Les nouvelles technologies sont capables de changer le caractère de la guerre. Vitesse décisionnelle accrue dans tous les domaines opératifs, expansion-désertification-robotisation du champ de bataille où la guerre peut être remportée avant même que la bataille ne soit livrée. Le contrôle et la manipulation de l’information deviendront le caractère primordial de la guerre. La stratégie militaire devra prendre en compte ce nouvel environnement opérationnel connecté, étendu, immatériel et multidimensionnel de manière à maîtriser de multiples séries de compétitions entre acteurs de tout niveau qui recherchent des effets, parfois simultanés, dans plusieurs domaines.
La stratégie militaire et le champ opérationnel des compétitions technologiques
De profondes ruptures s’opèrent dans les paradigmes sécuritaires du XXIe siècle. Pour en saisir l’ampleur, il convient de comprendre la portée des évolutions technologiques qui pourraient avoir des applications dans le domaine militaire. Nos chefs doivent donc se doter de moyens d’analyses non seulement pour évaluer leurs effets sur le caractère de la guerre, mais aussi pour comprendre comment adapter la stratégie militaire. Le but est d’éviter d’être surpris par un adversaire sous-estimé.
Quels sont le rôle et l’importance des technologies émergentes sur la stratégie militaire et comment faire face aux défis de l’intelligence artificielle (IA), de la robotisation, de la biotechnologie, des armes hypersoniques et des armes à énergie dirigée ? Quels sont les domaines technologiques porteurs des menaces les plus importantes et comment s’y préparer ? Les technologies émergentes présentent des opportunités dans les domaines économique, énergétique comme militaire, mais peuvent devenir également les moyens par lesquels une surprise stratégique nous laisse sans ressorts ou devant un fait accompli si elles ne sont pas suffisamment étudiées. De plus, les technologies se propagent avec une telle facilité et rapidité qu’une Nation ne peut plus bénéficier d’un avantage décisif et permanent. Enfin, la convergence de nouvelles technologies peut produire des résultats inattendus et, de la même manière, peut faire émerger de nouveaux défis (1).
La convergence des évolutions technologiques et de l’environnement, tous deux en constante évolution, affecte l’appréciation des menaces des dirigeants militaires et leur calcul stratégique sur l’issue des conflits armés (2). Le chef militaire veut avant tout être prêt pour le prochain conflit et éviter d’être surpris sur le champ de bataille (3). C’est pourquoi il est d’autant plus important d’appréhender les applications militaires des nouvelles technologies, et surtout de comprendre comment elles influenceront le calcul stratégique.
L’IA, la robotisation autonome, le soldat augmenté, l’informatique quantique, les armes hypersoniques ou à énergie dirigée sont porteurs de caractéristiques disruptives capables de changer le caractère de la guerre. Les technologies à usage dual – c’est-à-dire utilisées dans les domaines civil et militaire – risquent davantage d’avoir un impact profondément disruptif à la fois si elles ne sont pas suffisamment étudiées à l’avance, si des applications opérationnelles créatives et réalisables ne sont pas identifiées, et si la doctrine militaire ne les a pas prises en compte.
Les domaines cognitifs et moraux auront de plus en plus d’importance dans les conflits armés. Le contrôle et la manipulation de l’information constitueront les outils indispensables, incontournables et primordiaux à tous niveaux. L’expansion du champ de bataille marquera une évolution majeure de la guerre. La stratégie militaire devra prendre en compte ce nouvel environnement opérationnel connecté, étendu, immatériel, et multidimensionnel de manière à maîtriser de multiples séries de compétitions entre acteurs de tous niveaux qui rechercheront des effets, parfois simultanés, dans plusieurs domaines (4).
La stratégie : calcul des effets et des risques
Pour être franc, nous avons plutôt tendance à banaliser la stratégie et à la réduire à une approche opérationnelle ou à un plan de campagne. Pourtant, les ouvrages qui la décrivent ne manquent pas. Pour Carl von Clausewitz, la stratégie est « l’art de l’emploi des batailles comme un moyen d’obtenir l’objet de la guerre (5). » Le général André Beaufre, lui, la définit comme « l’art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit (6). » Selon, Basil Henry Liddell Hart, la stratégie est une adaptation, une coordination équilibrée entre le but et les moyens (7) : « l’art de l’emploi… », « l’art de la dialectique des volontés… », « adaptation et coordination » ; la stratégie revêt un caractère immatériel, qui demande du savoir-faire. La stratégie est un exercice intellectuel, délibéré qui demande un discernement affiné par lequel le chef militaire cartographie le déroulement des campagnes qui composent la guerre. Il formule son plan par lequel il séquence et joint les batailles qui doivent être livrées. La stratégie est du ressort des effets et du calcul du risque, qui aboutissent en somme à réaliser des objectifs politico-militaires.
