Le développement exponentiel du secteur spatial a conduit les nations en pointe de la réflexion doctrinale à se doter d’armée de l’Espace pour embrasser ce nouveau champ de conflictualité. Si la littérature sur la guerre dans l’Espace est abondante, celle de l’apport des capacités spatiales pour la guerre navale n’est pas suffisamment développée. Cet article pose les bases d’une réflexion sur l’évolution des facteurs et des fonctions opérationnels dans la guerre navale à l’âge du développement spatial et Cyber. Il montre qu’il sera nécessaire de développer un segment spatial militaire ambitieux dans un cadre otanien ou européen pour être victorieux dans un combat naval de haute intensité.
Le segment spatial dans la guerre navale
Les fondamentaux de la guerre navale n’ont jamais changé : l’incertitude y règne en maître. Le premier combat du chef d’escadre est de la réduire pour lui et de noyer l’adversaire dans la brume. La bataille de Midway (1942) ne fut-elle pas gagnée parce que l’amiral Yamamoto qui, bien qu’ayant l’initiative, fut pris au piège des Américains renseignés de ces mouvements tandis qu’il en était réduit à des paris hasardeux ? Le déroulement de cette bataille est aussi celle de l’échec des conceptions anciennes de l’amiral japonais qui voulait faire l’artillerie – l’arme du Jutland (1916), « la maîtresse de l’engagement », contre les conceptions modernes de l’amiral Nimitz qui a fait de l’aviation navale, développée rapidement dans l’entre-deux-guerres, la pièce maîtresse de la plus grande bataille navale de l’histoire. À bien des égards, la période que nous vivons aujourd’hui présente des similarités : soit nos choix capacitaires et notre audace nous permettront de créer l’ascendant, soit nous nous laisserons distancer et verrons s’éloigner de nous la perspective de peser en mer.
Les capacités développées dans les deux dernières décennies dans les nouveaux champs de confrontation que sont le cyber et l’Espace, érodent la suprématie militaire occidentale. Elles doivent conduire l’Europe et son principal outil de défense, l’Otan, à repenser la forme que pourrait prendre une confrontation militaire et ne peuvent désormais faire l’économie d’un développement de leurs capacités pour assurer leur sécurité stratégique. Le segment spatial s’impose désormais comme un élément incontournable du combat naval, un multiplicateur de force qui, sans transformer les principes du combat naval en modifiera les procédés au cours du XXIe siècle.
Pour s’en convaincre, nous explorerons l’impact du développement du domaine spatial sur les facteurs opérationnels de la guerre navale puis sur les conséquences sur les traditionnelles fonctions opérationnelles que nous pensons être une très bonne grille de pensée pour tenter d’éclaircir ce sujet.
Pourquoi passer le domaine spatial au tamis des facteurs opérationnels temps, espace et force ?
Pour la première fois dans l’histoire, grâce à l’Espace et au champ cyber, le chef militaire, embrasse d’un coup d’œil l’ensemble d’un théâtre des opérations. Il est susceptible de porter son action en tout point d’un théâtre d’opérations devenu global, cela à un rythme inégalé jusqu’alors. L’espace du théâtre des opérations est ainsi dilaté jusqu’à pouvoir embrasser la planète entière. Le temps est comprimé à des vitesses qui défient les capacités de réaction humaines. Enfin, les forces mises en œuvre sont démultipliées par des systèmes de systèmes dont on a encore du mal à percevoir la puissance mais dont on sait déjà qu’ils seront déterminants dans la conduite de la guerre.
Les facteurs opératifs, temps, espace et force sont largement impactés par les développements dans les nouveaux champs de conflictualité. Mais avant de détailler ces impacts, il nous faut préciser les raisons pour lesquelles ils sont essentiels au raisonnement du chef militaire.
Pour guider les chefs militaires, la littérature classique stratégique et tactique s’efforce de capturer les principes invariants de la guerre à travers l’histoire. Selon les écoles et les doctrines, ces principes sont peu nombreux ou, au contraire, si nombreux qu’ils se contredisent entre les auteurs et deviennent de peu de secours (1). L’amiral Castex contourne la difficulté en introduisant la notion de procédé : « les moyens, données d’emploi, les facteurs techniques que l’on utilise pour appliquer les principes. Toute la difficulté de la résolution d’un problème militaire consiste précisément à faire par l’intermédiaire d’un procédé convenable, une application satisfaisante des principes à un cas particulier. Les procédés dépendent évidemment des engins et par conséquent, du temps et du milieu (2). »
Les principes trouvent donc leur application dans les procédés qui découlent du jeu des facteurs opérationnels (temps, espace et force). Ces derniers, à la différence des principes ou des procédés, sont incontestables car ils ne sont pas le fruit d’un jeu de l’esprit, d’un principe exagérément mis en avant après une victoire, mais des grandeurs mesurables et complémentaires les unes des autres. Le temps, l’espace et la force sont les briques fondamentales avec lesquelles le chef militaire peut évaluer ses possibilités en les confrontant à celles de l’adversaire. Nous soutenons que l’art de la guerre opérative consiste surtout en une compensation habile entre ces facteurs desquels découlent des principes d’action adaptés aux moyens, à la culture et au caractère des armées. Il est contingence alors que le principe est substance, dirait l’amiral Labouérie. Milan Vego, l’historien de l’art opératif américain, considère que Napoléon Ier tire son génie militaire en grande partie de sa capacité à jongler avec les facteurs opératifs de façon plus efficace que ces adversaires (3). Le « coup d’œil » mis en avant au XIXe ou le « sens tactique », que l’on s’efforce aujourd’hui de détecter chez les officiers (4), fait appel à cette science ; celle d’évaluer les facteurs opérationnels et saisir l’instant pour conduire l’action décisive dans un moment de tension extrême.
