La politique militaire de la France sous la Ve République est profondément ancrée dans le concept d’autonomie stratégique. La signification du terme dépend, cependant, du contexte, du locuteur, de l’usage et du moment. Basé sur l’usage et l’histoire du terme ainsi que sur les actions conséquentes, un observateur n’a pas d’autre choix que d’analyser la politique étrangère française selon la théorie réaliste, notamment parce que la France a donné pour instruction de le faire plusieurs fois. Paradoxalement, la France n’a pas le poids dans les instruments de puissance nationale pour se comporter comme un pays purement réaliste, même avec les armes nucléaires. Néanmoins, elle est puissante dans le monde occidental et démocratique ; c’est le moment historique de choisir une autre terminologie plus productive pour la politique militaire future.
Le mythe de l’autonomie stratégique : une perspective de l’extérieur sur la capacité des puissances d’agir seules
« Parce qu’elle conditionne l’exercice de notre souveraineté et de notre liberté d’action, notre autonomie stratégique demeure un objectif prioritaire de notre politique de défense. Dans un système international marqué par l’instabilité et l’incertitude, la France doit conserver sa capacité à décider et à agir seule pour défendre ses intérêts. » Revue stratégique de Défense et de Sécurité nationale, p. 56 (1).
La politique militaire de la France sous la Ve République est profondément ancrée dans le concept d’autonomie stratégique. Être autonome semble être l’un des principes directeurs de la politique française. Les présidents, les ministres et les chefs militaires de tous horizons politiques et professionnels épousent la vertu de l’autonomie. Ces dirigeants prennent des décisions, parfois au détriment d’autres politiques, afin de préserver l’autonomie, et pour des raisons d’autonomie qui, malgré les coûts, semblent suffire.
La signification du terme « Autonomie stratégique » dépend du contexte, du locuteur, de l’usage et du moment. En 2017, pour la ministre des Armées, Florence Parly, juste après la publication de la Revue stratégique, en expliquant une augmentation du budget de la défense, c’était une simple déclaration : « La France veut conserver une autonomie stratégique (2) ». Le président de la République Emmanuel Macron a évoqué le terme pour une vision de la façon dont l’Europe devrait agir : « On pense que ça converge quand même sur certains points (3). » Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, souligne que l’Europe n’a pas fourni beaucoup d’efforts pour sa propre défense : « […] des plaintes s’élèvent pour pointer du doigt les efforts insuffisants consentis par les Européens pour se défendre. Les citoyens américains se demandent dès lors pourquoi ils devraient aider des pays qui ne veulent pas financer leur propre défense (4). » La question, cependant, est de savoir ce qu’un pouvoir, ou un ensemble d’États, peut faire tout seul. Cet essai cherchera à démêler le problème de l’autonomie stratégique vis-à-vis de la puissance nationale française et de l’influence française en Europe.
L’histoire de la terminologie
L’idée que la France avait perdu à la fois son autonomie et une certaine souveraineté semble avoir émergé après la Première Guerre mondiale. La guerre a obligé les armées étrangères à combattre avec la France sur son territoire national et souverain. Cette nécessité de renforts alliés pour vaincre l’Allemagne semble avoir donné l’impulsion initiale aux inquiétudes sur l’autonomie de la France. Le résultat naturel de cette inquiétude était la recherche de la capacité d’agir de manière indépendante. « La vision gaullienne de l’indépendance prend appui sur la conviction profonde qu’un pays sans armes, exposé aux périls extérieurs et dépendant de l’aide de ses alliés, perd la maîtrise de son destin. Cette conviction s’est forgée, d’abord, au cours de la carrière d’officier de Charles de Gaulle et de ses travaux de l’entre-deux-guerres, notamment au Secrétariat général de la Défense nationale [SGDN] où il fut affecté de 1931 à 1937 (5). » Si l’idée de l’autonomie est donc bien établie avant la Seconde Guerre mondiale, c’est sous la Ve République que l’expression « autonomie stratégique » commence à s’installer. En usage dans les milieux militaires sous la présidence de François Mitterrand (1981-1995), elle est devenue axiomatique avec le Livre blanc sur la Défense de 1994 : « L’avenir de la dissuasion et les modalités de notre autonomie stratégique sont au cœur de cette réflexion (6). »
L’invasion et l’occupation de la France pendant la Seconde Guerre mondiale ont généré un important sentiment d’insécurité. Des armées étrangères, l’historien Marc Bloch a noté : « Ils refusaient, assez naturellement, de se laisser englober, corps et biens, dans un désastre dont ils ne se jugeaient pas responsables (7). » La réaction, notamment américaine, à la crise de Suez (1956) et la guerre d’Algérie (1954-1962, conflit profondément incompris hors de France), avaient également profondément marqué la réflexion stratégique française. Par ailleurs, malgré les objections de la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont commencé à reconstruire la Bundeswehr en tant que puissance terrestre pour aider à protéger l’ouest de la menace soviétique depuis l’explosion du premier engin nucléaire soviétique en 1949 (8).