Puisqu’il s’agit d’un processus d’analyses et de décisions, il est important de discerner ce qui pourrait influencer la perspective du chef militaire dans sa manière de concevoir l’emploi de la force. Historiquement la technologie a toujours été une dimension de la stratégie parce qu’elle l’a souvent influencée (8). Même si les progrès technologiques ont toujours eu des effets plus immédiats et remarqués au niveau tactique, leurs effets sur l’exercice de la stratégie sont plus difficiles à démontrer puisqu’ils sont généralement visibles a posteriori.
L’armée : le « bras armé » de la stratégie
« L’art de la bataille » présuppose l’exercice du discernement, issu d’expérience et d’études, dans l’usage des moyens militaires de la stratégie, en l’occurrence de l’armée. Évaluer l’impact de la technologie sur l’emploi de l’armée se fait d’abord en prenant connaissance des principes doctrinaux qui sous-tendent son emploi. Par exemple, pour remplir sa mission, l’Armée de terre doit fonctionner et obéir à un certain nombre de principes fondamentaux, généralement tactiques mais ayant le potentiel d’affecter les opérations interarmées et, par conséquent, la stratégie. Parmi eux, le « mission command » est le principe recherchant la conduite d’opérations militaires en s’appuyant sur une exécution décentralisée. Le principe de masse recherche une synchronisation des effets militaires à un point décisif et à un moment précis. L’économie des moyens cherche à utiliser les forces disponibles de la manière la plus efficace possible. Le principe de la surprise recherche un succès militaire bien au-delà des efforts fournis pour l’atteindre. La déception est généralement le moyen par lequel on peut engendrer une surprise (9). Ces principes doctrinaux sont les plus saillants et servent à évaluer l’impact des technologies émergentes considérées. Ces principes étant posés, développons maintenant les enjeux et les risques liés aux principales technologies émergentes.
Les technologies émergentes
Les pays ayant des modèles d’armées complets ont toujours compté sur leur supériorité technologique pour assurer leur domination dans les conflits et pour assurer leur sécurité nationale (10). Les découvertes provenant de la recherche et du développement peuvent donner lieu à de profondes remises en question de notre mode de vie. Leurs applications militaires peuvent d’autant plus changer les paradigmes que des liens se créent entre elles, ouvrant d’autres champs jusqu’alors impensables. Il me semble important de souligner que les technologies que j’aborde présentent des risques plus importants dans la mesure où elles sont combinées ou qu’elles remettent en cause certaines limites éthiques établies. Le danger serait de renoncer à nos valeurs fondamentales au profit d’une efficacité militaire sans avoir au préalable fait ce constat.
L’intelligence artificielle : rapidité de la boucle décisionnelle
À l’heure actuelle, l’IA constitue le domaine par excellence parce qu’il comporte potentiellement des implications importantes pour la sécurité nationale. Jusqu’à présent les progrès dans ce domaine se cantonnent à ce que les experts appellent une IA « mono-activée », c’est-à-dire qu’ils cherchent à exercer ou à reproduire des tâches cognitives humaines en construisant des modèles et algorithmes statistiques afin de traiter de grandes bases de données. L’IA mono-activée est aussi capable de résoudre des problèmes spécifiques comme jouer à des jeux, la reconnaissance d’image et la navigation. Jusqu’à présent toutes les applications IA sont mono-activées. L’IA n’a pas encore la capacité de l’intelligence humaine dans un large spectre de tâches. C’est ce que l’on appelle l’IA générale. Les experts s’accordent pour dire qu’il faudra plusieurs décennies avant d’y arriver (11).
Néanmoins, l’IA sera dans l’avenir capable de traiter et d’analyser, sans efforts humains importants, d’énormes volumes d’information dans le domaine du renseignement épargnant aux analystes des heures à filtrer des banques de données et permettant ainsi d’arriver plus rapidement aux décisions (12). Elle pourrait améliorer des systèmes de maintenances prédictives pour des matériels sophistiqués. Elle pourrait détecter des anomalies dans un champ large d’activité sur réseau afin de présenter une défense plus efficace contre des attaques cybernétiques. Elle permettrait de falsifier des images et enregistrements audiovisuels de manière à détourner le narratif de gouvernements, voire le créer, contrôler l’opinion publique et faire du chantage. Enfin, elle permettrait de consolider des informations provenant de différents systèmes et domaines opérationnels militaires en un tableau opérationnel commun ou encore d’identifier des liens de communications coupés par un ennemi et trouver des solutions alternatives de distribution de l’information (13). En complément, dans le domaine physique, les technologies s’orientent de plus en plus vers la capacité d’assister, voire de remplacer le soldat.