Systématiquement, à travers l’histoire, l’évolution des techniques a provoqué une modification des avantages comparés entre les facteurs temps, espace et force que les chefs militaires et les ingénieurs se sont efforcés de mettre à profit pour acquérir l’ascendant sur l’adversaire. L’âge spatial et cyber qui se déploie devant nous aura un impact fort sur l’équilibre des facteurs opérationnels dans la guerre navale. Le chef d’escadre du XXIe siècle devra le mesurer pour dominer son adversaire. Quel est-il dans le cas de la guerre navale ?
Commençons par nous intéresser à l’impact sur le facteur espace.
Avec la maîtrise de l’Espace, le théâtre devient global et l’incertitude réduite
Les opérations navales se sont tenues jusqu’à aujourd’hui dans un environnement marqué essentiellement par l’incertitude. De la marine à voile à la chasse des sous-marins, c’est surtout le hasard des rencontres qui provoquaient les engagements. Pour réduire l’incertitude, il fallait consacrer un nombre très important de moyens pour trouver son objectif et le contrôler (5). Plus tard, la recherche dans l’immensité des océans sera facilitée avec des moyens de détection à longue distance : le radar, les avions de patrouille maritime ou les hélicoptères embarqués. L’incertitude qui pesait sur les opérations navales en fut largement réduite. L’âge spatial s’apprête à offrir au commandant de théâtre maritime des possibilités jusqu’alors inconnues au service de la maîtrise de l’espace aéromaritime (6).
Des milliers de capteurs d’observation de la Terre sont mis sur orbite et per mettront bientôt d’avoir une capacité de détection globale permanente. Des Intelligences artificielles (IA) dédiées travaillant sur d’immenses bibliothèques d’images et d’informations brutes issues des capteurs embarqués de toutes sortes sur les constellations de satellites, seront en mesure de déceler sur n’importe quel point de la terre, toutes sortes de mobiles en mer. La comparaison des images optiques, des signatures électromagnétiques, infrarouge, des trajectoires fourniront une image tactique complète et globale aux Nations qui s’arment pour se doter de ces moyens. Les conséquences de cette évolution capacitaire sont immenses.
Premièrement, le théâtre des opérations devient global, mondial. C’est déjà en partie le cas, mais la RMP (7) mondiale n’est prise en compte qu’au niveau stratégique, le niveau opératif ne s’intéressant pour l’instant qu’à une portion géographique réduite qui correspond globalement à la capacité d’action des bâtiments sur son théâtre des opérations. Sous peu, cette distinction n’aura plus de sens avec la mise en ligne des armes tactiques à très long rayon d’action, cinétiques ou non (8). L’apparition d’armes à rayon d’action global, impose d’entretenir une image tactique globale.
Deuxièmement, grâce aux moyens spatiaux, l’environnement aéromaritime deviendra aussi clair que du cristal : il ne permettra plus aux flottes de masquer leur approche pour générer de la surprise et obtenir ainsi l’ascendant, comme elles l’ont fait depuis la nuit des temps. Les marines doivent dès lors trouver de nouveaux expédients pour générer de nouveau l’incertitude, artificiellement, éventuellement dans des champs immatériels. L’incertitude reposera certainement en grande partie sur des capacités cyber ou des capacités d’aveuglement des satellites, optique ou électromagnétique. Cela nécessitera de consacrer davantage de moyens à des programmes dédiés et de remettre l’accent dans les doctrines, sur opérations de diversion, délaissées depuis quelques décennies.
Troisièmement, alors que les domaines de lutte des forces navales concernent aujourd’hui, le milieu sous-marin, la surface, le milieu aérien et le champ électromagnétique, les marines devront porter leur regard plus haut et développer des tactiques qui prendront en compte cette nouvelle menace. La documentation tactique de l’Otan l’évoque déjà, mais les moyens permettant la prise en compte effective de ce nouveau domaine de lutte ne sont pas encore à la disposition des bâtiments et des flottes. La Marine nationale, avec l’Otan, se devra de développer une doctrine et des tactiques pour prendre en compte le développement du segment spatial.