La crise constitutionnelle de 1958 a donc ouvert la voie du changement. Bien que la France fût membre fondateur de l’alliance de l’Otan, l’incapacité de l’Otan à s’adapter aux affaires européennes au-delà de l’Europe (en Algérie) a généré une rupture dans la relation franco-américaine (9). La relation causale entre la Seconde Guerre mondiale et l’effort nucléaire français est aussi bien comprise et l’objectif premier du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) créé en 1945 était la production d’armes : « conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1945, l’organisme public est en effet en charge de la conception et la fabrication de l’arme (10). » Le premier essai nucléaire français (Gerboise bleue) eut lieu en février 1960 ; le dernier essai souterrain en Algérie et premier essai nucléaire atmosphérique en Polynésie française se déroulèrent en février 1966. Un mois plus tard, la France se retirait de l’Otan et exigeait que toutes les forces étrangères quittent la France. « [I]l était indispensable, pour l’ancien chef de la France libre, que la France se défende par elle-même, pour elle-même et à sa façon, refusant l’inféodation à une alliance – ce qui n’empêche pas que sa stratégie soit conjuguée à celle d’autres pays (11). »
La continuité entre les déclarations des années 1960 et celles d’aujourd’hui est frappante. De plus, il n’y a aucune revendication d’interdépendance dans ces déclarations. La ministre des Armées a également décrit ainsi la capacité nucléaire : « tous nos dirigeants ont poursuivi un but commun, celui d’assurer l’indépendance et l’autonomie stratégique de la France (12). » L’autonomie stratégique, donc, au moins en termes de capacités nucléaires, appartient exclusivement à la France. Au-delà, la conceptualisation de la dissuasion nucléaire comme moyen de protection de la France relève du même raisonnement que l’argument historique de l’autonomie stratégique au regard des frontières nationales et de la souveraineté – protection de la France face aux forces étrangères, adversaires ou alliées. Dans le contexte de « l’Europe de la Défense », il paraît que l’Europe ne ferait que donner du poids à une France autonome. Dans le contexte nucléaire, il existe les accords de Lancaster House avec les Britanniques (13) ; mais en dehors, il n’y a pas d’explications communes proposées par le gouvernement français pour la différence d’utilisation de l’autonomie stratégique pour la dissuasion nucléaire française et celle envisagée pour l’Europe.
Actuellement, le monde est entré dans un environnement multipolaire. Contrairement à l’uni ou à la bipolarité, la multipolarité est instable. Cela entraîne ce que Thomas Gomart décrit comme « l’affolement du monde » (14). Cette instabilité multipolaire couplée à la perception que les priorités des alliés s’éloignent génère une insécurité supplémentaire. Il existe même des articles et essais sur le désengagement américain. Le Président français a déclaré à The Economist en 2019 que le désengagement américain de l’Europe avait rendu l’Otan « en état de mort cérébrale » (15). D’après la rhétorique du leadership, il est extrêmement clair que la France revient à ses vues historiques sur les alliés et les partenaires dans le monde en dehors de l’Europe. Le discours français est le même avec les mêmes mots. La plupart des observateurs du monde affirment que cette période de transition devrait être le moment de solidifier les partenariats avec des Nations qui ont des systèmes de valeurs similaires afin de maintenir l’ordre mondial. Selon le think tank américain Council on Foreign Relations, « La seule façon de traiter efficacement les problèmes mondiaux est d’adopter la collaboration et la coopération. Pour un avenir meilleur, la coopération n’est pas un choix ; c’est une nécessité (16). » Toutefois, au lieu de cela, la France s’en tient à son principe d’autonomie comme solution.
Philosophies des relations internationales
Le monde anglophone envisage les relations internationales à travers le prisme de trois grandes théories : le réalisme, le libéralisme et le constructivisme.
• Le libéralisme en tant que théorie des relations internationales a de profondes racines philosophiques dans le monde occidental et il théorise les avantages pratiques de la coopération sous des valeurs partagées, parfois « universelles ». Il met l’accent sur les institutions internationales qui peuvent fournir une alternative à la guerre. Par conséquent, il considère les architectures internationales comme des moyens de pouvoir démontrable et de maintien de la paix. Lors de son émergence sur la scène mondiale au début du XXe siècle, la politique étrangère des États-Unis a montré des connotations notables de libéralisme (17). Un résultat a été la Société des Nations (à l’instigation du Président américain Wilson, mais non ratifiée par le Congrès américain). Cet accent mis sur la promulgation de valeurs partagées conduit à supposer que les démocraties puissent être perçues collectivement et que le processus démocratique est un moyen de maintenir l’ordre international. La théorie de la paix démocratique postule que les démocraties hésitent à s’engager dans un conflit armé avec d’autres démocraties identifiées (18). Le libéralisme conduit ainsi à des institutions comme les Nations unies, l’UE, mais aussi à des alliances comme l’Otan. Pour les efforts militaires, l’accent de la pensée libérale est d’amener d’autres personnes partageant des valeurs dans la mission pour la renforcer et lui donner un attrait presque démocratique. Selon la théorie libérale des relations internationales, on s’attendrait à ce qu’un État connaissant l’insécurité, le rétablissement d’un traumatisme et le désir de retrouver son statut se comporte d’une certaine manière. Sous le libéralisme, ces maladies seraient traitées par le recours aux alliances et institutions internationales. L’autonomie stratégique n’est donc pas une réaction facilement explicable sous le libéralisme.
• Le constructivisme fournit une théorie sociale qui soutient que les États se comportent conformément aux architectures sociales qui façonnent leurs perceptions. Au sein des États, les croyances collectives constituent la manière dont l’État opère dans le monde. Selon le constructivisme, les valeurs n’ont d’importance qu’en termes de façon dont elles façonnent la perception collective des problèmes. Les éléments tels que la force militaire comptent pour les constructivistes, mais uniquement en termes de perception de cette force (19). Le constructivisme n’explique qu’en partie le recours de la France à l’autonomie stratégique. La différence de traitement français des valeurs entre la perception des valeurs démocratiques nationales et celles des démocraties étrangères pourrait s’expliquer par un état d’esprit culturel fondé sur la construction sociale française. En outre, la construction sociale internationale entourant les États dotés d’armes nucléaires était bien établie au moment où la France a rejoint ce groupe de Nations en 1962. Dans la politique mondiale contemporaine, pourtant, il est militairement clair que des adversaires tels que la Russie craignent l’Otan et les alliances, tout comme la Chine cherche presque universellement à n’agir qu’en termes bilatéraux avec d’autres États, les gardant isolés des alliances et des unions. La construction sociale du pouvoir fait également allusion à la taille économique et technologique. Si les adversaires ont cette perception, alors selon le constructivisme, un État devrait utiliser celle-ci pour manœuvrer plutôt que rechercher l’autonomie, qui est l’isolement voulu par les adversaires. Ainsi, l’approche constructiviste n’explique pas le comportement français en matière de défense et de sécurité par rapport à ses adversaires évidents. Cela renvoie donc à la dernière possibilité, celle du réalisme.
• « Realism emphasizes that security is a problem for all states, and that most countries are usually driven by fears and largely defensive motivations, even when they are using military force or behaving assertively (20). » La rhétorique et les actions du général de Gaulle démontrent un fondement clair dans la philosophie réaliste. La rhétorique et les actions de la France en 2022 utilisent non seulement le même langage, mais montrent les mêmes tendances. En effet, selon le réalisme, il n’y a pas d’autorité supérieure dans le monde que l’État individuel. Chaque État a pour objectif premier la survie. Sans survie, aucun autre objectif ne peut être atteint. Par conséquent, chaque État agira indépendamment pour ce plan d’action perçu comme le meilleur pour la survie, indépendamment des valeurs, des traités ou d’autres liens internationaux. Cela signifie que pour la France, les valeurs partagées et les anciens liens n’ont pas beaucoup de sens. En outre, aucun État ne peut avoir un hegemon étranger à proximité, mais il cherchera également à éviter ou à déséquilibrer les hegemons potentiels dans d’autres régions afin d’éviter que ceux-ci ne s’étendent ensuite vers l’extérieur (21).
