dépens de l’investissement capacitaire dans les forces conventionnelles terrestres (chars d’assaut, effectifs humains) (69).
Néanmoins, il ne faut pas s’y tromper. Cela ne saurait rendre futile le fardeau qu’est celui d’investir dans ces domaines historiques. Paradoxalement, nos alliés britanniques agrandissent leur arsenal nucléaire (mis en œuvre uniquement par des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, SNLE) pour la première fois depuis la fin de la guerre froide. Cet investissement fait pleinement partie de la maîtrise de l’entre-deux et, s’il n’est pas suffisant, il est pour le moins nécessaire.
Le maintien d’une protection militaire conventionnelle du territoire et des intérêts français
Les forces françaises sont activement engagées dans la défense française en contribuant aux cinq grandes fonctions stratégiques : protection, connaissance et anticipation, dissuasion, prévention, intervention (70). La répartition des forces françaises pour assurer notre défense s’étudie à deux échelles différentes : celle de la métropole française et celle des collectivités d’outre-mer (71).
De surcroît, géographiquement, la France, un des pays les plus survolés du monde, est au croisement des différentes routes aériennes, et accueille dans son espace aérien environ 12 000 appareils par jour. Elle dispose d’un régime de défense aérienne adoptant une posture permanente de sûreté, aussi dite « police du ciel » (72). Les menaces peuvent être involontaires comme un problème technique à bord d’un avion, ou volontaires comme une attaque terroriste ou d’autres types d’intrusions, qui pourraient avoir un effet néfaste sur le territoire français (drones, exercices militaires étrangers). Pour les éviter, l’Armée de l’air et de l’Espace distingue trois manières de détecter des menaces de divers types : détection, identification et intervention si la situation exige une nécessité irréversible (73).
Aussi, la protection des territoires ultramarins est un enjeu important pour la France. Pour protéger sa ZEE, elle dispose donc d’une force militaire dédiée et de 5 bases militaires en Guyane, dans les Antilles, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte et à La Réunion. Cette présence vise à dissuader les menaces qui pourraient affecter ces territoires telles que la pêche illégale, les flux migratoires, le narcotrafic, la piraterie dans l’océan Indien et la prospection sismique illégale (74).
Dans le cadre de la protection des territoires ultramarins, les aéronefs sont activement affectés dans ces zones. Leurs missions sont : la dissuasion, la projection, la protection, le sauvetage et la prévention (75). Dans ce contexte, la force de l’aéronautique navale est composée de divers outils et appareils. Elle peut notamment compter sur les capacités du Groupe aérien embarqué (GAE) sur le porte-avions Charles-de-Gaulle et occupant un rôle majeur principalement sur la dissuasion nucléaire, le renseignement et le contrôle de l’espace aéromaritime (76). Sont aussi intégrées les flottilles aéronautiques situées en outre-mer, ayant pour fonctions de soutenir les forces navales et terrestres, de surveiller l’espace maritime, de lutter contre les trafics illégaux et d’effectuer des secours maritimes.
Tel que l’observe Tristan Lecoq, figure « au cœur des Livres blancs successifs : la recherche de la frontière de la défense de la France (77) ». Or, l’estompement progressif des frontières est corrélé à l’émergence et à la prolifération de nouvelles menaces, justement sans frontières. Ainsi, parmi les principales menaces identifiées aujourd’hui par les services de défense et de sécurité figurent les trafics illicites, l’immigration illégale, le terrorisme, la cybercriminalité ainsi que la criminalité organisée transnationale. Menaces face auxquelles, les forces françaises se doivent d’assurer non seulement les capacités d’intervention, mais aussi d’anticipation.
En matière de trafics illicites, la DNRED est chargée en France de collecter les informations qui permettent de mettre à jour un trafic et d’opérer des saisies en flagrant délit. La Police nationale et la Gendarmerie nationale exercent leurs compétences dans les enquêtes judiciaires, en particulier l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Octris). La Marine nationale déploie, quant à elle, des moyens en complément de ceux de la Douane et des forces spéciales. En mars 2020, la frégate de surveillance Ventôse, en mission contre le narcotrafic dans la zone Caraïbe, faisait ainsi la saisie de 1 300 kg de cocaïne lors de l’interception de plusieurs navires (bateaux de pêche, embarcations rapides…) avec l’appui de moyens alliés (78).