Enfin, quatrièmement, le facteur opérationnel espace ne peut être réduit à une dimension géographique. Il est aussi celui des facteurs humains comme le système politique, le volume et la composition des populations, les structures sociales, les habitudes de vie, l’économie, les religions, etc. (9). Dans ces domaines aussi, les satellites qui observent la Terre ou ceux qui véhiculent une partie grandissante de leurs activités et centres d’intérêt, fournissent des opportunités essentielles pour conduire des opérations contre des centres de gravité adverses.
Ainsi le voit-on, le segment spatial va modifier profondément les échelles et les domaines de raisonnement de la tactique navale. Il vient surtout offrir des avantages décisifs à ceux qui en auront la maîtrise. Intéressons-nous maintenant au facteur temps.
Foudroyer ou être dominé
Le général américain MacArthur disait : « deux mots séparent la victoire de la défaite : too late ». Le surgissement du segment spatial et du cyber dans la guerre navale aura pour effet d’accélérer le tempo de la guerre, de boucler les chaînes d’engagement plus rapidement encore. Ce sera un changement si important qu’il va imposer le développement de nombreuses tactiques et techniques pour pouvoir y faire face.
Le principe essentiel du combat naval, avec le principe d’incertitude traité plus haut, est celui de la « foudroyance », le plus important et le plus puissant de tous selon nous. Napoléon Ier, le général Guderian (10), le choix de la centralité de l’arme aérienne dans la doctrine américaine puis de l’Otan s’appuient sur elle (11). La « foudroyance » impose d’être en mesure de boucler les chaînes d’engagement plus rapidement que l’adversaire et, dans le même temps, d’empêcher l’adversaire de boucler les siennes. La vitesse avec laquelle ce processus est réalisé, détermine la victoire ou la défaite (12). Elle dépend, bien entendu, du niveau de la guerre auquel on se situe : stratégique, opératif ou tactique.
Jusqu’à récemment, il y avait une différence de « constante de temps » (13) entre le niveau stratégique, le niveau opératif et le niveau tactique : la constante de temps stratégique étant plus importante que la constante de temps des niveaux opératifs, elle-même plus importante que celle du niveau tactique. Or, les nouveaux développements spatiaux et cyber accéléreront singulièrement le bouclage des chaînes d’engagement. La situation tactique aéromaritime devra être entretenue en permanence par les constellations de satellites, les situations tactiques seront échangées rapidement entre les acteurs de la guerre, les ordres d’engagement transmis automatiquement à travers le théâtre des opérations et, compte tenu des vitesses hypersoniques des vecteurs de pénétration, les engagements seront conduits automatiquement. Nos architectures spatiales et nos choix ne permettent pas encore cela, mais nous devons prendre cette voie (14), car à défaut, nous ne serons pas en mesure de boucler nos chaînes d’engagement suffisamment rapidement pour conserver l’ascendant tactique.
Le segment spatial et le cyber portent donc vers plus de « foudroyance » globale, il comprime le temps nécessaire. Il permettra sous peu d’imposer un rythme important et de ne pas avoir à subir celui que l’on cherche à nous imposer. Tenir cette escalade est crucial.
Qu’en est-il de l’impact du spatial et du cyber sur le facteur opérationnel force ?
La force de la maîtrise des données, de l’automatisation
L’impact du segment spatial sur le facteur opérationnel force est aussi très important si l’on prend ce facteur dans le sens indiqué par Sun Tsu, qui englobe l’intelligence donc celle de l’IA, du cyber, de l’Internet des Objets (IoT) et, des capteurs portés par les satellites.
Sur les bâtiments, la connaissance du théâtre des opérations est essentielle à l’efficacité. Elle est principalement bâtie patiemment par les opérateurs qui jonglent entre de multiples bases de données locales en s’appuyant sur leur expérience (15) pour élaborer la situation surface aérienne et sous-marine. Le processus est lent et imparfait, mais les situations tactiques rencontrées aujourd’hui restent encore à la portée des capacités de quelques opérateurs. Demain, alors que le théâtre des opérations devient global, l’IA devra prendre la majeure partie de la charge de ce processus. Des logiciels embarqués directement sur les satellites ou sur les bâtiments devront pouvoir collecter les données, les analyser, en extraire celles qui sont utiles à la mission, les partager sur le réseau et les confronter aux données des capteurs des bâtiments, avions et hélicoptères de la flotte. Ils devront interroger les bases de données de renseignement et celles en sources ouvertes, collaborer avec les autres IA de la zone d’opération, le tout sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres, à des constantes de temps conformes à celle de la tactique navale, pour être cohérents avec les capacités des vecteurs de pénétrations adverses (16).
Les bases de données, l’IA et les segments satellitaires, on le voit, doivent marcher d’un même pas pour collaborer via un réseau d’informations et d’actions, le Combat Cloud. Les États-Unis avaient entamé cet effort au début des années 2000 avant d’en être détournés par les guerres contre le terrorisme pendant que la Chine et la Russie avançaient sur cette voie. À l’époque, ce concept prenait le nom de « Network Centric Warfare » (NWC) et rencontrait un accueil mitigé dans la Marine nationale car les marins français étaient peu rompus aux réseaux informatiques qui commençaient à peine à irriguer les bâtiments. Peu de marins en France avaient perçu le potentiel d’un tel développement. Il est pourtant aujourd’hui évident et il s’appuiera en grande partie sur l’IoT.