Les réactions de la France aux événements mondiaux récents sont également réalistes. Le président de la République en 2019 « a averti les pays européens qu’ils ne peuvent plus compter sur l’Amérique pour défendre les alliés de l’Otan… L’Europe se trouve au bord d’un précipice (22). » La France en Afghanistan avait utilisé la manière réaliste « Buck-Passing » (23). La France a été décrite comme « apoplectique » (24) à propos de l’accord sous-marin américano-australien parce qu’elle interdisait un accord réaliste français pour améliorer la puissance dans le Pacifique. Là où les États-Unis se sont tournés vers un noyau d’alliés familiers pour commencer à régler le problème de la Chine (Australia-UK-US ou AUKUS (25)), la France se considère comme une puissance d’équilibrage. « Le président de la République a exposé la stratégie française pour l’Indo-Pacifique, et son ambition de promouvoir une approche inclusive et stabilisatrice, fondée sur la règle de droit et le refus de toute forme d’hégémonie (26). » Ce choix de mots met en évidence la stratégie réaliste à l’œuvre parce que la France cherche à éviter un pays « hegemon », bien qu’il soit difficile d’imaginer la circonstance sous laquelle la France choisirait d’être à côté de la Chine pour faire le bilan contre les démocraties d’Indo-Pacifique. Le Président a pris soin dans ses déclarations après l’invasion de l’Ukraine de mettre l’accent sur l’UE et d’éviter si possible de mentionner l’Otan. Dans la planification, la déclaration et l’action, la France réalise les prédictions de la théorie réaliste. Un observateur n’a pas d’autre choix que d’analyser la politique étrangère française selon la théorie réaliste, notamment parce que la France a donné pour instruction à l’observateur de le faire – comme M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, l’a dit à New York en 2017, « On dit de moi que je suis un réaliste en politique étrangère. Cela veut dire que je regarde les choses comme elles sont (27). »
Perspective américaine
Puissance mondiale réticente, les États-Unis se sont plus comportés selon les différents types de libéralisme que d’autre philosophie. Après la Seconde Guerre mondiale, ils ont cherché à mettre en place un ordre international fondé sur des valeurs « universelles », apportant un grand soutien aux Nations unies et à d’autres institutions telles que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan). Trois thèmes clés ont forcé la guerre aux États-Unis : les valeurs communes à la pluralité des démocraties ; les liens économiques mondiaux ; les Alliances, partenariats et accords diplomatiques. Malgré un fort courant sous-jacent d’isolationnisme qui sous-tend encore les relations politiques américaines, ces thèmes maintiennent les États-Unis engagés même s’il n’y avait pas de menaces directes. Les valeurs communes, les ressources économiques et les accords internationaux expliquent également pourquoi les États-Unis cherchent presque toujours à agir en coalition. Toute stratégie entre 1945 et 2021 exprime axiomatiquement ce besoin d’agir en coalition à des fins libérales. Le principe est clair, comme l’a décrit le général James N. Mattis : « No nation standing alone can sustain its security (28). »
L’anglophone a également tendance à être sérieux et pragmatique. En conséquence et malgré le libéralisme, il existe un flux pratique continu de réflexions politiques et universitaires américaines sur la question de savoir si les alliances et les partenariats produisent suffisamment de sécurité. De ces débats et des théories de l’économie militaire viennent les inquiétudes concernant les « Free-Riders » (passagers clandestins) et les « Band Wagoners » (29). La majeure partie de l’Europe est considérée comme un « passager clandestin » (30) de l’Otan, qui n’assume pas son engagement à consacrer 2 % du Produit intérieur brut à leur défense comme requis par l’alliance. C’est cette ligne de pensée pratique, pas nécessairement le recours au réalisme, qui stimule par intermittence les appels aux alliés et partenaires pour en faire plus.
Il y a aussi des strates de libéralisme appliquées instinctivement par les États-Unis parce que c’est ce que l’électorat demande. Parmi les alliés qui ont des valeurs partagées, de la même façon, c’est assez facile d’imaginer des niveaux de fiabilité différents même sous libéralisme – des alliés très fiables, fiables, moins fiables, etc. La présomption appliquée sous la théorie de libéralisme est qu’un État pourrait partager toutes ou une partie des valeurs, selon une échelle qui reflète le niveau de confiance et en conséquence la proximité possible. Si l’on mélange la pensée pragmatique américaine avec le libéralisme en tant que philosophie, très peu de contradictions apparaissent dans l’échelle de proximité que les décideurs politiques américains semblent utiliser. Si on applique cette échelle aux Français, il ressort clairement de l’histoire que la France crée un doute sur sa proximité comme alliée pour les États-Unis en raison d’un comportement historique, rapportées dans les sections précédentes. Que la rhétorique du gouvernement français actuel répète à la fois le même langage qu’à l’occasion d’incidents antérieurs ayant porté atteinte à la cohésion, et le dépasse dans certains cas, alors même que la France est revenue à l’objectif de l’Otan rapporté au PIB après vingt ans de sous-dépenses (31), serait une source d’inquiétude pour n’importe quel allié.
Sous cet ensemble d’hypothèses, on peut voir comment les États-Unis considèrent les alliés. Ils n’ont pas une compréhension claire, ni une réponse aux crises de colère politiques françaises perçues au sujet des accords entre autres démocraties contre les autocraties. C’est parce qu’en fin de compte, les démocraties représentatives bénéficieront collectivement de ces accords. De plus, l’identification continue par les États-Unis et l’Otan de la cohésion des alliances et des partenariats comme centre de gravité suggère un argument plus véhément : que la recherche continue par la France d’alternatives à l’Otan et à la séparation des États-Unis est en fait stratégiquement dommageable.