Face à ces nouvelles menaces, la protection du territoire national, ainsi que le maintien et l’amélioration continue des capacités d’intervention et d’anticipation des forces françaises nécessitent donc une préparation perpétuelle.
Repenser les frontières de l’Europe : défendre sans frontières
ou au-delà des frontières nationales
La question se pose de savoir si l’Union européenne peut, par elle-même, assurer sa propre défense. En 2016, la dégradation de l’environnement sécuritaire débouche sur la déclaration de Bratislava (79). C’est le point de départ du projet de défense européenne. La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) va s’articuler autour de différents outils qui vont permettre de disposer de moyens civils et militaires afin « d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale ». Cependant, dès 2019, les opérations et les objectifs de la PSDC ont du mal à être concrétisés. Tous ses membres ne sont pas d’accord sur l’autonomie stratégique que doit préparer cette défense européenne. Ainsi, les Européens n’ont ni les mêmes objectifs ni le même niveau d’implication au sein de la défense européenne, ce qui nuit à sa crédibilité et à celles de ses opérations.
Depuis 2017, ils ont la volonté de se doter de cette autonomie stratégique. Selon le Livre blanc de 2008 (80), celle-ci repose sur la somme de trois libertés : liberté d’appréciation, liberté d’action et liberté de décision. Cela se traduit par une mutualisation des efforts de défense au niveau opérationnel, comme le montre l’Initiative européenne d’intervention (IEI) qui se base sur une volonté politique de créer une culture stratégique commune entre Européens et d’accroître la capacité des Européens à agir ensemble. L’IEI met en liaison les états-majors militaires des États : elle ne remplace pas les fonctions de l’UE, de l’Otan, mais représente une complémentarité. Aujourd’hui cette organisation compte 13 pays membres (81).
Si l’autonomie stratégique est une priorité au niveau opérationnel et capacitaire, elle est également décisive pour la Base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne. C’est dans cette optique que l’UE finance, à hauteur de 7 Md€ pour 2021-2027, des projets collaboratifs (82). On peut citer le Scaf (Système de combat aérien du futur) qui répond à trois besoins. C’est d’abord un projet politique, voulu par le président Macron et la chancelière Merkel. De plus, il comble un besoin capacitaire. Enfin, c’est une initiative indispensable à la préservation de l’autonomie stratégique française et contribuant à la création d’une autonomie stratégique européenne (83). D’autres projets capacitaires ont vu le jour comme le projet Eurodrone MALE (Medium Altitude Long Endurance) ou le char MGCS (Main Ground Combat System).
Néanmoins, l’Otan reste aujourd’hui la clef de voûte de la défense de l’Europe. Son rôle historique s’est encore réaffirmé avec la crise ukrainienne de 2014 : l’inquiétude des pays membres d’Europe de l’Est n’ayant fait que grandir depuis. C’est dans ce contexte que le plan d’action « réactivité » (RAP) a été adopté par l’Otan, en 2014 (84). Cette présence militaire, renforcée depuis le sommet de Varsovie de 2016, consiste en un ensemble de missions terrestres, maritimes et aériennes (d’un déploiement de groupements tactiques multinationaux) de l’Otan dans chacun des pays baltes, ainsi qu’en Pologne. En 2017, plus de 4 000 hommes participaient à cette opération baptisée « Présence avancée renforcée » (EFP) dont les armées françaises via la mission Lynx (85).
