Les forces spéciales sont soumises à des engagements opérationnels intensifs, éprouvants et répétitifs. Ils provoquent une usure opérationnelle due au manque de repos, dégradant les capacités physiques et mentales des forces. Pour y remédier sans recourir aux moyens technologiques qui peuvent faire défaut, l’équipe ARCHOs a cherché à optimiser la gestion du sommeil malgré le postulat d’un rythme de sommeil erratique induit par la conduite d’une opération. Cette optimisation suit trois axes : le changement de la perception et de la gestion de la fatigue dans le groupe, l’apprentissage des outils d’optimisation du repos et la mise à disposition d’un équipement adéquat.
La gestion du sommeil dans les Forces spéciales Terre
Depuis quelques années maintenant, le Commandement des Forces spéciales Terre (Com FST) développe le concept ARCHOs : « Amélioration des ressources et compétences opérationnelles » : c’est-à-dire à améliorer les compétences individuelles au service d’un collectif renforcé sans apports technologiques ou chimiques (protéines, complémentaires alimentaires, hormones…).
Le point de départ de ce concept est la réalisation d’un constat simple, en partie commun aux unités de l’armée de Terre, mais exacerbé au sein des Forces spéciales. Les faits relevés sont les suivants :
• un nombre de SPT (Syndromes post-traumatiques) en hausse de manière assez significative ;
• des formations de plus en plus exigeantes intellectuellement dans un laps de temps que l’on cherche à réduire ;
• un rythme d’entraînement et de préparation opérationnelle intensif ;
• des engagements opérationnels de plus en plus durs et répétitifs.
Les conséquences de ce constat sont une « saturation » des capacités de concentration et d’apprentissage, un stress négatif accru, des capacités de régénération et de récupération diminuées, mais aussi un niveau de fatigue élevé. Il en résulte une usure opérationnelle importante diminuant significativement les capacités du personnel : intellect, disponibilité, fidélisation, dégradation de la vie personnelle.
S’agissant du sommeil, l’équipe ARCHOs en a tiré les conclusions connues de tous, à savoir que le niveau de fatigue significatif dû à un sommeil dégradé entraîne l’agitation, l’irritabilité, des troubles de la concentration, de la mémoire et de l’attention, une augmentation du nombre d’erreurs, des nuits non récupératrices et de l’anxiété. La forme la plus avancée de fatigue menant même à l’asthénie qui s’exprime par une fatigue physique provoquant une dégradation de l’état général qui conduit à une prise en charge médicale.
La nécessité de prendre en compte la gestion du sommeil s’est donc imposée d’elle-même, mais en prenant en compte le postulat de base suivant : les opérations imposeront toujours un rythme de sommeil erratique aux équipiers, par principe le sommeil sera toujours dégradé. Par conséquent, le but de cette prise en compte est bien d’optimiser la qualité du sommeil dans le temps de repos disponible.
Cette prise en compte de la gestion du sommeil s’articule selon trois axes principaux :
• Changer les mentalités : il s’agit de faire prendre conscience aux équipiers que reconnaître et accepter sa propre fatigue ou celle des autres n’est pas une marque de faiblesse. Par voie de conséquence, ancrer dans les esprits que la gestion du sommeil a un impact direct et significatif sur le potentiel opérationnel individuel. La connaissance mutuelle au sein d’un groupe ou d’une équipe permet à chacun de « veiller » sur l’autre et ainsi de détecter les signes non habituels du comportement et liés à une fatigue élevée.
• Éduquer et « armer » : par l’intermédiaire du stage niveau 1 ARCHOs, enseigner aux équipiers les bases théoriques du fonctionnement du sommeil et de ces cycles mais aussi transmettre les principaux outils de repos optimisé (sieste courte, sieste, sieste longue et sieste NASA – 26 min selon l’étude Alertness Management: Strategic Naps in Operational Settings de décembre 1995 – par exemple) et de régénération, qu’elle soit musculaire, sensorielle ou paradoxale.
• Équiper : un bon sommeil passe par une bonne literie ! Les théâtres d’opérations sont équipés de matelas à mémoire de forme qui permettent aux équipiers de trouver plus rapidement le sommeil et ce dans un confort permettant une détente globale (notamment physique) la plus rapide possible. Les courtes périodes de sommeil sont donc optimisées. De plus, des salles de régénération dotées de tapis de relaxation et de fauteuils régénérants commencent à équiper les régiments.
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La gestion du sommeil au sein des unités des FST fait l’objet d’une prise en compte sérieuse tant une fatigue cumulée trop importante peut avoir un impact significatif sur le potentiel opérationnel individuel et collectif pouvant provoquer une « usure » prématurée des équipiers. Le but est bien d’optimiser les phases de sommeil disponible que ce soit en formation, à l’entraînement ou en opérations. Loin d’avoir la prétention de proposer des solutions miracles, l’approche ARCHOs sur la question du sommeil, comme pour d’autres domaines, s’inscrit dans une pratique au temps, au même titre que l’entraînement physique militaire et sportif : l’entraînement et la pratique régulière permettent d’atteindre l’objectif fixé qui est celui d’un sommeil optimisé. ♦