La doctrine détermine la culture des différentes armées. Chaque doctrine est issue d’une « théorie de la victoire », d’une façon particulière de comprendre la guerre et de s’imposer à l’adversaire. Chacune des armées a une « théorie » différente et, par conséquent, leurs doctrines sont aussi différentes. Le contrôle des parcours professionnels des officiers par leurs armées d’origine est un élément de freinage de toute réforme interarmées. Les nouveaux espaces de confrontation (information, cyber, Espace) peuvent donner lieu à la parution de nouvelles armées spécialisées, que découleront de « théories de la victoire » aussi différentes. À la fin, le chef militaire interarmées doit connaître les autres armées, leurs possibilités, leurs limitations et leurs façons d’opérer pour être capable de choisir le bon outil pour chaque problème militaire.
Doctrine interarmées : mission impossible ?
La doctrine
La doctrine est (ou devrait être) la pierre angulaire sur laquelle une armée est construite. Elle devrait déterminer tous les aspects du fonctionnement d’une armée (1), en définissant la manière dont elle combat, d’où découlent son organisation, les caractéristiques de ses matériels et même la manière dont elle forme son personnel et les traits fondamentaux de son régime disciplinaire. Cependant, dans le monde réel et pour raisons diverses, ce n’est pas toujours le cas.
Il est vrai que la doctrine n’est pas un sujet très « populaire » parmi la majorité des militaires professionnels (2), mais il n’en est pas moins vrai qu’elle constitue l’ex pression écrite de la « culture » de chacune des armées. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les nombreuses références à la « doctrine » dans cet article : comme une expression formelle de la « culture » d’une armée. L’Otan décrit la doctrine comme suit : « Principes fondamentaux qui guident les forces armées dans la poursuite d’un objectif. Ces principes sont impératifs, mais leur application requiert du jugement. (3) »
En plus de « guider les actions », la doctrine joue un rôle fondamental dans l’unification et la coordination de l’opération des différents éléments d’une armée. Lorsqu’un commandant dirige l’exécution d’une certaine action décrite dans la doctrine, par exemple une « action défensive mobile », il sait exactement ce qu’il ordonne et le subordonné qui reçoit l’ordre comprend parfaitement ce qu’on lui demande, sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans des descriptions détaillées ou de craindre une mauvaise interprétation. L’existence d’une doctrine permet, par exemple, de réduire les ordres à des limites gérables en évitant de décrire la multitude de petites tâches que le commandant attend dans le cadre d’une opération particulière.
Le processus de création d’une doctrine a fait l’objet d’un certain nombre d’études très détaillées, sous différents angles, mais ces études (4) présentent un certain nombre de points communs :
• Derrière chaque doctrine se cache une « théorie de la victoire ». La doctrine est la manière de mettre en œuvre la conduite qui doit amener à la victoire au combat (5). Des « théories de la victoire » différentes conduisent à des doctrines différentes.
• Fondamentalement, la doctrine naît de l’expérience de combat des armées (6) et change lorsque les résultats de ce combat indiquent que la façon de faire n’est pas adaptée à la situation.
• Les changements de doctrine découlent, parfois, de l’émergence de nouveaux concepts, de nouvelles technologies ou de l’évolution des besoins de l’État (7). Ainsi, en l’absence d’expérience récente du combat, les armées tentent de se maintenir à jour « en important » la doctrine d’autres armées qu’elles considèrent comme plus avancées, bien que ces importations soient beaucoup moins efficaces en tant que source de transformation que le développement de leur propre doctrine.
• Les moyens disponibles – économiques, humains et technologiques, entre autres – sont des facteurs déterminants fondamentaux dans le développement de la doctrine.
L’appréciation de la menace et du contexte stratégique – dit autrement, l’utilisation prévue d’une armée – conditionne sa doctrine. En effet, en temps de paix, il est rarement possible de prévoir le futur théâtre d’action d’une armée. Par conséquent, les doctrines créées pendant cette période ont tendance à laisser de nombreux aspects non développés, car elles cherchent à constituer une armée capable de faire face à un nombre relativement important de situations différentes possibles : face à l’incertitude, la polyvalence est recherchée.
En revanche, les doctrines issues directement de l’expérience du combat ont tendance à être plus détaillées et plus spécifiques : dans un conflit, la priorité absolue est de vaincre sur le champ de bataille, dans des circonstances parfaitement connues et définies. Or, le degré d’incertitude est donc beaucoup plus faible.
Plus une doctrine est spécifique, c’est-à-dire plus elle se concentre sur une façon particulière d’opérer et de combattre, mieux une armée s’y adaptera – la formation de son personnel, ses procédures, ses matériaux, etc., seront plus conformes à cette façon d’opérer. À l’inverse, plus les tâches qu’elle est censée accomplir sont variées, moins bien elle s’acquittera de chacune d’entre elles et, de surcroît, plus elle aura besoin de ressources pour le faire. Cet effet s’accroît avec l’élargissement de la gamme d’opérations qu’une armée est censée effectuer.
La doctrine est également un élément clé pour comprendre les options d’emploi que les armées permettent au niveau politique de leur État (8) : certaines forces armées n’ont aucune capacité offensive – c’était le cas de l’armée française dans les années 1930 (9), ce qui explique la « passivité » française face aux préparatifs militaires d’Hitler –, tandis que d’autres sont éminemment offensives (10) et tenteront chaque fois que possible de prendre l’initiative du combat, comme dans le cas de la Wehrmacht d’Hitler. D’autres, encore, ont une faible capacité à mener des opérations de contre-insurrection – cas des armées de la guerre froide, comme l’ont montré la guerre du Vietnam ou l’invasion soviétique de l’Afghanistan. D’autres, enfin, sont avant tout des éléments de contrôle de leur propre population et leur efficacité au combat est limitée (11).
Toutes les doctrines sont basées sur une « théorie de la victoire » (12) comprise comme « une explication de ce que la prochaine guerre exigera et de la manière dont elle doit être menée pour être gagnée ».