C’est aussi le soutien américain qui rend l’Otan indispensable. Depuis 1945, le parapluie nucléaire américain garantit la sécurité des pays membres de l’Otan. Environ 160 bombes nucléaires à gravitation type B61 sont installées sur six bases dans cinq pays de l’Otan (Turquie, Italie, Allemagne, Belgique et Pays-Bas). Et bien que les intérêts vitaux protégés par la dissuasion nucléaire soient en premier lieu ceux des États-Unis eux-mêmes, elle contribue aussi à la protection de ses alliés et partenaires définis dans la dernière Nuclear Posture Review (NPR) datant de 2018 (86).
Il existe néanmoins de nombreux questionnements sur la capacité des pays européens et leurs alliés à défendre l’Europe, tant à cause de menaces externes que face à des dissensions internes.
La Fédération de Russie est particulièrement active aux frontières de l’Europe. Elle a aussi lancé la modernisation de son appareil militaire en s’inscrivant dans une compétition qui englobe tous les espaces de confrontation. L’un des secteurs le plus préoccupant pour les Européens est celui du cyber où la Russie détient des capacités considérables. Face à elle, l’Europe peine à mettre en place une réelle stratégie unilatérale au sein de ses institutions ou de ses membres. De son côté, Moscou ne considère pas l’UE comme un véritable interlocuteur (87). En France, l’Actualisation stratégique de 2021, souligne la mise en place d’un dialogue lucide avec la Russie (88). Les deux États partagent des visions communes sur un monde plus multipolaire dans un contexte d’affaiblissement de la posture américaine en Europe.
Les États-Unis, avec l’importance croissante du Pacifique dans le cadre de la compétition avec la Chine, ont choisi d’adopter une nouvelle posture stratégique pour le continent européen. Ils tendent à inciter les Européens à s’impliquer davantage au sein de l’Otan pour mieux partager le fardeau financier d’une telle alliance. Cependant, la méthode employée depuis 2016 a, semble-t-elle, fragilisé le lien entre le gouvernement américain et les Européens. L’élection de Joe Biden consacre un retour à la diplomatie plus traditionnelle sans revirement de fond : Russie et surtout Chine restent des rivaux.
Les difficultés que rencontre l’émergence d’une Europe de la défense ont néanmoins poussé à plus de coopérations entre États-membres de l’UE. La France a choisi de développer différents types de coopérations. Avec ses partenaires européens, cela s’est par exemple concrétisé par l’opération EMASoH (Initiative européenne de surveillance maritime du détroit d’Ormuz) et son volet militaire AGENOR (89). Elle a aussi approfondi des coopérations bilatérales avec l’Allemagne (Traité d’Aix-la-Chapelle (90)) et le Royaume-Uni (Traité de Lancaster House (91)). Cependant, ces rapprochements ont leurs limites. La Brigade franco-allemande (BFA) en est un parfait exemple : faible effectif, pas de formation commune, matériel différent, déploiement dans des missions différentes…
La dissuasion nucléaire française, garantie sécuritaire à la frontière de la guerre
La dissuasion nucléaire est une disposition de guerre maintenue invariablement en temps de paix. Sa crédibilité dépend du maintien d’une posture permanente de sécurité, en opposition avec la temporalité limitée d’une guerre. En France, elle se conçoit en 2021 dans une logique d’effacement des frontières des conflits toujours plus nombreux et dans l’incertitude des doctrines d’emploi de l’arme nucléaire chez les États dotés.
Depuis le début du XXIe siècle, l’environnement stratégique est secoué par une crise de la gouvernance mondiale et par la hausse des tensions entre États. La rupture unilatérale de l’Accord sur le nucléaire iranien par les États-Unis (JCPoA) en 2018, dont le corollaire est la reprise du programme d’armement nucléaire de l’Iran, l’illustre parfaitement (92). La prolifération tous azimuts des armements exacerbe d’intenses conflits régionaux, augmentant ainsi les risques d’escalade globale et par conséquent de l’extension du champ nucléaire. Les restrictions permises par le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) provoquent une « course qualitative » (93) des programmes nucléaires militaires plutôt que quantitative. Les arsenaux d’Armes nucléaires tactiques (ANT) sont directement concernés par cette tendance, en violation du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) (94).
