Réarmer la France puissance
Malgré la dernière loi de programmation militaire (LPM), notre appareil de défense, militaire et industriel, ne s’est pas encore remis des amputations considérables décidées par les gouvernements successifs (de gauche comme de droite) durant ces dernières décennies. L’effort de la France en faveur de sa défense n’est toujours pas à la hauteur des enjeux alors même que nos forces armées sont sollicitées au-delà de leurs moyens et de leurs contrats opérationnels, que la deuxième zone économique exclusive du monde n’est toujours pas correctement protégée en dépit des menaces qui se multiplient à ses portes, que l’arsenalisation de tous les espaces est une réalité durable, que la prolifération des technologies ruine les traités de désarmement et incite au recours à la force, que l’arrivée de nouveaux acteurs agressifs déstabilise des régions entières dans des guerres asymétriques où les opérations ne sont pas attribuables avec certitude ou sont l’œuvre de sociétés privées, apparemment sans commanditaire, sans oublier la permanence et la vitalité des mouvements islamistes. À cela s’ajoute désormais le retour des conflits de haute intensité, la guerre en Ukraine en est un exemple criant.
Pour assumer son rôle de puissance d’équilibre, que la France doit garder au sein du concert des Nations, il nous faut réarmer notre pays.
Réarmer la France pour affermir notre souveraineté
Ce réarmement concernera bien entendu notre force de dissuasion, fondement ultime de notre indépendance. La modernisation de la force de frappe nucléaire sera poursuivie sur l’ensemble de ses composantes (sous-marine, aéroportée…), ce qui nécessitera une attention particulière à l’ensemble de la filière industrielle, y compris dans sa composante civile.
L’accent sera également placé sur un investissement majeur concernant les moyens de renseignements spatiaux afin de disposer d’une capacité d’alerte avancée, de surveillance et de riposte en toute autonomie. Comme dans les années à venir la France devra certainement mener des opérations dans l’espace, nous devrons disposer de l’ensemble des moyens nécessaires (satellites, avion spatial, lanceurs réutilisables) pour protéger cette nouvelle frontière. L’espace étant lié à la dissuasion, la pérennité de la filière de lanceurs spatiaux (Ariane 6) sera particulièrement suivie, notamment par l’accès aux marchés civils (et non pas seulement étatiques) du lanceur européen. Un Cloud souverain sera également mis en place pour protéger les données des armées et de leur ministère.
Enfin notre souveraineté est, bien entendu, territoriale ; le renforcement des moyens de protection de notre Outre-mer, qualitativement et quantitativement, sera lancé notamment dans la région du canal du Mozambique et plus largement dans la région Indo-Pacifique.
Être prêt au combat
Il faut ensuite réarmer pour être prêt au combat de haute intensité dans la durée. Le premier axe d’effort sera le lancement d’une rapide revue capacitaire pour orienter la LPM dans le sens d’une hausse du format matériel (frégates de haute mer, avions d’armes, ravitailleurs et drones, véhicules de combat et du génie, artillerie, etc.) avec l’objectif d’anticiper les besoins des armées sur le long terme et d’éviter les obsolescences. Le deuxième axe sera celui de l’entraînement avec un réaménagement du volume des opérations extérieures (Opex) et de Sentinelle, des investissements dans les infrastructures technico-opérationnelles et l’allongement de la durée des manœuvres et de leur complexité. Le troisième axe sera celui d’une hausse majeure des budgets destinés à la maintenance opérationnelle des matériels. Trop faible et trop disparate, celle-ci fera l’objet d’un investissement majeur tout au long de la LPM au sein des structures dédiées et des contrats opérationnels avec l’industrie nationale (le modèle de plateau permanent en usage pour les Rafale et l’A400M, sera étendu aux autres plateformes des armées).
Enfin, notre réarmement visera à combler les lacunes de notre appareil de défense : le format humain de chacune des armées devra être revu à la hausse. Un important effort de recrutement sera donc engagé dans la durée, l’actuel étant trop modeste pour « être et durer » sur plusieurs théâtres d’opérations. Un tel objectif est naturellement incompatible avec une éventuelle application du droit européen sur le temps de travail aux armées. Ensuite, il faudra retrouver un bon niveau de stocks de munitions, ce qui supposera d’accélérer les procédures de contractualisation, un effort accompagné au sein de l’industrie pour augmenter les cadences, voire le retour de chaînes de production sur le territoire national. Et enfin, nous entamerons une remise à niveau générale de toutes les infrastructures de la Défense (lycées militaires, classes préparatoires, écoles de formation, terrains de manœuvres, infrastructures technico-opérationnelles) afin de disposer d’un socle solide pour la formation, la simulation et l’entraînement. Le Service de santé des armées (SSA) devra également faire l’objet d’une remise à niveau avec des moyens importants, tant humains que matériels
Un outil de défense pour une France puissance d’équilibre
Mon projet en matière de défense vise à redonner à la France un outil de défense capable de lui faire jouer de nouveau son rôle de puissance d’équilibre, écoutée et respectée.
Cette politique des mains libres passera tout d’abord par le retrait du commandement intégré de l’Otan, afin de renforcer notre statut de puissance souveraine, notre indépendance diplomatique et militaire, et de renforcer la libre définition de l’usage de notre force de frappe nucléaire. Il s’agira ensuite de discuter un nouvel accord stratégique avec les États-Unis et de lancer des instances de dialogue avec les grandes puissances mondiales, mais aussi d’entamer une nouvelle concertation avec les Britanniques, dans la suite du traité de Lancaster House.
En outre, partant du constat d’une profonde et irrémédiable divergence de vues doctrinale, opérationnelle et industrielle avec Berlin, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire et de l’exportation d’armement, nous mettons fin aux coopérations structurantes engagées depuis 2017, système de combat aérien du futur (Scaf) ou char lourd, qui ne correspondent pas à notre vision d’une défense souveraine et retirerons bien sûr notre soutien à la revendication allemande d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
Les trois leviers du réarmement
Une nouvelle gouvernance morale témoignant de la reconnaissance de la Nation aux armées
Une nouvelle école de pensée stratégique doit émerger pour analyser les contextes géostratégiques et en tirer des leçons aussi innovantes que par le passé (sur les chars, la dissuasion, la mer et ses enjeux…). Cela passera aussi par le retour aux grandes traditions militaires (célébrations des saints patrons des armes, des commémorations…) ; par la création de nouveaux uniformes de l’Armée de terre ou encore la reconnaissance des services (médailles, monuments, cérémonies ou aides à la reconversion). Enfin, nous lancerons la revalorisation générale de la condition militaire, considérée comme à la fois la reconnaissance de la Nation des grandeurs et servitudes du métier des armes, mais aussi comme un moyen très concret d’assurer aux armées l’attractivité et la fidélisation des engagements (revalorisation des soldes, primes, etc.).
Un budget à la hauteur des ambitions
La prochaine LPM fixera un objectif de 55 milliards d’euros pour le budget de la défense à l’horizon 2027 avec l’exclusion des budgets des Opex, financés sur le budget général de l’État et non sur celui de la défense.
Le retour à une grande politique nationale dans l’armement
Il sera fait, nettement, opposition – en vertu de l’article 346 du Traité de l’Union européenne – à la schizophrénie de la Commission européenne qui, d’un côté, souhaite financer l’industrie par le Fonds européen de défense (FED) et, de l’autre, l’exclure des financements au « nom de labels », par exemple, le label ISR (investissement socialement responsable). Afin de pallier le désengagement éventuel des banques dans le financement de certaines sociétés d’armement et d’investir dans les capitaux de sociétés aux technologies cruciales qui pourraient être vendues par leurs actionnaires, les industries de défense auront une place de premier plan parmi les investissements du fonds souverain qui sera mis en place dès le début du quinquennat. Le budget des « études amont » (R&D) sera porté à 1,5 milliard d’euros par an sur la durée de la LPM.
Renforcer la politique d’exportation
Comme la politique d’armement est un levier puissant dans les relations internationales, un effort particulier sera fait sur les exportations. Cela passera par la création d’un secrétariat d’État de mission chargé de l’exportation ayant autorité sur les services compétents de l’État pour animer au jour le jour un effort de politique de soutien, mais aussi par le renforcement des équipes de soutien export au sein de la Direction générale de l’armement (DGA) et des armées. ♦