Intégrité du territoire national et défense de nos intérêts vitaux
Enjeux géopolitiques internationaux et défense française
Nous avons tous été marqués, il y a trente ans, par la fin de la guerre froide, qui fut un tournant majeur. Nous en attendions, à défaut de la fin de l’Histoire, du moins une marginalisation des guerres et une amplification de la coopération internationale. Le 11 septembre 2001 est venu nous rappeler brutalement la possibilité d’une « surprise stratégique ». Les relations internationales ont rapidement repris leur cours violent et imprévisible. Nous sommes confrontés au terrorisme djihadiste, mais aussi à une compétition croissante et à de possibles confrontations entre États-puissances. Nous assistons à des tentatives de reconstitution de zones d’influence, dans un monde de plus en plus multipolaire. La révolution technologique et informationnelle – porteuse de progrès mais aussi de menaces, le changement climatique, le risque épidémique sont autant de facteurs d’aggravation des tensions. Dans ce cours effréné des événements, il y a un impératif : anticiper, en renforçant nos capacités de renseignement et d’analyse, pour capter en amont tous les « signaux faibles ».
Dans cet environnement qui se détériore, l’analyse du contexte stratégique est un exercice qui doit impliquer l’ensemble de la communauté nationale. De fait, c’est la sécurité de nos concitoyens, et la vie de nos soldats, qui sont en jeu. Le système politique est ainsi fait qu’il existe un moyen simple de construire un consensus : c’est d’associer le Parlement. Or, ce n’est pas le choix qui a été fait dans le cadre de l’actualisation de la Revue stratégique en 2020. Contrairement à ce qui a été affirmé, si les parlementaires ont été informés, en aval, ils n’ont pas été réellement associés à la réflexion stratégique en amont. On est passé d’un Livre blanc en 2008 et en 2013 à une Revue stratégique en 2017 et, enfin, à une actualisation, interne au ministère des Armées, en 2020. Cela pose un grave problème de méthode. Des décisions structurantes se prennent dans des cercles trop restreints. Il faut revenir à des processus beaucoup plus transparents et démocratiques, qui contribueront à renforcer la résilience de la Nation.
Politique de défense et alliances pour la France : Otan, Europe de la défense
L’actualisation stratégique de 2021 proposait une analyse du pivot asiatique et du désengagement européen des États-Unis et des stratégies de puissance de la Chine et de la Russie qui est partiellement remise en cause par l’envoi de 3 000 militaires américains supplémentaires sur le flanc Nord-Est de l’Otan en réponse aux mouvements de troupes russes aux abords des frontières ukrainiennes. Au regard de cette situation, l’Europe et la France sont face au risque de déclassement stratégique. Le gouvernement en tirait de grands principes d’action : l’annonce d’une loi de programmation militaire permettant la remontée en puissance, la nécessité de renforcer l’architecture de sécurité européenne en accélérant la réforme politique de l’Otan et en soutenant l’émergence d’une autonomie stratégique européenne, et la promotion d’une politique de coopérations et d’alliances ambitieuses, notamment dans l’Indopacifique.
La rénovation politique de l’Otan avance peu à peu. La France n’est plus seule sur ses positions face à la Turquie. De même, le discours sur l’autonomie stratégique européenne est aujourd’hui mieux entendu. Les conditions du retrait américain d’Afghanistan et l’accession aux pouvoirs des taliban ont fait émerger des questionnements chez les membres de l’Alliance confrontés aux décisions prises de façon essentiellement unilatérales par les États-Unis. La cohésion européenne a trouvé là un accélérateur inattendu.
Autre game changer, la mise en scène pour le moins maladroite et choquante de la présentation de l’accord AUKUS et ses conséquences néfastes sur l’accord stratégique entre la France et l’Australie ont porté un coup à notre politique indopacifique, au moment même où l’Union européenne (UE) adoptait à son tour sa stratégie indopacifique, articulée avec sa boussole stratégique. Là encore, les États-Unis ont surpris, et la relance concomitante du format « QUAD » montrait bien à quel point le pivot asiatique américain l’emporte sur les alliances européennes forgées dans la guerre froide. La reconnaissance, tardive, par les États-Unis, dans un souci d’apaisement, de l’importance stratégique de l’UE et de la France dans la zone indopacifique, et de la nécessité d’une défense européenne plus forte complétant le rôle de l’Otan, ne me semble pas suffisante. La Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat travaillera donc cette année à deux rapports essentiels, l’un sur ce qu’est désormais la « boussole stratégique américaine » et l’autre sur la stratégie française en Indopacifique. Ces travaux doivent nous éclairer sur les évolutions nécessaires de notre conception stratégique dans une époque où le durcissement des conflits n’est plus exclu.
