Si l’affaire AUKUS a indubitablement posé des défis à la relation anglo-française, les questions urgentes dans la région indo-pacifique peuvent fournir un point de mire clair pour une future coopération plus étroite. Le Royaume-Uni et la France sont deux puissances européennes qui ont une perspective véritablement mondiale, des capacités et une portée diplomatique, économique et militaire équivalentes, et qui ont chacune un intérêt profond pour l’Indo-Pacifique. Dans ce contexte, une coordination plus étroite des effets stratégiques du Royaume-Uni et de la France dans la région peut constituer non seulement un moyen de mieux relever les défis de la région, mais aussi un moyen de renouveler et d’approfondir les relations bilatérales.
Au-delà d’AUKUS : coordonner les effets stratégiques britanniques et français dans la région indo-pacifique
La nature et la répartition du pouvoir mondial changent à mesure que nous nous dirigeons vers un monde plus incertain, plus compétitif et multipolaire. Ce monde sera caractérisé par des changements géopolitiques et géoéconomiques, et son centre de gravité s’éloigne progressivement de la région euro-atlantique qui a dominé les affaires mondiales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’un des aspects les plus marquants de cette évolution sera l’importance croissante de la région indo-pacifique pour la prospérité et la sécurité mondiales, en grande partie liée à la puissance et à l’affirmation internationale croissante de la Chine. La région accueille la moitié de la population mondiale, représente 40 % du PIB mondial, abrite certaines des économies à la croissance la plus rapide et est à la pointe de l’adoption de l’innovation numérique et technologique. Elle deviendra le moteur de la croissance économique mondiale au XXIe siècle. La région est également au centre d’une compétition géopolitique qui s’intensifie, avec de multiples points de tension potentiels. La prolifération nucléaire, le changement climatique, les conflits territoriaux non résolus, le terrorisme et la grande criminalité organisée sont autant de facteurs susceptibles de créer une instabilité importante dans la région.
Le Royaume-Uni et la France partagent tous deux un intérêt profond pour la région indo-pacifique. La France est un pays de l’Indo-Pacifique avec quelque 1,65 million de ses habitants vivant dans ses territoires d’outre-mer et plus de 2 M de ses ressortissants dans la région. 93 % de sa zone économique exclusive (ZEE), la deuxième mondiale, se trouve dans l’Indo-Pacifique. Et elle y maintient plus de 7 000 militaires ainsi que des moyens maritimes et aériens pour défendre sa souveraineté et contribuer, aux côtés de ses principaux partenaires, à la sécurité régionale. Le Royaume-Uni compte au moins 1,7 M de citoyens dans la région (1) et possède des territoires d’outre-mer dans les océans Indien et Pacifique (2). Dans son dernier rapport sur la défense et la sécurité, Londres a signalé son intention de s’engager plus profon dément dans la région. Les deux Nations entretiennent des liens profonds (et complexes) avec les pays de la région en raison de leur histoire coloniale respective.
Des objectifs stratégiques partagés ?
Pour envisager une éventuelle coordination des effets stratégiques entre le Royaume-Uni et la France dans l’Indo-Pacifique, il faut d’abord évaluer l’alignement de leurs ambitions stratégiques respectives dans la région. La récente Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy du Royaume-Uni, « Global Britain in a Competitive Age » (3) et La stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique (4) brossent un tableau similaire des défis, des risques et des opportunités dans la région au XXIe siècle. Les deux Nations partagent le même objectif de protéger l’État de droit, la liberté et la démocratie. Tous deux cherchent à accéder aux opportunités économiques, commerciales et d’échanges qui seront disponibles lorsque la région deviendra un centre économique mondial. En outre, le Royaume-Uni et la France sont les deux principales Nations européennes avec une ambition/aspiration véritablement mondiale. Du point de vue de la défense et de la sécurité, les deux Nations ont une portée et des capacités similaires, à l’exception notable de la France qui maintient un plus grand nombre de capacités de défense stationnées en permanence dans la région. Par conséquent, dans le contexte de ce profond changement géopolitique et géoéconomique vers l’Indo-Pacifique, il est peut-être opportun d’examiner comment deux pays européens clés ayant des intérêts complémentaires et des capacités similaires peuvent coordonner leurs efforts stratégiques dans la région afin de promouvoir la paix et la stabilité, et ainsi favoriser la saisie d’opportunités.
Cependant, bien qu’ils aient beaucoup en commun, il est impossible d’ignorer l’impact de l’annonce de l’AUKUS sur les relations bilatérales anglo-françaises actuelles. L’annonce du partenariat trilatéral de défense et de sécurité entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, et l’annulation associée du contrat des sous-marins franco-australiens (5), ont entraîné des réactions exceptionnellement fortes de la part des responsables français, allant jusqu’au rappel des ambassadeurs français aux États-Unis et en Australie (6). En outre, cela a porté un coup aux relations anglo-françaises déjà tendues par des années de différends post-Brexit. Cependant, cet article ne cherchera pas à examiner les récits contradictoires entourant le partenariat AUKUS. Au contraire, tout en reconnaissant le contexte posé par l’AUKUS, il cherchera à regarder vers l’avenir et à identifier les opportunités pour le Royaume-Uni et la France de coordonner leurs activités dans la région pour les années à venir.