La robotisation : vers une désertification du champ de bataille ?
La robotisation n’est pas une idée nouvelle. Elle est née dans le domaine civil, mais les militaires cherchent comment utiliser ses capacités. Le robot possède certains avantages que l’humain n’a pas : il résiste aux éléments, il est plus solide, il ne se fatigue pas, il exécute sans question, il n’a pas de remords, mais le plus grand avantage est qu’il préserve la vie humaine s’il est détruit. Le véhicule robotisé, par exemple, possède des avantages clairs par rapport aux véhicules traditionnels pilotés par des humains en opérations. Ils sont généralement plus petits, plus légers, plus rapides et plus manœuvrables. Puisqu’ils ne se fatiguent pas et qu’ils peuvent courir de plus grands risques, ils ouvrent de nouvelles possibilités tactiques et peuvent modifier à une autre échelle les données du calcul stratégique.
L’inconvénient majeur est que le robot ne possède pas encore la capacité cognitive du cerveau humain. La majorité des robots militaires sont contrôlés par télécommande – donc, par des humains – reliés par un lien de communication. Celui-ci est fragile et peut être assez facilement perturbé, voire coupé, soit délibérément soit par des éléments d’environnement. La question est désormais de s’assurer que l’engin puisse continuer sa mission sans contrôle humain, sans lien de communication. L’autonomie est l’enjeu principal de la robotisation parce que tout en résolvant le problème technique du contrôle, elle en crée de nouveaux, notamment dans le champ de l’éthique (14).
Jusqu’à présent, le robot fait appel à l’humain dans sa boucle décisionnelle, c’est-à-dire que quelqu’un est capable de contrôler d’une manière plus ou moins directe l’opération de l’engin (15). C’est ce que l’on appelle un engin semi-autonome. L’engin complètement autonome est celui qui n’a plus besoin d’un humain pour remplir sa mission. De manière générale, ils ne sont pas nombreux : seul le IAI Harpy israélien peut être considéré comme bénéficiant d’une complète autonomie. Il s’agit d’une munition rôdeuse qui peut circuler sans directive humaine en cherchant une cible. Une fois trouvé, il la détruit sans autorisation (16).
L’autonomie complète présente des risques et suscite des débats qui sont loin d’être terminés. Par exemple, il faut s’assurer que l’engin autonome armé va fonctionner convenablement, c’est-à-dire se déplacer sans assistance à l’endroit voulu, s’arrêter comme convenu quand l’objectif est atteint, cibler uniquement un objectif militaire, limiter les dommages collatéraux, éviter une situation où l’arme tirera jusqu’à ce qu’elle ait épuisé toutes ses munitions (17). Mais la frontière éthique est la plus importante ; celle tracée par les « robots-tueurs » qui prennent la décision de tuer par eux-mêmes (18). Quelle place pour l’humain dans la guerre ?
C’est pourquoi le lien entre robot autonome armé et IA est le sujet par excellence. L’IA pourrait être intégrée dans des véhicules, avions de chasse, drones, navires, sous-marins. L’intégration de l’IA dans des systèmes autonomes armés changera sans aucun doute le caractère de la guerre, peut-être même sa nature. L’intégration de ces systèmes changera le besoin en ressources humaines (recrutement, entraînement et fidélisation) de ceux qui possèdent des qualifications techniques (19).
Enfin, l’essaimage robotisé est une application du principe de masse où il s’agit de mettre en œuvre une multitude de systèmes autonomes et indépendants, dotés d’algorithmes coopératifs et organisés, capables de surcharger des systèmes de défense haut de gamme (20). Ce principe s’applique aussi bien pour des systèmes aériens que maritimes. Cela permettrait également à de nouveaux compétiteurs, qui ne possèdent pas de systèmes d’attaque haut de gamme, de multiplier les affrontements et de bouleverser le calcul stratégique d’États plus puissants.
Mais la recherche et le développement ne s’arrêtent pas là. S’ils peuvent permettre de remplacer le soldat, ils peuvent également le rendre plus fort et plus résistant.
Le soldat augmenté : vers la dénaturation de l’humain ?