Comme indiqué précédemment, différentes « théories de la victoire » conduisent à différentes doctrines. En principe, cela semble indiquer que les armées de différents États, dont les besoins de sécurité sont différents, auront des doctrines également différentes. Cependant, un effet moins intuitif, mais plus fréquent, est que les « théories de la victoire » des différentes armées ou « services » d’un même État sont différentes, ce qui conduit à des doctrines différentes, voire divergentes, et parfois même incompatibles. Cela finit par être le plus grand obstacle à la création d’une « doctrine interarmées ».
La doctrine « officielle » est composée d’une série de documents à plusieurs niveaux, qui commencent par décrire de manière très générale la façon de combattre envisagée pour une armée et ajoutent des détails au fur et à mesure qu’ils descendent dans l’échelle des niveaux, tout en se concentrant sur des aspects de plus en plus spécifiques.
Il est cependant courant qu’aucun des documents officiels n’explique de manière directe la théorie de la victoire sur laquelle repose la doctrine décrite. Dans de nombreux cas, elle est considérée comme allant de soi ; dans d’autres cas, notamment lorsque la doctrine est importée d’armées étrangères, elle peut même ne pas être claire pour les rédacteurs. En réalité, dans la plupart des cas, la théorie de la victoire se trouve en dehors des textes doctrinaux officiels. Par exemple, le livre du colonel John A. Warden III, The Air Campaign: Planning for Combat (13), décrit en détail la théorie de la victoire qui sous-tend la plupart des doctrines aériennes actuelles, tout comme, aujourd’hui encore, l’ouvrage de l’amiral américain Alfred T. Mahan, The Influence of Seapower upon History 1660-1783 (14), reflète les idées qui sous-tendent de nombreuses doctrines navales.
Dans de nombreux cas, il est donc nécessaire de se tourner vers ces ouvrages non officiels avant de se lancer dans l’étude de la doctrine, sous peine « d’étudier les arbres sans voir la forêt ».
Tendances de la doctrine
Tendances de la doctrine des armées de terre
Outre les divergences sur les capacités requises pour les opérations de haute intensité et les opérations de stabilisation (un débat fondamental qui mérite un traitement séparé), les armées de terre occidentales sont tiraillées entre deux orientations différentes sur la manière de combattre dans un environnement de haute intensité : les « doctrines des feux » (approche de l’attrition) ou les « doctrines de manœuvre » (approche manœuvrière).
Ce débat est né pendant la Première Guerre mondiale et fait essentiellement référence à l’orientation de la force militaire vers la destruction physique de l’ennemi (« doctrines des feux ») ou vers la recherche de son effondrement organisationnel, sans nécessairement impliquer sa destruction physique (« doctrines de manœuvre ») (15). D’après cette description, il semble clair que les « doctrines de manœuvre » sont préférables. Le choix est toutefois beaucoup plus complexe : les « doctrines des feux » offrent des « garanties » de victoire aux États les plus industriellement et démographiquement puissants, capables de déployer une énorme puissance des feux et d’assumer une attrition importante. Les « doctrines de manœuvre », en revanche, exigent des manœuvres risquées, car elles cherchent à infiltrer l’arrière-garde ennemie et à isoler l’ennemi sur le plan logistique, des opérations dans lesquelles l’échec est toujours possible. Cette doctrine est l’option des États disposant de forces armées plus réduites que celles de leurs adversaires pour tenter d’obtenir des résultats favorables.
Ces différentes orientations ont d’autres conséquences. Les « doctrines des feux » se caractérisent par la nécessité de disposer de grandes armées, mais, en contrepartie, elles ne requièrent pas de troupes hautement entraînées (et conviennent donc aux armées de conscription), tendent vers un degré élevé de centralisation du commandement (ce qui favorise le contrôle politique), elles découragent l’initiative aux niveaux de commandement subordonnés (évitant le besoin de commandants intermédiaires hautement qualifiés), elles demandent du temps pour que la supériorité des moyens devienne effective sur le champ de bataille (impliquant de longues campagnes), et la victoire est basée sur l’épuisement de l’ennemi (résultant en un conflit sanglant et destructif).
Les « doctrines de manœuvre », en revanche, nécessitent des troupes de très haute qualité (ce qui les rend bien adaptées aux armées professionnelles), avec des commandants dotés d’un grand esprit d’initiative (pour tirer parti des opportunités sur le champ de bataille) ; en contrepartie, elles nécessitent des campagnes courtes, car leurs pertes sont très difficiles à remplacer (le personnel hautement qualifié prend du temps à être formé), elles doivent remporter la victoire avant que la différence de moyens ne fasse pencher la balance en leur défaveur (elles chercheront donc toujours à livrer une bataille décisive) et elles cherchent l’effondrement de l’ennemi, pas sa destruction.
En conséquence, les armées qui emploient des « doctrines de manœuvre » sont par nature offensives, très enclines aux frappes préventives ou à toute autre forme d’intervention pour obtenir la victoire rapide dont elles dépendent.
En Occident, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni sont traditionnellement les principaux partisans des « doctrines des feux » depuis la Grande Guerre, et cette approche a été étendue au reste des Alliés, par conséquence de la domination doctrinale américaine après la Seconde Guerre mondiale. Les forces armées américaines ont appris cette façon de combattre – très bien adaptée aux caractéristiques de la société américaine – pendant sa participation à la Grande Guerre aux côtés de leurs alliés Français et Britanniques, et l’ont perfectionnée pendant la Seconde Guerre mondiale (16). La Blitzkrieg allemande était un exemple de l’application de la « doctrine de manœuvre ». La défaite allemande a contribué au déclin de cette approche (17).
Les années 1960 ont vu une « renaissance » des « doctrines de manœuvre » dans l’armée israélienne, confrontée à la même infériorité matérielle que l’Allemagne de l’entre-deux-guerres (18). En 1973, après la professionnalisation de leur armée, les États-Unis sont confrontés à une situation unique dans leur histoire : pour la première fois, ils ne disposent pas de la supériorité matérielle et numérique pour vaincre un possible ennemi (l’Union soviétique). En conséquence, le Training and Doctrine Command (TRADOC) a commencé à chercher d’autres solutions (19).