L’inclinaison indo-pacifique du Royaume-Uni
Le Gouvernement britannique a publié son Integrated Review en mars 2021. Ce document détaille la vision du Premier ministre Boris Johnson pour le Royaume- Uni en 2030. Dans le contexte où le Royaume-Uni est une « Nation qui résout les problèmes et partage les charges dans une perspective mondiale (7) », l’objectif du Royaume-Uni dans la région indo-pacifique est le suivant : « d’ici 2030, nous serons profondément engagés dans l’Indo-Pacifique en tant que partenaire européen avec la présence la plus large et la plus intégrée pour soutenir le commerce, la sécurité et les valeurs mutuellement bénéfiques (8) ». Cette attention accrue portée à cette région a été baptisée « The Indo-Pacific Tilt » (l’inclinaison indo-pacifique) et reflète le fait que la région indo-pacifique est essentielle pour l’économie et la sécurité du Royaume-Uni et son ambition mondiale de soutenir des sociétés ouvertes. Au-delà du 1,7 M de Britanniques vivant dans la région, les relations commerciales avec les Nations indo-pacifiques ne cessent de se développer et, dans les décennies à venir, cette région sera le « creuset » de bon nombre de questions mondiales les plus pressantes, du changement climatique à la biodiversité, en passant par la sécurité maritime et la concurrence géopolitique liée aux règles et aux normes. En outre, alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie (9) a braqué les projecteurs sur la sécurité euro-atlantique, la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, a clairement indiqué que le Royaume-Uni considère la sécurité euro-atlantique et indo-pacifique comme indivisible (10). Par conséquent, Londres reste attaché à un engagement accru et à une concentration stratégique sur l’Indo-Pacifique, comme indiqué dans la Revue intégrée 2021 et devront donc nécessairement équilibrer les ressources limitées entre plusieurs régions.
Le Royaume-Uni poursuivra un engagement plus profond dans l’Indo-Pacifique pour soutenir la prospérité partagée et la sécurité régionale, avec des liens diplomatiques et commerciaux plus forts. Cette approche reconnaît l’importance des puissances de la région, telles que la Chine, l’Inde et le Japon, et s’étend également à d’autres, notamment la Corée du Sud, le Vietnam, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et Singapour. Cette approche impliquera le maintien et le soutien de partenariats bilatéraux et multilatéraux dans la région, tels que les Accords de défense des cinq puissances (FPDA) (11) et la collaboration avec des organisations telles que l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (Anase) (12) et le Forum des îles du Pacifique (13). L’ampleur et la portée de l’économie chinoise, la taille de sa population, ses progrès technologiques et son ambition croissante de projeter son influence sur la scène mondiale, par exemple par le biais de l’initiative « Belt and Road » (14), signifient que le Royaume-Uni considère la Chine comme un « concurrent systémique (15) ». La Revue intégrée note également que le Royaume-Uni cherchera des moyens de travailler avec des partenaires européens dans la région, notamment la France et l’Allemagne (16). L’ambition du gouvernement britannique dans la région indo-pacifique sera concrétisée par un engagement intergouvernemental prioritaire dans neuf domaines : de l’adhésion à l’Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP) (17) à la participation au dialogue de l’Anase, en passant par la coopération et le renforcement des capacités en matière de cybersécurité et un meilleur ciblage de l’aide au développement à l’étranger. En outre, l’un de ces neuf domaines concerne le renforcement de la coopération en matière de défense et de sécurité. Depuis la publication de l’examen intégré en mars 2021, une série d’actions ont été menées. Parmi celles-ci, le Royaume-Uni est devenu un partenaire de dialogue de l’Anase en août 2021 (18), et des accords de libre-échange ont été conclus avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande (19).
Le plan du ministère de la Défense pour la mise en œuvre de la Revue intégrée est contenu dans le document « Defence in a Competitive Age » (20), également publié en mars 2021. Celui-ci détaille les moyens par lesquels la Défense contribuera à l’« inclinaison » intergouvernementale vers la région indo-pacifique. Il s’agira notamment de renforcer les capacités et la formation dans toute la région grâce à des déploiements militaires plus longs et plus cohérents, de mieux exploiter les installations régionales existantes, d’accroître l’engagement avec les acteurs régionaux de la défense et de la sécurité, tels que les FPDA et les États de l’Anase, et d’améliorer le réseau des attachés de défense. Les exemples les plus marquants de cette inclinaison sont le déploiement du groupe d’attaque de porte-avions HMS Queen Elizabeth dans la région indo-pacifique en 2021 (21) et l’accord AUKUS. Ce dernier est, pour le Royaume-Uni, une démonstration claire de l’engagement pris dans la Revue intégrée d’approfondir la coopération, les partenariats et la participation en Indo-Pacifique sur une base durable. Il témoigne des efforts déployés par le Royaume-Uni pour soutenir ses alliés et promouvoir la stabilité dans la région.
La France dans la région indo-pacifique
L’approche française de la région est décrite dans sa Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique qui s’appuie sur les principes et lignes d’action énoncés par le président Macron au printemps 2018 (22). En tant que pays indo-pacifique « à part entière », la France déclare qu’elle entend être une force stabilisatrice, promouvant les valeurs de liberté et d’État de droit. Elle entend apporter des solutions aux défis sécuritaires, économiques, sanitaires, climatiques et environnementaux auxquels sont confrontés les pays de la zone. Cette stratégie repose sur quatre piliers principaux.
• Le premier se base sur la sécurité et la défense. La France défend une Indo-Pacifique ouverte et inclusive, où chaque État respecte la souveraineté de l’autre. La stratégie note que l’Indo-Pacifique est l’épicentre du commerce maritime mondial et que des tensions apparaissent concernant les frontières maritimes (23). Dans ce contexte, il est considéré comme essentiel de garantir la liberté de navigation et de survol, dans le plein respect de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (24).
• Le deuxième pilier concerne l’économie indo-pacifique, la connectivité, la recherche et l’innovation. Les objectifs pour y parvenir sont notamment d’assurer la diversification de l’approvisionnement en biens stratégiques, de réduire la dépendance aux importations pour soutenir les territoires français, de promouvoir les normes internationales afin d’établir un cadre concurrentiel équitable et de soutenir les entreprises françaises.