Les doctrines agressives auxquelles ces arsenaux nucléaires sont au service posent, à l’instar de la Russie, des défis stratégiques pour la France. Récemment, Moscou a modernisé son arsenal nucléaire stratégique et développé à grande échelle un arsenal d’ANT (95). L’accroissement de ces arsenaux nucléaires, associé à des doctrines de réponses graduées et opaques, met en péril l’équilibre stratégique mondial. L’équation de la dissuasion est plus instable, entraînant ainsi le risque d’un abaissement du seuil d’utilisation d’armes nucléaires (96).
La situation d’entre-deux persistante de l’environnement stratégique remet en cause la dissuasion aux yeux d’une partie de l’opinion, qui se mobilise contre les essais de missiles balistiques. Cette défiance est partagée par plusieurs États européens signataires du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), hypothéquant le projet d’une dissuasion européenne (97). L’incompréhension résulte en partie du caractère permanent de la dissuasion, disposition de guerre maintenue en état de guerre non-déclarée, ainsi que par les coûts engendrés par cette posture.
La posture de dissuasion nucléaire française, fruit d’un arsenal en évolution et d’une doctrine immuable
La doctrine de « non-emploi » française consiste en une « seconde frappe » devant infliger, selon les mots de Charles de Gaulle, des « sacrifices insupportables à l’agresseur » en cas de menace sur les intérêts vitaux français. Ces intérêts sont identifiés par le Livre Blanc de 2008 comme le maintien de l’intégrité du territoire national, le libre exercice de la souveraineté et la protection de la population et des ressortissants. Utiliser des armes nucléaires contre un État non doté ou dans le cadre tactique est exclu. Ces principes doctrinaux paraissent immuables, comme le rappelle le Livre blanc de 1994 : « toute confusion entre dissuasion et emploi est rejetée ».
La doctrine de dissuasion française se concrétise par deux composantes. L’une, maritime, la Force océanique stratégique (Fost), est constituée de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et de missiles balistiques (MSBS) et représente la « capacité invisible » de la dissuasion. L’autre, aérienne, est formée par le couple missile ASMP-A et avion Rafale. Elle est assurée par la Marine nationale à travers la Force aéronavale nucléaire (Fanu) et par les Forces aériennes stratégiques (FAS) dans l’Armée de l’air et de l’Espace. Dite « capacité visible », elle est chargée de prouver la détermination du Président à l’agresseur. La dissuasion nucléaire française s’élabore en partie en coopération avec le Royaume-Uni depuis 2010 en vertu des accords de Lancaster House. Conjointement, une évolution doctrinale novatrice est la proposition faite aux Européens de disposer d’une dissuasion commune en surcroît de l’effort de dissuasion de l’Otan. La sauvegarde des intérêts vitaux européens deviendrait alors une responsabilité sécuritaire française.
Le concept classique de la dissuasion ne s’applique pas non plus face aux menaces terroristes décentrées, asymétriques, sans sanctuaires ni populations à défendre ou même face aux cybermenaces, qui ne se confrontent pas toujours aux intérêts vitaux.
En 2021, la position française tend vers la pérennité de la posture permanente de dissuasion car elle rend la guerre majeure « suprêmement improbable (98) ». La France refuse un désarmement unilatéral qui aurait pour conséquences d’affaiblir son indépendance et mettrait en danger ses intérêts vitaux (99). Ainsi, l’abandon de l’arme nucléaire est une option exclue politiquement comme le prouve le refus du président Macron d’adhérer au TIAN (100).
(1) Beaufre André, Introduction à la stratégie, Éd. Pluriel, 2012, p. 143.
(2) Ministère des armées, Actualisation stratégique, 2021, p. 15 (https://www.defense.gouv.fr/).
(3) Sommade Christian, « Résilience organisationnelle et résilience structurelle, un seul objectif : la résilience nationale », Sécurité & Défense magazine, 14 janvier 2018 (https://sd-magazine.com/.
(4) Lyautey Hubert, « Du rôle social de l’officier », Revue des Deux Mondes, tome 104, 1891, p. 443-459 (https://fr.wikisource.org/).
(5) Elabe, « Les Français font majoritairement confiance à la police » (Sondage Elabe-Berger Levrault pour BFM TV), 10 juin 2020 (https://elabe.fr/).
(6) Tallès Olivier, « Faut-il retirer nos troupes du Sahel ? », La Croix, 17 février 2021.
(7) Castries (de) Henri, « La fin du monde occidental », RDN n° 838, mars 2021, p. 13-17.
(8) L’année 2021 est particulièrement marquante. Se posent les questions des commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon et des 150 ans de la Commune de Paris.
(9) Kaspis André (dir.), Rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, novembre 2008 (https://www.vie-publique.fr/).
(10) Goupil Mathilde, « À peine commencé, le service national universel déjà sous le feu des critiques », L’Express, 20 juin 2019 (https://www.lexpress.fr/).
(11) Tuset-Anrès Frédéric, « La résilience de la Nation, une leçon chèrement payée », Les Cahiers de la RDN, 2020 : Chocs stratégiques – Regards du CHEM, p. 353-366 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=249).
(12) Kaldor Mary, « La sécurité humaine : un concept pertinent ? », Politique étrangère, vol. hiver, n° 4, 2006, p. 901-914 (https://www.cairn.info/).
(13) Leclerc Henri, « De la sûreté personnelle au droit à la sécurité », Journal du droit des jeunes, vol. 5, n° 255, 2006, p. 7 (https://www.cairn.info/).
(14) Ministère des Armées, « Les chiffres clés de la Défense (juillet 2018) » Sondage Ifop-DICoD, 2018 (https://www.defense.gouv.fr/).
(15) Lecoq Tristan, « Assurer la sécurité de la nation : la question de l’organisation de la défense nationale », Eduscol, 2020, p. 10 (https://www.afri-ct.org/).
(16) Tenenbaum Élie, « La Sentinelle égarée ? L’Armée de terre face au terrorisme », Focus stratégique n° 68, juin 2016 (https://www.ifri.org/) ; Hanon Jean-Paul, « Militaires et lutte antiterroriste », Culture & Conflits, n° 54, hiver 2004, p. 121-140 (https://doi.org/) ; Constitution française, 4 octobre 1958, art. 15 et 20 (https://www.legifrance.gouv.fr/).
(17) Objectif particulièrement protégé et difficile à atteindre ; une cible molle étant un objectif peu ou mal protégé.
(18) Touiller Marc, « La sécurité privée des manifestations culturelles et sportives » in Desprez François et Viennot Camille (dir.), Les acteurs privés de la sécurité, Mare & Martin, 2017, p. 133-147.
(19) Code de la défense, Article L. 1332-1 (https://www.legifrance.gouv.fr/).
(20) Coursaget Alain, « La sécurité des activités d’importance vitale : premier bilan du SGDSN », Sécurité et stratégie, vol. 4, n° 2, 2010, p. 5-17 (https://www.cairn.info/).
(21) Ministère de l’Intérieur, « Les PSPG au cœur de la chaîne de contre-terrorisme », (https://www.interieur.gouv.fr/).
(22) L’ANSSI, Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (https://www.ssi.gouv.fr/).
(23) Centre gouvernemental de veille, d’alerte et de réponse aux attaques informatiques (www.cert.ssi.gouv.fr/).
(24) Ministère des Armées, « FAG : Bilan Harpie 2020 », 23 février 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(25) Gatinois Claire, « Au Brésil, le territoire des indiens Yanomami mis en péril par l’explosion de l’orpaillage », Le Monde, 9 juillet 2019.
(26) Anssi, Cybersécurité, faire face à la menace : la stratégie (dossier de presse), 18 février 2021 (https://www.ssi.gouv.fr/).
(27) Zourek Jaroslav, « Enfin une définition de l’agression », Annuaire français de droit international, vol. 20, 1974. p. 9-30 (https://www.persee.fr/).
