L’attitude à adopter face à la Russie et à la Turquie divise profondément les États européens et illustre leur absence assumée de vision stratégique autonome. Or, la compétition sino-américaine devrait conduire les États-Unis à transférer aux alliés européens le fardeau sécuritaire de leur voisinage africain et moyen-oriental. D’ici vingt ans, les nations européennes seront-elles en mesure de monter simultanément la garde à l’Est tout en agissant seules dans leur voisinage méridional ? La « nouvelle guerre froide » avec la Russie va-t-elle dégénérer ? La politique étrangère turque sera-t-elle un facteur chronique d’instabilité ? Comment adapter les stratégies militaires pour répondre aux défis que ces puissances poseront ?
Les enjeux stratégiques de la France aux frontières orientales de l’Europe
« La vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine
et donc nous devons aussi savoir par ce dialogue exigeant et les conditions que nous poserons,
offrir à un moment donné une option stratégique à ce pays qui va immanquablement se la poser,
immanquablement, et c’est à nous de le préparer et de savoir avancer sur ce point. »
Emmanuel Macron (1)
La destinée et l’unité de l’Europe ont été régulièrement mises en jeu sur ses marches orientales. En 378, la défaite romaine d’Andrinople (Edirne) conduisit Constantinople à pousser les Wisigoths vainqueurs vers l’Ouest pour garantir sa propre survie au détriment de l’Empire d’Occident. Mille ans plus tard, en 1396, la plus grande coalition européenne jusqu’alors rassemblée se dressait face aux troupes de Bayezid Ier à Nicopolis (Nikopol). Hongrois, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Serbes, Croates, Bulgares et Valaques furent, néanmoins, écrasés. Cette défaite consacra cinq siècles de domination ottomane sur les Balkans. Plus récemment, en 2014, les manifestations pro-européennes de Kiev trouvaient leur tragique conclusion en un conflit armé dans le Donbass. Celui-ci sonnait le glas d’un élargissement continu de l’Union européenne vers l’Est. L’année suivante, ce fut, à nouveau, par Edirne que passèrent des dizaines de milliers de migrants poussés par la Turquie vers l’Europe. La fragile cohésion entre l’Ouest et l’Est de l’UE en est depuis durablement compromise (2).
L’attitude à adopter face à la Russie et à la Turquie divise profondément les États européens. De plus, elle illustre l’absence assumée de vision stratégique autonome. Or, la compétition sino-américaine devrait conduire Washington à concentrer l’essentiel de ses efforts dans la zone Indo-Pacifique. À ce titre, les États-Unis devraient transférer aux alliés européens le fardeau sécuritaire de leur voisinage africain et moyen-oriental (3). D’ici vingt ans, les Nations européennes seront-elles en mesure de monter simultanément la garde à l’Est tout en agissant seules pour sécuriser leur voisinage méridional ? La « nouvelle guerre froide » (4) avec la Russie, malgré son caractère anachronique, va-t-elle dégénérer ? La Turquie sera-t-elle le pont eurasiatique qu’elle affirme vouloir être ou, au contraire, un facteur chronique d’instabilité ?
L’attention de la société française est, actuellement, concentrée sur les menaces terroristes et, secondairement, sur nos engagements sahéliens. Cependant, à plus long terme, nos défis stratégiques résident tout autant dans les agissements russes et turcs. Non seulement elles agissent sur le flanc Est de l’Europe, mais elles sont devenues des acteurs de premier plan au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Elles contraignent ainsi les Européens à subir leurs orientations stratégiques et mettent à profit toute passivité pour avancer. Or, la plupart des Européens estiment que c’est aux Américains de leur indiquer la marche à suivre pour tout défi depuis l’Arctique jusqu’à l’Afrique. La France parviendra-t-elle ainsi à faire prévaloir une vision singulière, forte et équilibrée, ébauche de grande stratégie européenne (5) ?
Après avoir brièvement rappelé l’évolution des puissances russes et turques ces vingt dernières années, et les grandes tendances à l’œuvre sur les vingt prochaines, cette étude présente les différentes évolutions stratégiques possibles aux confins orientaux de l’Europe ainsi que leurs conséquences potentielles pour les questions de défense.
La fin du rêve européen et le retour des ambitions impériales
Le retour de la Russie
À la fin des années 1990, la Russie affrontait avec difficulté une seconde guerre de Tchétchénie. Sa situation économique et sociale était alors désastreuse : en 2000, son PIB pesait moins du quart de celui de l’Italie pour une population près de trois fois supérieure. À ce marasme intérieur correspondait une relégation internationale dont « le point d’étiage a été atteint en 1999 lorsque la décision de bombarder la Serbie a été prise en dehors du Conseil de sécurité de l’ONU, sans que Moscou ait voix au chapitre » (6). C’est alors que la Russie a décidé de ne plus reculer face à ce qu’elle estimait être des agressions successives de l’Occident contre ses intérêts : élargissement de l’Otan toujours plus près de ses frontières ; « révolutions de couleur » (7)…
La manifestation majeure de cette inflexion fut la « guerre de cinq jours » en Géorgie à l’été 2008 (8). Elle anesthésia les velléités atlantiste et européenne de ce pays stratégique pour la politique d’endiguement américain. De plus, à l’aune de cette opération, la Russie tira les leçons de ses faiblesses militaires constatées. Elle lança alors un ambitieux plan de modernisation et une profonde adaptation de son outil militaire pour gagner en souplesse, réactivité et capacité de projection lointaine (600 milliards de dollars sur la période 2011-2020).
Ces efforts semblent couronnés de succès avec l’occupation surprise de la Crimée en 2014. L’année suivante, elle démontre en Syrie qu’elle est capable avec un effort relativement modeste d’intervenir rapidement et avec succès loin de ses frontières (9). Ces opérations ont néanmoins réveillé la méfiance des Occidentaux en révélant une désinhibition dans le recours à la force. L’annexion de la Crimée et la sécession du Donbass ont, certes, permis de geler toute possibilité d’intégration de l’Ukraine au sein de l’Alliance ou de l’UE. Cependant, elles mettent à bas toutes les tentatives successives de rapprochement entre la Russie et l’Europe amorcées depuis l’Accord de partenariat et de coopération de 1997. Enfin, elles accréditent le discours alarmiste de Washington selon lequel « la Russie reste[rait] la menace existentielle de l’Europe » (10).