• Le troisième pilier consiste à promouvoir un multilatéralisme efficace, fondé sur l’État de droit et le rejet de la coercition. La France considère que le multilatéralisme, qui implique toutes les parties prenantes, est le meilleur cadre pour réduire les tensions et encourager les approches coopératives, plutôt que de fonctionner par blocs. La pandémie de la Covid-19 en a été la preuve et les défis sanitaires de la région ne peuvent être relevés que par une approche collaborative.
• Le quatrième pilier essentiel de cette stratégie française est l’engagement en faveur d’objectifs communs dans les domaines du changement climatique, de la biodiversité et de la gestion durable des océans. Seules les actions menées dans l’espace indo-pacifique détermineront la capacité à répondre aux exigences strictes en matière de climat et de biodiversité. Dans cette partie du monde, la France promeut une diplomatie environnementale ambitieuse en mobilisant ses partenaires autour d’initiatives concrètes pour la transition énergétique, la protection de la biodiversité et la gestion durable des océans (25).
Un autre volet de la stratégie française concerne le rôle de l’Union européenne dans la région. La France considère qu’une présence européenne accrue permettra de mieux relever les défis de cette région et note les partenariats forts que l’UE a déjà noués (26). À cette fin, la France est un fervent partisan (et un moteur) d’une stratégie ambitieuse de l’UE pour la coopération dans l’Indo-Pacifique.
Des perspectives plus larges sur l’Indo-Pacifique
La région indo-pacifique revêt également une importance stratégique croissante pour l’Union européenne. Le 16 septembre 2021, la Commission européenne et le Haut représentant de l’UE ont présenté une communication conjointe sur la stratégie indo-pacifique de l’UE (27). Elle note que le poids économique, démographique et politique croissant de la région en fait un acteur clé pour façonner l’ordre international et relever les défis mondiaux. L’UE déclare qu’elle est déjà fortement interconnectée avec l’Indo-Pacifique en raison de l’interdépendance des économies et des défis mondiaux communs. En outre, l’UE indique qu’elle est déjà le premier investisseur, le premier partenaire de la coopération au développement et l’un des principaux partenaires commerciaux de la région. Ensemble, l’Indo-Pacifique et l’UE détiennent plus de 70 % du commerce mondial des biens et des services, ainsi que plus de 60 % des flux d’investissements directs étrangers. Toutefois, le rapport note également que la dynamique actuelle dans la région indo-pacifique a donné lieu à une concurrence géopolitique intense, ce qui accroît les tensions sur les chaînes commerciales et d’approvisionnement ainsi que dans les domaines technologiques, politiques et sécuritaires. Cette préoccupation sous-tend la raison pour laquelle l’UE a décidé de renforcer son engagement stratégique dans la région. L’engagement accru de l’UE vise à maintenir un Indo-Pacifique libre et ouvert pour tous tout en construisant des partenariats solides et durables. L’UE approfondira son engagement avec ses partenaires dans la région afin de répondre aux dynamiques émergentes qui affectent la stabilité. L’approche de l’UE vise à favoriser un ordre international fondé sur des règles, des conditions de concurrence équitables, ainsi qu’un environnement ouvert et équitable pour le commerce et l’investissement, à lutter contre le changement climatique et à soutenir la connectivité avec l’UE. La communication conjointe met en évidence sept domaines prioritaires pour l’action de l’UE, à savoir : la prospérité durable et inclusive ; la transition verte ; la gouvernance des océans ; la gouvernance et les partenariats numériques ; la connectivité ; la sécurité et la défense ; et la sécurité humaine. La stratégie de l’UE pour l’Indo-Pacifique se décrit comme une invitation à ses partenaires dans la région à relever ensemble les défis communs et à défendre le droit international ainsi que les valeurs et principes auxquels elle est attachée.
S’adressant aux nations du Quad (28) (Australie, Japon et Inde) en septembre 2021, le président des États-Unis, Joe Biden, a déclaré que « l’avenir de chacune de nos Nations – et même du monde – dépend de la pérennité et de l’épanouissement d’une région indo-pacifique libre et ouverte dans les décennies à venir (29) ». La stratégie indo-pacifique des États-Unis (30), adoptée en février 2022, vise à créer une région libre et ouverte, connectée, prospère, sûre et résiliente. Les mesures pour y parvenir vont de la garantie que les mers et les cieux de la région sont régis et utilisés conformément au droit international, au renforcement d’une ASEAN puissante et unifiée, en passant par la poursuite d’AUKUS et la réduction de la vulnérabilité régionale aux impacts du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Le ministère de la Défense (DoD) des États-Unis a été à l’avant-garde de l’engagement américain dans la région et la stratégie de défense nationale 2022 (31) qu’il a présentée au Congrès américain montre clairement l’intérêt pressant des États-Unis pour la région indo-pacifique, en particulier leur approche à l’égard de la République populaire de Chine (RPC). Le DoD considère la RPC comme son « concurrent stratégique le plus important et le défi majeur (32) » contre lequel la dissuasion doit être maintenue et renforcée. La menace multidomaine posée par la RPC est la priorité de la défense, à savoir celle de la patrie. En outre, la capacité à dissuader l’agression tout en étant prêt à l’emporter dans un conflit si nécessaire est la troisième priorité du ministère, qui se concentre sur le défi de la RPC dans la région indo-pacifique, puis sur celui de la Russie en Europe. Les États-Unis ont maintenu une présence défensive forte et constante dans la région depuis la Seconde Guerre mondiale, qu’ils cherchent à utiliser pour soutenir la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité régionales. L’approche américaine de l’Indo-Pacifique peut être caractérisée comme une approche dominée par la volonté de rivaliser avec la puissance et l’influence croissantes de la Chine et de les contenir.