La Blitzkrieg gardait comme principe la « foudroyance » qui reposait en grande partie sur la manœuvre de divisions de chars et de l’aviation. Rien n’aurait été possible si les moyens déployés sur les champs de bataille n’avaient pas été coordonnés sur un réseau radio efficace. Déjà, à l’époque, les Français qui envisageaient l’emploi de chars isolés en appui de l’infanterie, ne pouvaient percevoir la puissance de divisions de chars coordonnées par un réseau radio. L’évolution des procédés de la guerre que permet la combinaison des satellites, de l’IA, du traitement des données et de l’IoT est de même magnitude.
Pour pousser à son maximum le principe de « foudroyance » cher à l’amiral Labouérie, il convient de considérer la zone d’opération comme un réseau IoT : des senseurs et des effecteurs qui doivent être en mesure de communiquer, se coordonner et agir le plus rapidement possible à travers un réseau automatique. Dans la chaîne d’engagement, l’élément le plus lent reste l’opérateur ; soit parce qu’il doit s’assurer qu’il n’y aura pas de méprise au moment de l’engagement, soit parce qu’il doit assurer le transfert d’informations entre des systèmes qui ne peuvent communiquer entre eux. C’est la raison pour laquelle il faut travailler à ce que les réseaux qui relient les effecteurs, les senseurs et les plateformes soient le plus automatique possible. Naval Group travaille déjà en ce sens à la Veille coopérative navale (VCN) et bientôt à l’Engagement coopératif naval (ECN). L’architecture du projet Scaf (Système de combat aérien du futur) repose également sur réseaux identiques. L’on voit déjà dans ces projets, le caractère incontournable d’un réseau doté d’une grande bande passante et de faible latence sur des milliers de Nautiques. Ce réseau résilient et rapide sera la colonne vertébrale sur laquelle les drones de combat, de surface, aériens et sous-marins s’appuieront pour se coordonner et conduire des actions foudroyantes (17). Il est donc essentiel de porter nos efforts sur le réseau de combat, le Combat Cloud, car il permettra de conduire les opérations dans le futur. Les plateformes navales, aériennes, sous-marines, satellitaires, cyber sont des extensions de ce réseau global dont les satellites seront des composantes essentielles, car il lui confère son caractère planétaire. C’est le sens du projet lancé par la Space Development Agency (SDA) aux États-Unis : la National Space Defense Architecture comporte 7 couches de satellites dont une couche de 20 satellites « réseaux » destinée à assurer la communication entre tous les senseurs et effecteurs d’un réseau global de 500 satellites (18). La France dispose de son côté, d’atouts sérieux et de grands opérateurs dont certains possèdent déjà de bonnes capacités de gestion de flotte de satellites, à l’instar d’Eutelsat qui gère près de 40 satellites. Elle doit travailler à ce que l’Europe développe son propre Combat Cloud indispensable aux opérations de demain. Elle pourrait d’ailleurs le mettre au service de l’Otan.
Ainsi, sans modifier la nature de la guerre navale, ni ses principes, le segment satellitaire va influencer les facteurs opérationnels de la guerre navale dans de telles proportions qu’il va en modifier les procédés. Il modifiera aussi les rapports et les liaisons entre les fonctions opérationnelles des forces navales.
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Dans les années à venir, le segment spatial va s’affirmer comme un démultiplicateur de force. Certaines fonctions opérationnelles des forces navales seront profondément améliorées, renforcées, d’autres moins touchées. Il se peut même que certaines soient modifiées ou disparaissent au profit de nouvelles fonctions. Explorons l’impact du développement des moyens spatiaux sur les fonctions opérationnelles.
Impact du segment spatial sur les fonctions opérationnelles
Les fonctions opérationnelles sont celles qu’un commandant de force navale doit organiser et entretenir tout au long de l’opération. Elles sont nécessaires au fonctionnement de la flotte, à sa capacité à opérer. Elles sont en général au nombre de cinq : Command and Control (C2) ; Fires ; Logisitic ; Protection, Movement and Manœuvre ; Intelligence (19). Le segment satellite aura un impact fort sur les fonctions C2, Fires et Protection que nous développons ici.
Command and Control
L’une des fonctions les plus impactées par le segment spatial est celle du C2. La capacité à boucler rapidement ses propres chaînes d’engagement et d’empêcher l’adversaire de boucler sa chaîne d’engagement est l’élément central du succès dans la guerre navale. Il s’agit donc d’assurer la suprématie dans le flux des informations entre les plateformes et les centres de commandement. Porté principalement par le segment spatial, le flux d’information est donc un enjeu de suprématie du combat naval. Il n’en est plus un élément secondaire, mais un domaine de lutte à part entière qui permet d’assurer la suprématie dans les autres domaines de lutte (ASuW, AD, ASW, SW, EW, etc.) (20). Avec le développement des segments spatiaux, il devient nécessaire de développer et mettre en œuvre les concepts et doctrines de suprématie informationnelle.