La première solution étudiée est l’expérience israélienne, obtenue lorsque les Israéliens eux-mêmes analysent les leçons tirées de la guerre du Kippour (6-24 octobre 1973) (20). En raison des erreurs perçues dans les performances du Tsahal, l’armée israélienne, l’étape suivante consiste à remonter à la source : le TRADOC engage des généraux allemands à la retraite tels que Balck ou von Mellenthin (21) en tant que « conseillers » par le biais de sociétés mandataires (22). Cependant, la faible importance que les Allemands accordent à la préservation du terrain acquis et la liberté qu’ils donnent aux formations subordonnées se heurte à la tradition militaire américaine, héritière directe de la doctrine française de la « bataille conduite » de la Première Guerre mondiale.
Malgré ce développement doctrinal détaillé et inédit (pour eux), matérialisé par la doctrine dite AirLand Battle (23), dans son premier conflit majeur après le Vietnam, en Irak en 1991, l’US Army a appliqué sa doctrine traditionnelle : la victoire par le feu, malgré le très timide enveloppement du VIIth Corps sur le flanc droit irakien (24). Ce n’est qu’en Irak en 2003 (et sur intimation directe et forcée du secrétaire de la Défense de l’époque, Donald P. Rumsfeld (25)) que l’armée américaine a mené une opération de « guerre de manœuvre ». En réalité, malgré ce qui est écrit dans leur doctrine, les armées ont tendance, face au combat, à répéter les procédures qui ont bien fonctionné dans le passé. Tout comme les Français et les Britanniques en 1940, ainsi que les Américains en 1991.
Aucune des deux orientations doctrinales terrestres citées ci-dessus ne traite directement du rôle des forces terrestres au combat. Elles présentent toutefois une différence fondamentale : dans les « doctrines des feux », chaque armée peut agir de manière quasi indépendante, pour autant qu’elles se concentrent toutes sur l’épuisement humain et logistique de l’ennemi. Dans les « doctrines de manœuvre », les forces terrestres s’appuient sur le feu aérien pour éviter la dépendance des unités de manœuvre terrestres vis-à-vis de l’artillerie de campagne et de la logistique associée aux munitions d’artillerie (90 % des besoins logistiques en poids et volume au combat en « haute intensité ») (26).
Par conséquent, l’exécution d’une « doctrine de manœuvre » implique nécessairement des moyens aériens – d’où le nom de « bataille aéroterrestre », tandis que l’AirLand battle est pourtant une doctrine uniquement terrestre. Cela rend les forces terrestres dépendantes du soutien aérien. Le développement d’armes telles que les hélicoptères d’attaque ou les lance-roquettes unitaires (Multi Launcher Rocket System – MLRS) découle de la tentative des forces terrestres d’être en mesure d’opérer efficacement même sans appui aérien, ce qui n’est pas toujours garanti, en raison des différences doctrinales entre ces deux armées.
La doctrine de la « guerre de manœuvre » permet de remporter la victoire dans des combats conventionnels de haute intensité avec une armée (relativement) petite, mais de telles armées sont absolument inadaptées aux opérations de stabilisation, qui nécessitent beaucoup de temps, beaucoup de personnel et où la technologie n’est pas un facteur déterminant – exactement le contraire de ce qui est nécessaire pour exécuter des opérations offensives mobiles. La guerre post-irakienne, la guerre syrienne et l’insurrection afghane ont repoussé le débat entre les partisans des « doctrines des feux » et ceux des « doctrines de manœuvre » (27), mais la fin annoncée des opérations offensives mobiles n’est pas la fin du chemin. Cependant, la fin possible de la prévalence des opérations de stabilisation va très probablement ramener ce débat de nouveau au cœur de l’actualité.
En tout cas, la dernière version du document AJP-3.2 – Allied Joint Doctrine for Land Operations (28) établit la « Manoeuvrist Approach » en tant que doctrine officielle terrestre de l’Alliance atlantique. Cependant, ce changement (en théorie, très important) n’a pas été suivi des réorganisations nécessaires au sein des forces terrestres de l’Alliance, probablement à cause de l’accent toujours présent sur les opérations de stabilisation.
Quoi qu’il en soit, le processus de professionnalisation (et donc de réduction des effectifs) des armées occidentales (et, de plus en plus, de tous les États ayant les ressources pour le faire) semble difficile à renverser. Ce phénomène, conjugué au processus de délocalisation industrielle (la migration de la capacité industrielle vers des pays à faible coût de main-d’œuvre), compromet les possibilités réelles de l’Occident de mettre en œuvre une « doctrine des feux », de sorte que la « doctrine de manœuvre » – intrinsèquement offensive – sera très probablement prédominante à l’avenir.
Tendances de la doctrine aérienne
En général, l’emploi de moyens aériens est appelé « puissance aérienne » et peut être défini comme suit : « La capacité de projeter une puissance militaire depuis l’air et l’Espace pour influencer la conduite des personnes ou le cours des événements (29). »
Les partisans de la puissance aérienne ont identifié un certain nombre de caractéristiques spécifiques (30) : vitesse, portée, hauteur, ubiquité, agilité et concentration. La combinaison de ces éléments permet à la puissance aérienne de concentrer sa capacité de destruction d’une manière centralisée et très flexible.
La puissance aérienne permet, au niveau politique, de concentrer rapidement une puissance militaire considérable en un lieu spécifique et en un temps très court, sous un commandement centralisé, et de modifier ou d’inverser l’application de cette puissance presque instantanément. En outre, le développement d’armes de précision donne à la puissance aérienne la capacité de limiter considérablement les dommages collatéraux causés par son utilisation. Par conséquent, la puissance aérienne est un outil très attirant pour mener des opérations militaires à un coût politique (relativement) faible et sans risquer la vie d’un grand nombre de ses propres militaires (31).