Compte tenu de ces perspectives et du vif intérêt que le Royaume-Uni et la France portent à la région, il est peut-être utile d’examiner certaines options sur la manière dont les effets stratégiques à travers les leviers du pouvoir national britannique et français – diplomatique, informationnel, militaire et économique – pourraient être coordonnés plus efficacement dans la région.
Diplomatique
Approfondir la compréhension mutuelle
La première étape nécessaire de toute initiative visant à coordonner les effets stratégiques entre la France et le Royaume-Uni dans l’Indo-Pacifique est de s’assurer qu’il existe à la fois une compréhension et une reconnaissance mutuelles des intérêts et des intentions de chaque Nation dans la région. Le dialogue fréquent, tant au niveau opérationnel que par l’intermédiaire d’échanges à un niveau plus élevé, qui sous-tend une telle compréhension, a nécessairement été perturbé par la Covid, et n’a pas été aidé par les retombées d’AUKUS et les défis post-Brexit. La Revue intégrée du Royaume-Uni déclare l’intention de chercher des moyens de travailler plus étroitement avec les acteurs européens (en particulier la France et l’Allemagne) (33) et régionaux. Cependant, ni la stratégie française ni celle de l’UE ne sont aussi explicites quant à leur aspiration à travailler avec le Royaume-Uni dans cette région. Cela pourrait bien refléter le fait qu’il faudra nécessairement du temps pour que les implications de l’inclinaison du Royaume-Uni vers l’Indo-Pacifique mûrissent et, en effet, la propre stratégie de l’UE pour la région en est encore à ses débuts. Toutefois, on peut se demander s’il est possible d’avoir une véritable discussion sur l’Europe dans la région sans parler du Royaume-Uni (34). Pour approfondir cette compréhension mutuelle, il sera essentiel de redynamiser l’engagement à tous les niveaux : des niveaux politiques élevés aux engagements officiels de routine. Les formats existants du 2+2 ministériel (ministres des Affaires étrangères et de la Défense) et réunions régulières des hauts responsables militaires offrent des opportunités idéales. Après le Brexit, le Royaume-Uni ne pourra bien sûr plus participer aux discussions réservées à l’UE. Cependant, lorsque l’UE a des discussions avec des acteurs externes concernant l’Indo-Pacifique, il est clairement dans l’intérêt de la compréhension mutuelle européenne et anglo-française de s’assurer que le Royaume-Uni est au moins partie à ces discussions. En tant qu’acteur clé de l’UE ayant un intérêt marqué pour la région, la France serait bien placée pour s’en assurer. Cette compréhension mutuelle plus profonde pourrait permettre un engagement régional plus efficace de la part du Royaume-Uni et de la France.
Coordonner l’engagement régional (ou au moins éviter le fratricide)
La Revue intégrée du Royaume-Uni et la Stratégie de la France pour l’Indo-Pacifique détaillent leurs aspirations respectives à travailler en étroite collaboration avec les acteurs régionaux de l’Indo-Pacifique tels que l’ASEAN, le Dialogue de sécurité quadrilatéral (le QUAD) des États-Unis, du Japon, de l’Australie et de l’Inde, et le Forum des îles du Pacifique. En outre, une série d’autres forums s’intéressent exclusivement, ou de plus en plus, aux questions indo-pacifiques. Il s’agit notamment du dialogue Shangri-La de l’Institut international d’études stratégiques, des discussions du G7, de la réunion Asie-Europe (ASEM) (35), du Conseil de sécurité des Nations unies, des agences des Nations unies et du cadre économique pour la prospérité de l’Indo-Pacifique (IPEF) (36). Bien entendu, le Royaume-Uni et la France chercheront à tirer le maximum d’avantages nationaux d’un tel engagement. Toutefois, cette « politique réelle » ne doit pas faire oublier qu’il pourrait être dans l’intérêt des deux pays de coordonner plus étroitement leurs activités. Cela ne doit pas être considéré comme un jeu à somme nulle. En outre, une telle coordination pourrait également éviter que d’autres Nations ou groupements cherchent à monter le Royaume-Uni et la France l’un contre l’autre.
Informations : activité de développement en collaboration
Un tiers du budget bilatéral d’aide au développement à l’étranger du ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (FCDO) a été dépensé en 2021 dans la région de l’Indo-Pacifique et de l’Asie du Sud, en appui de l’engagement plus profond et de l’attention accrue du Royaume-Uni dans la région (37). Ainsi, la contribution de 110 M de livres sterling du Royaume-Uni à l’initiative de financement vert catalytique de l’Anase s’appuie sur les engagements pris lors du sommet de la COP26 pour investir dans des infrastructures propres et durables. Les actions du FCDO britannique et de l’Agence française de développement (AFD) se recoupent clairement dans la région, comme le prévoit la stratégie française. En 2020, l’AFD était actif dans 26 territoires voisins de l’Indo-Pacifique pour un montant de 3,9 milliards d’euros, avec une implication prioritaire dans la lutte contre le changement climatique et le soutien à l’économie et à la gouvernance « bleues ». Compte tenu de la similitude des objectifs et de la volonté et de la capacité de dépenser des ressources nationales dans la région, des relations de travail plus étroites entre l’AFD et le FCDO pourraient être mutuellement bénéfiques. Cela pourrait non seulement améliorer la capacité à réaliser des projets significatifs dans la région, mais aussi faire passer un message clair sur les intentions communes anglo-françaises à la population.