Une autre tendance naturelle du développement du segment spatial réside dans la fluidification des échanges d’informations et des ordres. Elle provoque la compression des niveaux stratégique et tactique, tout en assurant une meilleure unité de commandement. Le contrôle stratégique est plus fin, plus rapide et pousse naturellement à remonter le niveau de décision d’engagement. Le commandant opératif a, à sa disposition, une variété plus grande de senseurs et d’effecteurs en mesure de réagir à ses ordres en quelques minutes, grâce à de puissantes capacités de calcul et un ciblage toujours plus précis. Mais cela présente quelques inconvénients dont il faut se garder.
La centralisation éteint l’initiative des commandants tactiques car l’impact du niveau tactique sur les niveaux stratégique et politique est plus puissant aujourd’hui en raison de la vitesse de l’omniprésence de l’information. La centralisation du commandement conduit donc inexorablement à la centralisation de la conduite et de l’exécution. Il peut en découler un ralentissement dans l’exécution et des prises de décisions inadéquates. Les commandants tactiques perdent l’initiative, le coup d’œil cher à Napoléon Ier. Pire encore, ils perdent l’esprit d’initiative (21). Il serait donc dangereux d’imaginer qu’une meilleure circulation de l’information à travers la chaîne de commandement puisse permettre de se passer des commandements intermédiaires locaux essentiels à l’efficacité de l’action (22). Les Allemands, pendant la campagne de Belgique en 1914, en ont fait l’expérience (23). Un commandement distant et trop centralisé ralentit l’action, car il répartit son temps disponible entre les niveaux tactique et stratégique, faisant les deux de façon médiocre.
Ainsi, l’utilisation des segments satellitaires en appui du C2 doit conduire à considérer l’information comme un domaine de lutte à part entière plutôt qu’un élément d’un domaine de lutte. Elle peut, si l’on n’y prend garde, bouleverser les structures de commandement qui pourtant gardent leur pertinence. Elle impose donc surtout une plus grande rigueur dans les états-majors pour respecter les niveaux de réflexion de planification et de conduite, stratégique, opératif et tactique.
Fires
Le segment spatial apportera aussi des possibilités très intéressantes à la fonction Fires. Les satellites géostationnaires ou les constellations LEO (24) en apportant une ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) complète faciliteront le ciblage précis des bâtiments de surface et des vecteurs aériens. Demain, ce n’est plus une plateforme qui ciblera un avion, un bâtiment ou un sous-marin avec ses armes ; l’engagement sera conduit par un réseau regroupant des capteurs et des armes portés par des plateformes de surface, aériennes ou sous-marines, il s’agit du Combat Cloud évoqué plus haut. Le ciblage et la répartition des engagements seront conduits par ce réseau dirigé par une IA en liaison permanente avec les nœuds du réseau dont feront partie les segments spatiaux dotés de capteurs divers. Le concept n’est pas nouveau : c’est le Network Centric Warfare (NWC) évoqué précédemment. Celui-ci permet une meilleure coopération et distribution des moyens dans la zone d’opération. La concentration des forces ne devra alors plus s’entendre au sens physique du terme, mais au sens « informationnel » : la capacité à concentrer les vecteurs offensifs en un point et un instant le plus court possible grâce au réseau d’informations. Le commandant de force navale pourra engager davantage de cibles, en moins de temps, avec moins de plateformes. Nous n’y sommes pas encore, mais il est certain que les Nations dotées de capacités spatiales prendront cette voie.
La fonction opérationnelle Fires conduit aussi à s’interroger sur l’arsenalisation de l’Espace. La guerre s’empare de tous les champs, souligne Clausewitz (25). Compte tenu de l’avantage décisif procuré par des armes basées dans l’Espace, la pente naturelle des événements conduira à équiper les satellites d’armement. Aucun cadre normatif ne l’empêche. Le Traité de 1967 sur les utilisations pacifiques de l’Espace n’interdit que l’emploi d’armes de destruction massive dans l’Espace (26). Ce traité, lui-même, constitue une bien faible ligne de défense au regard de la course à l’Espace et des enjeux qu’elle induit. Il y aura donc des armes dans l’Espace. Elles serviront à protéger les moyens spatiaux devenus indispensables aux activités humaines. Elles serviront aussi à obtenir un ascendant en mer et à se défendre d’être dominé depuis l’Espace. Quelles en seront les conséquences ?
Armes à énergie dirigée, brouillage, aveuglement des capteurs, le panel des armes capacités offensives envisagé dans l’Espace ne semble pas à même de détruire une flotte de bâtiments de combat. Ces armes pourront néanmoins générer suffisamment de frictions pour permettre à d’autres vecteurs de conduire l’engagement décisif et de renverser localement et temporairement un rapport de force négatif. Les Nations devront donc s’en prémunir en bâtissant des réseaux résistant aux éventuelles attaques de l’adversaire, qu’elles soient cyber ou physiques. Cela passe nécessairement par des architectures redondantes et résilientes, et donc des constellations de satellites nombreux. Sur le plan offensif, il sera nécessaire de disposer de moyens d’attaquer les systèmes satellites adverses, depuis la Terre ou depuis l’Espace. L’utilisation des segments spatiaux dans la guerre navale conduit inexorablement au développement d’une stratégie, de doctrines et de moyens de guerre dans l’Espace. Les deux domaines sont liés. Nous n’abordons cependant pas ici le volet de la guerre dans l’Espace déjà largement couvert par une littérature abondante. Mais ce nouveau domaine n’échappera pas aux logiques de combat que l’on trouve déjà dans les autres milieux.