L’affirmation de la Turquie
D’une certaine façon, la Turquie a emboîté le pas à la Russie, tant dans un recours à la force de plus en plus récurrent que dans son désir d’intégration européenne. Jeune premier ministre, Recep Tayyip Erdogan lance les négociations pour l’adhésion de la Turquie à l’UE qui seront ouvertes en 2005. Les plus optimistes estiment que cette intégration pourrait se concrétiser au milieu des années 2010, sauf « en cas de violation des droits de l’Homme, [que] je ne veux pas même imaginer, mais tout est possible dans la vie de l’humanité » (11). Pourtant, c’est, à cette époque, que la perspective d’adhésion s’éloigne fortement avec la dérive autoritaire du régime suite au coup d’État manqué de juillet 2016.
Au niveau international, ses alliés Frères musulmans échouent alors à prendre ou conserver le pouvoir en Syrie et en Égypte. La Turquie délaisse désormais une « doctrine Davutoglu (12) » basée sur le Soft Power, au profit de l’intervention armée (13). En octobre 2019, elle attaque les Kurdes syriens, pourtant alliés des Américains. Elle entre ensuite en Syrie pour protéger ses alliés. L’année suivante, elle intervient directement – ou à l’aide de supplétifs syriens – en Libye, dans le Caucase, puis en Irak (14). De plus, elle n’hésite pas à se faire menaçante avec d’autres membres de l’Alliance en Méditerranée orientale (15). Une hostilité entre ces deux puissances et leurs voisins européens est ainsi apparue. Pourtant, les fondements de ces puissances montrent, dès à présent, des signes de fragilité.
Perspectives majeures d’évolution à l’horizon 2040
Pour la Russie : conjurer déclin démographique et morosité économique
Les années qui viennent seront marquées par un hiver démographique. En 2020, les 20-30 ans sont ainsi près de 6 millions de moins qu’en 2000. Ce manque de jeunes adultes créera des difficultés pour le renouvellement des générations, mais aussi économiques (manque de main-d’œuvre) ou encore militaires (difficultés de recrutement) (16). Selon les projections, la population russe devrait baisser, d’ici 2040, de près de 7 M d’habitants par rapport à l’an 2000 (de 146,5 à 139). Cette baisse de 4,5 %, contraste avec la dynamique démographique à son Sud (Ouzbékistan : + 63 %), mais reste bien moindre que l’effondrement sur son flanc Ouest (Ukraine : - 22 % ; Lettonie : - 38 %) (17).
Ces difficultés démographiques devraient se conjuguer à une atonie économique. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le PIB réel de la Russie devrait stagner en passant de 3 582 Md$ en 2020 à 3 995 en 2040 (18). La Russie reste, jusqu’à présent, une « économie extractive » et ne rattrape pas son retard. Une « stratégie de développement à l’horizon 2020 » visait à faire de la Russie un leader mondial en matière de développement économique et social (19). Dans l’immédiat, elle n’y parvient pas : ses exportations sont surtout le fait du secteur des hydrocarbures (62,1 % du total en 2019) (20). De plus, les sanctions occidentales la contraignent à se tourner de plus en plus vers la Chine dont elle devient fortement dépendante pour la modernisation de son économie.
Pour la Turquie : conjuguer dynamisme démographique et croissance économique
Les prochaines années devraient avantager les pays conjuguant dynamique démographique et population jeune. C’est le cas de la Turquie, dont la population devrait encore augmenter de 10 M pour atteindre 94 M d’ici 2040.
Simultanément, l’OCDE prévoit un doublement de son PIB réel en 20 ans (de 2 308 Md$ en 2020 à 4 676). Elle devrait ainsi dépasser tous les pays d’Europe, à l’exception de l’Allemagne. Cependant, dès 2019, l’économie turque avait perdu son élan et était en récession. Or, la stabilité du régime réside dans son dynamisme économique pour absorber des entrées toujours massives sur le marché du travail. En janvier 2021, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans s’établissait à 24,7 %. Enfin, malgré des échanges de plus en plus intenses avec la Chine, la Turquie, ne pourra se passer de l’UE pour poursuivre son développement économique (42 % de ses échanges).
L’avenir incertain de deux régimes autoritaires
La force, mais aussi la faiblesse de ces deux régimes, réside enfin dans leur caractère autoritaire lié à une très forte présidentialisation. Suite à la révision constitutionnelle de 2020, Poutine pourrait théoriquement rester président jusqu’en 2036. De même, en Turquie, le référendum constitutionnel de 2017 a remplacé le système parlementaire par un régime présidentiel fort et Recep Erdogan met tout en œuvre pour sa réélection en 2023. Cependant, la conjonction d’une grande corruption des élites, de restrictions renforcées contre les libertés fondamentales et d’une dégradation économique pourrait conduire à une révolte de la société civile. Les manifestations récentes pour la libération d’Alexeï Navalny (21) ou celles d’étudiants turcs sont ainsi des signaux d’alerte pour les régimes.
De plus, la succession de leurs deux présidents n’est pas anticipée (Vladimir Poutine a 68 ans et Recep Erdogan, 67 ans) ; même si rien n’indique que leur départ conduirait mécaniquement à un apaisement avec l’Occident (22). En effet, ces deux puissances ont développé une grande stratégie dont nostalgie impériale et primauté des intérêts nationaux resteront les pierres angulaires.
