L’arrivée de systèmes autonomes dans le combat aéroterrestre est déjà une réalité, en particulier s’agissant des facteurs de supériorité opérationnelle de la compréhension ou de la foudroyance. Au fur et à mesure des progrès technologiques, la rupture sera encore plus nette et pourra s’observer par la concrétisation ou le renforcement d’autres facteurs comme la masse, l’endurance, mais aussi la performance du commandement et l’agilité. Ces avancées dépendent cependant de la relève de défis non négligeables dans la technique, les applications de l’intelligence artificielle (IA), ou la confrontation avec des Systèmes d’armes létaux autonomes (Sala). L’armée de Terre doit s’engager résolument dans cette nouvelle transformation.
La guerre des clones aura-t-elle lieu ? Les systèmes autonomes dans le milieu aéroterrestre
Dans Chocs futurs, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) annonce qu’à l’horizon 2030, « les robots et systèmes autonomes seront devenus des acteurs ordinaires dans les domaines des opérations militaires. Téléopérés ou entièrement autonomes, ils agiront dans des champs d’affrontement physiques et le cyberespace. Toutes les configurations sont possibles : seuls, en groupes homogènes ou au sein d’unités mixtes humains-robots. […] Certains pays (États-Unis, Chine…) nourrissent de grandes ambitions en matière de développement puis d’acquisition de systèmes autonomes. Les avancées observées en matière d’intelligence artificielle [IA] crédibilisent des velléités (1). »
Le développement de systèmes autonomes (SA) dans le milieu aéroterrestre est d’abord une nouvelle manière d’augmenter la capacité opérationnelle. Le Comité d’éthique de la Défense identifie cinq avantages de systèmes d’armes intégrant de l’autonomie – les 5P : performance, précision, pertinence, protection et permanence (2) – mais cette lecture « capacitaire » nous semble insuffisante. L’emploi des SA dans le milieu aéroterrestre apporte les moyens d’une rupture opérationnelle nouvelle, en contribuant à la réalisation des facteurs de supériorité opérationnelle définis dans le Concept interarmées de l’emploi des forces (3), dans la continuité des travaux doctrinaux réalisés dans l’armée de Terre (4).
Nous nous attacherons donc à observer que plusieurs facteurs de supériorité profitent déjà de l’apport de SA et que d’autres facteurs en seront pleinement bénéficiaires à l’horizon 2040. De plus, de nombreux défis ne manqueront pas d’animer les forces terrestres pour réussir pleinement cette transformation majeure. Le Concept exploratoire interarmées de juillet 2018 portant sur « l’emploi de l’IA et des systèmes automatisés (5) » distingue les SA entre trois catégories : supervisés, semi-autonomes et pleinement autonomes. Nous reprenons dans notre étude cette classification, en soulignant que la démarche capacitaire s’attache logiquement à progresser dans l’acquisition de l’autonomie, au gré des progrès en IA, en partant de la supervision pour tendre vers des systèmes pleinement autonomes.
La rupture des systèmes autonomes dans le milieu aéroterrestre a déjà commencé
Cette rupture est déjà une réalité dans les opérations aéroterrestres de la part d’acteurs militaires variés, des plus puissants aux plus inattendus parce que modestes. Sans chercher à être exhaustif, elle se concrétise au moins sur deux facteurs de supériorité.
La compréhension (6)
Ce facteur est le premier à avoir été transformé en profondeur par l’apport des robots supervisés, à travers l’emploi des drones aériens de surveillance, et avant que ces derniers ne participent à une boucle de ciblage. Profitant de l’avantage essentiel de la permanence sur une zone, les drones de surveillance ont bouleversé les capacités de recueil du renseignement, offrant la possibilité de saisir dans la durée et en temps réel une situation tactique au sol tout en s’affranchissant des masques du terrain, de suivre en discrétion des cibles, de reconstituer des modèles de comportement, in fine d’accélérer le cycle du renseignement – orienter, recueillir, analyser, diffuser.
Dans le contexte particulier de la Global War on Terror, après le 11 septembre 2001, l’Amérique impose le drone Male (Moyenne altitude longue endurance) comme le capteur essentiel pour localiser et identifier des groupes terroristes, et parmi eux les fameuses High Value Targets (HVT), en croisant des champs larges électromagnétiques et des champs étroits image. En 2008, l’armée américaine battait les records d’emploi de drones à la frontière pakistano-afghane, avec 128 opérations de surveillance dans cette seule année, pour déceler, identifier puis éventuellement frapper des HVT, conformément à la doctrine en vogue à l’époque de la guerre à distance, tout en s’affranchissant de la souveraineté des États (7). Aujourd’hui les retours d’expérience français font apparaître un besoin de plusieurs centaines d’heures de surveillance Male pour les phases finales d’un processus de ciblage (localisation et action) contre des groupes terroristes dans le Sahel, sans compter les heures nécessaires auparavant pour traquer et déceler un objectif. Il n’y a plus d’opérations antiterroristes sans ce système téléopéré.
Dans les forces russes, le développement de SA a été fortement encouragé par le besoin de surveillance des frontières. L’enjeu est fort, au regard des dimensions excessives des zones à couvrir (plus de 20 600 km de frontières à surveiller), d’une ressource humaine contrainte et de conditions climatiques extrêmes. La mise au point de plateformes non habitées pour évoluer dans les zones hostiles arctiques, sur terre et sur mer, constitue d’ailleurs un défi technique non négligeable et une spécificité russe (8), dynamisant recherche et développement (R&D). L’armée russe se serait dotée de plus de 1 000 drones tactiques Orlan 10 depuis 2010, dans un rôle de surveillance et de reconnaissance aérienne. Ces drones agissent en trinôme, l’un dédié au renseignement d’origine image à basse altitude (1 000 m), le second au brouillage des GPS (Géo-positionnement par satellite) et des GSM, le dernier à plus haute altitude (5 000 m) dédié aux transmissions (9). La Russie cherche aussi à rattraper son retard dans le secteur des drones de niveaux opératif et stratégique, et devrait l’avoir comblé à l’horizon 2030.
La situation en France est beaucoup plus contrastée. Si les bénéfices attendus de SA au profit de la compréhension du champ de bataille sont parfaitement identifiés et expérimentés dans les forces spéciales, le développement capacitaire et l’équipement des forces terrestres sont à la traîne. L’armée de Terre a l’ambition de disposer d’ici 10 ans de près de 3 000 drones, depuis les microdrones des sections jusqu’au drone Patroller, à un niveau divisionnaire. Cet équipement ne manquera pas d’accroître sensiblement les capacités de compréhension des différents niveaux de la force terrestre, mais il nécessitera une rénovation profonde de la gestion du cycle du renseignement et une accoutumance des niveaux de commandement. Il obligera à « démocratiser » l’emploi de systèmes aujourd’hui réservés en petit nombre à des niveaux opératif ou stratégique, avec comme corollaire un renforcement des capacités de gestion de la 3e dimension.
La foudroyance (10)
Au facteur de supériorité opérationnelle de la compréhension s’ajoute celui de la foudroyance, lui aussi bousculé par les systèmes autonomes. Ce facteur est connu dans les armées occidentales, au moins depuis la première guerre du Golfe en 1991, grâce à l’emploi d’une arme aérienne capable de paralyser en peu de temps les centres nerveux d’un ennemi pourtant bien équipé. Cependant, des conflits récents, faisant interagir des armées moins avancées technologiquement, indiquent que ce facteur de supériorité opérationnel est désormais repris et transformé, grâce à un usage très important de systèmes supervisés – drones de taille moyenne – couplés à une artillerie nombreuse. Les drones deviennent des systèmes d’attaque à part entière et non plus seulement des capteurs de renseignement pour alimenter le facteur de la compréhension. Ils parviennent à surprendre leurs adversaires et atteindre les éléments sensibles de leurs forces déployées.
La bataille de la poche d’Idlib (Syrie) constitue sans doute le premier exemple frappant de cette rupture, d’où l’appellation dans la presse de « première bataille de drones de l’histoire militaire ». De fin février à début mars 2020, en riposte à des frappes aériennes tuant une trentaine de ses soldats dans cette région contestée, l’armée turque déclenche l’opération Bouclier de printemps. Elle engage uniquement une composante aérienne, forte d’avions de chasse et de drones Bayraktar TB2 (11), appuyée par des capacités de brouillage pour leurrer les radars syriens et russes, et obtient des résultats tellement significatifs en peu de jours que l’offensive russo-syrienne contre la poche est stoppée. Les bilans revendiqués par l’armée turque sont sans doute exagérés mais traduisent sans équivoque les effets radicaux obtenus en peu de temps sur le terrain par des systèmes supervisés, face à un ennemi blindé mécanisé peu préparé à gérer cette nouvelle menace : 103 véhicules blindés, 72 lance-roquettes et obusiers, 8 hélicoptères, 1 drone et 3 systèmes de défense antiaérienne sont détruits (12).
Quelques mois plus tard, une seconde « guerre des drones » se déroule dans le Haut-Karabagh. De septembre à novembre 2020, cette réplique apporte une illustration complémentaire (mais logique, puisque les forces turques sont en appui de celles de l’Azerbaïdjan, par un transfert de doctrine et de matériels) de cette nouvelle version de la foudroyance. Les drones azéris forment avec l’artillerie un couple létal efficace de jour comme de nuit, produisant des effets de « nettoyage de zone » dans la durée et dans la profondeur, par des frappes variées et précises. L’emploi de drones suicides s’ajoute à ce couple, en particulier pour attaquer des systèmes à haute valeur tactique, comme des pièces de défense sol-air (supprimée en partie) ou des forces blindées, profitant d’une signature radar faible leur garantissant une forte capacité de pénétration (13). « La menace du ciel est donc omnisciente, difficilement perceptible, et instaurant un climat de peur permanent (14). » Sans doute cette guerre a révélé l’impact psychologique puissant de cette nouvelle forme de combat à base de drones et de ses déclinaisons dans le champ de la lutte informationnelle : « des drones ISR [Renseignement, surveillance et reconnaissance] et des drones suicides sont utilisés de manière indifférenciée, ce qui crée un climat de terreur au sein des populations et des forces militaires, dans l’impossibilité de savoir si le survol d’un drone induit une frappe (15). » L’effet de sidération propre à la foudroyance est atteint.
De tels exemples, récents, réalisés par des armées aux capacités techniques moyennes, produisant des résultats significatifs sur le terrain, nous invitent à avoir un regard critique sur nos propres modèles de force pour ne pas ignorer ces ruptures majeures dans la conduite des opérations aéroterrestres.
Perspectives robotiques à l’horizon 2040
Au rythme des progrès technologiques, mais aussi des ambitions des grands acteurs militaires, de nouveaux développements capacitaires de SA sont envisageables à moyen terme. Ils contribueront à la réalisation de nouveaux facteurs de supériorité opérationnelle, et ce faisant, porteront une transformation en profondeur de l’organisation, de l’entraînement et très certainement de la performance des forces.
La masse (16)
Ce facteur est souvent compris seulement pour son rapport au nombre. En fait, il vaut surtout pour l’établissement d’un rapport de force favorable, dans un cadre espace-temps défini. Il implique donc, outre la quantité, de faire converger les notions de durée et de qualité pour dominer l’adversaire. Il pourrait trouver une véritable déclinaison capacitaire à moyen terme, d’abord dans la basse couche grâce aux essaims de drones.
Les essaims de drones sont des ensembles de systèmes relativement homogènes, inhabités et collaboratifs, qui utilisent une intelligence collective pour engendrer une capacité d’adaptation très forte, voire de subsidiarité vers le moindre système : « ces systèmes modifient en autonomie leur comportement en communiquant les uns avec les autres (17). » Quelles que soient les pertes, l’essaim serait à même de se réorganiser pour continuer à prononcer un effort tactique, et ainsi déborder la force opposée en entretenant ou en créant localement un rapport de force toujours favorable. « La submersion des forces adverses s’obtient par une combinaison de la masse et de la manœuvre décentralisée, couplée à une force de frappe venant de plusieurs directions (18). »
Les perspectives tactiques sont larges et obligent à repenser la manœuvre de la force au sol dans sa coordination avec les essaims, avec de nouvelles caractéristiques pour les opérations dans la profondeur (19). La Russie travaille au développement de robots de combat terrestre Nerekhta, sur la base d’un véhicule de combat chenillé, qui se coupleraient à un essaim de drones aériens, transmettant des données sur de grandes distances et multipliant les effets (reconnaissance, ciblage, neutralisation par des tirs directs ou par drones suicides). Les forces russes envisagent aussi de disposer avec le drone Grom d’un système leader donnant des ordres à un essaim de drones kamikazes, relié à d’autres aéronefs pour une éventuelle reconfiguration des cibles (20). Si l’emploi des essaims se destine à des fonctions de renseignement (réseau de capteurs optiques, sismiques, sonores) et de feu, il peut aussi contribuer à l’équipement du terrain, dans des fonctions de contre-mobilité (interdiction de zone), de relais de transmissions ou de guerre électronique (21). La Chine, de son côté, envisage l’usage de drones en essaim pour saturer les défenses aériennes et faciliter la pénétration de ses propres forces.
La version terrestre des essaims – les meutes – sera sans doute plus lente à développer du fait des défis de la connectivité au sol, dans un environnement marqué par son hétérogénéité. Cependant le même principe de recherche d’un rapport de force favorable dans un cadre espace-temps défini s’applique, avec des SA comme multiplicateurs de force. L’US Army vise ainsi le développement de trois familles de robots – les Robotic Combat Vehicules (RCV) de classe 10, 20 et 30 tonnes – pour jouer un rôle d’ailiers auprès de plateformes habitées, avec des capacités de feu de plus en plus élaborées selon la classe, et apporter par le nombre une couverture du champ de bataille facilitant la guerre en réseau. Ces RCV seraient intégrés dans des unités entièrement mixtes, où la part des combattants humains sera réduite et limitée à des rôles de commandement et de contrôle, avec un rapport d’une plateforme habitée pour six SA, mélangeant les classes de RCV dans une même petite unité tactique (22). Au stade encore de conception, le programme européen MGCS (Système principal de combat terrestre) se rapproche de cette vision d’unités mixtes, mélangeant des plateformes aux vocations diverses (canon de gros calibre, missile, capteurs aériens déportés) (23).
Quel que soit le milieu – la basse couche ou le sol – la masse pourrait résulter du mélange de plateformes habitées aux capacités technologiques très développées, mais aussi de plateformes non habitées aux fonctions beaucoup plus basiques et faciles à produire en grand nombre. Ainsi, le RCV-light (classe 10 tonnes) serait destiné à la reconnaissance, la guerre électronique, la désignation de cible. Faiblement protégé et de conception simple, il serait d’emblée considéré comme « consommable ».
L’endurance (24)
Historiquement les robots ont pour vocation de soulager l’homme des tâches répétitives, fastidieuses, dangereuses et difficiles (25). Le lien avec le facteur de supériorité opérationnelle de l’endurance apparaît naturellement. Trois domaines sont plus particulièrement susceptibles d’en profiter.
La première déclinaison, transverse, touche à la sûreté des forces, lors des phases de stationnements par nature statiques et donc dangereuses. On imagine aisément les gains en termes d’économie des forces, de récupération physiologique de ses combattants, de neutralisation des menaces et de préservation de la liberté d’action si ces phases de stationnement sont protégées par des systèmes autonomes.
Ensuite, face à la multiplication des attaques par explosifs improvisés (Improvised Explosive Devices ou IED) (26) largement répandus ces dernières années, l’engagement de SA spécialisés contribue à rétablir ou conserver l’indispensable mobilité des forces, tant dans les zones de contact que dans les zones arrière ou contestées. Cet usage n’est pas nouveau, les équipes spécialisées de lutte contre les explosifs utilisant depuis longtemps des systèmes supervisés. La Russie a beaucoup investi dans les robots de déminage, considérant ce domaine comme le plus à même de sauvegarder utilement une force évoluant dans une zone dangereuse et de contribuer à son endurance. Le robot Uran 6, à chenilles, est dédié au déminage de zones urbaines, montagneuses ou désertiques. Il effectuerait à temps égal le travail de 20 sapeurs, et aurait fait ses preuves en Syrie (27).
Enfin, la perspective de systèmes logistiques autonomes transformerait en profondeur la manœuvre des forces terrestres. Il s’agirait non seulement de confier à des SA la fonction de ravitaillement, d’évacuation sanitaire, de maintenance prédictive, mais aussi la gestion en temps réel des stocks de chaque plateforme de combat (énergie, munitions, vivres) en vue de soutenir les forces en continu et sans rupture du tempo opérationnel. Une chaîne de SA aériens ou terrestres se relaierait depuis la base logistique divisionnaire jusqu’aux trains de combat en premier échelon (28). Les briques technologiques nécessaires pour accroître l’autonomie dans les domaines de la navigation (de point en point), de la cartographie, de l’évitement d’obstacle sont en cours de développement, permettant d’envisager raisonnablement de tels systèmes à moyen terme. À titre d’exemple, la Chine cherche à robotiser des plateformes anciennes comme le véhicule (chenillé) de transport de troupes (VTT) Type 63 en version évacuation sanitaire.
Conditions de réussite de la robotique terrestre
Les perspectives ainsi dressées sont séduisantes. Elles permettent d’esquisser des évolutions profondes dans la manière de conduire les opérations au sol et près du sol. Cependant, elles ne peuvent se concrétiser qu’au prix de réponses sérieuses à une série de défis, autour de la technique, de la relation entre le commandement et l’IA, du combat couplé et de la lutte contre les Systèmes d’armes létales autonomes (Sala).
La technique
Sans surprise, la technique est la première condition de réussite de la rupture portée par les SA. Dans un milieu aéroterrestre connu pour son hétérogénéité, à la grande différence des deux autres milieux traditionnels marins et aériens, tout système en réseau se heurte inévitablement à la difficulté des liaisons : « pour répondre pleinement aux attentes opérationnelles, de multiples verrous technologiques restent à surmonter, notamment parce que le milieu terrestre cumule un très grand nombre de difficultés pour la robotique semi-autonome du fait de l’extrême diversité de l’environnement, de scènes parfois changeantes et très dynamiques, et de zones compartimentées par des obstacles naturels ou artificiels. Ces caractéristiques impactent notablement les capacités de mobilité, de communication, de réception des signaux [GNSS, Géolocalisation et navigation par un système de satellites] ou encore de traitement d’images (29). » Les expérimentations russes sur les plateformes autonomes Uran 9 en Syrie montrent bien la difficulté de développer de telles capacités terrestres, quand bien même la Russie affirme pouvoir déployer en service opérationnel ces drones terrestres dès 2022 (30).
Ainsi l’intégration des systèmes, entre des systèmes habités – but du combat collaboratif de Scorpion (31) – mais surtout entre des systèmes différents, vecteurs habités et non habités, est un véritable point critique. Cette intégration ou connectivité demande une architecture inter-systèmes robuste pour protéger les échanges dans un environnement électromagnétique contesté, mais aussi une frugalité numérique dans un environnement de réseaux saturés ou en passe de l’être (32). Le combat collaboratif porté par Scorpion est une première brique déterminante dans la compréhension et le perfectionnement de cette connectivité. Le déploiement opérationnel du système d’information et de commandement du programme Scorpion – le SICS – révèle déjà les atouts de l’action terrestre collaborative et confirme l’accélération du rythme de la manœuvre (33), grâce à une situation tactique de référence partagée par toutes les plateformes connectées, elles-mêmes localisées en permanence dans l’espace. L’autonomie et la précision des subordonnés sont accrues, leurs initiatives encouragées, les chefs du niveau groupement et sous-groupement recentrés sur un rôle de contrôle plutôt que de conduite.
Surtout, SICS est une étape vers l’intégration de nouvelles plateformes autonomes, préfigurant ce que demain pourrait être un « cloud tactique », avec un débit nettement supérieur et des fonctions augmentées, reliant des plateformes habitées et non-habitées. Dans ce maillage du futur, les services seraient distribués entre des bulles de haut débit, des antennes relais au sol ou en vol, des capacités de stockage des données. Le combat aussi reprendrait ce principe de distribution, en permettant d’attribuer des objectifs aux plateformes non plus seulement en fonction de leurs capacités de détection et d’acquisition, mais de leurs positions avantageuses pour les traiter ou d’un choix tactique pour tromper l’ennemi. La plateforme qui détecte un objectif ne sera plus systématiquement celle qui l’engage.
Cette technique ouvre donc des perspectives alléchantes mais ne pourra s’exprimer pleinement que si elle sait rester suffisamment sobre dans ses spécifications et ainsi répondre aux exigences de la masse, mais aussi à celles de la performance du commandement.
Intelligence artificielle et performance du commandement (34)
Certes, le développement de l’IA génère des écueils potentiellement délétères. Parce qu’existe la possibilité de traitement des données à des vitesses inenvisageables pour l’homme, le recours à l’apprentissage autonome semble inéluctable. La machine déciderait seule de la validité de son traitement des données, et l’homme ne pourrait ni superviser ni valider les résultats. « L’apprentissage autonome est fondamentalement dangereux, car il n’y a que l’homme pour s’assurer, conceptuellement, que le domaine d’apprentissage n’est pas biaisé et que les résultats de l’apprentissage sont solides (35). » Ce danger de systèmes autonomes apprenants, débouchant sur des comportements non désirés car en dehors d’un cadre d’emploi voulu, est parfaitement identifié par le comité d’éthique de la défense. Pour que le contrôle de la force demeure – préoccupation majeure pour un chef militaire – les systèmes autonomes doivent pouvoir disposer de capacités d’apprentissage à l’intérieur de limites strictes.
Une fois ces limites posées, l’IA constitue indéniablement un saut dans la capacité de traitement de l’information. L’US Army ne s’y trompe pas en choisissant ce domaine comme l’un des piliers clés de son plan stratégique Convergence (36) : « La data collectée par les milliers de capteurs doit être marquée de façon adaptée pour être disponible à qui en a besoin. L’intelligence artificielle et la capacité d’apprentissage machine doivent accroître vitesse comme précision et apporter des possibilités d’optimisation des effecteurs. Le Cloud (extension de la profondeur opérationnelle grâce à la facilité de stockage et d’accès à la donnée) doit disposer de standards et de protocoles adaptés pour cela. Cela inclut le transport, en particulier par les satellites d’orbites basses, apportant redondance, résilience et vitesse (37). »
Dans ces circonstances, le style de commandement est nécessairement impacté. Non seulement les outils informatiques d’aujourd’hui ne sont déjà plus adaptés à la masse exponentielle des données, mais leur emploi a besoin d’être entièrement repensé. Nous devons adapter notre style de commandement.
D’abord, l’accélération du traitement des données par l’IA permet d’espérer un renouveau profond du management de l’information, dont nous soulignons à quel point il est d’abord une expression du commandement. Il ne s’agit pas de partager tout avec tout le monde, mais plutôt de demander à l’IA de requêter les informations jugées critiques dans un temps donné, sur une base alimentée en permanence, pour en faire profiter l’ensemble d’une organisation, et ainsi favoriser l’établissement d’une appréciation de situation précise, partagée et actualisée. L’IA décharge le chef et ses subordonnés des tâches répétitives, et les recentre sur des tâches nobles, permet de profiter d’alertes sur des comportements inhabituels d’un objet surveillé, met en perspective les données recueillies sur le champ de bataille ou dans des domaines organiques. Le général américain Stanley McChrystal brosse le début de cette évolution du management de l’information dans son ouvrage Team of Teams (38). En 2003, pour changer la performance globale de sa force face à une menace terroriste en Irak, il repense l’organisation de son état-major dans une recherche presque obsessionnelle du partage d’une information sélectionnée et raffinée, sur le théâtre entre tous les acteurs des différents niveaux tactiques, mais aussi en dehors du théâtre avec des acteurs concourants. Ce décloisonnement de l’information, accompagnée d’une grande décentralisation dans l’attribution des responsabilités et des initiatives, gage de requêtes précises pour obtenir à temps les informations utiles, devient le moteur du succès et une méthode de la réussite enseignée aujourd’hui aux États-Unis.
Ensuite, et même si l’incertitude n’est jamais vraiment effacée, l’IA renforce l’aptitude du chef à prendre une décision plus vite sur la base d’éléments plus rationnels, mais aussi plus élaborés (historique des comportements, aspects significatifs d’un problème). L’IA peut élaborer des plans de manœuvre (à l’aide de simulations dont on trouve les appellations les plus variées, War Games, Serious Games ou encore Decision Games) en analysant la confrontation de plusieurs modes d’actions amis et ennemis, en vue de mesurer les conséquences tactiques des options envisagées, selon des rapports de force finement programmés. Elle n’ôte en aucune manière au chef sa capacité à apprécier une situation et in fine de décider (39).
C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre le principe directeur d’emploi des SA dans l’armée de Terre : « autant de systèmes autonomes que possible, autant d’humains que nécessaire », en détournant la règle des 4I pour décider ce qui est automatisable ou pas (les robots sont inexistants, inadaptés, insuffisants, indisponibles). Sans doute les esprits et les hommes auraient des difficultés à admettre ces changements profonds, et le commandement devrait aussi s’emparer de cette transformation pour en garantir la pleine réalisation.
Combat couplé, confiance et agilité (40)
L’apparition d’unités mixtes hommes-machines change en profondeur la manière de combattre. Ce « combat couplé », à la manière du combat mené par des forces de différents standards opérationnels, oblige à réfléchir à cette relation particulière homme-machine, et ce faisant à répondre aux besoins du facteur de supériorité opérationnelle de l’agilité, en respectant un principe clé de confiance.
Outre que le ratio entre plateformes habitées et plateformes autonomes sera sans doute variable au gré des fonctions opérationnelles, de l’autonomie accordée et des capacités humaines, l’intégration par l’opérateur humain de la nature mixte de son unité ne se fera pas d’elle-même. Cette évolution en profondeur des organisations des unités de combat demande un accompagnement doctrinal à la hauteur de l’enjeu. Deux dérives semblent déjà perceptibles. D’un côté, un chef d’unité mixte homme-machine pourrait ressentir une forme de désinhibition dans l’usage de la force, avec à la clé des effets cinétiques disproportionnés par rapport aux besoins de la mission. Le caractère « consommable » de machines, si tant est qu’il se vérifie, pourrait inciter à la déraison voire à la folie guerrière. D’un autre côté, une unité mixte pourrait se révéler être paradoxalement délicate à manœuvrer. La tendance naturelle à n’engager que les plateformes non habitées pourrait dans certains cas ralentir une action, ne pas permettre de saisir toutes les opportunités, bref donner un pli robotique exclusif qui ne conviendrait pas à toutes les situations rencontrées. Une formation tactique et morale adéquate apparaît donc nécessaire, de même qu’une réflexion sur la discipline au combat de telles unités mixtes, pour que la maîtrise de la force demeure (41). Surtout et dans tous les cas, l’arrivée de SA ne doit pas effacer les enseignements de la guerre au cœur des populations, difficilement et imparfaitement redécouverts ces trente dernières années. La place de l’homme dans le combat couplé nécessite d’être bien réfléchie.
En conséquence, la charge cognitive du combattant dans des unités mixtes retient l’attention. « […] le but de l’association homme-machine n’est pas uniquement de faire travailler des humains et des machines ensemble, mais également de faire collaborer un très grand nombre de machines entre elles, pour que la charge cognitive des humains demeure compatible avec la conduite du combat à un tempo élevé (42). » L’opérateur humain doit pouvoir développer une relation de confiance avec les vecteurs subordonnés non habités dont il a la charge, pour exploiter pleinement leurs capacités dans l’engagement, sans que cette relation ne devienne un élément supplémentaire de la friction du champ de bataille. « La confiance est instaurée par la performance et la régularité d’exécution de la tâche donnée, la compréhension mécanique (plus nous comprenons le fonctionnement d’un système, plus nous avons tendance à être à l’aise avec lui), la prévisibilité (anticiper le comportement d’un système augmente la confiance dans son utilisation) et la familiarité (plus un système est utilisé efficacement plus la confiance augmente) (43). » Une analogie, utile pour illustrer une robotique arrivée à maturité, est possible avec la relation maître–animal de compagnie (44). Le maître connaît son animal et sait ce qu’il peut attendre de lui en termes de performances, car il maîtrise son dressage. L’animal de compagnie en retour connaît les habitudes de son maître et peut même les devancer. Une intégration réussie de plateformes non habitées devrait copier la nature même de cette relation maître-animal et soulager ainsi d’autant la charge cognitive du chef humain. Cette confiance pourrait, à plus long terme, être renforcée par le principe des « initiatives mixtes », où homme et robot coopèrent dans l’élaboration de solutions (45).
Combattre des Sala
Comme l’indique un récent rapport parlementaire, les systèmes d’armes létaux autonomes alimentent bien des fantasmes (46). En vérité, de tels systèmes, totalement autonomes dans leur décision de l’emploi de la force, sont très peu probables car aucun chef militaire ne trouverait un intérêt à voir ses capacités de combat lui échapper, voire se retourner contre lui. Par ailleurs, de nombreux motifs éthiques en freinent le développement dans le monde occidental : un Sala ne saurait être capable d’intégrer totalement la complexité du droit international humanitaire et de ses principes – distinction, humanité, discrimination, proportionnalité, interdiction de maux superflus. Enfin, la guerre demeure un affrontement des volontés humaines : « Ce serait nier la nature même de la guerre que de vouloir également la déshumaniser, en refusant d’opposer des poitrines humaines à des poitrines androïdes. Si les visages de la guerre changent souvent, sa nature intrinsèque demeure, caractérisée par la place centrale de l’homme et l’affrontement des volontés (47). »
Pour autant, des Sala apparaissent envisageables et même souhaitables pour nombre de grands compétiteurs. La capacité d’apprentissage pour s’adapter à des situations non prévues, la vitesse et la précision de réaction apportent une supériorité d’un nouveau genre par rapport aux systèmes supervisés ou semi-autonomes. Même si la France a décidé de ne pas développer ces systèmes, elle ne pourra pas faire l’impasse de parades adéquates, suffisamment élaborées pour contrer les performances des Sala. Bref, pour lutter contre des Sala, il faudra au moins des Systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie (Salia) (48) : « il conviendra d’adapter la doctrine d’emploi des systèmes existants pour pouvoir contrer des attaques “hyper-rapides”, mais également adapter nos capacités, à ce stade insuffisantes tant en nombre que d’un point de vue technologique, pour endiguer des attaques saturantes (49). »
Ce besoin s’exprimera très vite dans la basse couche, où l’armée de Terre doit retrouver des capacités de défense et d’agression. Il faut une refonte de la doctrine de défense sol-air, les apports actuels étant trop dispersés (divisés entre lutte anti-drone, lutte antiaérienne toutes armes, défense surface-air) et n’intégrant pas les ruptures que nous avons soulignées s’agissant de la foudroyance. Il faut des armes de contre-saturation – de type Minigun à très haute cadence de tir, brouilleurs électromagnétiques (50) et armes laser (51), déjà opérationnelles ou en voie de l’être – pour organiser une défense dans la profondeur, seule à même de traiter efficacement la masse d’objets ennemis (52). Les problématiques de détection, d’identification, de ciblage et de suivi face à un grand nombre d’objets volants, sans oublier la capacité de discrimination (53) seront au cœur des défis à relever. L’ajout d’une forme d’autonomie décisionnelle pour ces systèmes anti-saturation semble tout aussi indispensable, pour traiter dans le temps très court et dans l’environnement aéroterrestre complexe une grande quantité d’objets.
La littérature américaine, en imaginant une confrontation avec la Chine (54), se fait à la fois l’écho d’une nécessité de ces nouvelles armes pour contrer la masse dans la troisième dimension, et l’avocat de leur efficacité : les scènes finales de combats aéronavals entre les flottes américaines et chinoises s’appuient sur des technologies matures dans le milieu maritime, dont la transposition au milieu terrestre ne devrait pas tarder. À la lumière des engagements récents que nous avons évoqués précédemment, la pertinence du maintien d’une composante blindée de décision ne peut s’entendre qu’avec une défense sol-air d’accompagnement, justement proportionnée pour la couvrir efficacement, pleinement capable de traiter ces menaces Sala dans la basse couche.
Enfin, dans cette confrontation « inhumaine » avec des Sala, dont on perçoit la violence accrue, le combattant devra apprendre à maîtriser une nouvelle forme de peur. L’effroi imaginable caractéristique de ce type d’affrontement (55) justifie pleinement tous les efforts pour renforcer l’esprit guerrier et en particulier la force morale. Il demande aussi de renouveler le Code du soldat pour l’adapter à ces ruptures éthiques en préparation (56).
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Au terme de cette étude, le nombre de facteurs de supériorité opérationnelle modifiés par les systèmes autonomes (au moins six sur les neuf décrits dans le CIA 01) indique clairement l’ampleur de la transformation en cours, certes dans des délais variables. Certains facteurs profitent déjà pleinement des apports des SA, d’autres en recueilleront les avantages d’ici peu. Et il n’est pas dit qu’au gré de nouvelles avancées technologiques, d’autres facteurs de supériorité comme l’influence ne profitent pas à leur tour des apports de ces systèmes autonomes.
L’armée de Terre ne se trompe pas en incluant dans le programme Titan (57) une volonté de mise en cohérence du renouvellement des capacités de décision avec l’arrivée de la robotique. En fait, elle ne peut que s’emparer vigoureusement des défis que nous avons rappelés, tant ils mettent en jeu son aptitude à s’engager dans les confrontations qui viennent. Surtout, elle pourra le faire, convaincue que ses traditions, son esprit de corps et sa cohésion humaine ne sont pas remis en cause. Au contraire, il lui appartiendra de renouveler une nouvelle fois ses bases, sans en perdre l’esprit et la force. ♦
(1) Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), Chocs futurs, étude prospective à l’horizon 2030 : impacts des transformations et ruptures technologiques sur notre environnement stratégique et de sécurité », 21 avril 2017 (http://www.sgdsn.gouv.fr/rapport_thematique/chocs-futurs/).
(2) Comité d’éthique de la Défense, « Avis sur l’intégration de l’autonomie dans les systèmes d’armes létaux », ministère des Armées, 29 avril 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(3) Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE), CIA 01, Concept d’emploi des forces, 2 décembre 2020 (https://www.cicde.defense.gouv.fr/). Les définitions des facteurs de supériorité opérationnelle qui suivent sont toutes issues de ce document.
(4) État-major de l’armée de Terre, Action terrestre future, septembre 2016 [accès restreint].
(5) CICDE, CEIA 3.0.2_I.A.&SYST-AUT(2018) n° 75/ARM/CICDE/NP du 19 juillet 2018 [accès restreint].
(6) « La compréhension s’entend comme le stade plus abouti suivant ceux de la connaissance et de la maîtrise de l’information ». CIA 01, op. cit., p. 35.
(7) Zeller Tristan (LCL), « Les robots militaires sont là… et maintenant ? », Cahier de la pensée mili-Terre, 21 août 2019 (https://www.penseemiliterre.fr/plugins/cdec/pdf/to_pdf.php?entry=329).
(8) Nadibaidze Anna, « Russian perceptions of military AI, automation and autonomy », Foreign Policy Research Institute, janvier 2022 (https://www.fpri.org/wp-content/uploads/2022/01/012622-russia-ai-.pdf). Le robot semi-autonome permet de surmonter les difficultés climatiques extrêmes trop dangereuses pour l’homme.
(9) Centre du renseignement Terre, « État des lieux de la dronisation et de la robotisation des compétiteurs des forces terrestres », janvier 2022.
(10) « Aptitude à frapper avec puissance, rapidité et soudaineté pour surprendre et sidérer ». CIA 01, op. cit., p. 36.
(11) Drone de combat Male d’une envergure de 12 m et d’un poids de 650 kg.
(12) « Turquie : Ankara annonce l’opération “bouclier de printemps” sur Idlib », RFI, 1er mars 2020 (https://www.rfi.fr/).
(13) Lubin-Vitoux Tamara et Gojon Céline, « Haut-Karabagh, une massification par les drones », Note de recherche prospective, CDEC, septembre 2021, 6 pages (https://www.c-dec.terre.defense.gouv.fr/).
(14) Ibidem.
(15) Ibid.
(16) « Combinaison du nombre des systèmes et de leurs performances, la masse permet l’établissement local des rapports de forces favorables ». CIA 01, op. cit., p. 37.
(17) Kallenborn Zachary et Bleek Philippe C., « Drones of Mass Destruction: Drone Swarms and the Future of Nuclear, Chemical, and Biological Weapons », War on the Rocks, 14 février 2019 (https://warontherocks.com/).
(18) Guendouz Sarah, « Essaims de drones : quels enjeux pour le combat de haute intensité ? », Note de recherche prospective, CDEC, juillet 2021, 9 pages (https://www.c-dec.terre.defense.gouv.fr/).
(19) Ibidem.
(20) Nabibaidze Anna, op. cit.
(21) École de cavalerie, « La cavalerie blindée en 2040 », 16 mars 2020 [accès restreint].
(22) Wolf Fabrice, « L’US Army précise ses ambitions robotiques dans le champ de bataille », Meta-defense, 10 novembre 2020.
(23) Gain Nathan et Saint-Victor (de) Florent, « MGCS, derrière l’armure, la poursuite d’un système terrestre de combat complet », Forces Operations Blog, 12 juin 2020 (https://www.forcesoperations.com/).
(24) « Facteur permettant de faire preuve de patience et de persévérance, pour garder le cap stratégique vers l’objectif militaire et l’état final recherché. Ceci ne peut s’entendre qu’avec un degré élevé de résilience capacité à encaisser des coups, à régénérer les forces, maintien du moral de la force et de la Nation – et l’aptitude à s’adapter aux évolutions de la situation ». CIA 01, op. cit., p. 36.
(25) État-major de l’armée de Terre, Concept exploratoire robotique, 2021 [accès restreint].
(26) L’attrition par IED de la force des Nations unies au Mali (Minusma) illustre la fragilité d’une force face à cette menace : elle a perdu 93 Casques bleus (dont 8 morts) en 2018 et 49 (dont 5 morts) en 2019. Gros-Verheyde Nicolas, « Combien de morts par IED au Mali ces dernières années », Bruxelles 2, le blog de l’Europe géopolitique, 22 février 2020 (https://www.bruxelles2.eu/2020/02/combien-de-morts-par-ied-au-mali-ces-dernieres-annees/).
(27) Centre du renseignement Terre, op. cit.
(28) Ledez Arnaud (LCL), « Anticipation sur l’emploi des drones militaires », Note de recherche prospective, CDEC, novembre 2021 [accès restreint].
(29) Dufourd-Moretti Delphine, « Quelles perspectives pour la robotique terrestre de défense », La Jaune et la Rouge, juin 2019, p. 34-37 (https://www.lajauneetlarouge.com/. Les combats actuels en Ukraine ne semblent pas révéler l’engagement de telles capacités, preuve supplémentaire de leur absence de maturité.
(30) Nabibaidze Anna, op. cit. Voir aussi Centre du renseignement Terre, op. cit : cette étude revient sur la création de la première unité robotique russe à base de 5 systèmes Uran 9 [véhicule blindé chenillé d’une dizaine de tonnes], l’ouverture d’un centre de formation des opérateurs de ces robots d’appui au combat et l’élargissement de la gamme des robots de protection NRBC (Nucléaire, radiologique, biologique, chimique) et de déminage.
(31) Scorpion (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) vise à renouveler les capacités médianes du combat de contact autour de deux plateformes : le VBMR (Véhicule blindé multirôle) