L’externalisation au sein des armées françaises se limite actuellement aux activités de soutien pour des raisons de blocages culturels et de freins juridiques. Or, dans le contexte géopolitique actuel marqué par la compétition et en cohérence avec l’ambition stratégique de la France de remporter la victoire sur les nouveaux champs de bataille, l’emploi des Entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) en appui direct des opérations militaires serait un démultiplicateur d’efficacité. Faire converger le besoin institutionnel identifié avec l’offre privée désormais structurée, dans un cadre économique, juridique et éthique pragmatique, est une nécessité pour affronter la guerre qui vient.
Définir le rôle des ESSD dans un contexte de compétition stratégique
« Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres, et ne croyons le mal que quand il est venu ».
Jean de La Fontaine, « L’hirondelle et les petits oiseaux », Fables, 1668.
« Le périmètre des Entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) regroupe un ensemble de prestations nombreuses mais cohérentes, allant du service de sécurité classique aux convois logistiques, en passant par la fourniture de repas sur des bases ou encore la formation de militaires étrangers. (1) » Cette définition du législateur laisse une large marge d’appréciation à l’essence même des activités proposées par les entreprises agissant au profit des armées françaises en déployant des agents sur les théâtres d’opérations dans le cadre de contrats externalisés.
« La rationalité d’une optimisation du système militaire par un recours à des acteurs privés est restreinte en France aux activités de soutien et ne peut légalement s’étendre aux activités d’appui direct ou d’engagement dans les opérations de combat (2) », précise le chercheur. Par ailleurs, comme le rappelle le chef militaire, « la multiplication des domaines de confrontation est propice aux stratégies hybrides et de contournement, ayant comme conséquence majeure l’élargissement du spectre de nos besoins capacitaires (3). »
Ainsi, dépassant les activités de soutien dorénavant bien intégrées dans les partenariats conduits par les armées, n’abordant pas l’extension des ESSD aux activités de combat, domaine régalien par excellence, il paraît cependant légitime d’approfondir la notion d’externalisation des activités d’appui direct : comment peut-elle contribuer à remporter la victoire sur les nouveaux champs de bataille ?
Face à des freins culturels profonds, s’inscrivant dans un cadre juridique incomplet et évoluant dans un contexte économique contraint, seule une réelle plus-value opérationnelle des ESSD justifie la formalisation d’une définition plus ambitieuse de leur emploi. Le défi est ainsi triple pour la France : réconcilier héritage culturel et ambition stratégique, faire converger l’offre du privé et le besoin opérationnel, faire cohabiter, enfin, dispositif de contrôle et écosystème de confiance.
La pertinence d’objectiver la prudence française vis-à-vis des ESSD
Alors que nos alliés anglo-saxons et les puissances compétitrices emploient des ESSD de manière croissante et désinhibée (4), la France demeure réticente à résolument s’interroger sur leur capacité à opérer dans le contexte stratégique actuel. Pourtant, l’ambition française de demeurer un compétiteur crédible justifie une démarche proactive et lucide quant au rôle à donner aux ESSD.
Un héritage culturel qui limite le champ d’action de l’externalisation de défense
« La France pourra s’honorer d’être le pays occidental doté de la législation la plus rigoureuse en ce domaine. » C’est ainsi qu’en avril 2003, Paul Quilès (1942-2021), ancien ministre de la Défense (1985-1986), alors député, s’adresse aux parlementaires réunis à l’occasion du vote du projet de loi sur la répression de l’activité mercenaire en France (5). Le pays des « citoyens-soldats » de Valmy vient d’enterrer vivant Bob Denard (6), fidèle à ses principes : l’État et son armée forgent l’identité nationale et l’exercice de la violence est un pouvoir régalien qui ne saurait être délégué. Cette loi intervient alors que, dans les armées françaises devenues professionnelles, le recours à des prestataires de services externes connaît son plein essor : la directive ministérielle de mai 2003, qui définit la politique d’externalisation au sein des armées (7), met un terme à la régie comme modèle et à l’externalisation comme exception. La loi sur le mercenariat vient donc rappeler que cette externalisation a ses limites et que, s’agissant de l’exercice de la violence légitime, la souveraineté régalienne ne saurait être contournée.
Or, la France est très claire sur cette limite régalienne indépassable : donner la mort au nom de l’État est une prérogative exclusive du militaire et le restera. Cependant, la mission du soldat est par essence souveraine et il est particulièrement compliqué de savoir jusqu’où on peut l’externaliser sans pour autant fragiliser sa singularité. Ainsi, des réticences psychologiques de fond demeurent fortes. Trois raisons viennent justifier, objectivement, ce blocage.
• Tout d’abord, un doute peut être émis sur l’intérêt économique d’une externalisation plus poussée. L’externalisation croissante des fonctions de soutien dans les armées depuis les années 2000 avait pour objectifs de pallier la suspension du Service national et de réduire les dépenses publiques. L’expérience a montré que les gains économiques étaient parfois à relativiser, que des surcoûts pouvaient être provoqués par des contrats de long terme et que les prestataires devaient atteindre une taille critique pour être réellement compétitifs (8).
• Ensuite, une certaine crainte légitime est entretenue vis-à-vis du risque opérationnel induit par l’emploi d’entreprises privées. En effet, leur fiabilité peut ne pas être totalement acquise, entachant ainsi potentiellement l’image de la France par un comportement indigne, obérant son efficacité sur le terrain en cas de défaillance ou complexifiant la conduite d’une opération militaire par leur action désynchronisée (9).
• Enfin, un découragement peut naître face aux difficultés de mise en œuvre et de contrôle de telles entreprises. La France a une faible culture partenariale public-privé et l’organisation du ministère des Armées doit s’adapter à la conduite de projets contractuels nombreux et variés, nécessitant une couverture juridique particulière. Contourner systématiquement les freins structurels, se conformer au code des marchés publics tout en s’assurant de la bonne exécution des contrats peut s’avérer compliqué pour des armées, par ailleurs engagées dans une transformation profonde et permanente.
Une mutation de la conflictualité qui appelle à une certaine lucidité stratégique
Pourtant, près de vingt ans après le vote de la loi sur le mercenariat, une certaine ambiguïté apparaît entre principes et usages : les ESSD naissent en se démarquant du mercenariat (10), elles s’installent et agissent à l’étranger à partir du sol français, elles sont publiquement reconnues pour leur double apport aux forces armées et aux entreprises nationales (11) et une loi vint même couvrir les activités privées de protection des navires (12). Cette évolution réglementaire s’explique principalement par l’augmentation concomitante et rapide d’une menace à laquelle il faut faire face avec des moyens autres que militaires : la piraterie maritime. Ainsi, le contexte sécuritaire vient contraindre la France dans sa posture doctrinale. De ce paradoxe entre accroissement de besoins de protection et préservation du cadre éthique émerge le défi de la responsabilité de l’État face aux menaces sécuritaires.
Mais, au-delà des enjeux de protection de nos intérêts économiques, la conflictualité aujourd’hui est marquée par une transformation simultanée des formes de guerre, des appétits de puissance et des espaces de confrontation, exigeant de s’adapter, d’anticiper et de réagir pour ne pas perdre la guerre avant le début des hostilités : rapports de force désinhibés et extension de la conflictualité à de nouveaux domaines (13), hybridité et stratégies de seuil, guerre des perceptions et ambiguïté des intentions, retour de l’affrontement de haute intensité entre États. Finalement, il s’agit d’imposer notre volonté dans un contexte de compétition permanente entre puissances et d’une contestation systématique de la puissance, en empêchant l’adversaire de nous contraindre par son modèle.
Plus particulièrement, la centaine d’entreprises privées dans le monde – ESSD et Sociétés militaires privées (SMP) –, qui regroupe plus d’un million d’employés agissant dans plus de 50 pays pour un chiffre d’affaires estimé à plus de 250 milliards de dollars, apparaît comme un acteur indispensable dans ce nouveau paysage stratégique (14). Ces entreprises sont elles-mêmes un révélateur utile de cette transformation de la guerre et plus généralement des rapports de puissance (15).
• Chez nos alliés anglo-saxons, où l’emploi de « contractors » est décomplexé, la taille critique de leurs sociétés leur permet de remporter d’intéressants marchés au détriment de leurs concurrents plus fragiles et de racheter des entreprises insuffisamment robustes pour survivre dans ce secteur de plus en plus compétitif (16).
• Chez nos compétiteurs chinois et russes, l’emploi de SMP leur permet d’obtenir des effets politiques et stratégiques sans avoir à engager des forces nationales (17), comme l’illustrent la présence du groupe russe Wagner en Centrafrique (18) ou l’appel de la Chine à une SMP américaine pour former les futurs gardes privés qui devront assurer la sécurité des « Nouvelles routes de la soie » (19).
• Dans la mouvance islamiste, des « mercenaires du djihad » apparaissent, soit de manière autonome et incontrôlée comme la société russophone Malhama Tactical, qui cherche à être reconnue et à capitaliser sur le marché international de la sécurité militaire privée, soit de manière pilotée et discrète comme la société turque Sadat, aux ordres d’Ankara (20).
Ainsi, les entreprises privées appuyant stratégiquement un État, de manière plus ou moins officielle, connaissent une dynamique sans précédent dans le monde. La France demeure pour le moment en marge de cette compétition.
La possibilité d’une voie singulière française, réconciliant héritage et ambition
Dans ce contexte, la France peut saisir l’opportunité de créer une dynamique vertueuse, respectueuse de ses valeurs, sans renier ses fondements démocratiques ni le respect de l’État de droit. Au contraire, les ESSD représentent un potentiel levier pratique pour imposer un modèle original, tant sur les plans économique, juridique, qu’éthique.
• Sur le plan économique tout d’abord, se conformant aux conditions énoncées par la Cour des comptes concernant les externalisations (21), un véritable partenariat gagnant-gagnant mérite d’être envisagé. Il permettrait de combler des lacunes capacitaires des armées à un coût maîtrisé, tout en permettant à des entreprises privées françaises de développer une offre et d’atteindre une taille critique pour être concurrentielle.
• Dans le domaine juridique ensuite, le cadre légal existant laisse une marge de manœuvre pour accroître le recours aux ESSD en appui direct des forces, selon une doctrine qui reste à construire. Par exemple, la loi de 2003 n’interdit pas les activités de formation, de préparation opérationnelle et d’entraînement conduites par des entreprises privées. Par ailleurs, s’appuyant sur un cadre international non contraignant (22), la norme ISO 18 788 de mars 2016 puis la loi du 28 février 2017 créent le statut d’agent armé, facilitant ainsi les activités de protection ou de conseil en sécurité.