Place et rôle de la dissuasion
Depuis un demi-siècle, la dissuasion nucléaire est au cœur de notre stratégie de défense nationale, elle en est même la clef de voûte. Mise en place à la suite d’événements qui ont démontré la nécessité vitale pour notre pays d’accéder à l’autonomie stratégique, elle est le socle sur lequel s’appuient l’indépendance de la France et sa capacité d’action au plan international.
Ses grands principes, définis dans une doctrine élaborée progressivement et explicitée par les présidents de la République successifs, sont connus.
Tout d’abord, notre capacité nucléaire est exclusivement dissuasive : son objectif est d’empêcher la guerre en convainquant l’agresseur potentiel qu’il subirait en retour des dommages inacceptables.
Par ailleurs, elle vise à protéger non contre n’importe quelle menace, mais contre toute agression d’origine étatique contre nos « intérêts vitaux ». Elle est ainsi la garantie ultime de notre sécurité.
Enfin, elle repose sur le principe de stricte suffisance, qui a conduit à une réduction de sa capacité à la fin de la guerre froide, avec le renoncement à la composante terrestre.
Intimement liée à la Ve République, la dissuasion française a une dimension politique et institutionnelle forte, puisque le président de la République a seul la responsabilité de son engagement. Par ailleurs, elle est l’un des éléments justifiant la participation de la France au club très fermé des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.
Ajoutons que la dissuasion a des effets structurants aussi bien sur notre modèle d’armée que sur la base industrielle et technologique de défense (BITD) et la recherche, qu’elle tire vers le haut, puisqu’elle impose le maintien en meilleur niveau technologique !
Par ailleurs, même si des oppositions et des critiques s’expriment régulièrement, la dissuasion fait l’objet d’un fort consensus parmi nos concitoyens.
L’évolution de l’environnement stratégique ne la remet pas en cause, bien au contraire. Le durcissement des menaces, le retour des États-puissances avec des doctrines nucléaires ambiguës, l’affirmation des puissances régionales, y compris dans le champ du nucléaire, renforcent la place et le rôle de notre dissuasion.
Aussi est-il indispensable d’entretenir et de renouveler en permanence cette capacité, dans ses deux composantes, maritime et aérienne. C’est ce que fait la loi de programmation militaire, qui consacre 37 milliards d’euros à la dissuasion entre 2019 et 2025. La Commission des affaires étrangères, la défense et des forces armées veille tout particulièrement au respect de la trajectoire budgétaire de la LPM.
Politique budgétaire pour les Armées et loi de programmation militaire
Alors que la loi de programmation militaire (LPM) prévoyait expressément sa propre actualisation en 2021, le gouvernement a préféré se contenter d’une déclaration suivie d’un débat au Parlement. Un débat ne saurait remplacer une loi, surtout lorsqu’il est organisé après la prise des décisions : ce débat n’a pas permis aux parlementaires d’intervenir dans le processus d’actualisation. Il ne nous a d’ailleurs même pas permis de disposer d’une vue d’ensemble exhaustive et cohérente de cette actualisation, le gouvernement contestant nos chiffres sans mettre clairement les siens sur la table.
En 2018, le Sénat a adopté la LPM 2019-2025 à une très large majorité. L’enjeu, aujourd’hui, c’est d’abord d’appliquer pleinement cette LPM, toujours en cours, dont les objectifs sont très ambitieux, mais dont une partie majeure de l’effort a été reportée à l’après-2023. Cette accélération, vers un budget de défense de 50 milliards d’euros en 2025, est nécessaire. La modernisation de nos armées a commencé, mais elle n’est que partiellement réalisée. Des programmes cruciaux pour l’avenir (renouvellement de la dissuasion, système de combat aérien futur, porte-avions de nouvelle génération…) restent à concrétiser. La dégradation du contexte stratégique doit conduire à considérer les objectifs de la LPM comme des objectifs a minima sur lesquels aucune concession n’est possible. L’enjeu est de consolider notre niveau technologique, tout en conservant un modèle d’armée complet, et en accroissant nos capacités en termes quantitatifs, pour se préparer à l’hypothèse, de moins en moins improbable, de haute intensité.
Priorités pour les Opex
Dans notre Constitution, le président de la République, chef des armées, et le Premier ministre détiennent des prérogatives éminentes en matière d’engagement de nos forces. Cela nous distingue d’autres pays comme l’Allemagne ou le Danemark qui ont une armée « parlementaire », c’est-à-dire dont l’engagement exige un vote préalable des députés. Nous sommes plus proches du Royaume-Uni dans ce domaine. En matière d’Opex, cette caractéristique nous confère une réactivité que nous envient beaucoup de nations.
Pour autant, j’estime que le contrôle démocratique et parlementaire, dans ce domaine, ne doit pas être un vain mot. D’autant que ces dernières années, la multiplication des conflits entretenus par des groupes terroristes et les interventions qui en ont résulté dans plusieurs régions du monde ont posé la question du renforcement et de l’approfondissement de ce contrôle. C’est dans cet esprit que la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a travaillé ces dernières années : des échanges constructifs, mais exigeants avec l’Exécutif.
Auparavant, le Parlement ne jouait quasiment aucun rôle en matière d’Opex. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, nous avons quelques outils. L’article 35 de la Constitution prévoit désormais que « le gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. (…) Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement ». Cette réforme a créé, vis-à-vis de nos concitoyens, un certain partage de la responsabilité de l’engagement militaire entre l’Exécutif et le Parlement, même si le premier garde une forte prééminence. C’est ainsi que le mandat de l’armée française en Afghanistan a été prolongé le 21 septembre 2008. Puis, les interventions au Mali ou en Libye, par exemple, ont également fait l’objet de cette prolongation.
Nous exerçons également un suivi indirect des Opex par le biais de l’examen et du vote des lois de finances, qui fixent le budget de la défense. L’examen des LPM constitue un moment encore plus important, car elles permettent de se projeter sur plusieurs années et de veiller à la cohérence du financement de notre outil militaire par rapport à ses missions. Nous avons ainsi « bataillé » à maintes reprises contre le gouvernement pour que ce financement pluriannuel soit sincère et que le « surcoût Opex » ne pèse pas uniquement sur le ministère des Armées, au risque d’impacter les dépenses d’avenir.
Au-delà, il existe toute une palette d’instruments qui nous permet de suivre les Opex : par exemple les questions au gouvernement (j’ai ainsi posé au Premier ministre une question d’actualité sur Barkhane, le 2 février dernier), les débats en séance publique de l’article 50-1 de la Constitution (en réponse à cette même question, le Premier ministre s’est engagé à ce qu’un tel débat ait lieu). Plus régulièrement, nous auditionnons les ministres des Armées et des Affaires étrangères ou les chefs d’état-major. Nous effectuons également des visites auprès des forces sur le terrain.
Par rapport à l’Assemblée nationale, nous avons l’avantage d’avoir une Commission compétente à la fois sur les aspects affaires étrangères, défense et aide publique au développement : c’est un atout pour appréhender les Opex dans un cadre plus large. On sait bien que les déterminants d’un succès à long terme relèvent au premier chef du politique et du développement économique ! C’est un autre aspect que nous nous sommes constamment efforcés de mettre en avant dans la période récente, que ce soit au Sahel ou au Moyen-Orient.
Base industrielle et technologique de défense : perspectives
Avec plus de 28 milliards d’euros de prises de commande à l’export en 2021, l’industrie de défense française a battu un record historique qui datait de 2015 avec 16,9 milliards d’euros. Ces succès commerciaux reposent sur des groupes leaders dans l’électronique (Thales), l’aéronautique (Dassault), le maritime (Naval Group) et le terrestre (Nexter), lesquels s’appuient sur un large tissu de PME et TPE, soit 200 000 emplois répartis sur tout le territoire national. Par exemple, la production d’un Rafale mobilise 7 000 emplois dans près de 500 PME ; en Bretagne, 18 000 emplois sont portés par l’industrie navale. Cette excellence technologique et industrielle est la condition sine qua non de l’avenir de la BITD française dans un monde toujours plus concurrentiel, y compris entre alliés, et une Europe qui continue très largement à s’abriter sous le parapluie américain et à s’y fournir, au détriment de ses propres intérêts industriels.
Si des lueurs d’espoir apparaissent (partenariat CaMo avec la Belgique, achats de Rafale par la Grèce et la Croatie, achats de frégates par la Grèce…), l’addiction de l’Europe à l’armement américain reste très forte, à l’exception notable de la France. La Pologne a consacré, ces trois dernières années, 10 milliards de dollars environ pour acquérir des armes américaines : F-16, missiles anti-char, hélicoptères, système antimissile Patriot, missiles air-air de moyenne portée et missiles de croisière, et dernièrement des chasseurs F-35. Ce dernier a été acquis par 9 pays européens, dont 6 sont membres de l’UE.
La disproportion des budgets des armées européennes (environ 290 Mds€/an) avec celui des États-Unis (600 à 700 Mds€/an) n’explique pas tout. L’UE disperse ses crédits entre une multitude de programmes européens (il y a par exemple 17 types de chars lourds en Europe pour un seul côté américain) et peine à s’accorder sur les coopérations autour du blindé futur, du chasseur de nouvelle génération, du Tigre ou encore de l’Eurodrone.
Dans ces conditions, quel avenir pour une BITD européenne ? La création du Fonds européen de défense (FEDEF), moins doté (8 milliards d’euros) que ce qui était espéré, doit être saluée. Elle s’inscrit dans une prise de conscience européenne nouvelle sur la nécessité de reconsidérer son autonomie stratégique, si ce n’est un embryon de défense européenne complémentaire de l’Otan.
Enfin, à terme, les perspectives de succès d’une BITD européenne devraient intégrer les fondamentaux sur lesquels l’indépendance industrielle française s’est construite depuis les années 1960. Ces deux conditions sont la dissuasion nucléaire et la souveraineté nationale. Elles permettent à la France de jouir d’une autonomie stratégique qui reste à construire à l’échelle européenne.
Renforcer la spécificité de la condition militaire
La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat est pleinement consciente de l’importance de préserver la condition militaire et le moral des troupes, qui est une composante indispensable de notre efficacité opérationnelle. À ce titre, nos déplacements réguliers auprès des forces nous permettent d’avoir des échanges directs qui sont précieux pour appréhender les problématiques propres à la condition de militaire. J’ai par ailleurs un dialogue régulier avec le président du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM).
Depuis l’adoption de la LPM en 2018, nous avons notamment travaillé sur la question des pensions militaires, celles du logement et de l’hébergement des troupes ou encore celle de la reconversion professionnelle. Si nous saluons la prise de conscience qu’a représentée l’intégration dans la LPM d’un volet centré sur l’accompagnement des familles et l’amélioration des conditions de vie des militaires, notre Commission est mobilisée pour contrôler sa mise en œuvre intégrale, dans chaque unité.
Enfin, en ce qui concerne la spécificité de la condition militaire, notre Commission a immédiatement alerté le gouvernement suite à la décision rendue le 15 juillet dernier par la Cour de justice de l’Union européenne (1) qui, en n’excluant pas totalement l’application aux militaires de la directive « temps de travail » de 2003 (2), a fragilisé le cadre juridique de nos armées qui repose sur un engagement « en tout temps et en tout lieu » de nos soldats, marins et aviateurs. Si le Conseil d’État a récemment rejeté un recours se rapportant à cette question (3), cette décision est loin de lever toutes les incertitudes soulevées par les juges de l’Union et nous resterons extrêmement vigilants et mobilisés en faveur du maintien de la spécificité de la condition militaire qui est une condition du maintien de notre modèle d’armée.