D’autre part, la puissance aérienne a peu de permanence sur ses cibles, ce qui limite sa capacité à mener des opérations de stabilisation, nécessitant précisément la présence permanente de moyens militaires au sein de la population civile, sa dépendance vis-à-vis de bases aériennes géographiquement appropriées et son besoin d’investissements continus pour maintenir l’avance technologique nécessaire à son utilisation.
Les théories sur l’utilisation de ces moyens oscillent entre deux pôles : celles qui défendent la puissance aérienne dite « stratégique », c’est-à-dire la capacité des moyens aériens à résoudre une campagne de manière indépendante en attaquant des cibles « stratégiques », d’une part, et celles qui considèrent qu’ils doivent avoir un rôle de soutien aux forces de surface, d’autre part (32).
À ses origines, les premiers théoriciens de la puissance aérienne « stratégique » préconisent plutôt de terroriser les civils pour faire plier le gouvernement ennemi (33). Ils voient d’emblée dans la puissance aérienne la possibilité d’échapper à tout jamais à l’indécision meurtrière des opérations terrestres, avec la conséquence de milliers de meurtres. Ces théories naissent en effet contre l’expérience militaire de la Première Guerre mondiale. Peu après, le « père » de l’US Air Force (USAF), Billy Mitchell, insiste davantage sur la destruction de l’infrastructure industrielle (production électrique, usines, réseau ferroviaire) qui soutient les armées au combat, plutôt que terroriser les populations civiles. En tout cas, ils n’en sont pas moins d’accord pour considérer que l’aviation est, d’ores et déjà, l’instrument décisif de la guerre et le bombardement « stratégique » le nouveau paradigme des opérations militaires décisives (34). Bien que l’origine du concept de puissance aérienne « stratégique » remonte aux années 1920, le concept a considérablement évolué, conduisant à des constructions intellectuelles complexes telles que la « théorie des cinq anneaux » du colonel Warden, de l’USAF (35).
L’efficacité limitée de cette stratégie, appliquée par les Britanniques et les Américains sur l’Allemagne et le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale (36), ainsi que l’évolution des valeurs des sociétés occidentales, ont discrédité cette pratique. Les théories modernes sur l’application de la puissance aérienne « stratégique » se concentrent sur la destruction des systèmes de commandement et de contrôle (civils et militaires) ou des installations et infrastructures critiques de l’ennemi. De ce point de vue, l’utilisation de moyens aériens pour des opérations d’appui au sol serait une utilisation inefficace de la puissance aérienne et devrait être évitée.
À l’autre extrême, il y a d’autres théoriciens qui soutiennent que le rôle essentiel de l’aviation devrait être le soutien aérien aux forces de surface. Cette tendance est minoritaire chez les aviateurs, bien qu’elle ait eu ses défenseurs parmi les pilotes américains qui ont participé à la guerre du Vietnam (37) en missions d’appui à l’armée de terre ou parmi les fondateurs de la Luftwaffe allemande dans les années 1930 ou même parmi les Israéliens (où l’armée de l’air appartient toujours à l’armée de terre). Aujourd’hui, l’utilisation de la puissance aérienne dans les opérations en Afghanistan est essentiellement de cet ordre, mais la tendance de loin majoritaire dans les forces aériennes occidentales est celle de la « puissance aérienne stratégique », qui est résolument offensive.
En effet, pendant la guerre froide et face à la supériorité quantitative du Pacte de Varsovie (38), les aviations européennes se sont concentrées sur les missions de supériorité aérienne et de soutien au sol (Close Air Support) à basse altitude ; uniquement les missions nucléaires envisageaient une pénétration en profondeur de l’espace aérien adverse. Les États-Unis ont donc constitué l’exception à la règle. Néanmoins, depuis le début des années 1990 (après l’expérience de la guerre du Golfe de 1991 et celle des bombardements sur la Serbie pendant la guerre du Kosovo de 1999 (39)), semble s’opérer un mouvement de convergence des doctrines aériennes, pour retourner vers les théories de la puissance aérienne stratégique (40). Cette approche est basée sur l’hypothèse selon laquelle la puissance aérienne doit être l’élément fondamental de la victoire et que tous les autres moyens militaires doivent soutenir son action.
La prévalence de l’une ou de l’autre doctrine implique un choix de moyens différents : des bombardiers de grande autonomie et vitesse, capables de lancer des puissantes munitions de précision pour détruire des cibles fixes de taille importante dans la profondeur du système ennemi (usines, centres de communications, infrastructures routières…) ou des avions de soutien aux forces terrestres, capables de voler à moindre vitesse (pour détecter des cibles mobiles et de petite taille, tels que les chars de bataille, véhicules, canons…) et de lancer plusieurs munitions de puissance et de taille modérées, adaptées à ce type de cibles.
Tendances de la doctrine navale
Comme dans le cas précédent, la doctrine navale occidentale oscille entre deux tendances : l’une orientée vers le contrôle des routes maritimes qui constituent l’épine dorsale du commerce mondial (dans la lignée des théories de Mahan (41)) et l’autre plus orientée vers la projection de la puissance navale sur terre. La première est orientée vers une approche « économique » du conflit : dans un conflit entre grandes puissances, celui qui dominera les routes commerciales maritimes finira par « étrangler » l’économie de l’adversaire (42).
Les marines ayant cette orientation sont composées de navires ou de sous-marins de haute mer, conçus pour combattre en mer ouverte, capables d’opérer pendant de longues périodes (marines « d’eaux bleues »). L’autre tendance considère la puissance navale comme une excellente plateforme pour exercer une puissance militaire directe sur terre, étant donné que 70 % de la population mondiale vit à moins de 100 milles d’une côte (43). Les marines adaptées à cette fin sont composées de petits navires de projection, d’assaut amphibie et de combat à faible tirant d’eau (marines « d’eaux brunes/vertes »).