L’idée d’un soldat aux capacités physiques et cognitives renforcées par la technologie et ayant des performances surhumaines devient de plus en plus une réalité. Certaines technologies s’appliquent soit sur le corps de l’homme, nous parlerons alors d’homme amélioré, soit dans le corps, nous parlerons alors d’homme augmenté (21). Quelle que soit la méthode, le but est le même ; ce qui diffère est l’impact profond sur le corps humain parce que la méthode engendre des questions et des conséquences éthiques fort différentes. Nous constatons de plus en plus une tendance, si elle est confirmée, à aller vers une dénaturation de l’humain (22).
Dans la catégorie de technologies qui s’adaptent sur le corps, la réalité augmentée possède un potentiel non négligeable. Celui de faire parvenir des masses d’informations d’une manière synthétique et intuitive permettant d’améliorer les capacités cognitives du soldat en augmentant sa connaissance de la situation (23). Le développement d’exo-squelettes permet aussi au fantassin de parcourir de plus grandes distances, plus vite, en portant des charges plus importantes tout en préservant son intégrité physique.
Dans la catégorie de technologies qui s’intègrent dans le corps, l’implant dans le cerveau est de plus en plus envisagé. Celui-ci permettrait, par la transmission numérisée, d’améliorer la vitesse de communication des informations, la connaissance de la situation globale, pouvant même contrôler plusieurs robots simultanément. Un soldat connecté ayant la capacité de percevoir son environnement à des distances qui lui sont hors d’atteinte ouvre des possibilités tactiques évidentes. La connectivité peut s’opérer de pair avec un drone, un micro-véhicule ou autres robots automatisés (24). L’élément clé est la manière dont le soldat et la machine feront équipe. Cela implique un apprentissage technique avancé, mais surtout d’apprendre à faire confiance (25).
Par conséquent, la connectivité du soldat lui permettra de se disperser sur de grandes étendues et de se rassembler plus facilement, cela se traduisant également par une plus grande fluidité sur le champ de bataille. Les soldats pourraient bénéficier d’un contrôle accru de la manœuvre et surprendre l’ennemi plus aisément. En liant la connectivité du combattant à l’IA et à la robotique automatisée, les éléments de masse et de feu sont décuplés. La connectivité permettrait aussi une plus grande décentralisation et rapidité des prises de décision (26). Les nouvelles technologies peuvent augmenter l’effet de masse, mais elles peuvent aussi dévoiler les intentions et les actions des armées.
L’informatique quantique : transparence des milieux sécurisés
L’informatique quantique représente également un domaine de rupture dans les milieux civil et militaire dans la mesure où les principes de physique quantique vont permettre d’atteindre une puissance de calcul jusqu’à présent inégalée. Elle sera potentiellement en mesure de déchiffrer les codes de cryptage les plus avancés dont dépendent les structures informatiques et les modes de communications. En pénétrant les systèmes de cryptage, l’informatique quantique sera en mesure de compromettre les systèmes de communications militaires ainsi que les transactions financières et, pour ainsi dire, les systèmes de sécurisation sur lesquels repose l’économie mondiale (27).
Ce domaine de recherche est en pleine croissance et dispose de marges de progrès encore importantes. Les systèmes radars quantiques auraient la capacité de suivre et de mesurer la performance d’objets avec plus de précision que les systèmes radars conventionnels remettant en cause la technologie de la furtivité, et d’identifier et suivre les aéronefs furtifs. Ceci s’appliquerait aussi en matière de détection sous-marine rendant pour ainsi dire les océans « transparents » (28). Les enjeux que comporte ce domaine contiennent des applications à la fois aux niveaux tactique et stratégique, et remettent potentiellement en cause le principe de la dissuasion nucléaire. Les technologies peuvent également rendre l’offensive imparable.
Les armes hypersoniques : la foudre dirigée
À l’heure actuelle, les armes hypersoniques – volant à des vitesses d’au moins Mach 5 – sont en développement. Le problème est qu’il n’existe à ce jour aucune défense véritablement efficace contre elles. Même si les grands compétiteurs (États-Unis, Russie, Chine) développent activement des parades, les experts divergent sur l’accessibilité financière de tels programmes, sur leur faisabilité technologique et sur les modes de défense. Il existe deux types d’armes hypersoniques à ce jour : d’une part, les planeurs hypersoniques, placés sur une fusée avant de « glisser » jusqu’à leur objectif et d’autre part, les missiles de croisière hypersoniques, propulsés durant la totalité de leur vol. Contrairement aux missiles balistiques, les armes hypersoniques ne suivent pas une trajectoire intégralement balistique et peuvent manœuvrer en cours de vol, rendant leur interception quasi impossible (29). Du fait que ces systèmes sont théoriquement très précis et doivent permettre d’atteindre des objectifs extrêmement éloignés, et qu’il n’y a aujourd’hui pas de défense efficace, ils constituent une rupture dans le paradigme offensive-défensive.