Protection
La fonction opérationnelle protection sera aussi largement améliorée par le segment spatial sous deux aspects : d’abord, il offrira aux forces navales un plus grand préavis face aux missiles antinavires et aux vecteurs de pénétration ; ensuite, il offrira une plus grande ubiquité aux moyens des forces navales.
Les missiles antinavires supersoniques et hypersoniques misent sur la « foudroyance » de leurs attaques pour « mettre les systèmes de défense dans les cordes ». Les délais de réaction sont limités par l’horizon radar des moyens de détection de la force, les temps d’acquisition de la cible, de réaction des systèmes d’armes et d’interception par les missiles antiaériens. Face à une telle menace, il est nécessaire de chercher à se redonner du préavis. Les constellations LEO devront remplir cette fonction en détectant au-delà de l’horizon, si possible dès le tir, les missiles à longue portée et les aéronefs ou drones visant la force navale. Cette couverture présentera l’avantage d’être permanente et omnidirectionnelle. Elle est incontournable dans la guerre navale du XXIe siècle. L’augmentation du préavis ne suffira pas, il faudra aussi faire face à l’ubiquité.
La « foudroyance » est un procédé très efficace dans l’art de la guerre navale, mais elle peut être démultipliée par l’ubiquité. La menace que faisaient peser les flottilles de torpilleurs conçues pour couler les cuirassés au début du XXe siècle, ou plus tard, l’ascendant qu’a eu l’arme aérienne sur les croiseurs pendant la Seconde Guerre mondiale, reposaient sur le principe de l’ubiquité, certains diront la saturation des défenses. Au XXIe siècle, le procédé reste valable bien que caractérisé par des vitesses plus élevées, une précision des armes plus grande, des portées plus importantes. L’adversaire s’appuiera sur un Combat Cloud pour conduire ses attaques, un réseau de senseurs et d’effecteurs interconnectés et synchronisés à l’échelle de l’ensemble du théâtre des opérations. Pour y faire face, il faudra être en mesure d’attaquer le Combat Cloud de l’adversaire et de se porter au-devant de la menace en opposant à l’ubiquité, une ubiquité au moins équivalente soutenue par des capacités de calcul puissantes et robustes. De nouvelles doctrines reposent sur des attaques d’essaims de drones armés et coordonnés contre les forces navales. Pour y faire face, les forces navales devront leur opposer des essaims de drones interconnectés spécialisés dans la défense aérienne. Leur action devra être coordonnée par des IA hébergées par une architecture réseaux robuste et résiliente basée sur des constellations de satellites car ces engagements devront être conduits au-delà de l’horizon, de préférence hors de portée des missiles antinavires. Il faut désormais travailler à imaginer et bâtir des systèmes aériens de défense et d’attaque non pilotés, aux architectures C2 décentralisées et robustes qui permettront une meilleure résistance à l’attrition.
Le développement des segments spatiaux constitue donc un atout pour la protection des forces navales dans un environnement de plus en plus marqué par la prolifération d’armes supersoniques de longue portée et de grande précision, et par l’apparition prochaine d’essaims de drones offensive contre les cibles navales.
Renseignement
La fonction opérationnelle renseignement peut aussi bénéficier du développement du segment spatial. De toutes les fonctions opérationnelles, la fonction renseignement est celle qui la première, a tiré parti du segment spatial. Depuis le lancement de Spoutnik (1957), les grandes puissances spatiales ont utilisé l’Espace pour se renseigner sur l’adversaire avec toutes sortes de capteurs embarqués. Cependant l’époque nous place entre deux situations : l’une ancienne, où les satellites fournissent des renseignements en permanence au niveau stratégique tandis que les renseignements à usage tactique sont surtout fournis par des capteurs tactiques : guerre électronique, avions de patrouille maritime, hélicoptère, sous-marins. Le développement de constellations de satellites et l’IA permettront bientôt de fournir des renseignements tactiques directement aux forces navales à une vitesse compatible avec celle de l’action tactique. Le commandant de force navale est ainsi mieux renseigné sur les mouvements de l’adversaire et ce à quoi il peut s’attendre. L’analyse approfondie des données par la chaîne de renseignement classique sera cependant toujours indispensable car il permet de déceler l’intention opérative ou stratégique de l’adversaire, ce qui restera difficile à faire au niveau tactique avec un niveau d’assurance suffisant.