Militaire
Coordination et déconfliction des activités de défense
Une coordination plus étroite de l’activité de sécurité et de défense dans la région indo-pacifique est peut-être l’un des domaines les plus évidents dans lesquels le Royaume-Uni et la France peuvent se coordonner plus étroitement. Le premier pilier de la stratégie indo-pacifique française est axé sur la défense et la sécurité. Les forces aériennes, terrestres et maritimes que la France maintient dans ces régions sont capables d’assurer la protection directe des intérêts souverains ainsi que d’autres activités qui contribuent à la sécurité régionale, telles que les opérations de secours après une catastrophe naturelle, la surveillance de la pêche dans les ZEE et la participation à des exercices multinationaux. Parmi ces activités, citons l’exercice naval La Pérouse 2021 (38) avec les pays du quadrant Pacifique et les exercices biennaux Croix du Sud (39) d’aide humanitaire et de secours en cas de catastrophe en Nouvelle-Calédonie. Le déploiement en 2021 du groupe d’attaque de porte-avions HMS Queen Elizabeth a été le déploiement le plus visible de la capacité de défense maritime britannique dans la région depuis la Revue intégrée. Ce déploiement comprenait une participation avec les forces aériennes et maritimes françaises, mais pas dans la région indo-pacifique. Même si la présence permanente du Royaume-Uni dans la région reste plus modeste que celle de la France, l’intention du Royaume-Uni d’accroître la taille et l’échelle de ses activités dans la région offre une occasion manifeste de mieux partager les informations, de coordonner les activités de défense. Cela permettrait non seulement de maximiser l’impact de l’activité militaire anglo-française, mais aussi de soutenir une présence européenne plus continue dans la région. Les forums de coordination entre états-majors existants sont déjà bien établis pour gérer de telles discussions. Le déploiement durable des navires de patrouille offshore britanniques, HM Tamar et HMS Spey (40), dans la région pourrait constituer une occasion idéale d’approfondir cette coordination dans le domaine de la lutte contre les pratiques de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN ou IIU).
Maintien des zones maritimes de conservation
Les questions relatives à la gestion des stocks de poissons dans la région indo-pacifique sont progressivement devenues un enjeu géopolitique essentiel. Sur les 84,4 M de tonnes de poissons pêchés dans les mers du monde en 2018, quelque 61,4 M t provenaient des océans Indien et Pacifique (41). Alors que l’intensité de la pêche varie selon les régions, l’épuisement des ressources halieutiques est un problème croissant partout dans la région indo-pacifique, la pêche INN y contribuant largement. L’impact des actions de la Chine dans ce domaine est très important. Cela s’explique par la taille de sa flotte de pêche, le tonnage de ses captures et ses pratiques et politiques de pêche. Après des décennies de surpêche, les eaux chinoises étaient, dans les années 1980, gravement appauvries. Les politiques chinoises visant à préserver et à restaurer ses propres ressources côtières ont toutefois conduit à la promotion de la pêche en eaux lointaines au-delà de ses propres zones côtières. Cela a permis aux chalutiers industriels chinois de pêcher dans tous les océans du monde, légalement ou illégalement.
Il pourrait être tentant de considérer les pratiques de pêche dans l’Indo-Pacifique comme un phénomène regrettable mais lointain, ayant peu ou pas d’impact sur les intérêts européens directs. Or, la pêche INN a des conséquences à la fois directes et indirectes. Pour la France, Nation européenne possédant des territoires dans l’Indo-Pacifique, l’impact de la pêche INN chinoise dans ses zones économiques exclusives (ZEE) a un effet direct sur les moyens de subsistance de ses propres citoyens dans la région.
En outre, la pêche prédatrice a la capacité de déstabiliser de nombreuses régions le long des lignes de communication maritimes qui sont vitales pour le commerce européen. L’augmentation de la piraterie au large des côtes somaliennes entre 2005 et 2012 a été le résultat direct de la surpêche dans les eaux somaliennes, qui a contraint les pêcheurs locaux à chercher d’autres sources de revenus alors que leur État s’effondrait. Les Nations européennes ont dû intervenir pour mettre un terme à ce risque pour la navigation internationale.
L’inclusion de la gouvernance des océans parmi les domaines prioritaires pour une coopération renforcée dans la stratégie de coopération de l’UE dans la région indo-pacifique reflète l’importance que les Nations européennes attachent à cette question. L’UE cherche à renforcer la gouvernance des océans dans le plein respect du droit international, et en particulier de la Convention de Montego Bay et à continuer de soutenir les partenaires de la région pour lutter contre la pêche INN et mettre en œuvre des accords de partenariat pour une pêche durable. Il s’agit également d’une question importante pour la France et le Royaume-Uni. Dans ce contexte, une coordination franco-britannique plus étroite et des efforts de collaboration dans ce domaine semblent être un domaine de collaboration évident.
AUKUS : au-delà des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie ?
La mise en œuvre du partenariat trilatéral de défense et de sécurité AUKUS est en cours. Il est axé à la fois sur la fourniture d’une capacité de sous-marin à propulsion nucléaire à l’Australie et sur l’approfondissement de la coopération sur les « capacités avancées » telles que les cybercapacités, l’intelligence artificielle (IA), les technologies quantiques et les capacités sous-marines supplémentaires. La déclaration conjointe des dirigeants de l’AUKUS, publiée le 6 avril 2022 (42), a encore élargi cette liste de capacités avancées pour y inclure la coopération en matière d’hypersonique et de contre-hypersonique, de guerre électronique, ainsi que le développement du partage d’infor mations et l’approfondissement de la coopération en matière d’innovation de défense (43).