(28) Motte Martin, « Stratégie navale et stratégie maritime », in Taillat Stéphane, Henrotin Joseph et Schmitt Olivier (dir.), Guerre et stratégie, PUF, 2015, p. 287-310.
(29) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, La Maritimisation (Rapport d’information n° 674), chapitre II, Sénat, 17 juillet 2012 (https://www.senat.fr/).
(30) Ibid.
(31) AFP, « Le blocage du canal de Suez fait bondir de 5 % les cours du pétrole », France 24, 24 mars 2021 (https://www.france24.com/).
(32) Pour plus de détails sur ce secteur vital, voir « La mer, nouvelle frontière de la défense – Étude de cas : les câbles sous-marins », in Les nouvelles frontières de la défense, La mer, l’Espace et l’information (Les Cahiers de la RDN), mai 2020 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=254).
(33) « Souveraineté - Surveiller et protéger les approches et les ZEE », Cols Bleus n° 3089, Marine nationale, 2020, p. 20 (https://www.colsbleus.fr/articles/12346).
(34) « Le Rens dans tous ses états », Cols bleus n° 3054, 7 décembre 2016, Marine nationale, p. 18-19.
(35) Ministère des armées, Groupe de travail « Espace », Stratégie spatiale de défense (rapport) 2019 (https://www.defense.gouv.fr/).
(36) Groizeleau Vincent, « Batsimar : la Marine en souhaite 18 et les premiers dès 2021 », Mer et Marine, 25 janvier 2017.
(37) Cambon Christian, « Les outre-mer, points d’appui et interfaces géostratégiques », RDN n° 823, octobre 2019, p. 12-17.
(38) Parly Florence, « Déclaration de la ministre des Armées sur la stratégie spatiale de défense », Base aérienne 942 de Lyon, 25 juillet 2019 (https://www.vie-publique.fr/).
(39) Cité dans Blank Stephen, « Cyber War and Information War à la Russe » in Perkovich George et Levite Ariel (dir.), Understanding Cyber Conflict: 14 Analogies, Georgetown University Press, 2017, p. 81-98 (https://carnegieendowment.org/).
(40) Sur ce sujet voir Gomart Thomas, Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques, Tallandier, 2021, qui parle de retard grammatical stratégique européen.
(41) Klus Adam, « Myatezh Voina : The Russian Grandfather of Western Hybrid Warfare », Small Wars Journal, 7 octobre 2016 (https://smallwarsjournal.com/).
(42) Blank Stephen, op. cit.
(43) Lagneau Laurent, « La ministre des Armées accuse la Turquie et la Russie de chercher à discréditer les forces françaises au Sahel », Opex360-Zone militaire, 13 janvier 2021 (http://www.opex360.com/).
(44) Mielcarek Romain, « Les “trois guerres” d’influence de l’Armée populaire de libération », Défense & Stratégie internationale n° 107, octobre 2014.
(45) Erickson Andrew S., « Shining a Spotlight: Revealing China’s Maritime Militia to Deter its Use », The National Interest, 25 novembre 2018 (https://nationalinterest.org/).
(46) Rebello Katarina, Schwieter Christian, Schliebs Marcel, Joynes-Burgess Kate, Elswah Mona, Bright Jonathan et Howard Philip N., « Covid-19 News and Information from State-Backed Outlets Targeting French, German and Spanish-Speaking Social Media Users », Comprop Data Memo 2020, 29 juin 2020, Oxford Internet Institute (https://demtech.oii.ox.ac.uk/).
(47) « The Isis Papers: a Masterplan for Consolidating Power », The Guardian, 7 décembre 2015 (https://www.theguardian.com/).
(48) L’Obs avec l’AFP, « Depuis l’Irak, le “calife” jihadiste appelle les musulmans à lui obéir », L’Obs, 5 juillet 2014 (https://www.nouvelobs.com/).