Les armes à énergie dirigées : versatilité de la nuisance électromagnétique
Les armes à énergie dirigées (AED) constituent un autre domaine proposant des options non cinétiques à usage varié. Les AED utilisent une énergie électromagnétique concentrée permettant d’immobiliser, désactiver, endommager ou détruire des systèmes militaires. Ces armes « laser » pourraient être utilisées pour se défendre contre des missiles, des drones autonomes ou potentiellement d’intercepter des missiles de croisière dans leur phase d’accélération. Ces armes permettent, aussi en configuration offensive, de nuire aux systèmes de communication, endommageant n’importe quel système de défense ayant des composantes électroniques (30).
L’avantage majeur de ces armes est la polyvalence d’utilisation, car elles intègrent des applications offensives comme défensives. Les systèmes ED ont des vitesses de tir qui, en théorie, avoisinent la vitesse de la lumière. Ils n’ont pas besoin de solutions balistiques, et leur usage n’est pas limité à un nombre de munitions en stock comme les armes conventionnelles. Ils peuvent soit être portables pour des usages limités contre des drones par exemple, ou montés sur des véhicules pour se défendre contre des essaims de drones ou des salves de missile. Nous pouvons aussi y voir des usages plus stratégiques comme sur des navires afin de tisser un réseau de défense et intercepter des missiles de croisière (31). Les nouvelles technologies pourraient ainsi être aussi variées que leurs applications mais pas sans conséquence sur l’environnement opérationnel.
L’environnement opérationnel, champ de compétition technologique
L’environnement opérationnel change de plus en plus vite. Les grands compétiteurs sont lancés dans une course pour s’approprier un positionnement tactique, opérationnel et stratégique qui leur soit favorable. La technologie sera vraisemblablement l’angle de prédilection pour obtenir un avantage décisif ou a minima pour éviter un déclassement en termes capacitaires (32). Les technologies nouvelles dévoilent des modes d’actions et des applications militaires permettant soit d’accélérer les prises de décisions, soit de couvrir un champ opérationnel plus large et plus profond, soit de substituer aux traditionnels soldats des machines de plus en plus létales, robustes et rapides ; soit, enfin, « d’augmenter » nos soldats.
De plus, le développement puis l’application isolée de ces nouvelles technologies comportent un risque : celui de ne pas capitaliser immédiatement et utilement sur leur combinaison et leur complémentarité. Les vraies ruptures se trouvent peut-être dans une convergence de nouveaux domaines technologiques où les combinaisons ouvrent de nouvelles possibilités (33). La robotisation et l’IA sont deux domaines de recherche distincts qui, pris isolément, peuvent déboucher sur des évolutions militaires importantes mais qui, associés, ont le potentiel d’engendrer de nouveaux paradigmes sociétaux et militaires. Ajoutons l’informatique quantique pour faire de la science-fiction une nouvelle réalité.
De nouveaux concepts opérationnels, qui reposent sur une meilleure appréciation des différents domaines de la guerre, sont en cours de développement. Le concept d’opérations multidomaines développé par l’armée américaine est le constat que le champ de bataille de demain s’étendra dans plusieurs domaines que sont terre, mer, air, Espace et cyber (34). Cette nouvelle approche conceptuelle des opérations doit permettre de mieux faire converger les approches capacitaires en prenant en compte les acquis technologiques réalisés.
Puisque les avantages technologiques peuvent se traduire en ajustements tactiques et opérationnels, ils peuvent également influencer et engendrer des adaptations dans le calcul stratégique militaire (35). C’est dans ce cadre que se dessinent les nouveaux contours de la guerre : vitesse décisionnelle et opérative plus grande, distance de combat plus importante, effets plus destructeurs, présence humaine moindre et robots autonomes plus nombreux, opérant dans des domaines physiques, cognitifs, et moraux ; où la guerre peut être remportée avant même que la bataille ne soit livrée (36). Quelques pistes de réflexions peuvent encore s’ouvrir pour mieux saisir la portée du nouveau caractère de la guerre.
Transparence du champ de bataille : la fin de la surprise ?