Il convient de noter que cette déclaration fait également état de l’intention de « rechercher des occasions d’engager des alliés et des partenaires proches » à mesure que les travaux sur ces capacités progressent. À cette fin, serait-il possible pour la France de s’engager à un moment donné dans le partenariat AUKUS ? Compte tenu de la force des sentiments créés et de l’impact sur les intérêts commerciaux français, il semble peu probable qu’un tel engagement concernant la fourniture de sous-marins à propulsion nucléaire à l’Australie soit réaliste. Cependant, il n’est peut-être pas impensable que le développement de « capacités avancées » puisse fournir une future opportunité de collaboration. Les ressources nécessaires pour développer des capacités de nouvelle génération sont importantes et constitueront un défi de plus en plus grand, même pour les puissances de taille moyenne.
Économie
Partenaires et concurrents à la fois ?
S’il est clair que les ambitions britanniques et françaises dans la région indo-pacifique se rejoignent, l’élément de concurrence dans cette relation est tout aussi clair. L’Integrated Review du Royaume-Uni et la Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique reflètent toutes deux une perspective, explicite ou implicite, selon laquelle chaque Nation se considère (ou aspire à être) la Nation européenne prééminente dans la région. Le Royaume-Uni se donne pour ambition d’être « le partenaire européen dont la présence est la plus large et la plus intégrée, à l’appui d’échanges commerciaux, d’une sécurité et de valeurs mutuellement bénéfiques (44) ». La France présente son offre unique en tant que « pays indo-pacifique à part entière (45) », capable d’apporter une offre européenne (plus précisément de l’UE) plus large dans la région. Au-delà de la concurrence pour l’influence et la position dans la région, la concurrence pour les échanges, le commerce et l’investissement au sens large occupe également une place importante dans les agendas nationaux.
La Revue intégrée détaille l’importance de la région indo-pacifique pour l’économie britannique – 17,5 % de ses échanges commerciaux et 10 % de l’investissement direct étranger (IDE) – et elle présente une ambition claire de développer ce secteur (46). En outre, les exportations de défense du Royaume-Uni dans la région ont tendance à augmenter, passant de 6 % du total des exportations de défense en 2019 à 8 % en 2020 (47). Avec l’annonce de l’accord AUKUS, ce total, et les intérêts commerciaux du Royaume-Uni en matière de défense, ne peuvent qu’augmenter encore.
Dans le cadre du deuxième pilier de sa stratégie indo-pacifique, la France précise son intention de « soutenir les efforts des entreprises françaises dans la région indo-pacifique (48). » La France soutiendra les entreprises françaises par le biais d’une série d’activités, notamment en utilisant des outils de soutien à l’exportation, en menant des actions de sensibilisation, en mobilisant l’équipe France Export dans des domaines tels que l’économie bleue et en alignant les efforts de l’AFD. La vente d’avions de combat Rafale à l’Indonésie (49), d’une valeur de 8,1 Md de dollars, est une indication claire des intentions françaises de maximiser les opportunités économiques dans la région.
Ces aspirations et initiatives économiques nationales, voire la concurrence, seront inévitablement une caractéristique durable de la pensée et des actions britanniques et françaises dans la région. Toutefois, cela ne doit pas nécessairement exclure les efforts économiques de collaboration lorsqu’ils sont mutuellement bénéfiques.
Respecter les normes internationales
La capacité du Royaume-Uni et de la France à tirer parti des opportunités économiques offertes par le déplacement géoéconomique vers l’Indo-Pacifique dépendra de l’accès à ces marchés. L’adoption par l’Union européenne du Règlement général sur la protection des données (RGPD ou GDPR) en 2016 reflète la tendance selon laquelle la gouvernance des données et les lois sur la protection de la vie privée sont désormais des questions centrales en matière géopolitique. Le développement et l’adoption rapides de technologies telles que l’IA, les réseaux Internet 5G, l’apprentissage automatique (machine learning) et l’Internet des objets (IoT) s’appuient sur des processus et des spécifications normalisés afin de garantir que les produits sont construits pour fonctionner ensemble de manière transparente.
L’écosystème actuel des normes est un réseau complexe d’arrangements unilatéraux, bilatéraux, multilatéraux et sectoriels. Cependant, le développement de ces technologies dépasse de plus en plus la capacité des Nations et des organismes transnationaux à définir les paramètres réglementaires permettant de contrôler leur développement et leur utilisation. Dans ce contexte, l’annonce de l’initiative « China Standards 2035 » indique clairement que le Parti communiste chinois et ses principales entreprises technologiques ont l’intention de chercher à établir les normes mondiales pour le développement et l’adoption des technologies émergentes (50). Cette initiative fonctionnera de concert avec l’autre politique industrielle de la Chine, la politique « Made in China 2025 », qui vise à transformer la Chine en un innovateur et producteur technologique de premier plan. Le risque que ces normes empêchent l’accès au marché ou créent un marché biaisé en faveur des intérêts chinois est évident. La manière dont les États démocratiques occidentaux réagiront à cette évolution sera cruciale pour façonner l’environnement commercial et réglementaire international dans lequel ces technologies sont développées. Compte tenu de l’avance prise par l’UE dans l’introduction du RGPD, il est probable que la France cherchera à s’engager dans cette question à travers le prisme de l’UE. Cependant, étant donné l’alignement probable des intérêts britanniques et français dans ce domaine, une position bilatérale pourrait renforcer une position collective.
Un nouvel accord de Lancaster House ?