Des fondamentaux stratégiques entre nostalgie impériale et indépendance nationale
Une commune et persistante nostalgie impériale
« Le comportement actuel de la Russie et de la Turquie ne peut se comprendre sans intégrer les conséquences toujours à l’œuvre de la chute de l’empire soviétique et de celle de l’Empire ottoman (23). » À ce titre, elles estiment avoir un droit de regard sur leur environnement proche et font sans cesse référence à l’unité perdue, soit du « monde russe » (russkij mir), soit de l’Empire ottoman. Lors de l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine rappelle ainsi que la Russie et l’Ukraine restent « un seul et même peuple » (24). De même, en décembre 2020, après le défilé de la « victoire » de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie, Recep Erdogan reprend le vieil adage : « une nation, deux États » (25). Cette nostalgie nourrit un profond ressentiment contre l’hégémonie occidentale qui leur a été imposée. Pour la Turquie, depuis 1920, c’est le « syndrome de Sèvres », pour la Russie, la référence récurrente à la « doctrine Brezinski ». L’ancien conseiller de Carter théorisait, en 1997, comment interdire définitivement à la Russie de recouvrer sa puissance continentale en plaçant dans le giron américain les États baltes, l’Ukraine ou encore l’Azerbaïdjan (26).
De plus, leurs doctrines stratégiques poursuivent un triple objectif : redevenir une puissance mondiale ; être pleinement souverain ; et n’agir qu’en fonction de leurs intérêts nationaux (27). À ce titre, la Russie et la Turquie entendent qu’aucune force étrangère ne vienne s’immiscer dans leur politique intérieure. Les appuis occidentaux aux opposants emprisonnés (Alexeï Navalny, Selahattin Demirtas (28) …) sont perçus comme des agressions contre leur souveraineté. Cette primauté donnée aux intérêts nationaux fait qu’ils ont une vision opportuniste de leur place au sein des organisations internationales. Ils assument d’aller jusqu’à la limite de la rupture comme l’a récemment montré la Turquie avec l’Otan.
Une stratégie de long terme qui bénéficie de conjonctures favorables
Leur force primordiale est une vision à long terme de leurs intérêts stratégiques. Le pouvoir russe sait ainsi qu’il a le temps pour lui et tirera profit de toute phase d’incertitudes – transitions électorales aux États-Unis ou dissensions profondes au sein de l’UE – pour avancer. De plus, ils entendent tirer le meilleur parti de la phase de recomposition actuelle des relations internationales. La fin de l’hégémonie américaine a ainsi contribué « de façon irréversible, à l’émergence de nouvelles puissances et accouché d’un ordre international multipolaire dans lequel chaque État entend, désormais, jouer sa propre partition » (29). Avant qu’un nouvel ordre international n’émerge, voire les contraigne, ils souhaitent arriver à des changements de situation de fait. Cela est très révélateur au Moyen-Orient où, depuis 2015, la Russie est parvenue à devenir un acteur incontournable dans tous les sujets majeurs.
Une stratégie turque proche de l’aventurisme
En revanche, si les méthodes mises en œuvre sont relativement communes, la stratégie turque déployée depuis le départ d’Ahmet Davutoglu en mai 2016 est souvent commentée comme une politique aventureuse, voire une fuite en avant dans la perspective du centenaire de la République turque et de la présidentielle de 2023. « Sur le plan extérieur, la Turquie fait preuve d’un activisme sur plusieurs fronts, tout en véhiculant la vision de l’islamisme des Frères musulmans. […] Cette audace stratégique n’est pas sans rappeler celle de [Vladimir] Poutine, mais elle s’apparente aussi à une politique aventureuse au regard de la fragilité économique de son pays (30). »
La mise en œuvre de ces stratégies est fondée sur des méthodes d’intervention risquées parce que toujours « sur la ligne de crête ».
Des conflits sous le seuil pour affaiblir le compétiteur occidental
Les stratégies hybrides comme norme, l’engagement classique l’exception
Tirant les leçons de ses engagements en Tchétchénie et Géorgie ainsi que de ceux des Occidentaux des deux dernières décennies, la Russie a développé le concept de « guerre de nouvelle génération », surnommé « doctrine Guerassimov » (31) et assimilé aux guerres hybrides théorisées en Occident. Elle remet ainsi à l’honneur le stratagème militaire qui depuis l’époque tsariste est « l’une des composantes centrales de son art militaire qui complète, démultiplie ou se substitue à l’usage de la force pour atteindre des résultats stratégiques dans les opérations militaires » (32). Pour asymétrique qu’elle puisse apparaître, elle est aussi une réponse symétrique à ce que la Russie estime être une agression hybride américaine contre ses intérêts nationaux. Cette approche non-orthodoxe et multidimensionnelle conjugue Soft et Hard Power, mêlant des activités non-militaires (mercenaires, cyberattaques, pression économique, stratégies d’influence, etc.) et actions des forces conventionnelles.
Cette stratégie permet de compenser les faiblesses persistantes de ses forces armées qui contraignent ses ambitions. C’est en Crimée que la Russie a montré sa maîtrise de cet art renouvelé de la guerre. Depuis la Syrie, la Libye et désormais la Centrafrique (33) lui permettent d’éprouver cette doctrine. Ici aussi la Turquie l’imite. Si la Russie camoufle certaines interventions derrière le paravent de la société militaire privée Wagner, la Turquie n’hésite pas à recourir à des supplétifs islamistes recrutés en Syrie.
Stratégies d’influences pour atteindre l’Europe
Le cœur de cette guerre de nouvelle génération est bien le domaine informationnel. Pour atteindre l’Europe en y gagnant ou fracturant les opinions, Russie et Turquie tentent d’exploiter deux catégories de population opposées, mais à la recherche d’un contre-modèle à la globalisation libérale : souverainistes et islamo-conservateurs.
La Russie et sa révolution conservatrice sont ainsi très favorablement perçues chez les sympathisants des mouvements populistes et souverainistes. Une étude d’opinion à l’été 2020 montrait en leur sein une vision nettement plus favorable de la Russie (de l’ordre de 20 à 30 points) par rapport au reste des opinions européennes. Pour élargir cette assise, la Russie exploite habilement toute défaillance de l’UE pour avancer. En pleine pandémie de la Covid-19, ce sondage montrait ainsi une évolution franche de l’opinion italienne de 20 % (2014) à 48 % grâce notamment à l’aide sanitaire prodiguée (34).
De son côté, la Turquie maintient un lien étroit avec sa diaspora en Europe estimée à quelque 12 M d’individus, dont 600 000 en France. Via des associations religieuses (Milli Görüs) ou politiques comme les Loups Gris (35), les islamo-conservateurs d’Ankara ont une influence renforcée y compris auprès des Franco-Turcs de la 2e génération. Recep Erdogan a ainsi obtenu 67 % des voix en France aux dernières élections (36). De plus, la Turquie entend être le porte-étendard de l’islam politique pour élargir son assise en séduisant les opinions arabo-musulmanes du Maghreb ou celles résidant en Europe comme lorsqu’elle soutient contre la France la thèse du génocide algérien (37).
Cette même volonté de peser indirectement sur l’Europe pour asseoir son indépendance conduira-t-elle les deux puissances à s’allier pour la menacer directement ?
La crainte d’une alliance russo-turque aux portes de l’Europe
Des coalitions d’opportunité pour mettre l’Europe hors-jeu
Crainte en Occident, l’idée d’une alliance russo-turque a émergé suite à la rencontre des deux Présidents, le 9 août 2016 à Saint-Pétersbourg, peu après la tentative avortée de coup d’État en Turquie. Les deux puissances se sont depuis accordées sur la gestion concertée des dossiers syrien, libyen ou encore celui du Haut-Karabakh (38). De plus, la Turquie n’a pas hésité à se doter de S-400 russes au grand dam de ses alliés de l’Otan (39). Elle l’a fait, malgré les menaces de sanctions américaines. Cette vente représente aussi un succès du Kremlin en mettant un coin dans l’homogénéité de l’Alliance.
Plus généralement, ces alliances d’opportunité visent à mettre l’Occident hors-jeu au Moyen-Orient, dans le Caucase et en Afrique du Nord. Cet objectif prioritaire atteint, le second est de devenir l’intermédiaire indispensable entre une Europe affaiblie et son voisinage méridional ou levantin. Ce que résume Thomas Gomart : « si elles soutiennent des forces opposées sur le terrain libyen, la Russie et la Turquie se retrouvent sur trois points : “désoccidentaliser” le Levant, contrôler indirectement le deuxième verrou migratoire vers l’Europe et déplacer le centre de gravité de la Méditerranée en fonction de leurs intérêts géopolitiques respectifs (40). »
Une profonde méfiance mutuelle
Au-delà de ces rapprochements d’opportunité, elles ont des intérêts et des alliés fondamentalement opposés engendrant une méfiance réciproque. La gestion de la crise syrienne en est la parfaite illustration. Par son intervention pour sauver le régime, la Russie s’est arrogé le rôle que la Turquie s’était patiemment construit : devenir la puissance indispensable dans le règlement des conflits au Proche-Orient (41). De plus, cette intervention a annihilé les espoirs de prise de pouvoir de ses alliés Frères musulmans. Cette situation de compétition se retrouve encore dans le proche étranger russe, où la Turquie est fortement engagée avec des alliés américains (Géorgie, Azerbaïdjan, Ukraine). A contrario en Méditerranée orientale, les Russes entendent protéger les intérêts grecs et chypriotes ou ceux des Égyptiens.
Preuve de cette méfiance, la Turquie cherche à moins dépendre économiquement de la Russie. Ainsi, entre 2015 et 2019, la part de gaz russe est passée de 55 % à 33,6 % dans sa consommation. En outre, la mise en valeur à compter de 2023 du gisement Sakarya de 320 Md de m3 en mer Noire devrait renforcer cette tendance. En effet, l’exploitation de ce gisement représenterait le tiers de sa consommation annuelle (42). Au-delà de la volonté de rééquilibrer un partenariat économique par trop désavantageux, c’est aussi une volonté d’indépendance géopolitique qui est recherchée.
Des intérêts nationaux opposés
À moyen terme, ces coalitions de circonstance devraient rencontrer d’importantes lignes de fracture, du fait des intérêts fondamentalement divergents, voire antagonistes. Ce que partagent la Russie et la Turquie, c’est une similitude des méthodes et des moyens employés. Sur la question des fins, elles sont le plus souvent en désaccord profond. Toutes deux se conçoivent comme des États-civilisation (43), mais les fondements historiques, culturels et religieux qui les sous-tendent restent fondamentalement antagonistes.
De même, leurs sphères d’influence sont opposées. En Europe et au Moyen-Orient, la Russie veut fédérer le monde orthodoxe, tandis que la Turquie est le parrain des Frères musulmans. Enfin, les dynamiques à l’œuvre au sein de leurs sociétés sont inverses. Pour la Russie, le défi des vingt prochaines années est celui d’un pays trop vaste et « trop riche » en matières premières pour une population vieillissante. Ceci la rend mentalement plus proche des autres Européens obsédés par la question du déclin. En Turquie, la proximité mentale serait davantage avec les voisins arabo-musulmans. Ils partagent une population jeune dont les aspirations ne pourront être comblées que par une forte croissance économique, défi pour un pays relativement pauvre en ressources naturelles. Sans cet enrichissement, un renforcement des tendances islamistes et néo-ottomanes pourrait y constituer un puissant exutoire.
Ces deux puissances, farouchement indépendantes, risquent de partager avec l’Europe une même destinée : être des puissances périphériques. En effet, le grand basculement de la dynamique mondiale devrait placer ces trois aires à la périphérie des enjeux géopolitiques de l’Indo-Pacifique dont elles seraient absentes ou acteurs de second rang.
Europe, Russie et Turquie à la périphérie du monde
Le désir américain d’un nouveau monde bipolaire
Pour maintenir leur hégémonie sur l’Occident, les États-Unis entendent formaliser la nouvelle dialectique d’un monde bipolaire organisé en deux axes antagonistes : l’alliance des démocraties contre celle des tyrannies (44). Nouvel avatar de l’« axe du Mal », ce dernier verrait, sous l’autorité de la Chine, se regrouper tous les adversaires d’un Occident démocratique élargi à l’Indo-Pacifique (Australie, Japon, Corée du Sud, Inde, Indonésie). Dans l’immédiat, l’effort essentiel des États-Unis est toujours contre la Russie qui – malgré un PIB plus de 12 fois inférieur à celui des seuls États-Unis – constituerait une menace existentielle pour l’Europe et les États-Unis réunis (45). Cependant, à plus long terme, c’est bien face à la Chine que cette rhétorique se construit. Russie et Turquie devront-elles basculer dans l’orbite chinoise ?