Le rôle des Armées pour la cohésion nationale
Dans notre pays, les forces armées jouent un rôle historique dans la cohésion de la communauté nationale. En effet, si la décision prise en 1996 de suspendre la conscription a fait évoluer en profondeur les rapports entre la société civile et les armées, le remplacement progressif de la « Nation en armes » par une armée professionnelle a été accompagné par le développement de dispositifs ayant pour objet de cultiver l’esprit de défense de nos concitoyens et de maintenir un lien solide entre la Nation et son armée. C’est à ce titre que l’on peut encore parler d’un « rôle social » des armées, pour reprendre une expression rendue célèbre par le maréchal Lyautey dans son fameux article publié anonymement dans la Revue des deux mondes en 1891. Le maintien de ce lien, dont le Parlement est garant dès lors qu’il s’appuie sur les nombreuses dispositions législatives que contient le Code du service national, constitue un enjeu que nous avons identifié de longue date dans la mesure où l’adhésion des citoyens aux objectifs de son armée est une condition à la fois de la mobilisation des civils en cas de crises et de la résilience de notre société face aux tentatives de déstabilisation dont elle peut faire l’objet.
Pour nourrir ce lien entre les armées et la Nation et cultiver cet esprit de défense, les sénateurs de la Commission sont attentifs au déploiement sur l’ensemble du territoire des différents dispositifs mis en place par le ministère des Armées. Je pense notamment aux Cadets de la Défense ou encore aux 420 classes de défense et de sécurité globale (CDSG) qui permettent à une unité militaire de parrainer une classe et de lui faire découvrir les enjeux spécifiques de notre défense nationale.
Je regrette enfin qu’en ce qui concerne la création du « service national universel » (SNU), les incertitudes juridiques et financières relatives à sa généralisation n’aient toujours pas été levées. Alors que la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait identifié ces limites dès le mois d’avril 2018 (4), la loi de programmation préconisée par le groupe de travail sur le SNU (5) n’a jamais été présentée et la Cour des comptes relevait, en octobre 2021 (6), que le dispositif expérimental actuellement en vigueur reposait sur une base juridique fragile et sur des projections financières contestables. Il faut être clair : les armées ne peuvent porter le fardeau financier et logistique que représenterait l’extension du SNU.
Le Chef des Armées
Les prérogatives du président de la République en matière de défense sont extrêmement importantes sous l’empire de la constitution actuelle. C’est le corollaire logique de la responsabilité qui incombe au Président d’assurer l’intégrité du territoire national et la défense de nos intérêts vitaux. Il faut naturellement garder à l’esprit le lien avec la dissuasion nucléaire, qui repose sur la décision du seul président de la République. Il s’agit d’un système original, qui a l’avantage d’une très grande efficacité opérationnelle. Il est donc difficile de concevoir les choses autrement, dans le système institutionnel français actuel. En revanche, le glissement général de nos institutions vers un poids toujours accru du président de la République ne doit pas conduire à écarter le Parlement des décisions majeures en matière de défense. Au-delà de la validation des crédits par le vote ou non du budget des armées, le Parlement devrait être mieux associé à nos engagements en opération, notamment dans le cadre de l’article 35 de la Constitution. Il n’est pas normal, à mes yeux, et aux yeux d’un nombre croissant de nos concitoyens, que le Sénat ait dû réclamer l’an passé un débat en séance sur l’opération Barkhane, quand on sait qu’il n’y avait pas eu de tel débat depuis la validation de l’opération Serval, huit ans auparavant ! Il y a là un point d’amélioration pour l’avenir. ♦
(1) Voir : Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Grande chambre, C-742/19, 15 juillet 2021, B. K. c/Slovénie.
(2) Voir : directive (UE) n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
(3) Voir : Conseil d’État, Assemblée, n° 437125, 17 décembre 2021, M.B., A.
(4) Cf. Sénat, Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, communication de MM. Jean-Marie Bockel et Jean-Marc Todeschini, 18 avril 2018, « Où en est le service national universel ? ».
(5) Cf. Groupe de travail SNU, 26 avril 2018, Rapport relatif à la création d’un service national universel
(6) Cf. Cour des comptes, octobre 2021, « La formation à la citoyenneté ».