L’autonomie française et le DIME
Cela nous amène à la discussion des instruments du pouvoir national. Acceptés pour la plupart des chercheurs internationaux, les instruments de puissance sont généralement définis avec l’acronyme DIME : Diplomatiques, informationnels, militaires et économiques, au moins pour les États-Unis et ses armées (32). Les instruments du pouvoir national sont évidemment interdépendants. Alors que la diplomatie, par exemple, se suffit à elle-même ; elle a plus de pouvoir avec d’autres instruments puissants. La France a une influence diplomatique puissante dans le monde et pas seulement en raison de son héritage historique. Les corrélations culturelles avec des puissances concurrentes et les liens de la francophonie en sont un exemple (33). Aujourd’hui, la diplomatie intensive d’Emmanuel Macron entre l’Europe et la Russie démontre également que la puissance diplomatique peut être maniée de manière disproportionnée (34).
En tant qu’instrument de la puissance nationale, le poids de l’armée est relativement plus évident. Il suffira de dire que la France n’est pas la plus grande puissance terrestre, maritime ou aérienne d’Europe (35). Parce que la France a tendance à agir en utilisant une construction réaliste comme ses hauts fonctionnaires l’ont reconnu, il est utile de considérer ce que les réalistes considèrent comme le pouvoir. Le professeur de sciences politiques John J. Mearsheimer a réduit la puissance à trois mesures de base et à une caractéristique : la population, l’économie et la taille des forces armées (36). Les mesures réalistes ne placent donc pas la France au potentiel d’être une puissance hégémonique. La France se classe au 22e rang mondial en termes de population, derrière le Royaume-Uni selon les Nations unies, loin derrière le top 10 (37). La France est cependant dans le top 10 mondial pour le PIB, juste derrière le Royaume-Uni. En tant que puissance européenne, le fait que l’Allemagne ait une économie de 60 % plus grande que celle de la France devrait être matière à réflexion (38). Enfin, les réalistes s’appuient sur la simple taille des forces armées. La France et le Royaume-Uni sont à nouveau côte à côte dans cette métrique aux 21e et 22e places (39). Si l’on se débarrasse de l’appréciation purement réaliste, il existe plusieurs appréciations de la puissance militaire qui évaluent qualitativement la France comme se classant plus haut à l’échelle internationale. La plupart des évaluations qualitatives de la force militaire examinées montrent que la France et le Royaume-Uni se classent au 6e ou au 7e rang mondial pour la puissance militaire (40).
À l’ère numérique, les instruments de l’information et l’économie sont fortement imbriqués. Ainsi, si ces deux domaines sont des instruments de pouvoir, ce sont aussi des instruments très difficiles à manier dans les démocraties libérales d’Occident. L’économie fournit une mesure plus facile parce que tant d’efforts ont été consacrés pendant si longtemps à l’étudier et à la considérer. La mesure de sa puissance se résume donc à la taille de l’économie nationale et à son poids relatif par rapport aux autres économies, couplé à son impact par habitant. Le niveau de mondialisation décrit également une partie du pouvoir économique. Économiquement, l’Europe pourrait être proche de l’autonomie, sauf pour l’absence de ressources naturelles entièrement contrôlées politiquement, mais la France seule, non.
L’instrument d’information à l’ère numérique a deux faces : l’information elle-même et les entreprises économiques qui fournissent les moyens par lesquels cette information est actuellement véhiculée. Aucune des deux parties de l’instrument n’est très bien contrôlée par un État occidental. Dans la première case, les économies capitalistes ont démontré à plusieurs reprises que les outils d’information les plus utiles proviennent d’entreprises de marché libre à la recherche de solutions appréciées des consommateurs. On pourrait mesurer le pouvoir relatif de l’information à travers la taille et l’étendue des entreprises de technologie de l’information. Dans ce cas, la France n’a pas d’entreprise qui se classe parmi les vingt premières mondiales. L’Europe n’a pas non plus de représentant dans le top 20. Les États-Unis sont le principal pays d’origine du top 20 des entreprises de technologie de l’information (41). Dans la liste des cent plus grandes entreprises informatiques : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Australie, l’Allemagne, le Canada et l’Inde figurent tous devant la France (42). L’utilisation de l’information elle-même comme instrument du pouvoir national est sensiblement plus compliquée dans les républiques occidentales. Pour le domaine pur de l’information, cependant, les démocraties occidentales ont consacré une valeur : la liberté d’information. Il y a bien sûr des limites légales à l’information, généralement relative à la vérité du bien collectif. Toutefois, il est clair que l’économie et l’information, deux instruments de pouvoir aligné, ne peuvent pas être une source d’autonomie pour la France.