En 2010, les Premier ministre britannique et président de la République française de l’époque, David Cameron et Nicolas Sarkozy, ont signé les traités de Lancaster House pour la coopération en matière de défense et de sécurité. Le plus connu des deux traités de Lancaster House visait à lancer des travaux pratiques dans le domaine du renforcement de la coopération entre les deux forces armées et de l’acquisition conjointe d’équipements (51). L’un de ses principaux objectifs était de mettre en place une force expéditionnaire interarmées combinée anglo-française (CJEF) de plus de 10 000 hommes, capable de répondre à une crise pour accomplir une série de missions, notamment des opérations de haute intensité, le maintien de la paix, les secours en cas de catastrophe ou l’aide humanitaire. La CJEF a atteint sa pleine capacité opérationnelle en 2020 et, bien qu’elle n’ait pas encore été déployée en opérations, elle demeure une contribution européenne unique à la sécurité euro-atlantique. Les progrès en matière d’acquisition conjointe d’équipements ont été moins marqués. Malgré quelques succès, par exemple dans le développement en collaboration de mesures de lutte contre les mines maritimes (MMC) et de l’arme de croisière/anti-navire future (FCASW) (52), les résultats globaux ont été décevants. Les grands espoirs initiaux de voir le Royaume-Uni et la France développer conjointement un système aérien de combat futur (probablement un gros drone) n’ont pas abouti et le Royaume-Uni et la France poursuivent désormais chacun de leur côté des programmes d’avions à réaction de nouvelle génération. L’autre traité de Lancaster House concerne la coopération nucléaire et la gestion des stocks nucléaires à l’appui des capacités indépendantes de dissuasion nucléaire des deux pays (53). Cela inclut la construction d’une nouvelle installation commune à Valduc, en France, pour modéliser la performance des têtes et des matériaux nucléaires, et a été soutenu par un centre commun de développement technologique à Aldermaston, au Royaume-Uni.
Douze ans après les traités de Lancaster House de 2010, il est peut-être opportun de réfléchir au statut et à l’avenir de ces traités. Le traité axé sur la coopération nucléaire, bien qu’il soit sans aucun doute le moins connu des deux traités, continue de fournir un moyen très efficace de gérer la coopération dans le domaine nucléaire. En outre, bien que le CJEF n’ait pas encore été déployé en opération, son développement en collaboration a été un succès incontestable. L’ancien ambassadeur britannique en France (2012-2016), Lord Peter Ricketts, note que si le Brexit n’affaiblit pas les arguments en faveur d’une coopération étroite entre le Royaume-Uni et la France en matière de défense et de sécurité, il modifie le contexte et crée un risque d’éloignement entre les deux pays (54).
Il est peut-être utile de rappeler que le traité stipule que les deux Nations « ne voient pas se produire de situations dans lesquelles les intérêts vitaux de l’une des parties pourraient être menacés sans que les intérêts vitaux de l’autre le soient également (55). » Malgré les récents « défis » dans la relation, il est peu probable que ce sentiment ait fondamentalement changé. En outre, la nécessité de se concentrer sur l’Indo-Pacifique, malgré la crise actuelle dans la région euro-atlantique, pourrait constituer un stimulant utile pour donner un coup de fouet aux discussions concernant le renouvellement des accords de Lancaster House.
* * *
Le Royaume-Uni et la France coordonneront nécessairement les effets stratégiques dans la région indo-pacifique puisque leurs intérêts nationaux respectifs le justifient. Dans le contexte des « défis » de l’après- Brexit et de AUKUS, il serait hélas facile d’adopter une approche où les intérêts nationaux sont vus à travers une lentille « somme nulle » où la concurrence, le chevauchement et la duplication dominent. Bien sûr, une certaine concurrence, en particulier dans le domaine des opportunités économiques, est peut-être inévitable. Cependant, pour répondre de manière significative aux défis pressants de la région, il ne faut rien de moins qu’une approche cohérente et coordonnée de la part de toutes les nations qui souhaitent voir une Indo-Pacifique libre, ouverte et démocratique. Pour le Royaume-Uni et la France, le fait d’agir ainsi sur les leviers diplomatiques, informationnels, militaires et économiques de leur pouvoir national pourrait être un bon point de départ. ♦
(1) Britanniques dans l’Indo-Pacifique : Australie 1 200 000 ; Nouvelle-Zélande 217 000 ; Thaïlande 55 000 ; Singapour 50 000 ; Inde 36 000, etc. Cf. Policy Exchange’s Indo-Pacific Commission, A Very British Tilt—Towards a new UK strategy in the Indo-Pacific Region, 22 novembre 2020 (https://policyexchange.org.uk/).
(2) Territoire britannique de l’océan Indien [dans l’archipel des Chagos] (60 km2) et îles Pitcairn (47 km2).
(3) United Kingdom Government, Global Britain in a Competitive Age. The Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy, march 2021, 114 pages (https://www.gov.uk/).
(4) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, février 2022, 67 pages (https://www.diplomatie.gouv.fr/).
(5) Lagneau Laurent, « Naval Group recevra 555 millions d’euros pour la rupture du contrat des sous-marins australiens », Zone militaire-Opex360, 11 juin 2022 (http://www.opex360.com/).
(6) AFP, « La France rappelle ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie », Le Point, 17 septembre 2021 (https://www.lepoint.fr/monde/la-france-rappelle-ses-ambassadeurs-aux-etats-unis-et-en-australie-17-09-2021-2443642_24.php).
(7) Global Britain in a Competitive Age, op. cit., p. 6.
(8) Ibidem.
(9) La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février 2022. Cette guerre est consécutive à la montée des tensions, en cours depuis plusieurs semaines, dans l’Est ukrainien et dans le cadre du conflit dans le Donbass (depuis 2014).
(10) Truss Liz, « The era of complacency is over: Atlantic Council Makins lecture 2022 by the Foreign Secretary », Conférence Makins 2022 du Conseil atlantique (https://www.gov.uk/).
(11) Signés en 1971 entre le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et Singapour.
(12) Créée en 1967, elle réunit 10 membres : Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.