Prenons deux des principes fondamentaux des opérations militaires : la déception et la surprise. Il est capital de garder ses intentions et ses actions le plus secrètes possible. Si les unités des forces armées peuvent demeurer cachées, elles ne peuvent être ciblées. De nos jours, il est de plus en plus difficile de demeurer indétectable si l’on considère les progrès faits en matière de vision infrarouge, de vision de nuit et de vision thermique. Les grands compétiteurs bénéficient de capteurs en orbite, de capteurs radars en réseau, de drones qui, tous, peuvent augmenter le champ de vision du chef militaire et améliorer sa connaissance de la situation. L’informatique quantique permettrait justement de révolutionner la connaissance de la situation comme évoqué précédemment (37). Les capteurs passifs, jumelés avec l’intelligence artificielle et les techniques de manipulation des données en grandes quantités, pourraient dépasser la performance des capteurs actifs et inaugurer une nouvelle ère de compétition entre capteurs autonomes et moyens de contre-mesures. La nouvelle transparence des domaines aérien et maritime pourrait remettre en cause les principes de protection et de surprise. Il serait préférable de développer de nouvelles techniques dans le domaine de la guerre électronique visant à décevoir les capteurs avancés plutôt que de les détruire (38). La frappe de précision et les systèmes de protection sont d’autres exemples de l’évolution du caractère de la guerre.
Le glaive plus fort que le bouclier ?
Les capteurs de l’Espace et les systèmes de guidage seront de plus en plus intégrés avec des systèmes de frappe et de protection permettant l’application rapide de feux d’un domaine à l’autre et optimisant la solution « tireur-capteur » (39). Les systèmes de tir de munitions intelligentes et autonomes permettent de frapper à des distances beaucoup plus grandes, d’opérer en systèmes collaboratifs, de leurrer des contre-mesures, et atteindre des objectifs jadis difficilement atteignables. Les essaims de robots autonomes, intelligents, capables de s’organiser et abordables, pourront submerger des systèmes de protection haut de gamme forçant les grands compétiteurs à trouver un point d’équilibre entre effet de masse, frappe de précision et coût de production (40). La guerre à la vitesse des machines est une autre dimension à prendre en compte.
Un binôme homme-machine incontournable ?
L’introduction de l’intelligence artificielle dans les systèmes d’analyse des renseignements et autres systèmes cyber permettra de déceler de plus en plus d’activités malveillantes, de boucler des cycles décisionnels de plus en plus rapidement (41). L’avènement des machines dans des processus analytiques s’appliquant à des banques de données massives pourrait non seulement libérer le militaire pour se concentrer davantage sur le combat, mais permettrait aussi de prendre des décisions beaucoup plus rapidement. Même si cette rapidité décisionnelle était de plus en plus marquée, avec le risque d’entraîner des conséquences indésirables, le « binômage » de l’humain et de la machine sera intégré de manière croissante dans la planification militaire (42). Les domaines cognitifs et moraux auront de plus en plus d’importance.
Primauté du cognitif et du moral
La prolifération de nouvelles technologies, associées avec la vitesse des interactions humaines et l’hyper-connectivité du monde fera en sorte qu’aucun compétiteur n’aura un avantage marqué et durable sur les autres (43). L’avantage qui découlerait d’une percée technologique, ne sera que temporaire et ne se traduira probablement pas en supériorité décisive à long terme. C’est pourquoi le domaine physique cédera la place aux domaines cognitifs et moraux de la guerre. Les opérations militaires, et donc la stratégie, seront de plus en plus orientées pour porter atteinte à la volonté de l’adversaire. Certains compétiteurs s’imposeront moins que d’autres sur l’utilisation de la force et mettront en œuvre des stratégies hybrides s’appuyant plus sur des opérations informationnelles et des attaques cybernétiques ciblant les individus, des segments de la population et des infrastructures nationales (44).
Contrôle et manipulation de l’information
Le contrôle et la manipulation de l’information revêtiront un caractère primordial et deviendront un outil indispensable et incontournable à tous niveaux de la guerre. Les capacités de l’IA à produire des fausses informations auront comme résultat d’éroder la confiance entre gouvernements et populations, et ainsi de compromettre leur volonté de résister ou de s’engager militairement dans des conflits armés (45).