• En matière d’éthique, enfin, la France a les capacités et la légitimité de proposer à des pays tiers, en particulier africains, un modèle respectueux des valeurs qui la définissent et différent du marché existant. S’interdisant le modèle prédateur russe et se protégeant des dérives américaines (23), il est possible de construire une troisième voie, véritable outil politico-économique au service de notre stratégie.
Ainsi, s’appuyant sur des assises économiques, juridiques et éthiques solides, les ESSD françaises peuvent constituer une forme de continuité de notre capacité à exercer notre puissance de façon autonome. Avec des ressources financières comptées, dans une Europe qui redécouvre la guerre, il est impératif de tirer le meilleur parti de l’externalisation pour ne pas perdre l’initiative. La motivation doit en être la victoire, quel que soit le champ de conflictualité. La limite en est l’usage de la force et le ciblage offensif, car seul le militaire doit garder cette prérogative, par essence régalienne.
L’opportunité de donner un sens opérationnel à l’emploi des ESSD
Une externalisation plus ambitieuse dans les armées n’a d’intérêt que si elle procure une réelle plus-value opérationnelle. Le secteur des ESSD s’étant structuré et diversifié, les armées devant faire face à un élargissement des champs d’affrontement et à un durcissement des défis, il est opportun d’identifier les besoins et de les combler, avec l’appui du marché privé seulement s’il est plus efficient.
Des armées souveraines qui peuvent penser l’externalisation autrement
Au-delà des freins inhérents à notre culture nationale et à nos réticences institutionnelles, les risques liés à l’externalisation de services de défense sont bien identifiés par les armées : déresponsabilisation potentielle de l’entreprise, opportunisme économique, risque de défaillance de l’opérateur, mélange des genres éthique, subjectivité quant à la nature militaire ou non des prestations de service (24).
L’armée britannique a fait plusieurs fois les frais d’une externalisation trop poussée dans certains secteurs, notamment lors de défaillances d’agents de certains sous-traitants (25). Toute externalisation doit préserver la résilience de notre capacité opérationnelle : sanctuarisation des compétences clés, réversibilité des dispositifs, contrôle effectif des activités sur le terrain. Il n’est à ce titre pas envisageable de privatiser une intervention militaire comme a pu le suggérer Erik Prince, fondateur de la SMP américaine Blackwater, actuelle Academi (26).
L’appui direct aux opérations exclut, comme nous l’avons précisé, l’usage de la violence légitime, monopole de l’État et donc prérogative exclusive du soldat. Le ciblage aux fins d’action doit ainsi rester du domaine strictement militaire (27). Ces prérequis posés, les compétences du secteur privé peuvent inclure une large palette d’options, complémentaires des capacités strictement militaires. Si ces besoins doivent encore être précisément définis par les armées, ils pourraient concerner trois domaines.
• Le domaine « classique » tout d’abord, globalement déjà couvert aujourd’hui par des externalisations qui donnent en partie satisfaction, et qui pourrait être renforcé voire élargi : veilles informationnelles de théâtres ouverts ou non, audits sécuritaires, surveillance et reconnaissance, formation et conseil auprès de partenaires (28), protection de bases et d’autorités, escortes de convois, déminage, évacuation de ressortissants.
• Ensuite, un domaine plus « innovant », s’adaptant aux nouvelles technologies, notamment de l’intelligence artificielle (IA), pour absorber la masse d’informations disponibles (29), et qui mériterait d’être développé comme le montre le conflit ukrainien : exploitation d’images satellitaires et renseignement en sources ouvertes – Open Source Intelligence (OSINT) –, appui des actions d’influence, en amont des opérations militaires (analyse de l’audience cible) ou en aval (évaluation des effets). L’opération même de lutte informatique d’influence demeure bien une mission militaire.
• Un domaine « engagement majeur » enfin, préparant et anticipant un affrontement de haute intensité, et qui gagnerait à ne pas être négligé : constitution d’unités de forces adverses dans le cadre des entraînements des forces (30), densification des appuis « classiques » précités.
Des entreprises de services de défense qui se sont structurées et diversifiées
« Le développement des ESSD semble connaître trop de contraintes nationales pour pouvoir atteindre une masse critique à l’international, à la fois en amont par l’absence de dispositif de mise en relation avec leur vivier de recrutement, comme en aval par la rareté des marchés publics nationaux accessibles. (31) » Face à ce constat, les ESSD ont fait des efforts depuis dix ans pour renforcer leur acceptabilité, leur solidité économique et leur offre de services. Ce travail de dédiabolisation et de crédibilisation a permis de faire émerger des ESSD aujourd’hui plus fiables.
Cependant, le problème demeure leur visibilité. En effet, les entreprises de services de défense sont souvent assimilées à tort aux SMP qui ne font parler d’elles que lorsque des défaillances sont portées à la connaissance de l’opinion publique : mauvaise qualité de service, indisponibilité des agents, refus du risque par l’opérateur, manque de solidité économique de la structure, comportement inapproprié des agents. Pourtant, les nombreux atouts des ESSD pourraient être valorisés.
• Entreprises françaises, elles peuvent directement participer à l’influence de la France dans le monde. Reconnues comme telles, elles exportent le modèle français, à la fois par leur identité et la nature de leurs services. Dans un pays en sortie de crise par exemple, elles sont des ambassadeurs et des éléments harpons avant l’installation ultérieure et éventuelle de grands groupes français.