(49) Ponticelli Nathanaël, « La stratégie hybride de l’État islamique : quels enseignements et quels enjeux ? De Mossoul à Raqqa, l’âge de l’hybridité : l’État islamique en Irak et en Syrie de 2014 à 2017 », Notes de l’Iris, janvier 2020 (https://www.iris-france.org/).
(50) Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, 2017, p. 71 (https://www.defense.gouv.fr/).
(51) Actualisation stratégique, op. cit., p. 73.
(52) Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2008, chapitre VIII (https://www.vie-publique.fr/).
(53) Soutou George-Henri, « La stratégie du renseignement : essai de typologie », Stratégique n° 105, 2014/1, p. 23-42 (https://www.cairn.info/), p. 27.
(54) « Renseignement français : quelle organisation et quel cadre légal ? », Vie-publique.fr, 15 janvier 2020 (https://www.vie-publique.fr/).
(55) Les capteurs sont multiples : les HUMINT, soit du renseignement d’origine humaine, les SIGINT d’origine électro magnétique, les IMINT, soit du renseignement optique, ou encore les MASINT qui sont les signaux émis involontairement.
(56) Gleicher Nathaniel, Agranovich David, « Removing Coordinated Inauthentic Behavior from France and Russia », Facebook, 15 décembre 2020.
(57) Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, Stratégie nationale du renseignement, juillet 2019 (http://www.sgdsn.gouv.fr/).
(58) Malfart Jean, « Contre-espionnage » in Moutouh Hugues et Poirot Jérôme (dir.), Dictionnaire du renseignement, Perrin, 2018, p. 187.
(59) Livre blanc 2008, chapitre VIII, op. cit.
(60) Délégation parlementaire au renseignement, Rapport pour l’année 2018, tome I, 11 avril 2019, p. 61 (https://www.senat.fr/).
(61) Soutou George-Henri, op. cit., p. 28.
(62) Simonel Laurent-Xavier, « Les services de renseignement du second cercle » (Tribune n° 724), RDN, 17 décembre 2015.
(63) Goy-Chavent Sylvie (dir.), Menace terroriste : pour une République juste mais plus ferme (Rapport d’information n° 639), Sénat, 4 juillet 2018 (https://www.senat.fr/).
(64) Stratégie nationale du renseignement, op. cit., p. 11-12.
(65) Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, « Audition de Patrick Alvar, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), accompagné de M me Marie Deniau, cheffe de cabinet », Assemblée nationale, 24 mai 2016 (https://www.assemblee-nationale.fr/).
(66) Macron Emmanuel, « Initiative pour l’Europe – Discours du président de la République pour une Europe souveraine, unie, démocratique », La Sorbonne, 26 septembre 2017 (https://www.elysee.fr/).
(67) Toutefois, le fait que la Grande-Bretagne fasse partie de l’accord Five Eyes pose certaines questions sur la provenance des informations britanniques et ralentit la collaboration franco-britannique sur le sujet ; « Les 10 ans des Accords de Lancaster House, quelle coopération franco-britannique après le Brexit ? » (webconférence avec Alice Pannier), IHEDN Jeunes, 12 novembre 2020 (https://jeunes-ihedn.org/).
(68) Soutou George-Henri, op. cit., p. 27.
(69) Ministry of Defense, Global Britain in a Competitive Age : The Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy, Londres, mars 2021 (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(70) Ministère de la Défense, Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, 2013, p. 70 (https://www.defense.gouv.fr/).
(71) Pour une évaluation des moyens militaires français dans les outre-mer : Délégation sénatoriale aux outre-mer, Rapport Risques naturels majeurs : urgence déclarée outre-mer (Rapport d’information n° 688), Sénat, 24 juillet 2018 (https://www.senat.fr/).
(72) Ibid.
(73) Ibid.
(74) Ministère des Outre-mer, « La dimension maritime et stratégique des outre-mer » (communiqué de presse), 17 novembre 2016 (https://outre-mer.gouv.fr/).
(75) Marine nationale, « Ensemble nous sommes Marins », Guide du Candidat, p. 11 (https://www.etremarin.fr/).
(76) Ibid.
(77) Lecoq Tristan, « France : de la défense des frontières à la défense sans frontières », Questions internationales n° 79-80, mai-août 2016 (https://www.vie-publique.fr/).
(78) Dicod, « FAA : Fin d’une opération de lutte contre le narcotrafic », ministère des Armées, 24 mars 2020 (https://www.defense.gouv.fr/).
(79) Voir la déclaration issue du Conseil européen informel au Sommet de Bratislava du 16 septembre 2016 (https://www.consilium.europa.eu/).
(80) Livre blanc 2008, op. cit., p. 69.
(81) Dumoulin André, « L’initiative européenne d’intervention : Enjeux et supports », e-Note 25, 2 mars 2018, Institut royal supérieur de défense (IRSD) (https://www.defence-institute.be/).
(82) Pène François, « À quoi sert le fonds européen de défense ? », Toute L’Europe, 12 janvier 2021 (https://www.touteleurope.eu/).
(83) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 2040, l’odyssée du Scaf (Rapport d’information n° 642), Sénat, 15 juillet 2020 (https://www.senat.fr/rap/r19-642/r19-6421.pdf).
(84) Otan, « Le plan d’action “réactivité” de l’Otan », juillet 2016 (https://www.nato.int/).
(85) Otan, « Renforcer la présence de l’Otan à l’est et au sud-est », 21 septembre 2020 (https://www.nato.int/).
(86) Champchesnel (de) Tiphaine, « Quel rôle pour les armes nucléaires après la nouvelle revue de posture américaine (2018) » Note de recherche n° 57, Irsem, 28 juin 2018 (https://www.irsem.fr/).
(87) Délégation pour l’Union européenne, « Union européenne - Russie : quelles relations ? », Rapports d’information, 9 mai 2020, Sénat (https://www.senat.fr/).
(88) Actualisation stratégique, op. cit., p. 21.
(89) Ministère des armées, « EMASoH AGENOR », mai 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(90) République française et République fédérale d’Allemagne, Traité sur la coopération et l’intégration franco-allemande, 22 janvier 2019 (https://www.diplomatie.gouv.fr/).
(91) République française, Royaume-Uni, Traité de coopération en matière de défense et de sécurité, 2 novembre 2010 (https://www.legifrance.gouv.fr/).
(92) Jeantil Mathilde, « ThucyDoc n° 8 – Note d’actualité : Causes et conséquences du retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien », Centre Thucydide, 15 juin 2018 (https://www.afri-ct.org/).
(93) « Armes nucléaires : le TNP demeure un pilier de la paix et de la sécurité internationales rappelle l’ONU », ONU Info, New York, 26 février 2020 (https://news.un.org/).
(94) Durkalec Jacek, « La sécurité européenne sans le traité FNI », NATO Review, 30 septembre 2019 (https://www.nato.int/).
(95) Imités par les américains avec la mise en service en 2018 de leur propre tête nucléaire tactique. Mettre en service des armes nucléaires tactiques signifie accepter d’envisager l’utilisation de l’arme nucléaire en tant qu’arme conventionnelle comme les autres, ce qu’elle n’est pas à l’origine. Au-delà du risque évident d’escalade nucléaire se superposent des interrogations sur la moralité de l’emploi de l’arme.
(96) Delpech Thérèse, La Dissuasion nucléaire au XXIe siècle. Comment aborder une nouvelle ère de piraterie stratégique, Odile Jacob, 2013.
(97) Les Républiques de Malte, d’Irlande et d’Autriche ont signé le TIAN.
(98) Gallois Pierre, Stratégie de l’âge nucléaire, Calmann-Lévy, 1960.
(99) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, L’avenir des forces nucléaires françaises (Rapport d’information n° 668), Sénat, 12 juillet 2012 (https://www.senat.fr/).
(100) Macron Emmanuel, « Discours du président de la République sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de la 27e promotion de l’École de Guerre », Paris, 7 février 2020 (https://www.elysee.fr/).