Les marines occidentales de la guerre froide se concentraient sur le combat naval contre les sous-marins soviétiques et sur la défense des porte-avions contre les masses de missiles soviétiques (raison du développement des systèmes de défense aériens Aegis). Après la fin de la guerre froide et la disparition de la flotte soviétique en tant qu’ennemi, ces marines d’eaux bleues ont dû se concentrer sur la projection de puissance navale sur terre, pour donner la prédominance aux moyens côtiers et amphibies plus adaptés aux opérations de stabilisation.
La marine américaine est en train d’élaborer un nouveau concept d’opérations (44), qui oscille entre l’option significativement baptisée Air-Sea Battle, déjà abandonnée (45), qui est à nouveau axée sur le combat aéronaval de haute intensité. Cette doctrine combine la domination des routes maritimes avec la projection de la puissance navale sur terre. Projection basée sur l’utilisation d’aéronefs et qui nécessite donc l’assistance de la puissance aérienne. L’autre concept est celui, moins agressif, d’Offshore Control (46), basé sur le contrôle des routes maritimes, qui exclut les attaques à grande échelle sur terre.
La supériorité navale écrasante des États-Unis signifie que les rivaux potentiels ont effectivement renoncé à rivaliser avec l’US Navy dans les combats navals ouverts. Par conséquent, ils concentrent leurs efforts sur le maintien de zones littorales critiques sous leur contrôle – le détroit d’Ormuz dans le cas de l’Iran ou la mer de Chine orientale et méridionale dans le cas de la Chine – afin d’empêcher les moyens navals américains d’accéder à des zones à partir desquelles ils pourraient projeter efficacement des moyens aériens ou terrestres sur leur territoire national (47).
Le domaine interarmées
En réalité, l’existence d’une véritable doctrine interarmées est bien plus l’exception que la règle. Dans presque tous les cas, ce n’est rien d’autre que la subordination d’une ou des deux autres armées à l’action d’une autre, qui est considérée comme prioritaire. Ces doctrines apparaissent lorsque le problème militaire à résoudre est très clairement défini, ce qui permet de créer une solution doctrinale conçue au fur et à mesure du problème. Les cas les plus évidents sont le Royaume-Uni, où la priorité est toujours donnée à la Royal Navy, avec l’armée de terre jouant un rôle secondaire, ainsi que la Wehrmacht d’Hitler et les Forces de défense israéliennes (FDI) – ou Tsahal – à une époque plus récente.
Dans les deux cas, le problème militaire à résoudre était très bien défini. Pour les Britanniques, leur insularité leur donnait un accès facile aux routes commerciales maritimes, tandis que la Manche est un obstacle insurmontable pour un ennemi qui ne contrôle pas complètement la mer. Ainsi, la stratégie britannique a toujours été basée sur le contrôle des lignes de communication maritimes – une situation qui lui permettait de maintenir son effort militaire, grâce aux ressources de son empire d’outre-mer, tout en privant son adversaire des ressources entrant en Europe par la mer –, sur le maintien du contrôle de la Manche comme barrière naturelle à l’invasion terrestre, et sur l’utilisation de son armée de terre (généralement dans le cadre d’une coalition) pour user la puissance ennemie. Cependant, cette stratégie n’a pas vraiment conduit à l’élaboration d’une doctrine interarmées, car les actions militaires sur terre et en mer étaient clairement séparées, la manière de combattre dans chaque endroit était très différente, et la technologie limitait fortement l’action des moyens maritimes sur terre ou des moyens terrestres en mer. Les actions interarmées les plus étroites qui étaient possibles étaient la projection de forces de débarquement ou la défense des côtes par l’artillerie terrestre – cependant, à l’époque d’Oliver Cromwell, dans les années 1650, un groupe de colonels de la Nouvelle Armée a rédigé des Instructions de combat à l’usage de la Marine (Fighting Instructions), basées sur le combat terrestre, qui sont restées en vigueur pendant près de cent ans (48).
Les cas de la Wehrmacht et de Tsahal sont plus actuels (49). Le raisonnement stratégique qui sous-tend le développement de doctrines interarmées spécifiques est très similaire. Dans le cas de la Wehrmacht, la faiblesse des forces armées allemandes due aux conditions du traité de Versailles a laissé l’Allemagne avec une armée de terre incapable de se défendre avec succès contre presque tous ses puissants voisins. Cela a eu deux conséquences directes sur la doctrine militaire applicable. Du point de vue aérien, les théories susmentionnées de la puissance aérienne stratégique ne s’appliquent pas, car leurs effets nécessitent un certain temps, qui n’est tout simplement pas disponible : les armées terrestres ennemies pourraient envahir l’Allemagne avant que les effets d’une campagne aérienne ne commencent à se faire sentir. Dans le domaine terrestre, la petite taille de l’armée de terre par rapport à ses rivales exclut une défense statique, du type de celle employée pendant la Première Guerre mondiale, et nécessite une doctrine offensive basée sur le mouvement et la manœuvre audacieuse. Le cas de Tsahal est très similaire. Israël ne dispose pas de la « profondeur stratégique » nécessaire pour gagner du temps afin qu’une campagne aérienne fasse effet, tout en étant entouré d’États ennemis beaucoup plus peuplés et disposant de forces armées plus importantes (50).
La solution adoptée dans les deux cas est très similaire : le renoncement presque total à l’utilisation de la puissance aérienne stratégique, laissant l’armée de l’air comme un élément auxiliaire de l’armée de terre, et l’adoption de la doctrine de manœuvre dans l’armée de terre. Dans les deux cas – Wehrmacht et Israël – la marine joue un rôle secondaire et sa contribution à l’effort militaire n’est pas décisive : elle est essentiellement dédiée à couper les lignes logistiques maritimes de l’ennemi.
L’adoption d’une doctrine interarmées claire – même si elle ne fait qu’accorder la primauté à l’une des armées au détriment des autres – permet aux États qui l’adoptent d’adapter leurs forces à la doctrine choisie, ce qui les rend beaucoup plus efficaces au combat que celles de leurs rivaux, dont les idées stratégiques sont moins bien définies (et dont les forces armées sont plus souples dans leur structure, mais moins efficaces dans une situation donnée). Tant que les conditions de combat restent telles que prévues, ces forces armées spécialisées sont très efficaces, mais si les conditions changent, leur capacité de combat décline rapidement. L’exemple même de la Wehrmacht est illustratif. Lorsque Hitler a ordonné des mesures telles que la « défense à tout prix » du terrain conquis (c’est-à-dire lorsqu’il a renoncé à la « doctrine de manœuvre » pour tenter de se battre avec une « doctrine des feux »… sans en avoir les moyens) ou lorsqu’il a perdu la supériorité aérienne, la Wehrmacht a été incapable de s’imposer au combat (51). De même, le fait que la Luftwaffe se concentre sur le soutien des troupes au sol signifiait que ses capacités de bombardement stratégique étaient très faibles – comme l’ont montré ses mauvaises performances lors de la bataille d’Angleterre en 1940.
Autre exemple, les forces américaines qui ont envahi l’Irak en 2003 ont été conçues pour exécuter la version américaine de la Blitzkrieg allemande (en réalité, l’AirLand Battle), sur ordre du secrétaire à la défense Donald P. Rumsfeld (52). Face aux forces irakiennes régulières, l’efficacité des forces américaines a été spectaculaire. Cependant, les mêmes caractéristiques qui les rendent si efficaces dans la guerre conventionnelle (53), les rendent très peu adaptées aux missions de stabilisation (54).
Dans notre expérience historique, les doctrines interarmées qui ont été appliquées ne sont rien d’autre que l’adoption de la doctrine d’une des armées et la subordination des autres à celle-ci. Toutefois, cette spécialisation n’est possible que lorsque le problème militaire à résoudre est parfaitement défini. Lorsque ce n’est pas le cas, la décision d’opter pour une doctrine de ce type conduit au développement d’un type de forces armées très adapté à un seul type d’opération, mais peu apte à en mener d’autres. Il s’agit donc d’une option risquée.
Aujourd’hui, le débat sur les nouveaux espaces de conflictualité offre de nombreux parallèles avec les origines des forces aériennes indépendantes (55). Le rôle décisif attribué au bombardement stratégique et la possibilité pour la puissance aérienne de contourner les défenses terrestres et navales ennemies ont conduit les partisans de cette puissance aérienne à défendre farouchement son indépendance institutionnelle vis-à-vis des autres armées (56). De même, des voix s’élèvent aujourd’hui pour dire que les guerres futures seront principalement des cyberguerres, et/ou qu’elles se dérouleront principalement dans le domaine de l’information (57).
Par conséquent, il n’est pas exclu que, dans un délai relativement court, la création d’une nouvelle « cyber-armée » ou d’une sorte d’organisation indépendante dédiée à la « guerre de l’information » puisse être envisagée. Étant donné que la cyberguerre et les activités du domaine de l’information sont menées sur l’ensemble du spectre du paradigme « compétition-contestation-affrontement » (alors que les activités militaires traditionnelles sont beaucoup plus limitées aux stades plus violents de ce paradigme de relations), la création d’organisations non strictement militaires qui leur sont consacrées est très probable. Et, par conséquent, l’émergence de nouvelles doctrines dans ces domaines est prévisible (58), qui, si leur création n’est pas coordonnée, fragmenteront davantage le corpus doctrinal interarmées.
* * *
Les avancées technologiques ont la tendance à « effacer » les différences qui ont conduit à la création d’armées séparées, spécialisées dans un domaine spécifique (terre, mer ou air). Il n’y a pas si longtemps, l’action navale vers la terre était limitée à la portée des canons d’un navire ou aux quelques dizaines de kilomètres de profondeur d’une opération amphibie, alors que les marines modernes sont capables d’atteindre des cibles situées à des centaines de kilomètres des côtes. De même, l’aviation a une portée potentiellement mondiale, et certains systèmes terrestres ont une portée tout aussi mondiale (comme les missiles balistiques ou les missiles de croisière lancés depuis le sol). On peut en dire autant des nouveaux « espaces de conflictualité ».
Ce progrès technologique devrait entraîner la disparition des doctrines spécifiques des armées au profit d’une doctrine « unique », mais il amène aussi les doctrines spécifiques existantes à accroître le champ de leurs actions et leurs exigences en termes de moyens et de liberté d’action.
Même si la doctrine n’est pas toujours bien connue au sein des armées, dans l’immédiat, toutes les institutions militaires restent logiquement marquées par leurs « cultures », c’est-à-dire l’ensemble des perceptions et des préférences héritées de leurs histoires, expériences de combat et influences organisationnelles. La doctrine en vigueur (ou le manque d’une doctrine explicite) est alors la conséquence la plus évidente de ces « cultures ».
Les différences doctrinales décrites ci-dessus mettent en évidence les difficultés liées à l’élaboration d’une doctrine interarmées. Ces difficultés sont aggravées par le fait que l’élaboration de la doctrine militaire est effectuée par le personnel des armées elles-mêmes, ce qui implique toujours une préférence pour la « théorie de la victoire » en vigueur (consciemment ou inconsciemment) dans chacune d’elles, dans laquelle leur personnel a été éduqué et a « grandi » professionnellement. En effet, derrière le choix de telle ou telle doctrine, il y a toujours des intérêts industriels, économiques et de carrière qui, intentionnellement ou non, conditionnent le choix de la doctrine : étant donné que le personnel affecté aux organismes interarmées provient des différentes armées et que, en général, la gestion de leur personnel reste entre les mains de chaque armée, il est courant que leurs membres défendent les intérêts corporatifs de leur armée d’origine s’ils ne veulent pas voir leurs perspectives de carrière anéanties. Ce fait fondamental contribue à affaiblir les possibilités de création d’une véritable doctrine interarmées.
Dans très peu de cas, les hommes/femmes politiques ou les fonctionnaires civils ont la formation nécessaire pour imposer des idées doctrinales aux bureaucraties militaires, même si on a pu l’observer récemment de la part de Donald P. Rumsfeld aux États-Unis ou, plus loin de nous, de Sir Julian Corbett (59), pour la Royal Navy au début du XXe siècle.
Ces difficultés ne sont pas insurmontables, mais elles exigent que chaque État examine attentivement sa situation stratégique, ses menaces spécifiques et décide de l’outil militaire le plus approprié pour y faire face, et par conséquent de la « théorie de la victoire » qui doit guider l’action de ses forces armées dans leur ensemble. Un dérivé de cela est qu’il y aura toujours une composante de ces forces armées (l’armée de terre, la marine, l’armée de l’air ou – peut-être – une future armée cyber) qui sera prépondérante en leur sein et pour le bénéfice de laquelle les autres devront opérer.
La décision quant à la « théorie de la victoire » la mieux adaptée à chaque situation est complexe et comporte une énorme responsabilité. Cette décision est purement nationale et il est peu probable qu’elle soit inspirée par des influences étrangères. Cependant, une fois adoptée, les doctrines de niveau inférieur qui en découlent peuvent s’inspirer des « meilleures pratiques » observées dans d’autres armées.
Le principal problème pour prendre cette décision est toujours l’incertitude : l’avenir est toujours en mouvement et un changement inattendu (un « cygne noir » (60)) peut modifier radicalement une situation stratégique stable depuis longtemps en quelques heures. C’est pourquoi les armées doivent toujours conserver un noyau de compétences essentielles, même si elles ne sont pas immédiatement utiles dans la doctrine choisie, afin de ne pas perdre les connaissances acquises au cours de nombreuses années et qui peuvent être à nouveau nécessaires de manière inattendue. La nécessité de se prémunir contre l’imprévu ajoute un facteur supplémentaire, fondamental à prendre en compte lors de la conception doctrinale des forces armées.
S’il n’est pas possible de définir un problème militaire clair à résoudre (ce qui est souvent le cas), il est alors nécessaire de concevoir des forces armées dotées d’un large éventail de capacités, leur permettant d’agir efficacement dans une grande variété de cas. Dans ce cas, les doctrines de chacune des armées (et les « théories de la victoire » qui les sous-tendent) sont donc des outils à la disposition des chefs militaires, qui doivent choisir le plus approprié pour chaque cas. Par conséquent, les chefs militaires de telle ou telle arme doivent connaître la doctrine des autres afin d’être en mesure d’évaluer quel est le meilleur « outil » dans leur boîte à appliquer pour chacun des problèmes qui se posent. Et cela implique un effort supplémentaire dans la préparation des chefs militaires, avec un accent important dans la compréhension profonde des sources doctrinales de chacune des armées, et par conséquent, de leurs capacités et de leurs limitations. À cet égard, l’existence d’une organisation interarmées de l’enseignement militaire (la direction de l’enseignement militaire supérieur – DEMS) est un atout important pour la France. ♦
(1) Frias Sanchez Carlos J., « Pourquoi la doctrine militaire est importante ? » [en espagnol], Grupo de Estudios de Seguridad Internacional, Defensa.com, 14 mai 2014 (https://www.defensa.com/analisis-gesi/importante-doctrina-militar).
(2) Vallance Andrew, Air Power: Collected Essays on Doctrine, HMSO, 1990, p. xi.
(3) Otan, AAP-6. Glossaire Otan de termes et définitions (anglais et français), Allied Command for Transformation, 2013 (https://www.jcs.mil/).
(4) Voir, par exemple, la série de Bruce I. Gudmundsson, Stormtroop Tactics: Innovation in the German Army, 1914-1918 (1989), On Artilley (1993), On Infantry (1994), On Armor (2004), ou l’œuvre de Jonathan M. House : Towards Combined Arms Warfare, Fort Leavenworth, Combat Studies Institute, 1984.
(5) Rosen Stephen P., « New Ways of War. Understanding Military Innovation », International Security, vol. 13, n° 1, 1988, p. 140-141.
(6) Durand (de) Étienne et Irondelle Bastien, Stratégie aérienne comparée : France, États-Unis, Royaume-Uni, Centre d’études en sciences sociales de la défense (C2SD), Institut français des relations internationales (Ifri), 2006, 202 pages, p. 22 (https://www.ifri.org/).
(7) Grissom A., « The Future of Military Innovation Studies », Journal of Strategic Studies, vol. 29, n° 5, 2006, p. 905-934.
(8) Posen Barry R., The Sources of Military Doctrine: France, Britain and Germany between the World Wars, Cornell University Press, 1986, 288 pages.
(9) Horne Alistair, To lose a Battle. France 1940, Penguin Books, 2007, p. 80.
(10) Cas de l’armée russe ou celle des États-Unis.
(11) Dont la majorité des armées des dictatures du tiers-monde.
(12) Rosen Stephen. P., Winning the Next War: Innovation and the Modern Military, Cornell University Press, 1994, 288 pages.
(13) Warden John A., The Air Campaign: Planning for Combat, National Defense University Press, 1988, 192 pages (https://apps.dtic.mil/).
(14) Mahan Alfred T., The Influence of Seapower upon History 1660-1783, Read Books Ltd., 1890 (réédité en 2003 et 2017), 302 pages.
(15) Hooker Richard D., Maneuver Warfare: An Anthology, Presidio Press, 1993, 409 pages, p. 187.
(16) House Jonathan M., op. cit., p. 138.
(17) Citino Robert M., Blitzkrieg to Desert Storm: The Evolution of Operational Warfare, University Press of Kansas, 2004, 424 pages, p. 74.
(18) Ibidem, p. 153-186.
(19) Ibid., p. 226-265.
(20) Ce conflit a opposé Israël à une coalition de pays arabes menés par l’Égypte et la Syrie, donnant lieu à une victoire militaire israélienne.
(21) Hermann Balck, ancien chef de la 11e Division Panzer et du XLVIII Panzerkorps pendant la Seconde Guerre mondiale et Friedrich von Mellinthin, son chef d’état-major et auteur du livre Panzer Battles.
(22) DM Corporation, Generals Balck and von Mellenthin on Tactics: Implications for NATO Military Doctrine, Office of the Secretary of Defense, 1981, 55 pages (https://apps.dtic.mil/sti/pdfs/ADA097704.pdf).
(23) US Army, FM 100-5 Operations, TRADOC, 1993, 163 pages (https://www.bits.de/NRANEU/others/amd-us-archive/fm100-5%2893%29.pdf).
(24) Citino Robert M., op. cit., p. 267-300.
(25) Durand (de) Étienne, « Les relations civilo-militaires américaines à l’épreuve de l’Irak. Dualisme fonctionnel et désintégration stratégique », Revue internationale de politique comparée, vol. 15, 2008-1, p. 93-115 (https://www.cairn.info/).
(26) Van Creveld Martin, Supplying War: Logistics from Wallenstein to Patton, Cambridge University Press, 1977 (rééd. 2004), 284 pages.
(27) Un bon résumé des débats sur ces deux types de doctrine est décrit dans Hooker Richard D., Maneuver Warfare: An Anthology, Presidio Press, 1993, 409 pages.
(28) Otan, AJP-3.2. Allied Joint Doctrine for Land Operations, Allied Command for Transformation, février 2022, 155 pages (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(29) UK Ministry of Defence, Joint Doctrine Publication 0-30. UK Air and Space Power, Development, Concept and Doctrine Centre, décembre 2017, 122 pages, p. 5 (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(30) Ibidem, p. 25.
(31) Meilinger Philip S., Airpower and Collateral Damage: Theory, Practice and Challenges. Air Power Australia Essay on Military Ethics and Culture, 15 avril 2013 (http://www.ausairpower.net/APA-EMEAC-2013-02.html).
(32) Durand (de) Étienne et Irondelle Bastien, op. cit., p. 10.
(33) Douhet Giulio, The Command of the Air, Air University Press, 1920 (rééd. 2019), 362 pages (https://www.airuniversity.af.edu/).
(34) Durand (de) Étienne et Irondelle Bastien, op. cit., p. 47.
(35) Warden, John A., op. cit.
(36) USAF, The United States Strategic Bombing Surveys. (European War). (Pacific War), Center for Aerospace Doctrine and Education, Air University Press, octobre 1987, 126 pages (https://www.airuniversity.af.edu/).
(37) Et ces défenseurs avaient davantage d’influence : en 1969, suite aux opérations sur le Vietnam, l’USAF avait deux fois plus de généraux issus des chasseurs que des bombardiers stratégiques. Voir Worden Mike, Rise of the Fighter Generals. The Problem of Air Force Leadership 1945-1982, Air Force University Press, 1988, 296 pages, p. 188 (https://www.airuniversity.af.edu/).
(38) Otan, NATO and the Warsaw Pact – Force Comparisons, 1984, 64 pages (https://archives.nato.int/).
(39) Lambeth Benjamin S., NATO’s Air War for Kosovo: A Strategic and Operational Assessment, RAND Corp., 2001 (https://www.rand.org/).
(40) Durand (de) Étienne et Irondelle Bastien, op. cit., p. 11.
(41) Mahan, Alfred T., op. cit.
(42) Ibidem.
(43) Hinrichsen Don, « The Coastal Population Explosion », in The Next 25 Years: Global Issues, 1998 (http://kula.geol.wwu.edu/).
(44) Secretary of the Navy, « Strategic Guidance for Revised Program Objective Memorandum 2023 », 4 juin 2021.
(45) Amstrong B. J., « The Shadow of Air-Sea Battle and the sinking of A2AD », War on the Rocks, 5 octobre 2016 (https://warontherocks.com/).
(46) Hammes T. X., « Offshore Control: A Proposed Strategy for an Unlikely Conflict », Strategic Forum, National Defence University, juin 2012, 12 pages (https://ndupress.ndu.edu/).
(47) Lagrange François, « L’A2/AD ou le défi stratégique de l’environnement contesté », Revue Défense Nationale, n° 794, novembre 2016, p. 67-72 (https://www.cairn.info/).
(48) Tritten James J., Doctrine and Fleet Tactics in the Royal Navy, Naval Doctrine Command, 1994, 38 pages, p. 2 (https://apps.dtic.mil/sti/pdfs/ADA288841.pdf).
(49) Citino Robert M., op. cit.
(50) Bar-On Mordechai, Never-Ending Conflict: Israeli Military History, Stackpole Books, 2006, 272 pages.
(51) Citino Robert M., The Wehrmacht Retreats: Fighting a Lost War, 1943, University Press of Kansas, 2012, 428 pages.
(52) Boyer Peter J., « Downfall. How Donald Rumsfeld reformed the Army and lost Iraq », The New Yorker, 20 novembre 2006 (https://www.newyorker.com/).
(53) Petite taille, caractère mécanisé/blindé, agilité de mouvement, feux puissants en profondeur, intégration de l’appui aérien, évitement de la détention ou de l’occupation du terrain.
(54) Caractérisées par la nécessité de disposer de grands contingents de personnel, avec une prépondérance de petites unités d’infanterie légère, dédiées à l’occupation du terrain et à l’isolement de la population par rapport aux insurgés, avec un faible recours aux tirs aériens ou d’artillerie.
(55) Durand (de) Étienne et Irondelle Bastien, op. cit., p. 97-98.
(56) Ibidem, p. 48.
(57) Boiteau Emmanuel, « Nouveaux espaces de conflictualités, prolifération et déni d’accès : la fin de la puissance militaire ? », Cahier de la RDN « Un monde en turbulence. Regards du CHEM. 69e session », 2019 (https://www.defnat.com/).
(58) Par exemple, la France dispose d’une doctrine cyber et d’un commandement du Cyberespace (https://www.defense.gouv.fr/).
(59) Principal théoricien naval britannique du début du XXe siècle, auteur d’une œuvre très influente dans son domaine. Voir Corbett Julian, Some Principles of Maritime Strategy, Longmans, 1918.
(60) Taleb Nassim Nicholas, The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable, Random House, 2017.