• Entreprises de services, elles ne sont pas des entreprises de la Base industrielle et technologique de défense (BITD). De tailles moyennes, leur modèle économique repose sur la diversification de leurs activités, entre sécurité et défense, sur le territoire national et à l’étranger, couvrant des activités de conseil et fournissant des ressources de niches. De plus en plus, les entreprises s’agrègent au sein de structures plus solides afin de remplir une fonction opérationnelle cohérente et complète (32).
• Entreprises d’appui aux institutions, elles sont en grande partie dirigées et constituées d’anciens militaires français. Elles sont donc traditionnellement habilitées à la confidentialité par les autorités de contrôle du ministère des Armées. Régulièrement réunies par la Direction des entreprises et de l’économie internationale (DEEI) du Quai d’Orsay, elles sont par ailleurs regroupées au sein du Club des entreprises françaises de sûreté à l’international (CEFSI), marquant leur attachement aux institutions et à la communauté nationale.
Trois types d’entreprises de services de défense peuvent être identifiés : le groupe DCI (Défense Conseil International), qui n’est pas une ESSD à proprement parler, puisqu’elle est nationalisée en tant qu’« opérateur de référence » du ministère des Armées ; les ESSD qui se revendiquent en tant que tel et qui sont moins d’une dizaine en France (33) ; des start-up, développant notamment des solutions utiles pour la défense dans les technologies innovantes comme l’IA, dans des capteurs couplés aux moyens spatiaux (34) et dans le cyber.
Ainsi, la structure actuelle du secteur des entreprises de services de défense, fiable et diversifiée, autorise une réelle souplesse d’emploi. Revendiquant elles-mêmes leur résilience et leur loyauté, elles espèrent gagner la confiance de l’institution militaire et donc des marchés publics.
L’intérêt d’un partenariat mutuellement vertueux et efficace
Le défi majeur du partenariat public-privé dans le domaine de la défense est de faire converger deux « cœurs de métiers » et deux vocations apparemment opposées, l’un cherchant à gagner des marchés, l’autre cherchant à gagner la guerre. Or, poursuivre dans la voie de l’externalisation de certains services de défense serait utile à la fois pour les armées et pour les ESSD.
Deux approches complémentaires du partenariat peuvent se rejoindre : soit une approche « en creux », sollicitant une externalisation pour combler une capacité militaire inexistante, insuffisante, inadaptée ou indisponible (règle des 4I (35) appliquée pour le recours aux armées par l’autorité civile dans le cadre de crises sur le territoire national) ; soit une approche plus « positive », faisant appel à une ESSD parce qu’offrant un effet démultiplicateur, complémentaire ou plus efficace dans un domaine très particulier, prioritaire et identifié par les armées. Trois options d’extension des externalisations peuvent être envisagées à ce stade, non exclusives.
• Première option, participation des ESSD à la coopération : prolongeant et déclinant l’action extérieure française de reconstruction dans des pays d’intérêt en phase de stabilisation et où les armées souhaitent limiter leur action, créer localement une offre concurrentielle face aux compétiteurs (36). Cet appui « à bas bruit » au profit des pays partenaires pourrait, par exemple, prendre la forme d’aide au développement, de formations sécuritaires et de projets culturels (37).
• La deuxième option consisterait à les associer à la conquête de la supériorité informationnelle (38). Grâce à leurs capacités de veille active agiles et complémentaires des services de renseignement, elles apporteraient une connaissance contradictoire des capacités et intentions des compétiteurs. La collecte d’informations en sources ouvertes est un domaine qui apporterait une réelle plus-value, notamment par l’emploi de l’IA et de nouvelles technologies dans lesquelles les entreprises privées investissent.
• Une troisième option peut être envisagée en les employant plus avant dans le domaine de l’influence : riches d’un vaste maillage à l’international, assurant la connexion avec les grandes entreprises ou les ressortissants français, les ESSD pourraient être des vecteurs non militaires dans des zones grises ou d’intérêt dans lesquelles un adversaire chercherait à imposer un fait accompli ou à maintenir une ambiguïté stratégique. Dans un esprit de maîtrise du niveau de violence et d’adaptation de la posture, elles permettraient de réagir rapidement et autrement que de manière militaire (39), décourageant ainsi l’escalade ou participant au retour du droit.
Dans tous les cas, vouloir faire converger l’offre des ESSD et le besoin opérationnel des armées provoquera une dynamique vertueuse pour les entreprises (atteinte d’une taille critique), pour l’institution (fournir des capacités essentielles sans effet d’éviction) et pour le continuum public-privé (reconversions de militaires, relations saines et culturellement compatibles). Pour atteindre les objectifs stratégiques évoqués, la synchronisation restera un point clé et sensible de ce partenariat.
La nécessité de changer de paradigme de manière pragmatique
Les risques et les opportunités d’un emploi plus volontariste des ESSD génèrent des enjeux et des défis qui nécessitent un cadre clair et solide. Pour gagner la confiance du secteur public, essentielle dans toute relation partenariale, le privé doit être contrôlé et accompagné. Ainsi, élaborer une stratégie et la mettre en œuvre de manière progressive et pratique, sont des gages de succès.
Une stratégie à construire de manière claire
Les rapports, audits, études et travaux universitaires produits depuis dix ans sur les ESSD convergent sur le fait que la France doit se doter de sa propre stratégie d’externalisation des services de défense. Ils sont aussi d’accord pour préciser que tant qu’un concept d’emploi adapté et une expression de besoin claire ne seront pas précisés, les partenariats avec les ESSD ne pourront pas décoller.
Il est alors intéressant d’analyser les leçons tirées par les Américains après leur intervention en Irak en 2003. Ils ont en effet développé trois piliers pour cadrer cette externalisation (40) : une doctrine interarmées qui sépare les fonctions de contractualisation, de gestion et d’intégration du soutien contractuel aux opérations ; une feuille de route programmatique qui identifie annuellement les besoins sur trois ans en externalisation pour les armées ; et des Training, Tactics and Procedures (TTPs) formalisés par un entraînement commun et la création de cellules de supervision et de coordination des ESSD au sein des commandements militaires. Fort de cette expérience d’un partenariat devenu élément constitutif de la structure militaire américaine (41), une déclinaison française de cet encadrement pourrait constituer les trois fondements d’une stratégie.
• Le premier fondement serait d’arrêter un concept d’emploi des ESSD aux côtés des armées en opération. Les critères majeurs de leur rôle doivent être la complémentarité avec les effets militaires et le prolongement de l’action d’influence de l’État à l’étranger. Le mécanisme de contractualisation doit y être clairement établi, en désignant notamment une entité opérationnelle pour le piloter. L’externalisation en France est actuellement avant tout ramenée à des considérations logistiques (42). Il serait pertinent, concernant l’externalisation d’appuis opérationnels directs, de confier son pilotage à un organisme opérationnel (43).
• Le deuxième fondement serait d’exprimer le besoin à externaliser, en fonction des priorités identifiées, mais aussi dans le cadre du respect des règles contractuelles. Cette expression de besoin pourrait régulièrement être revue. L’enjeu est de provoquer à temps l’appel d’offres, car le risque est de devoir externaliser des compétences opérationnelles sous la pression de l’adversaire ou du contexte.
• Le troisième fondement serait de formaliser une coordination fine des actions militaires et privées en termes opérationnels, afin d’en assurer la cohérence. Un pilotage serait alors indispensable.
Ces fondements posés, la méthodologie devrait être progressive. En effet, si le changement de paradigme est ambitieux, sa mise en œuvre doit prendre en compte les réticences et freins décrits. Ainsi, pour initier efficacement ce processus, il est préconisé de l’amorcer par un projet circonscrit et ponctuel, suffisamment important pour être visiblement efficace et pas trop vaste pour éviter un enlisement, préjudiciable à la dynamique.
Une stratégie des petits pas semble être un moyen raisonnablement pragmatique pour avancer sans pour autant brusquer nos institutions. Le projet d’amorçage ayant réussi, d’autres projets pourraient voir le jour, se développant au sein du périmètre d’action défini par les armées, voire dans un cadre européen.
Un partenariat à encadrer simplement en exploitant l’existant
À mesure que les ESSD croissent dans le périmètre législatif existant, l’État veut une meilleure prise en compte des activités de ces entreprises : ainsi, au-delà de la volonté de les soumettre à un contrôle étatique plus étroit, il s’agit aussi de mieux couvrir leur activité particulière. La Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 promulguée le 13 juillet 2018 (44) abonde en ce sens, et renforce le contrôle des entreprises utilisant des matériels de guerre, mais aussi en reconnaissant leur spécificité.
Cette prise en compte au fil de l’eau de l’activité des ESSD témoigne par ailleurs d’un cadre juridique inabouti. Le problème in fine n’est pas l’emploi de ces entreprises en tant que tel, mais bien le contrôle de leurs pratiques. La France pourrait ainsi valoriser les mécanismes existant afin d’encadrer suffisamment et raisonnablement leurs activités.
• Concernant leur habilitation, un dispositif existe déjà. En effet, leurs activités dans le secteur de la défense sont suivies et contrôlées a priori par les organismes du ministère des Armées (45). Depuis la loi de 2018 citée, les formations sur matériels de guerre dispensées à l’étranger par les ESSD sont soumises au contrôle : ce type d’autorisation pourrait être étendu dans le cadre du processus d’encadrement des ESSD (46). Un contrôle a posteriori pourrait aussi s’appliquer.
• Dans le domaine de leurs conditions d’engagement, le dispositif mérite d’être renforcé à travers des contrats solides et souples. Un contrat-cadre délimiterait clairement le périmètre d’une activité externalisable à quelques entreprises identifiées, puis des contrats ad hoc viendraient, à temps, préciser les termes de l’activité circonscrite confiée (47). En cas d’élaboration d’un cadre européen à terme, le code des marchés publics lui sera alors adapté.
• Sur le plan du statut du personnel, la question est délicate. Le droit du travail est incompatible avec l’environnement du champ de bataille. Les jurisprudences Karachi, Jolo et Abidjan ont rappelé la responsabilité de l’employeur vis-à-vis de la sécurité de son personnel (48). Par ailleurs, l’employé civil peut faire valoir son droit de retrait, les assureurs français sont réticents à couvrir de tels risques et le salarié d’une ESSD sert un intérêt privé tout en bénéficiant d’une délégation de service public.