Expansion du champ de bataille
L’expansion du champ de bataille constituera l’évolution la plus marquante du caractère nouveau de la guerre. Les combattants, étatiques ou non, seront capables d’atteindre autant les forces armées que les infrastructures civiles et les populations. La connectivité de la société, reposant sur la multiplication des appareils connectés au réseau, facilitera l’augmentation de la surface d’attaque des actions cybernétiques et la mise à disposition dans le domaine public d’informations personnelles des soldats et de leurs familles. L’idée d’une guerre limitée où les intervenants se cantonnent à une zone d’opération spécifique n’existera plus. Le champ de bataille s’étendra au territoire national où les vulnérabilités pourraient inclure les domaines de l’agriculture et de l’approvisionnement alimentaire, les finances, les banques, le commerce, les institutions gouvernementales, l’état de droit, les transports, le domaine médical, l’alimentation en eau, l’énergie et les médias (46).
* * *
En termes de stratégie militaire, les compétiteurs seront amenés à faire des choix entre des champs étroits technologiques haut de gamme permettant de bénéficier de leviers de supériorité militaire et une masse de capacités plus abordables. Il leur faudra s’assurer d’avoir des organisations capables d’identifier et d’exploiter les innovations technologiques ainsi que leur application militaire tout en identifiant leurs combinaisons possibles et leur utilisation optimale avec toujours pour objectif de les traduire en doctrine militaire. Il faudra prendre en compte le problème de la prolifération de technologies émergentes, qui en raison de leur accessibilité, permettra à un nombre croissant d’acteurs de tout niveau de se doter de ces nouvelles capacités et d’influencer les équilibres géopolitiques actuels (47). Des questions éthiques et sociétales soulevées par l’intelligence artificielle, l’autonomie robotique et la biotechnologie engendreront des remises en question sur la nature humaine et la place de l’humain sur le champ de bataille (48).
Ce sont les technologies émergentes qui, jumelées aux nouvelles performances des énergies et des matériaux, permettront aux automates, de plus en plus nombreux et performants, d’opérer à des distances accrues. Les capteurs spatiaux et la rapidité des armes permettront de frapper plus violemment et plus soudainement. L’emploi à grande échelle des automates remettra en cause et redéfinira la notion de masse de manière à saturer des systèmes de défense haut de gamme (49). La distanciation de l’humain des zones de létalité des combats sera de plus en plus prononcée allant même jusqu’à une désertification du champ de bataille. Les manipulations génétiques et les procédés mécaniques qui visent à améliorer les capacités physiques et cognitives du soldat pourraient engendrer des remises en question éthiques sur la dénaturation de l’homme et constitueraient un changement profond du paradigme militaire. L’intégration générale de l’IA dans les systèmes d’analyse des données de masses et dans les processus de planification pourrait se traduire par une substitution de l’humain dans les prises de décision ou dans l’élaboration de scénarios prédictifs (50).
Il est donc clair que la stratégie militaire devra impérativement prendre en compte ce nouvel environnement opérationnel connecté, étendu, immatériel et multi dimensionnel de manière à maîtriser de multiples séries de compétitions entre acteurs de tous niveaux qui recherchent des effets, parfois simultanés, dans plusieurs domaines (51).
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(1) Kosal Margaret E (PhD), Military Implications of Nanotechnology: Implications for Strategic Security I, PASCC Final Report, décembre 2014, p. 5 (www.hsdl.org).
(2) Joint Chiefs of Staff, Joint Operating Environment 2035: The Joint Force in a Contested and Disordered World, US Department of Defense, 14 juillet 2016, p. ii (www.jcs.mil/).
(3) Kosal M. E., Military Implications of Nanotechnology, op. cit., p. 7.
(4) JCS, « Joint Operating Environment 2035 », op. cit., p. 34.
(5) Liddell Hart Basil Henry, Strategy (2e édition), Meridian, 1991, p. 319.
(6) Beaufre André, Introduction à la Stratégie, Pluriel, 2012, p. 34.
(7) Liddell Hart B.H., op. cit., p. 322.
(8) Gray Colin, Modern Strategy, Oxford University Press, 1999, p. 37.
(9) US Department of the Army, Offense and Defense, Army Doctrine Publication (ADP) 3-90, juillet 2019, p. 2.
(10) Sayler Kelley, Emerging Military Technologies: Background and Issues for Congress, Congressional Research Service, 10 novembre 2020, p. 1 (https://crsreports.congress.gov/).
(11) Ibid., p. 2.
(12) Katz Brian, « The Analytic Edge: Leveraging Emerging Technologies to Transform Intelligence Analysis », CSIS Briefs, Center for Strategic and International Studies, octobre 2020, p. 1 (https://csis-website-prod.s3.amazonaws.com/).
(13) Klecha & Co, « Defence in the Digital Age », Defence IQ, septembre 2020 (www.defenceiq.com/).
(14) Scharre Paul, Army of None: Autonomous Weapons and the Future War, W.W. Norton & Company, 2018, p. 13.