Obsédée actuellement par la menace de l’Otan sur son flanc occidental, la Russie peut sembler se résoudre à une alliance chinoise. Néanmoins, ce partenariat illustre avant tout un calcul opportuniste : les sanctions occidentales la contraignent ainsi à recourir à la technologie chinoise pour pallier ses retards. La Russie reste consciente qu’une telle alliance à long terme deviendrait sujétion tant le rapport de force économique et démographique est déséquilibré.
En revanche, la Turquie est au cœur des ambitions des nouvelles Routes de la soie chinoise et pourrait devenir demain son cheval de Troie vers l’Europe. Elle devient ainsi très dépendante économiquement et financièrement de la Chine. Symboliquement le 3e pont construit entre Asie et Europe sur le Bosphore est à 51 % chinois (46). De plus, quoique membre de l’Otan, la Turquie voit son opinion évoluer progressivement contre l’Occident. À la question des menaces majeures, les Turcs sont 46 % à mentionner les États-Unis, 10 % Israël, 6 % la Russie et seulement 2 % la Chine (47).
L’Europe, seule face à un voisinage incertain
Tenant compte du relatif désinvestissement des Américains des affaires africaines et moyen-orientales, les Européens devraient se retrouver progressivement dans une situation non de burden sharing (partage du fardeau), mais de burden shifting (transfert du fardeau) (48). Cela nécessiterait de la part de ces Nations une véritable remise en cause. Ces dernières années ont, en effet, été celles de leur éviction progressive de la zone des combats, puis de la table des négociations en Libye, mais aussi au Levant et plus récemment dans le Caucase. Elles pourront difficilement affronter simultanément le défi sécuritaire de l’Islam politique (y compris sur leur territoire) et celui de conflits hérités de la guerre froide.
Par ailleurs, le paradoxe est que « la crainte obsessionnelle et entretenue de la Russie » (49) qui peut sembler être l’unique ciment de l’Alliance, n’est pas partagée par la plupart des peuples européens. Pour eux, la menace principale demeure bien celle de l’islam politique et de son bras armé, le terrorisme islamiste. Une enquête d’opinion réalisée à travers l’Europe en 2019 le confirme.
Enquête sur la perception des menaces majeure au sein des populations européennes en 2018 (50)
France | Allemagne | Grande-Bretagne | Italie | Espagne | Hongrie | Pologne | Grèce | Suède | |
Terrorisme islamiste (EI) |
87 % | 68 % | 64 % | 80 % | 75 % | 59 % | 59 % | 69 % | 61 % |
Puissance et influence américaine |
49 % | 49 % | 37 % | 22 % | 42 % | 17 % | 18 % | 48 % | 34 % |
Puissance et influence russe | 40 % | 30 % | 45 % | 20 % | 41 % | 26 % | 65 % | 33 % | 40 % |
Puissance et influence chinoise | 40 % | 33 % | 29 % | 33 % | 35 % | 22 % | 26 % | 38 % | 22 % |
Seuls 4 thèmes ont été ici retenus, mais le sondage comprenait aussi le changement climatique ; les cyberattaques étrangères ; le programme nucléaire nord-coréen ; la globalisation économique.
Dans ce sondage, seuls les Polonais considèrent la menace russe comme prioritaire. Les Baltes pensent de même d’après des études similaires. Cependant, à part ces quatre pays, il est notable que tous les autres, même voisins de la Russie relativisent la réalité de cette menace. De même, en plein conflit dans le Donbass, 60 % des Finlandais ne la considéraient pas comme une menace (51).
L’écart grandissant entre la perception des menaces par l’Alliance et par les peuples européens replace au cœur du débat la question de l’autonomie stratégique de l’Europe.
Vers une plasticité des stratégies militaires en Europe
La double question orientale posée par la Turquie et la Russie contraindra les Européens à repenser leurs stratégies. À cet égard, la France souhaite jouer un rôle précurseur dans le cadre de l’Initiative européenne d’intervention (IEI) lancée en 2018 (52). L’IEI pourrait être l’occasion de décliner les fonctions stratégiques autour des impératifs d’autonomie, d’approche globale, de réactivité et de crédibilité.
Connaître et anticiper de manière souveraine
Le premier enjeu pour les Nations européennes est l’autonomie d’appréciation qui repose sur un renforcement de leurs capacités de renseignement qui ne doit pas uniquement s’appuyer sur ce que propose le partenaire américain. En effet, si la realpolitik russe reste relativement prévisible parce qu’étant surtout en réaction à ce qu’elle estime être une agression occidentale (Ukraine), elle peut néanmoins surprendre comme pour ses déploiements en Afrique. Plus encore, l’imprévisibilité grandissante de la politique étrangère turque et son interventionnisme débridé impliquent que les Européens améliorent leur anticipation sur ce que pourrait vouloir ce membre de l’Otan.
Vis-à-vis de son allié américain, l’Europe doit se doter de moyens souverains pour ne pas dépendre uniquement de ses analyses tout particulièrement dans les nouveaux espaces de conflictualité (cyber, Espace, informationnel, etc.), où l’attribution reste difficile : « ce n’est pas parce que c’est écrit en cyrillique que cela vient de Russie ». C’est par l’indépendance de son renseignement que la France est parvenue en 2003 à contester les affirmations américaines sur les armes de destruction massives irakiennes. Il s’agit donc de permettre demain aux Européens de confirmer ou non des attributions de cyberattaques massives ou du recours à des agents chimiques et in fine de décider ou non de la guerre et de la paix.
Intervenir dans son voisinage tout en se protégeant
La Russie et la Turquie ont été le plus souvent les acteurs du second acte d’un conflit où l’Occident avait joué initialement un rôle prépondérant. L’archétype de ce cadencement reste le conflit libyen où l’Occident a joué le premier rôle dans son déclenchement. Or, la victoire militaire initiale s’est progressivement muée en défaite géopolitique. Les Européens ont perdu la main et sont désormais dépendants des Russes et des Turcs pour le règlement d’un conflit qui peut menacer leur stabilité interne (migrants, terrorisme, etc.). Pour éviter une telle répétition qui renforcerait nos compétiteurs tout en nous affaiblissant, il s’agirait d’avoir d’emblée une véritable approche globale. Dès la conception de l’intervention initiale, il serait nécessaire de développer une vision large spectre (actions militaires ; opérations d’influence ; action économique ; risques intérieurs…), de s’inscrire dans le temps long et de monter une coalition de circonstance, y compris avec un compétiteur, si cela était gage de succès.
De plus, du fait des stratégies d’influence et de déstabilisation développées par les adversaires, il s’agit aussi de prendre en compte d’emblée la protection du territoire national. Toute intervention contre des intérêts turcs verrait une instrumentalisation des diasporas en Europe, mais aussi une tentative d’instrumentalisation des courants islamistes pour contraindre les Européens soit à renoncer, soit à distraire une partie essentielle de leurs capacités à la défense des arrières.
Dissuader et prévenir les conflits sous le seuil
Le recours aux stratégies hybrides par l’adversaire vise aussi à rendre disproportionnée la menace nucléaire. À ce titre, l’adjonction d’une dissuasion plus conventionnelle et prenant en compte les nouveaux espaces de conflictualité sera à développer à l’échelle nationale et européenne. Doctrine et discours de cette dissuasion « sous le seuil » seraient appuyés par des dispositifs de mises sur pied d’éléments d’alerte permanents à l’instar de l’échelon national d’urgence français. Leur crédibilité serait fondée sur des déploiements démonstratifs dans l’esprit de l’exercice Orion 2023 de l’Armée de terre (53). Basés autour d’une coalition de circonstances et impliquant ou non l’Alliance, ces exercices de grande ampleur et déclenchés inopinément notamment dans des zones contestées, viseraient à montrer aux compétiteurs, la détermination européenne.
À ce titre, il peut sembler opportun de refonder la génération de forces pour les coalitions européennes, aujourd’hui totalement inadaptée pour être réactif et crédible face à une surprise stratégique. Cette génération est beaucoup trop poussive, alors que les compétiteurs ont déjà démontré leur capacité à s’engager rapidement et massivement comme la Turquie dans le Nord-Est syrien.
* * *
« Quand on ne demande rien d’autre à l’Histoire que de durer,
il ne faut pas se plaindre si elle fournit des réponses brutales (54). »
L’Europe pourra toujours compter sur les États-Unis en cas d’agression caractérisée contre un membre de l’Alliance. En revanche, du fait de la bascule d’effort de Washington vers l’Asie, les États européens doivent se préparer à agir pour la stabilité de leur voisinage face au déploiement de stratégies « sous le seuil ». Sans réaction de leur part, ils pourraient perdre progressivement la maîtrise de leur destin en subissant les aléas d’un voisinage africain et levantin, où ils n’auraient plus aucune liberté d’action.
Les Nations européennes doivent donc se penser comme puissances capables de faire respecter leurs intérêts. Elles devront aussi rendre leurs adversaires potentiels assurés qu’elles ont une réelle volonté de réagir et la force morale d’en payer le prix. C’est à cette condition qu’elles pourront établir un dialogue à parité avec les puissances émergentes. Or, la France est, dans l’immédiat, bien isolée pour appeler à ce sursaut européen face à ce qui est davantage un déclin du courage qu’un manque de moyens. Dans son fameux discours d’Harvard en 1978, Soljenitsyne rappelait : « aucun armement, si grand soit-il, ne viendra en aide à l’Occident tant que celui-ci n’aura pas surmonté sa perte de volonté. […] Pour se défendre, il faut être prêt à mourir, et cela n’existe qu’en petite quantité au sein d’une société élevée dans le culte du bien-être terrestre » (55).
Éléments de bibliographie
Adamsky Dmitri, « Cross-Domain Coercion: The Current Russian Art of Strategy », Proliferation Papers n° 54, novembre 2015, 47 pages (www.ifri.org/).
Baev Pavel, « Mutations, ambitions et limites de la culture stratégique russe contemporaine », Russie.Nei.Visions, n° 118, Ifri, juin 2020 (www.ifri.org/).
Bilener Tolga, « L’eurasisme turc : de l’Adriatique à la grande muraille de Chine », Conflits, n° 30, décembre 2020.
Billion Didier, « Russie-Turquie. Alliance impossible, rupture improbable », Orient XXI, 10 mars 2020 (https://orientxxi.info/).
Bobo Lo, « Vladimir Poutine et la politique étrangère russe : entre aventurisme et réalisme ? », Russie.Nei.Visions, n° 108, juin 2018, Ifri, 40 pages (www.ifri.org/).
Boz-Acquin Élise, L’impulsion de la Turquie à la nouvelle dynamique des relations internationales, Iris, avril 2020, 14 pages (www.iris-france.org/).
Denizeau Aurélien, « Les éminences grises de la politique étrangère de Recep Tayyip Erdogan », Éditoriaux de l’Ifri, Institut français des relations internationales (Ifri), 22 février 2021, 7 pages (www.ifri.org/).
Facon Isabelle, « La modernisation de l’armée russe et les enseignements des engagements en Ukraine et en Syrie », in Tinguy (de) Anne, Les Études du Ceri, n° 219-220, février 2016, p. 34-39.
Gomart Thomas, « L’esprit impérial de la Turquie », Études, novembre 2020 (www.revue-etudes.com/).
Gomart Thomas, « La politique russe de Paris, à l’épreuve d’Ankara », Études, septembre 2020.
Gressel Gustav, « Russia’s quiet military revolution, and what it means for Europe », Policy Briefs, European Council on Foreign Relations, octobre 2015, 18 pages (https://ecfr.eu/).
Jabbour Jana, « La Turquie : une puissance émergente qui n’a pas les moyens de ses ambitions », Politique étrangère, vol. 4/2020, p. 99-108 (www.cairn.info/).
Munier Frédéric, « La Russie, ennemi commode », Conflits, 7 octobre 2020.
Schmid Dorothée, La Turquie en cent questions, Tallandier, 2017, 288 pages.
Tinguy (de) Anne, La Russie dans le monde, CNRS Éditions, 300 pages.
Védrine Hubert, Et Après ?, Fayard, 2020, 144 pages.
Vercueil Julien, « Russie : la “stratégie 2020” en question », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 2013/1, n° 44, p. 169-194 (https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2013-1-page-169.htm). ♦
(1) Macron Emmanuel, « Discours du président de la République à la conférence des ambassadeurs et des ambassadrices », 27 août 2019 (https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs-1).
(2) Devecchio Alexandre, « Krastev Ivan : “La crise migratoire a provoqué en Europe une fracture entre l’Est et l’Ouest” », Le Figaro, 2 mars 2018.
(3) Hoop Scheffer (de) Alexandra, Quencez Martin et Weber Gesine, « Seizing Biden’s Pivot to Europe: Time for Responsibility-Sharing », The German Marshall Fund of the United States (GMF), 1er février 2021 (https://www.gmfus.org/publications/seizing-bidens-pivot-europe-time-responsibility-sharing).
(4) Legvold Robert, « Managing the New Cold War: What Moscow and Washington Can Learn From the Last One », Foreign Affairs, 16 juin 2014.
(5) Airault Pascal, « Hubert Védrine : “Les relations euro-américaines vont inévitablement se distendre” », L’Opinion, 17 août 2020.
(6) Munier Frédéric, « La Russie, ennemi commode », Conflits, 7 octobre 2020.
(7) Géorgie en 2003 ; Ukraine en 2004 et 2013-2014 ; Kirghizstan en 2005 et 2010 ; Arménie 2018.
(8) Le 8 août 2008, l’armée géorgienne lance une offensive contre l’Ossétie du Sud. Au nom de la protection de ses ressortissants, la Russie intervient massivement et défait l’armée géorgienne en cinq jours.
(9) En moyenne 5 000 hommes engagés dans la durée : Facon Isabelle, « La modernisation de l’armée russe et les enseignements des engagements en Ukraine et en Syrie », in Tinguy (de) Anne, Les Études du Ceri n° 219-220, février 2016, p. 34-39.
(10) Général américain Tod D. Wolters, cité dans Moon Cronk Terry, « Allies, Partners Critical to U.S. European Command », US Department of Defense, 24 février 2021 (https://www.defense.gov/Explore/News/Article/Article/2514537/allies-partners-critical-to-us-european-command/).
(11) Chirac Jacques, « Conférence de presse du président de la République sur la perspective de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne », Bruxelles, 17 décembre 2004 (https://www.elysee.fr/jacques-chirac/2004/12/17/conference-de-presse-de-m-jacques-chirac-president-de-la-republique-sur-la-perspective-de-ladhesion-de-la-turquie-a-lunion-europeenne-a-bruxelles-le-17-decembre-2004).
(12) Groc Gérard, « La doctrine Davutoglu : une projection diplomatique de la Turquie sur son environnement », Confluences Méditerranée n° 83, 2012/4, p. 71-85 (https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2012-4-page-71.htm).
(13) Denizeau Aurélien, « Les éminences grises de la politique étrangère de Recep Tayyip Erdogan », Éditoriaux de l’Ifri, Institut français des relations internationales (Ifri), 22 février 2021, p. 4 (https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/les_eminences_grises_de_la_politique_etrangere_de_recep_tayyip_erdogan.pdf).
(14) Daou Marc, « Syrie, Libye, Irak… La Turquie et son armée sur tous les fronts », France 24, 18 juin 2020 (https://www.france24.com/fr/20200618-syrie-libye-irak-la-turquie-et-son-arm%C3%A9e-sur-tous-les-fronts).
(15) Le Figaro et l’AFP, « L’Union européenne dénonce les “provocations” d’Ankara en Méditerranée orientale et rappelle ses menaces », Le Figaro, 16 octobre 2020 (https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-union-europeenne-denonce-les-provocations-d-ankara-en-mediterranee-et-rappelle-ses-menaces-20201016).
(16) Les difficultés de recrutement sont à l’œuvre dès à présent. En 2016, certains experts estimaient que seulement 65 % des 40 nouvelles brigades russes étaient immédiatement aptes au combat. Gressel Gustav, « Russia’s quiet military revolution, and what it means for Europe », Policy Briefs, European Council on Foreign Relations, octobre 2015, p. 3 (https://ecfr.eu/wp-content/uploads/Russias_Quiet_Military_Revolution.pdf).
(17) Toutes les projections démographiques sont issues du site Population Pyramid (https://www.populationpyramid.net/).
(18) OCDE, « Prévisions du PIB réel à long terme » (https://data.oecd.org/fr/gdp/previsions-du-pib-reel-a-long-terme.htm#indicator-chart).
(19) Vercueil Julien, « Russie : la “stratégie 2020” en question », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 2013/1, n° 44, p. 172 (https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2013-1-page-169.htm).
(20) Direction générale du Trésor, « Situation économique et financière de la Russie », ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, 29 décembre 2020 (https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/RU/situation-economique-et-financiere-de-la-russie-mai-2018)
(21) Avocat et opposant politique à Vladimir Poutine, il est condamné, le 2 février 2021, à trois ans et demi de prison.
(22) Bobo Lo, « Vladimir Poutine et la politique étrangère russe : entre aventurisme et réalisme ? », Russie.Nei.Visions, n° 108, juin 2018, Ifri, p. 37 (https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/bobo_lo_poutine_politique_etrangere_russe_2018.pdf).
(23) Gomart Thomas, « L’esprit impérial de la Turquie », Études, novembre 2020 (https://www.revue-etudes.com/article/l-esprit-imperial-de-la-turquie-22980).
(24) Poutine Vladimir, « Discours [sur l’intégration de la Crimée à la Fédération de Russie] du 18 mars 2014 au Kremlin », Outre-Terre, vol. 2014/4, n° 41 (https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2014-4-page-278.htm).
(25) Minoui Delphine, « Erdogan célèbre à Bakou la victoire contre l’Arménie », Le Figaro, 10 décembre 2020 (https://www.lefigaro.fr/international/erdogan-celebre-a-bakou-la-victoire-contre-l-armenie-20201210).
(26) Brzezinski Zbigniew, The Grand Chessboard: American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, New-York, Basic Books, 1997, 223 pages.
(27) Jabbour Jana, « La Turquie : une puissance émergente qui n’a pas les moyens de ses ambitions », Politique étrangère, vol. 4/2020, p. 99 (https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2020-4-page-99.htm) ; Bobo Lo, op. cit., p. 9.
(28) Homme politique turc d’origine kurde, il est accusé de soutenir la propagande du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et est condamné en septembre 2018 à quatre ans et demi de prison.
(29) Boz-Acquin Élise, L’impulsion de la Turquie à la nouvelle dynamique des relations internationales, Iris, avril 2020, p. 6 (https://ecfr.eu/wp-content/uploads/Russias_Quiet_Military_Revolution.pdf).
(30) Gomart Thomas, op. cit.
(31) Baev Pavel, « Mutations, ambitions et limites de la culture stratégique russe contemporaine », Russie.Nei.Visions, n° 118, Ifri, juin 2020, p. 16 (https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/russieneivisions/mutations-ambitions-limites-de-culture-strategique)
(32) Adamsky Dmitri, « Cross-Domain Coercion: The Current Russian Art of Strategy », Proliferation Papers, n° 54, novembre 2015, p. 25 (https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2013-1-page-169.htm).
(33) Kalika Arnaud, « Le “grand retour” de la Russie en Afrique ? », Russie.Nei.Visions, n° 114, Ifri, avril 2019, p. 10 (https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/kalika_russie_afrique_2019.pdf).
(34) Huang Christine, « Views of Russia and Putin remain negative across 14 nations », Pew Research Center, 16 décembre 2020 (https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/12/16/views-of-russia-and-putin-remain-negative-across-14-nations/).
(35) Sifaoui Mohamed, « Les “Loups gris” nationalistes turcs, dissous mais toujours actifs en France », Le Journal du Dimanche, 7 février 2021 (https://www.lejdd.fr/Societe/les-loups-gris-nationalistes-turcs-dissous-mais-toujours-actifs-en-france-4023547).
(36) Poyet Stanislas, « Pour les jeunes Franco-Turcs, la tentation Erdogan », Le Figaro, 27 février 2021.
(37) Vermeren Pierre, « Ce que cache le procès en “génocide” fait par Alger et Erdogan à la France », Le Figaro, 9 mars 2021.
(38) Lasserre Isabelle, « Haut-Karabakh : la diplomatie occidentale marginalisée », Le Figaro, 15 novembre 2020.
(39) Avril Pierre, « Missiles S400, l’arme de Moscou pour miner l’Otan », Le Figaro, 4 avril 2019. Les livraisons ont débuté en juillet 2019.
(40) Gomart Thomas, « La politique russe de Paris, à l’épreuve d’Ankara », Études, septembre 2020.
(41) Billion Didier, « Russie-Turquie. Alliance impossible, rupture improbable », Orient XXI, 10 mars 2020 (https://orientxxi.info/magazine/russie-turquie-alliance-impossible-rupture-improbable,3685).
(42) Özertem Hasan Selim, « Turkey’s New Gas Discovery in the Black Sea and Its Potential Implications », Éditoriaux de l’Ifri, Ifri, 1er octobre 2020 (https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ozertem_turkish_black_sea_gas_2020.pdf).
(43) Louis Florian, « Le XXIe siècle, âge des États civilisations ? », Conflits, 4 novembre 2019.
(44) Biden Jr Joseph R., « Why America Must Lead Again. Rescuing U.S. Foreign Policy After Trump », Foreign Affairs, 23 janvier 2020 (https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/2020-01-23/why-america-must-lead-again).
(45) Wolters T. D., op. cit.
(46) Bilener Tolga, « L’eurasisme turc : de l’Adriatique à la grande muraille de Chine », Conflits, n° 30, décembre 2020.
(47) Silver Laura, « U.S. is seen as a top ally in many countries—but others view it as a threat », Pew Research Center, 5 décembre 2019 (https://www.pewresearch.org/fact-tank/2019/12/05/u-s-is-seen-as-a-top-ally-in-many-countries-but-others-view-it-as-a-threat/).
(48) Hoop Scheffer (de) A., Quencez M. et Weber G. op. cit.
(49) Vedrine Hubert, Et après ?, Fayard, 2020, p. 33.
(50) Poushter Jacob et Huang Christine, « Climate Change Still Seen as the Top Global Threat, but Cyberattacks a Rising Concern », Pew Research Center, 10 février 2019 (https://www.pewresearch.org/global/2019/02/10/climate-change-still-seen-as-the-top-global-threat-but-cyberattacks-a-rising-concern/).
(51) « Russia: not a security threat for Finland », Yle, 2 janvier 2015 (https://yle.fi/uutiset/osasto/news/poll_russia_not_a_security_threat_for_finland/7716663).
(52) DGRIS, « L’Initiative européenne d’intervention », 17 avril 2020 (https://www.defense.gouv.fr/dgris/action-internationale/l-iei/l-initiative-europeenne-d-intervention).
(53) « The French Armed Forces are planning for High-Intensity War », The Economist, 3 avril 2021.
(54) Delpech Thérèse, L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIe siècle, Grasset/Fasquelle, 2005, p. 17.
(55) Soljenitsyne Alexandre, Le déclin du courage, Les Belles Lettres, 2019, p. 51.