L’agent privé ne sera jamais un militaire. Seul ce dernier, comme précisé ante, a un statut particulier qui lui confère des devoirs spécifiques (49). Le statut de réserviste est une option tentante, car il couvrirait juridiquement l’employé et l’entreprise durant ses activités (50). Mais les freins sont nombreux à cette solution de facilité : question de la loyauté du salarié en cas de conflit d’intérêts, écueil du contournement de la loi par ce biais de l’employé-réserviste, surcoût induit d’un employé salarié par son entreprise et soldé par l’armée (51).
La question de la non-participation directe des civils aux hostilités est couverte par le droit des conflits armés et les juristes s’accordent pour confirmer qu’il n’y a pas de vide juridique quant aux obligations des agents des ESSD (52). Cependant, les entreprises restent les premières responsables et la problématique de l’assurance des employés demeure entière. Le contrôle effectif de l’État sur les entreprises est ainsi central, et une confiance réciproque et formalisée est indispensable.
Un écosystème de confiance à consolider avec patience
Les opérateurs privés agissent déjà au profit des armées, parfois dans des segments sensibles, comme la surveillance et la reconnaissance, la veille informationnelle, la protection d’emprises ou d’entreprises françaises œuvrant pour les forces sur les théâtres d’opérations, la formation de partenaires. Les retours d’expérience positifs de ces externalisations depuis de nombreuses années constituent en eux-mêmes un gage de bonne conduite et donc de confiance. Ce « label qualité » informel mériterait d’être formalisé. Identifiant les ESSD, d’ores et déjà, dignes de confiance parce que l’ayant prouvé sur le terrain, elles pourraient être validées par les organismes étatiques habilités (53) et ainsi apparaître dans les contrats-cadres évoqués. Les effets vertueux de cette labellisation seraient triples.
• Elle donnerait l’assurance étatique aux pays hôtes, aux acteurs de terrain et aux partenaires économiques que ces entreprises nommément désignées respectent les règles déontologiques françaises, ont prouvé leur loyauté, sont opérationnellement fiables et financièrement solides.
• Par ailleurs, elle confirmerait la place centrale de l’institution militaire dans la planification, le commandement, la conduite, la coordination et le contrôle des opérations. Par son caractère officiel et piloté, la labellisation contribuerait aussi à préserver les enjeux organiques et opérationnels auxquels les armées font face (54).
• Elle participerait surtout à fédérer un écosystème opérationnel de confiance, entre acteurs qui se connaissent et se reconnaissent. Cette confiance serait le moteur et le gouvernail d’une coordination fine et indispensable dans la conduite de la guerre.
Pour construire cette confiance, une acculturation de l’écosystème opérationnel est nécessaire. La culture de l’entreprise chez les militaires, la compréhension des enjeux de la conflictualité dans le privé et la conscientisation de tous que la victoire aujourd’hui ne se remporte qu’ensemble, sont les facteurs-clés d’un partenariat synchronisé et donc efficace.
Enfin, les ESSD devront toujours œuvrer à conserver cette confiance, soit individuellement, soit au sein de groupes d’entreprises, soit en se constituant comme champions sur le marché des services de défense, à terme dans un cadre européen. Faire jouer la concurrence sera toujours un gage d’efficience. Aux entreprises de constituer des offres correspondant aux impératifs opérationnels et aux contraintes budgétaires des armées. Aux armées de privilégier parfois la confiance à la rentabilité. Au politique enfin de promouvoir sur la scène européenne et internationale ses entreprises nationales.
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Brandissant la guerre hybride comme expression débridée de la conflictualité, Erik Prince appelle à un renforcement sans précédent du secteur privé, donnant « la primauté de forces peu visibles, localisées et niables (55). » La recherche de synchronisation de moyens non militaires aux côtés de moyens militaires pour exploiter les vulnérabilités adverses et atteindre des effets synergiques (56) peut ainsi laisser penser que les ESSD peuvent se substituer aux forces armées, avec l’effet de fascination qui l’accompagne.
Considérant toute forme d’externalisation de services de défense comme du mercenariat et contraire à l’éthique, l’État westphalien dogmatique s’interdit de penser la guerre qui vient en s’arrimant à des principes. Ni totem ni tabou, définir le rôle des ESSD dans le contexte de conflictualité actuel est un devoir. Loin d’être un objectif, la contractualisation d’appuis directs et opérationnels auprès d’entreprises privées peut représenter un levier efficace pour décupler les capacités des armées, alliant « éthique et performance » (57).
Réponse stratégique, outil politico-économique et effecteur opérationnel, l’emploi d’ESSD paraît aujourd’hui acceptable, souhaitable et réalisable, avec un effet d’entraînement non négligeable. L’élan est par ailleurs opportun. Alors que le Brexit rebat les cartes dans l’attribution des marchés de l’Union européenne, que la réarticulation de l’opération Barkhane au Sahel (58) ouvre de nouvelles perspectives, que le spectre de la haute intensité est devenu une réalité aux portes de l’Europe et qu’une nouvelle mandature gouvernementale s’ouvre, le rôle des ESSD doit être explicité de manière pragmatique (59) : la prochaine LPM pourrait devenir le vecteur législatif adéquat.
Le contexte stratégique exigerait de l’audace, l’exigence opérationnelle permettrait la prise de risque, l’écosystème en garantirait la maîtrise vertueuse. Il est donc peut-être temps de décider résolument d’exprimer un besoin et de signifier concrètement à nos compétiteurs notre détermination. ♦
(1) Commission de la Défense nationale et des forces armées, Les sociétés militaires privées (Rapport d’information n° 4350), Assemblée nationale, 14 février 2012, 67 pages (https://www.assemblee-nationale.fr/).
(2) Thomas Aude et Tourret Vincent, « Les ESSD : nouvelles dynamiques et implications pour nos armées », Note de la FRS n° 14, Fondation pour la recherche stratégique, Observatoire des conflits futurs, juin 2020, 44 pages (https://www.frstrategie.org/sites/default/files/documents/programmes/observatoire-des-conflits-futurs/publications/2021/03.pdf).
(3) Burkhard Thierry, Vision stratégique du chef d’état-major des Armées, octobre 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(4) Commission de la Défense nationale et des forces armées, op. cit.
(5) Loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 (https://www.legifrance.gouv.fr/).
(6) Bob Denard, ou Robert Denard, mercenaire français (1927-2007).
(7) Directive ministérielle n° 7496 du 26 mai 2003 (https://www.vie-publique.fr/).
(8) Farde Guillaume et Calbiac Romain, Le continuum de sécurité nationale. Quelles externalisations pour demain ?, Hermann, 2020, 276 pages.
(9) Rautenbach Clara, Le rôle de la privatisation de la guerre dans la redéfinition de la mission régalienne (mémoire), Institut d’études politiques (IEP) de Lyon, 2018.
(10) En 2011, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) retient l’acronyme ESSD afin d’éviter tout amalgame entre mercenariat et externalisation de certaines fonctions militaires. Le terme « SMP » demeure ainsi anglo-saxon (Private Military Company – PMC) car la nature « militaire » de telles entreprises n’est pas envisageable pour la France.
(11) Les sociétés militaires privées (Rapport d’information n° 4350), op. cit.
(12) Loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029175262/).
(13) Notamment dans les domaines de l’informationnel, du cyber et de l’Espace.
(14) Garcia Thierry, Les entreprises militaires et de sécurité privées appréhendées par le droit, Mare & Martin, 11 mai 2017, 184 pages.
(15) McFate Sean, « Mercenaries and war: understanding private armies today », National Defense University Press, 4 décembre 2019 (https://ndupress.ndu.edu/).
(16) Thomas Aude et Tourret Vincent, op. cit. : « Les entreprises françaises sont ainsi acquises par celles anglo-saxonnes pour leurs personnels et réseaux, à l’instar de Crisis24 rachetée par le canadien Garda World en 2017. »
(17) Mourtont Jonathan Jay et Lassalle Bruno, L’impact de l’externalisation pour l’Armée de terre, Observatoire de l’Armée de terre 2035, FRS, 13 septembre 2018, 41 pages (https://archives.defense.gouv.fr/).
(18) Barluet Alain, « Avec les mercenaires de Wagner, Moscou avance masqué à Bangui », Le Figaro, 21 décembre 2020.
(19) Mourtont Jonathan Jay et Lassalle Bruno, op. cit.
(20) Gaüzere David, « Malhama Tactical et Sadat, le mercenariat au service de l’islam politique », Bulletin de documentation n° 26 du Cf2R, janvier 2022 (https://cf2r.org/documentation/).
(21) Communication de la Cour des comptes à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, « Le coût et les bénéfices attendus de l’externalisation au ministère de la Défense », 1er janvier 2010. La Cour des comptes préconise que quatre conditions soient remplies pour permettre le lancement d’un projet d’externalisation : ne pas affecter la capacité des armées à réaliser leurs missions opérationnelles, préserver les intérêts du personnel, faire jouer la concurrence, s’assurer de gains économiques et budgétaires dans la durée.
(22) Notamment le Document de Montreux de 2008 (https://www.icrc.org/fr/) et le Code de conduite internationale des entreprises de sécurité privées (ICOC) de 2010 (http://observatoire-securite-privee.org/), signés par la France et nombre d’entreprises françaises.
(23) Comme l’implication de la société Blackwater dans la fusillade ayant tué 17 civils en Irak le 16 septembre 2007. Voir : Agence France Presse (AFP), « Au procès Blackwater, le récit accablant du massacre de Bagdad en 2007 », Le Monde, 11 juillet 2014 (https://www.lemonde.fr/).
(24) Farde Guillaume, op. cit.
(25) Par exemple dans le domaine du pliage des parachutes militaires ou du transport de carburant, lorsque les agents se sont mis en grève. Voir : « Défense et externalisation : optimiser et raison garder », Contrepoints, 20 juin 2021 (https://www.contrepoints.org/).
(26) Parpart Uwe et Salmon Andrew, « Erik Prince calls for upgrade of US hybrid conflict capabilities », Asia Times, 30 décembre 2021 (https://asiatimes.com/).
(27) La France possède des avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) et en externalise une partie auprès d’une entreprise privée : seule la flotte patrimoniale armée par des militaires, fait du ciblage à fin d’action.
(28) Cet appui exclut le partenariat de combat, réalisé par les militaires dans le cadre du PMO français ou des missions EUTM européennes. En s’appropriant cette mission, Wagner intègre bien le monde du mercenariat.
(29) Les activités conduites en IA par certaines sociétés dans le domaine de l’imagerie satellitaire ou de la collecte d’informations, sont un exemple de « développements souverains » utiles aux armées.
(30) Les armées utilisent d’ores et déjà cette possibilité d’externalisation d’une partie de leurs « forces adverses » dans leurs exercices de haute intensité, ainsi que l’environnement « engagement majeur » lié (cyber, influence).
(31) Thomas Aude et Tourret Vincent, op. cit.
(32) Ibidem.
(33) Ibid. « Quatre conglomérats de firmes semblent aujourd’hui s’imposer suite à la fusion des dernières grandes ESSD de “première génération” (2000-2012) avec des structures de conseil : ADIT-GEOS, ANTICIP-Risk&Co, SERIS-Amarante International et Erys Group ».
(34) Commission de la défense nationale et des forces armées, Préparation à la haute intensité (Rapport d’information n° 5054), Assemblée nationale, 17 février 2022 (https://www.assemblee-nationale.fr/).
(35) La règle des 4I est appliquée lorsque les moyens civils sont : inexistants, insuffisants, inadaptés, indisponibles.
(36) Il s’agirait par exemple de prolonger l’opération Serval par une opération Barkhane/Sabre cinétique enrichie de l’appui au développement par des ESSD.
(37) Castres Didier, « Entre chien et loup… agir dans les zones grises », ESL&Network, 1er juillet 2021 (https://www.eslnetwork.com/).
(38) Dugoin-Clément Christine, Influence et manipulations. Des conflits armés modernes aux guerres économiques, V.A. Éditions, 2021, 200 pages.
(39) Boggero Marco, The governance of private security, Springer International Publishing AG, 2018, 199 pages.
(40) Thomas Aude et Tourret Vincent, op. cit.
(41) « DOD recognizes that operational contractors are a permanent element of its force structure. As a result, DOD has standardized and institutionalized the contracting process that supports both conflicts and peacetime needs ». Cancian Mark F., « US military forces in FY 2020, SOF, civilians, contractors, and nukes », Center for Strategic and International Studies (CSIS), 24 octobre 2019 (https://www.csis.org/).
(42) Thomas Aude et Tourret Vincent, op. cit.
(43) En désignant un acteur au cœur des opérations en tant que Représentant du pouvoir adjudicateur (RPA) par exemple, afin de faciliter l’engagement du processus de contractualisation.
(44) Art. 43 de la loi 2018-607 relative à la LPM 2019-2025 : renforcement du contrôle des entreprises « qui utilisent ou exploitent, dans le cadre de services qu’elles fournissent, des matériels de guerre et assimilés » (https://www.legifrance.gouv.fr/).
(45) Délégation générale pour l’armement (DGA) pour les matériels, Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) pour le personnel, Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) pour l’armement, Contrôle général des armées (CGA) pour certaines entreprises.
(46) Toyer Matthieu, La complémentarité entre les ESSD et l’Armée de terre (mémoire), École de Guerre-Terre, 2020.
(47) En particulier avec un assouplissement du code des marchés publics vis-à-vis des appels d’offres, sans forcément de publicité, et en privilégiant les marchés de défense et de sécurité.
(48) Tourneur Alice, La sûreté des salariés français dans les zones à risque : stratégie des acteurs et responsabilité, mémoire soutenu à l’université Paris II-Panthéon-Assas, 2016 (http://www.secudef.fr/).
(49) La révision du statut général du militaire à travers la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 stipule bien que « l’état de militaire exige en toutes circonstances l’esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité » (https://www.circulaires.gouv.fr/).
(50) C’est un statut utilisé par le groupe Défense Conseil International (DCI) dans l’emploi de son personnel, grâce à la singularité de nature de cette entreprise.
(51) Rautenbach Clara, op. cit.
(52) « Leur statut est couvert soit par le droit du pays hôte et du droit international auprès duquel le pays a adhéré (temps de paix), soit ils sont considérés comme civils, participant ou pas aux hostilités en cas de conflit non international, soit ils sont soumis au droit international humanitaire s’il s’agit d’un conflit international (ils sont alors considérés comme civils s’ils ne participent pas aux hostilités et comme combattants s’ils sont intégrés aux armées locales) », in Desprez François, Viennot Camille et Aparac Jelena, Les employés des SMP dans les conflits armés contemporains, dans Les acteurs privés de la sécurité ; Mare & Martin, 2018, 224 pages.
(53) Par exemple, le comité d’éthique de la défense pourrait ainsi être sollicité pour avis.
(54) Mourtont Jonathan Jay et Lassalle Bruno, op. cit.
(55) Parpart Uwe et Salmon Andrew, op. cit.
(56) Arsalan Bilal, « Hybrid Warfare—New threats, complexity and trust as the antidote » Nato Review, 30 novembre 2021 (https://www.nato.int/).
(57) « Il nous faut sortir de l’impasse dans laquelle nous nous sommes laissés enfermer : celle de préférer l’éthique sans performance par opposition à la performance sans éthique que nous reprochons à nos concurrents. », Castres Didier, « Stratégie de résolution des conflits : agir dans les zones grises », L’Opinion, 25 juin 2021 (https://www.lopinion.fr/).
(58) « La France et ses partenaires annoncent leur retrait militaire du Mali », France 24, 17 février 2022 (https://www.france24.com/).
(59) Préparation à la haute intensité (Rapport d’information n° 5054), op. cit.. Le rapport préconise d’« engager, dès le début de la prochaine législature, une mission d’information sur les sociétés militaires privées » (proposition n° 21).