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Dans le sillage de l’essor de l’industrie spatiale et des technologies de l’information prend enfin corps la « Revolution in Military Affairs » (RMA) imaginée par Andrew Marshall, il y a maintenant 30 ans. Stimulés par les avancées technologiques de la Chine et de la Russie, les États-Unis misent sur l’Espace et le cyber pour retrouver leur suprématie militaire. À leur suite, les pays de l’Otan devront a minima rester compatibles avec les avancées technologiques imaginées et mises en place par les États-Unis. En mer, la dissémination des armes du haut du spectre impose aussi de coller aux meilleurs standards technologiques et d’être en mesure de rester interopérables pour peser. Les moyens spatiaux à usage militaire transforment les procédés de la guerre navale, ils la rendent plus rapide, plus précise, plus foudroyante, moins incertaine. Ils offrent de plus une plus grande surface de vulnérabilité aux attaques cyber, ne réduisant pas moins la friction dans la guerre moderne. Enfin, le développement des segments spatiaux à usage militaire lie inexorablement la guerre navale à la guerre aérienne et spatiale, la victoire de l’une dépendant de l’appui assuré par l’autre. Il est donc essentiel que la France puisse bénéficier d’un Combat Cloud ambitieux, efficace, souverain. L’ampleur de ce projet nouveau, stimulant et fédérateur, est à la dimension de l’Europe qui se cherche des voies pour concrétiser la collaboration entre les pays européens dans le domaine de la défense.
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Vego Milan, Joint Operational Warfare: Theory and Practice, USNWC, 2009, 1481 pages.
Vego Milan, Operationnal Warfare at Sea. Theory and Practice, Routledge, 2009, 272 pages.
(1) Sur la critique des principes de la guerre, on se reportera avec intérêt à l’exceptionnel Traité de stratégie d’Hervé Coutau-Bégarie (Économica, 3e édition), p. 304-334. Il y présente une étude comparée et critique des principes mis en avant par quelques-uns des principaux stratèges et stratégistes comme le maréchal Foch (4 principes), les Britanniques J.F.C. Fuller (9 principes) et B.H. Liddell Hart (3 principes), Frédéric Culmann (3 principes), le Field Manual de l’US Army - FM 100-5 (9 principes) et enfin, Guy Labouerie, qui a notre préférence (2 principes). L’amiral Labouérie a aussi fait ce travail de son côté avec un nombre plus grand de stratèges : il montre que les principes sont très différents d’un auteur à l’autre. Enfin, les généraux Burnod et Husson ont tenté de réduire la pensée militaire de Napoléon Ier en 95 maximes de guerre et commentaires dans un ouvrage intéressant mais impraticable (Maxime de guerre et pensées de Napoléon Ier, 5e Éd., Librairie Militaire, 1895). Quant au traité de Sun Tzu, nous pensons que le traité L’Art de la guerre est si peu pratique à manier qu’il est préférable de s’appuyer sur des auteurs plus récents, reprenant, traduisant et affinant ses recommandations pour en tirer des enseignements applicables dans le combat moderne.
(2) Castex Raoul, Théories, Tome I, Économica, 1997, p. 52.
(3) Vego Milan, Joint Operational Warfare, US Naval War College (USNWC), p. III-3.
(4) Comme on l’a prétendu par le passé, le « sens tactique » ou le « coup d’œil » ne saurait être inné. Il se développe, se construit et se transmet dans les écoles et sur les bâtiments. Il s’affine en s’efforçant de considérer l’affrontement autant que possible comme une science globale (science dure et science sociale ; dialogue technique et affrontement psychologique, il demande de l’empathie) plus que comme un art mais en se soumettant au fait qu’il ne sera cependant jamais entièrement déterministe tant les paramètres pouvant faire basculer les événements sont nombreux.
(5) Au XVIIe siècle, avec seulement cinq frégates à Dunkerque, Jean Bart immobilisait plus de cinquante vaisseaux britanniques et hollandais. En 1941, la seule apparition du Bismark dans l’Atlantique, suffit à mobiliser une grande partie de la flotte britannique pour le trouver et le détruire.
(6) Acquérir la maîtrise de l’espace aéromaritime, consiste à assurer la liberté d’action de sa flotte dans une zone donnée et pour un temps limité tout en interdisant ou réduisant celle de l’adversaire.
La notion est essentiellement stratégique ou opérative ; assez peu tactique, mais nous avons vu plus haut que cette distinction est susceptible de se brouiller avec l’introduction des capacités satellitaires comme moyens de combat.
La notion de maîtrise de l’espace aéromaritime (Sea Control) est née après la Première Guerre mondiale, lorsque les Britanniques ont compris qu’il n’était plus possible d’avoir la suprématie totale en mer en raison de l’apparition de nouvelles technologies (torpilles, sous-marins, mines, avions…).
(7) Recognize Maritime Picture : situation maritime de référence – position des bâtiments militaires.
(8) Les six armes révolutionnaires présentées par le président russe Vladimir Poutine, le 1er mars 2018, ont des portées de plusieurs milliers de kilomètres.
(9) Vego M., Joint Operational Warfare, op. cit., p. III-7.