(15) Lucas Nathan J., Lethal Autonomous Weapons Systems: Issues for Congress, Congressional Research Service, 14 avril 2016, p. 9 (https://crsreports.congress.gov/).
(16) Scharre Paul, Army of None, op. cit., p. 47.
(17) Ibid., p. 190.
(18) Feickert Andrew et al., U.S. Ground Forces Robotics and Autonomous Systems (RAS) and Artificial Intelligence (AI): Considerations for Congress, Congressional Research Service, 20 novembre 2018, p. 35 (https://crsreports.congress.gov/).
(19) Ibid., p. 40.
(20) Braun William G., Hlatky (von) Stéphanie et Nossal Kim Richard (dir.), Robotics and Military Operations, US Army War College Press, 22 mai 2018, p. 14 (https://press.armywarcollege.edu/).
(21) Noël Jean-Christophe, « À la recherche du soldat augmenté : Espoirs et illusions d’un concept prometteur », Focus stratégique n° 99, Institut français des relations internationales (Ifri), septembre 2020, p. 11 (www.rand.org/).
(22) Galan Marc, Gaudillière Pierre, Hardy Edmond, Le Saint Jean-Patrice, Meny Lionel, Pattier Loïc, Rodriguez Maria-Concepcion et Thomas Rémi, « Les grandes tendances à 2035 », présentation faite au Centre des hautes études militaires (CHEM), 10 décembre 2020.
(23) Bunker Robert J., « Defence Implications of Augmented and Virtual Reality », Defence iQ, 11 décembre 2019, p. 2 (https://press.armywarcollege.edu/).
(24) Binnendijk Anika et al., « Brain Computer Interface: U.S. Military Applications and Implications—An Initial Assessment », RAND Corporation, Security 2040 Initiative, 2020, p. 3.
(25) United Kingdom Ministry of Defence, Human-Machine Teaming, Joint Concept Note 1/18, mai 2018, p. 48 (www.defenceiq.com/).
(26) Binnendijk A. et al., op. cit., p. 3.
(27) Vermeer Michael J.D. et Peet Evan D., Securing Communications in the Quantum Computing Age: Managing the Risks to Encryption, RAND Corporation, 2020, p. 1.
(28) Sayler Kelley, Defense Primer: Emerging Technologies, Congressional Research Service, 19 décembre 2019, p. 1.
(29) Sayler K., Emerging Military Technologies, op. cit., p. 10.
(30) Ibid., p. 15.
(31) Ibid.
(32) Feickert A. et al., U.S. Ground Forces RAS and AI, op. cit., p. 8.
(33) Kosal M. E., Military Implications of Nanotechnology, op. cit., p. 6.
(34) US Training and Doctrine Command (TRADOC), The U.S. Army in Multi-Domain Operations 2028, TRADOC Pamphlet 525-3-1, 6 décembre 2018, p. VIII (https://crsreports.congress.gov/)
(35) Knox MacGregor et Williamson Murray, The Dynamics of Military Revolution 1300-2050, Cambridge University Press, 2001, p. 177.
(36) US TRADOC, The Operational Environment and the Changing Character of Warfare, TRADOC Pamphlet 525-92, octobre 2019, p. 19 (www.jcs.mil/).
(37) Vermeer M.J.D. et Peet E.D., Securing Communications in the Quantum Computing Age, op. cit., p. 2.
(38) US TRADOC, The Operational Environment and the Changing Character of Warfare, op. cit., p. 19.
(39) UK MoD, Human-Machine Teaming, op. cit., p. 54.
(40) US TRADOC, The Operational Environment and the Changing Character of Warfare, op. cit., p. 20.
(41) Braun W.G., Robotics and Military Operations, p. 11.
(42) UK MoD, Human-Machine Teaming, op. cit., p. 47
(43) Bouskill K. et al., Speed and Security: Promises, Perils, and Paradoxes of Accelerating Everything, RAND Corporation, Security 2040 Series, 2018, p. 3
(44) US TRADOC, The Operational Environment and the Changing Character of Warfare, op. cit., p. 21-22.
(45) Ibid, p. 23.
(46) Ibid., p. 24.
(47) JCS, Joint Operating Environment 2035, op. cit., p. III.
(48) Galan M. et al., « Les grandes tendances à 2035 », op. cit.
(49) Braun W.G. et al., Robotics and Military Operations, op. cit., p. 16.
(50) Galan Marc et al., « Les grandes tendances à 2035 », op. cit.
(51) JCS, Joint Operating Environment 2035, op. cit., p. 24.