Dans les comparaisons nucléaires, la France apparaît au 4e rang mondial pour l’armement nucléaire, devant l’Inde et le Pakistan, mais derrière la Russie, les États-Unis et la Chine. Néanmoins, il est important de noter ici une nette différence entre les États-Unis et les autres puissances nucléaires, présumées ou réelles. Ce sont la seule puissance qui prétend fournir un « parapluie » nucléaire à d’autres pays. D’autres pays ont revendiqué une politique de « pas de première frappe », mais qui réserve toujours l’utilisation des armes à leur seule sécurité nationale. En d’autres termes, alors que les armes nucléaires séparent les classes de puissances internationales, elles n’indiquent pas le leadership à moins que l’on soit disposé à utiliser la méthode du parapluie américain. Pourtant, en termes nucléaires, les puissances hégémoniques du monde sont celles qui ont bien plus que ce dont elles ont besoin pour se défendre. Ces nations sont les États-Unis, la Russie et beaucoup diraient la Chine (en supposant qu’elle ait des stocks de réserve d’ogives non déclarées) (43).
La nature de la conflictualité et des chemins en avance
La guerre n’est pas une activité dans laquelle on peut être autonome. À tout le moins, on a décidé d’agir à cause d’un ou de plusieurs adversaires. En temps de guerre, cet adversaire a une volonté, qu’elle soit concentrée dans un gouvernement ou diffusée dans un corps social. En conséquence, on ne prend jamais de décisions indépendamment de l’objet de la guerre – imposer sa volonté à l’adversaire. De fait, l’autonomie pure en matière militaire est impossible et, de surcroît, hors de propos. Cela constitue pour les militaires la contradiction centrale de l’affirmation de l’autonomie stratégique. Une stratégie existe pour atteindre un objet pratique. Dans le processus d’obtention de cet objet, on peut se contraindre à l’aide de principes. On peut dire qu’en principe, on choisirait de prendre des décisions de manière autonome si possible. Or, cette autonomie de décision est un principe et donc une contrainte. Dans la stratégie et la théorie militaires, avec l’objectif primordial d’imposer sa volonté à l’adversaire, en aucun cas cette application de la volonté n’est autonome, mais toujours liée à l’objectif et à l’adversaire. Après avoir décidé, l’acteur militaire doit donc appliquer le maximum de force possible dans les limites de la situation. En termes purement pragmatiques, ajouter de la force ou des forces augmente nécessairement les chances d’atteindre l’objectif. Par conséquent, agir avec des amis, des alliés et des partenaires appliquera sans aucun doute plus de force vers l’objectif qu’agir seul.
Le théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz fournit une perspective sur la force des alliances. Il a, lui-même, une expérience approfondie de la guerre de coalition et est souvent cité comme disant que dans toute alliance, la cohésion est le facteur le plus important (44). Des adversaires, il a dit : « Ce centre de gravité… dans une confédération réside dans l’unité des intérêts… (45) ». Son contemporain, l’historien et militaire suisse Antoine de Jomini est plus large sur le sujet des alliances, notant les avantages pour l’État de se procurer des alliés puissants, mais aussi les obligations que ces alliances imposent et y compris jusqu’à entrer en guerre pour une cause étrangère. En résumé, la force des alliances est incontestablement leur cohésion ; alors le paradoxe militaire fondamental est que pour qu’une coalition agisse de manière autonome, elle doit maintenir sa cohésion.
La diplomatie française est habile et capable d’exercer une influence sur ses alliances et ses partenariats. Cependant, la France n’a pas de message cohérent, quant à savoir si elle est ou non une puissance libérale agissant en faveur de valeurs, de sorte que son instrument d’information du pouvoir n’est pas aligné sur sa diplomatie. Le commentaire constant de la France sur les « menaces » économiques et technologiques à la souveraineté française posées par d’autres démocraties dépeint inutilement la France comme étant nationalement prédisposée à une vision du monde strictement réaliste. L’influence d’un État sur les autres, lorsqu’elle n’est pas obtenue par des moyens pratiques, découle de valeurs partagées et de l’attrait de l’information provenant de l’État. Les valeurs partagées des démocraties occidentales et d’autres pays aux systèmes gouvernementaux similaires créent un réseau international. La France a joué un rôle essentiel dans le développement de ces valeurs et leur traduction dans le monde. Parce que les valeurs sont aussi un élément intangible, la seule façon de les utiliser pour aider au leadership et à l’influence est de défendre leur extension. Si l’extension ou le maintien de ces valeurs comporte un coût pratique, l’État qui choisit de diriger par des valeurs doit accepter ce coût ou renoncer à la notion de leadership. Cela signifie qu’il existe des voies et des moyens par lesquels la France peut agir avec une décision indépendante dans le monde. Ceux-ci dépendent cependant de la cohésion et du soutien de la communauté des Nations démocratiques partageant les mêmes idées. C’est le paradoxe fondamental du pouvoir des démocraties.