(10) (1888-1954) Général allemand, spécialiste des blindés, auteur de Achtung Panzer ! (1937), surnommé « Heinz le rapide » pendant la Seconde Guerre mondiale.
(11) « La pensée militaire américaine, entraînée par les théoriciens de l’arme aérienne, s’est peu à peu attachée à concevoir une action militaire la plus instantanée possible : s’il n’est pas nécessaire de laisser du temps à la politique en cours de conflit, il importe de gagner le plus vite possible en enchaînant toujours plus rapidement les étapes de renseignement, prise de décision et de frappe qui vont assommer l’adversaire » : colonel Benoît Durieux, Relire De la guerre de Claussewitz, Économica, 2010, p. 18.
(12) Sur ce point, il convient de se reporter au livre de Chritian Brose, Kill Chain, qui en donne la définition suivante : « The kill chain is a process that occurs on the battlefield or wherever militaries compete. It involves three steps: The first is gaining understanding about what is happening. The second is making a decision about what to do. And the third is taking action that creates an effect to achieve an objective. » Brose Christian, The Kill Chain: Defending America in the Future of High-Tech Warfare, Hachette Books, 2020, p. xviii.
(13) En physique, une constante de temps est une grandeur, homogène à un temps, caractérisant la rapidité de l’évolution d’une grandeur physique dans le temps, particulièrement lorsque cette évolution est exponentielle. La constante de temps est liée à l’étude de la réponse impulsionnelle d’un système.
(14) La stratégie spatiale de défense française définie une ambition de soutien aux opérations pour le moment surtout au niveau stratégique, mais reconnaît qu’il faut développer cet aspect.
(15) Sur Frégate de défense aérienne (FDA), il faut près d’une dizaine d’années pour qu’un chef de module de détection aérienne soit en mesure de gérer avec un niveau de sûreté satisfaisant, les centaines de mobiles aériens détectés en permanence par les radars de la frégate dans un environnement dangereux.
(16) C’est le concept C5ISTAR (Command, Control, Computers, Communications, Cyber, Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance) ou le réseau qui le porte est le Combat Cloud.
(17) Quelles que soient les réticences éthiques par ailleurs justifiées, les drones de combat seront incontournables dans les zones d’opérations de demain car l’avantage tactique et stratégique qu’ils procureront permettra d’obtenir l’ascendant. Leur emploi même, favorise la protection de nos propres forces, argument également de nature éthique qui vient contester la vision immorale de l’emploi de drones armés.
(18) SDA, « Transport » (https://www.sda.mil/transport/).
(19) Sur la description des fonctions opérationnelles, on se reportera à l’étude qu’en fait Milan Vego : Joint Operationnal Warfare, Theory and Pratice, USNWC, 2007, p. VIII-3-VIII-95.
(20) ASuW (guerre anti-surface), AD (anti-aérienne), ASW (anti-sous-marine), SW (sous-marine), EW (électronique).
Till Geoffrey, Seapower. A Guide for the Twenty-First Century, Routledge, 2009, p. 130.
(21) Sur l’esprit d’initiative on se reportera avec intérêt à Milan Vego qui présente une étude historique de l’Auftragstaktik, concept allemand de la fin du XIXe siècle revitalisé par l’US Army récemment. Il s’agit principalement de déléguer l’exécution au plus bas niveau tactique en conservant l’esprit général dans lequel se trouve le commandant en chef. C’est la méthode traditionnelle de commandement de la Marine, principalement utilisée en raison des piètres capacités de communication dont elle s’est accommodée pendant des siècles. Il faut bien reconnaître que la mise en ligne des satellites Syracuse a bouleversé cette culture depuis les années 1990.
(22) Les contrôleurs opérationnels de la Marine sont Ceclant (Commandant en chef Atlantique), Cecmed (CEC Méditerranée), Alfost (Amiral commandant les forces sous-marines et la Force océanique stratégique, Fost) et les Comsup (commandant supérieur) dans les Dom-Com. Il est d’ailleurs singulier de noter que seuls la France et les États-Unis ont mis en place des commandements locaux permanents qui couvrent l’ensemble de la planète. Atouts très importants, ils assurent à la France la réactivité de la chaîne C2 si une opération devait se déclencher rapidement dans leur zone.
(23) Pour les difficultés de liaison des armées allemandes au début de la Première Guerre mondiale, on se reportera avec intérêt à la description qu’en fait Gabriel Hanotaux tout au long de son Histoire de la guerre de 1914 en 16 volumes écrits entre 1915 et 1923. Hanotaux Gabriel, Histoire Illustrée de la Guerre de 1914, Gounouilhou, 1915-1923.
(24) Low Elevation Orbit : Orbite à fort défilement dont l’altitude est inférieure à 2 000 km.
(25) Clausewitz (von) Carl, On War, Princeton Paperback, 1989, Chapitre I.
(26) Nations unies, Traités et principes des Nations unies relatifs à l’espace extra-atmosphérique, 2002 (https://www.unoosa.org/pdf/publications/STSPACE11F.pdf).