Conclusion
« Ce thème du sommeil me rappelle mon premier poste chez les fusiliers marins commandos dans les années 1990, où la problématique du sommeil en opération était déjà une préoccupation, du moins pour le médecin que j’étais. Et toute la difficulté était de faire comprendre à nos troupes d’élite que le sommeil était un élément incontournable de la réussite de leur mission et de leur sécurité. »
Dans cet ouvrage, les interventions de nos experts, ainsi que celles de nos opérationnels, ont permis de souligner et de rappeler plusieurs points relatifs à la gestion de notre sommeil. En effet, le besoin en sommeil est inextricablement lié au degré des agressions (intensité de la charge mentale et des opérations, chaud, froid, peur, manque de sommeil, etc.). Le sommeil est et doit être une nécessité impérative pour garantir la performance à court terme et la santé à long terme. Le respect du cycle veille/sommeil et les besoins physiologiques en sommeil en termes de qualité et de quantité sont des éléments essentiels pour le maintien des capacités opérationnelles du combattant.
La dette de sommeil est l’ennemi de l’opérationnel, elle engendre une réduction des capacités physiques, cognitives et psychologiques, rendant le combattant plus vulnérable vis-à-vis de l’ennemi, pouvant mettre en jeu sa sécurité et celle de ses compagnons d’armes. Nos camarades américains ont coutume de dire qu’il existe trois besoins stratégiques pour le combattant : l’eau, les munitions et le sommeil. « Je pense que la situation a bien changé, du moins je l’espère, et que maintenant cette problématique est prise en compte à sa juste mesure, comme l’atteste l’organisation du séminaire du 29 septembre 2021 au Val-de-Grâce ».
Certaines stratégies pharmacologiques ont montré leurs limites : il faut d’abord bien dormir pour conserver un cerveau en ordre de marche et certaines substances ont des effets secondaires en situation de repos et surtout de stress intense. L’ensemble des pays européens ont abandonné l’utilisation des amphétamines au profit d’alicament comme la caféine et des stratégies d’hygiène. Dans nos armées, le recours à ses substances pharmacologiques ne peut être envisagé que dans un cadre réglementaire régi par l’Instruction ministérielle 744 (IM 744).
Comme l’ont souligné nos experts : « Ne pas dormir (ou trop repousser le sommeil) ne peut pas être une solution ». L’avenir est donc vers une meilleure compréhension du fonctionnement de son sommeil afin d’atteindre une qualité de sommeil suffisante pour permettre à l’organisme de profiter le mieux possible des temps de sommeil qui peuvent être restreints pour des raisons opérationnelles. Il faut donc être en mesure de faciliter les transitions sommeil-éveil et approfondir les phases de sommeil. L’Optimisation des ressources des forces armées (Orfa, ex-TOP) pour réduire l’activation d’éveil et pour sortir de l’inertie de sommeil : c’est sans nul doute le premier pas d’une nouvelle stratégie.
« Et pour ma part, je suis un fervent adepte de cette hygiène liée au sommeil et de l’emploi des ORFA. On m’a souvent demandé mon secret de résistance pendant la crise Ebola ou pendant la crise-Covid : la réussite c’est l’hygiène de vie, la pratique mesurée de l’activité physique, l’entretien de la qualité du sommeil et l’emploi de cette ORFA ».
Les enjeux du futur seront de suivre attentivement le sommeil en condition écologique, utiliser des dispositifs connectés pour permettre aux chercheurs de bien comprendre ce qui est en jeu, de trouver des stratégies réversibles et non invasives afin d’améliorer le sommeil en situation de stress/contrainte ainsi que la santé de nos soldats et de nos blessés, enfin, maintenir au mieux la performance (donc la sécurité) de nos combattants.
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« Pour conclure, je dirai qu’un des enjeux de la recherche est d’être capable de faire part de nos connaissances scientifiques aux armées et services, de rendre compréhensible les résultats de nos observations et de nos études. Le second enjeu est que le fruit de ces recherches conduise à des retombées pratiques véritablement aux services des combattants et puisse contribuer au respect du contrat opérationnel. C’est véritablement de la santé de défense au service des forces que j’ai coutume de comparer à du pragmatisme scientifique ». ♦