Plus l’autorité entre partenaires et alliés est grande, plus chaque déclaration, phrase et action sera examinée par leurs soins dans un système politique ouvert. Il devra y avoir un visage public, convaincant pour les alliés et les partenaires et acceptable pour la politique intérieure, qui débouche sur les objectifs classifiés recherchés. En conséquence, le leadership français découlera de l’influence exercée sur les démocraties partageant les mêmes idées. Pour y arriver, la France devra modifier son comportement dans le domaine de l’information. Un exemple clé et une question de principe sont le concept tel qu’il est exprimé d’autonomie stratégique, car il laisse ressortir qu’à la fin la France n’a besoin ni ne veut d’aucune autre démocratie avec elle pour quelque effort que ce soit.
Conclusion : la France et l’influence mondiale
La France a un grand potentiel pour diriger les autres démocraties occidentales par l’influence. Cependant, en raison des insécurités générées par l’histoire, elle s’est comportée comme une puissance réaliste, ne faisant confiance à aucun autre État. Les démocraties occidentales, néanmoins, tendent à s’unifier uniquement sous les bannières du libéralisme et des valeurs partagées ou au moins convergentes. Si la France épouse ces valeurs, elle laisse pourtant entendre pouvoir à la fois se comporter et agir contre eux, et se décrit comme une nation réaliste. L’exemple le plus flagrant de ce contraste est l’utilisation du terme d’« Autonomie stratégique » qui, en fin de compte, signifie différentes choses pour différents auditeurs et a été appliqué à l’opinion publique française à des fins politiques, à l’Union européenne à des fins politiques françaises et à d’autres alliés comme un déclencheur de décisions différentes ou contraires. Avec des partenaires alliés, la France devrait choisir d’autres termes, à commencer par la « solidarité stratégique » recommandée informellement par le Chef d’état-major des armées (Céma). La qualité militaire française mise à part, la puissance internationale française repose principalement sur la diplomatie et l’information. Les deux instruments de pouvoir nécessitent des choix de mots soigneusement adaptés, même en français. Il existe de nombreuses preuves que les démocraties occidentales sont ouvertes à des influences différentes afin d’être prêtes à faire face à des circonstances variées et complexes. Il y a amplement de place pour le leadership français. Charles de Gaulle avait besoin du terme comme l’autonomie stratégique pour son époque. La France a besoin maintenant d’autres mandats. ♦
(1) Ministère des Armées, Revue stratégique de Défense et de Sécurité nationale, 2017 (https://www.vie-publique.fr/).
(2) Guibert Nathalie, Semo Marc et Ayad Christophe, « Florence Parly : “La France veut conserver une autonomie stratégique” », Le Monde international, 13 octobre 2017.
(3) Rovan Anne, « Défense européenne : Emmanuel Macron tente d’enrôler les Européens sur l’autonomie stratégique », Le Figaro International, 6 octobre 2021.
(4) Borrell Josep, « Pourquoi l’Europe doit-elle être stratégiquement autonome ? », Éditoriaux de l’Ifri, décembre 2020, Institut français des relations internationales (https://www.ifri.org/).
(5) Gautier Louis, « La Défense et les moyens de l’indépendance stratégique : hommes, industries, capacités », Séminaire « De Gaulle et la défense de la France, d’hier à aujourd’hui », Fondation Charles de Gaulle, 12 janvier 2017 (http://www.sgdsn.gouv.fr/).
(6) Souligné par l’auteur. Long Marceau (dir.), Livre blanc sur la Défense, 1994, p. 49 (https://www.vie-publique.fr/).
(7) Bloch Marc, L’Étrange défaite, 1946 (http://classiques.uqac.ca/).
(8) Speier Hans, German Rearmament and Atomic War. The Views of German Military and Political Leaders, Evanston (Illinois), Row, Peterson and Company, 1957, p. 198.
(9) Risse-Kappen Thomas, Cooperation Among Democracies: The European Influence on U.S. Foreign Policy, Princeton University Press, 1997, 260 pages.
(10) CEA/Direction des applications militaires, La Direction des Applications Militaires (CEA/DAM) au cœur de la dissuasion nucléaire française – De l’ère des pionniers au programme Simulation, septembre 2020, p. 38 (https://www.cea.fr/).
(11) Jurgensen Céline et Mongin Dominique (dir.), Résistance et Dissuasion : des origines du programme nucléaire français à nos jours, Odile Jacob, 2018, p. 23.
(12) Ibidem, p. 13.
(13) Les traités de Lancaster House prévoient que le Royaume-Uni et la France testent la fiabilité et la sécurité de leurs ogives nucléaires dans une installation commune. The Lord Ricketts, « France and the UK: A Decade of the Lancaster House Treaties », RUSI, 2 novembre 2020 (https://rusi.org/).
(14) Gomart Thomas, L’affolement du monde : 10 leçons de géopolitique, Tallandier, 2019, 320 pages.
(15) Wheeldon Tom, « ‘Less Unpleasant, but Fundamentally not Different’: Transatlantic Divides after Biden Win », France 24, 12 janvier 2020 (https://www.france24.com/).
(16) Stares Paul B., Jia Qingguo, Tocci Nathalie, Jaishankar Dhruva et Kortunov Andrey, « Perspectives on a Changing World Order », Center for Preventive Action, Council on Foreign Relations, juin 2020, p. 11 (https://cdn.cfr.org/).
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(18) Hegre Håvard, « Democracy and armed conflict », Journal of Peace Research, vol. 51, n° 2, mars 2014, p. 159-172 (https://doi.org/).
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(20) Walt Stephen, « Interview with Stephen Walt », E-International Relations, 14 novembre 2017 (https://www.e-ir.info/).
(21) Mearsheimer John J., The Tragedy of Great Power Politics, W.W.Norton & Company, 2012.
(22) « Emmanuel Macron warns Europe: NATO is becoming brain-dead », The Economist, 7 novembre 2019.
(23) Lobell Stephen, « Structural Realism/Offensive and Defensive Realism », The Oxford Guide to International Relations, mars 2010 (https://doi.org/).
(24) Raymond Louis, « Why France is Apoplectic with Rage at Australia’s Submarine Betrayal », Nikkei Asia, 21 septembre 2021 (https://asia.nikkei.com/).
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(28) Mattis James N. et West Francis J., « Chapter 16 » in Call Sign Chaos: Learning to Lead, New York, Random House, 2021.
(29) Franko Patrice, « The Defense Acquisition Trilemma: the Case of Brazil », Strategic Forum, janvier 2014, Institute for National Strategic Studies, National Defense University (https://inss.ndu.edu/).
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(31) Banque mondiale, « Dépenses militaires (% du PIB) – France (Stockholm International Peace Research Institute 2021 Data) » (https://donnees.banquemondiale.org/).
(32) Parmi de nombreuses références, Strategy. Joint Doctrine Note 1-18, 25 april 2018, p. VII (https://www.jcs.mil/).
(33) Gray Alex, « France Becomes the World No 1 for Soft Power », World Economic Forum, 27 juillet 2017 (https://www.weforum.org/).
(34) Robinet Fabrice, « Emmanuel Macron’s Overtures to Vladimir Putin, and the Race to Prevent War in Ukraine », The New Yorker, 11 février 2022 (https://www.newyorker.com/).
(35) Statista, « Largest armies in the world ranked by active military personnel in 2022 ».
(36) Mearsheimer John J., op. cit.
(37) Department of Economic and Social Affairs, Statistics Division, « Demographic and Social Statistics », United Nations World Prospects 2019 (https://unstats.un.org/).
(38) Banque mondiale, « PIB ($ US courants) » (https://donnees.banquemondiale.org/).
(39) Statista, op. cit.
(40) La Rédaction, « Ranked—The World’s 20 Strongest Militaries », Business Insider, 13 juillet 2021 (https://www.businessinsider.in/4). Voir aussi Global Firepower, « 2022 Military Strength Ranking », GFP Annual Ranking (https://www.globalfirepower.com/).
(41) Kabra Archana, « Top 20 Biggest Tech Companies in the World in 2022 », The Teal Mango, 18 mars 2022 (https://www.thetealmango.com/).
(42) « Forbes Top 100 Digital Companies (2019) », Forbes Magazine (https://www.forbes.com/).
(43) Brimelow Benjamin, « Why China changed its mind about Nuclear Weapons and is bulking up its Arsenal at ‘Accelerated’ Pace », Business Insider, 5 janvier 2022 (https://www.businessinsider.com/).
(44) Cité par Hans-Dieter Lucas, ambassadeur d’Allemagne en France, 18 février 2022.
(45) Clausewitz (von ) Carl, Vom Krieg. Clausewitz (von), Carl, Howard Michael Eliot et Paret Peter, On War, Princeton University Press, 2008. Book 8, « Chapter 4 – Ends in War More Precisely Defined: the Overthrow of the Enemy ».