(13) Créé en 1971, il réunit les 16 pays indépendants de l’Océanie (Australie, îles Cook, Fidji, Kiribati, îles Marshall, États fédérés de Micronésie, Nauru, Niue, Nouvelle-Zélande, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, îles Salomon, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanutu) ainsi que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie (depuis 2016).
(14) OECD, China’s Belt and Road Initiative in the Global Trade, Investment and Finance Landscape, 2018 (https://www.oecd.org/).
(15) Global Britain in a Competitive Age, op. cit., p. 26.
(16) Ibidem, p. 66.
(17) Signé en 2016 et 2018 entre l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam.
(18) British Embassy Manila, « UK becomes ASEAN Dialogue Partner », 6 août 2021 (https://www.gov.uk/).
(19) United Kingdom Department for International Trade, « UK-New Zealand Free Trade Agreement », 20 octobre 2021, mis à jour le 4 mars 2022 (https://www.gov.uk/) et « UK and Australia sign world-class trade deal », 16 décembre 2021 (https://www.gov.uk/).
(20) United Kingdom Ministry of Defence, Defence in a Competitive Age, mars 2021 (https://www.gov.uk/).
(21) « UK Carrier Strike Group 21 », Wikipedia (https://en.wikipedia.org/).
(22) Macron Emmanuel, « Discours du président de la République à Garden Island, base navale de Sydney », 3 mai 2018 (https://www.elysee.fr/).
(23) Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, op. cit., p. 3.
(24) Convention des Nations unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1982 (https://www.un.org/).
(25) Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, op. cit., p. 63.
(26) Ibidem, p. 61.
(27) Commission européenne, Stratégie de l’UE pour la coopération dans la région indo-pacifique, 19 avril 2021 (https://www.consilium.europa.eu/).
(28) Le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, initié en 2007 et réactivé en 2017, rassemble de manière informelle l’Australie, les États-Unis, l’Inde et le Japon autour des questions de défense et de sécurité face au développement de la Chine.
(29) White House, « Fact Sheet: Indo-Pacific Strategy of the Unites States », 11 février 2022 (https://www.whitehouse.gov/).
(30) Ibidem.
(31) Ibid.
(32) United States DoD, National Defense Strategy, 2022 (https://media.defense.gov/).
(33) Global Britain in a Competitive Age, op. cit., p. 66.
(34) Dr Mohan Garima in Nouwens Veerle, « Episode 6: Europe turns to the Indo-Pacific », Bridging the Oceans Podcast, Royal United Services Institute for Defence and Security Studies, 16 décembre 2020 (https://www.rusi.org/).
(35) European Union External Action, « ASEM leaflet and factsheet », 26 novembre 2011 (https://www.eeas.europa.eu/).
(36) White House, « In Asia, President Biden and a Dozen Indo-Pacific Partners Launch the Indo-Pacific Economic Framework for Prosperity », 23 mai 2022 (https://www.whitehouse.gov/).
(37) Foreign Commonwealth and Development Office : Written evidence in response to the Foreign Affairs Committee’s inquiry into Implementing the Integrated Review, janvier 2022 (https://committees.parliament.uk/).
(38) Chapleau Philippe, « La Pérouse 2021 croise dans le golfe du Bengale », Lignes de défense, 7 avril 2021 (http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/).
(39) Riahi Sheïma et Favennec Christian, « Des militaires de toute la région réunis par Croix du Sud », La 1re France TV info, 18 mai 2018 (https://la1ere.francetvinfo.fr/).
(40) Royal Navy, « Tamar and Spey underline UK’s renewed commitment to the Indo-Pacific », 16 mai 2022 (https://www.royalnavy.mod.uk/).
(41) Grare Frédéric, « Fish and Ships: Chinese fishing and Europe’s Indo-Pacific Strategy », European Council on Foreign Relations, 24 août 2021 (https://ecfr.eu/).
(42) Prime Minister’s Office, « Statement from the leaders of the Australia-UK-US (AUKUS) partnership », 5 avril 2022 (https://www.gov.uk/).
(43) Ibidem.
(44) Global Britain in a Competitive Age, op. cit., p. 6.
(45) Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, op. cit., p. 3.
(46) Global Britain in a Competitive Age, op. cit., p. 66.
(47) Department for International Trade, UK Defense & Security Exports, « Chart 8: Estimated Total UK Defence Exports (based on Orders/Contracts signed) by Region—Comparative Assessment 2019 and 2020 », 26 octobre 2021 (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(48) Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, op. cit., p. 57.
(49) « L’Indonésie s’offre 42 Rafale », Les Échos, 10 février 2022 (https://www.lesechos.fr/).
(50) Sheehan Matt, Blumenthal Marjory, Nelson Michael R., « Three Takeaways From China’s New Standards Strategy », 28 octobre 2021, Carnegie Endowment for International Peace (https://www.navalnews.com/naval-news/2022/02/future-cruise-and-anti-ship-weapon-fc-asw-program-reaches-new-milestone/).
(51) Treaty between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the French Republic for Defence and Security Co-operation, Art. 1.1 (https://assets.publishing.service.gov.uk/).
(52) Vavasseur Xavier, « Future Cruise And Anti-Ship Weapon FC/ASW Program Reaches New Milestone », Naval News, 18 février 2022 (https://www.navalnews.com/naval-news/2022/02/future-cruise-and-anti-ship-weapon-fc-asw-program-reaches-new-milestone/).
(53) Treaty between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the French Republic for Defence and Security Co-operation, op. cit., art. 1.4.
(54) Lord Ricketts Peter, « National Security Relations with France after Brexit », RUSI, 15 janvier 2018 (https://rusi.org/).
(55) Lancaster House Treaty between the United Kingdom and the French Republic for Defence and Security Cooperation, 2 novembre 2010 (https://assets.publishing.service.gov.uk/).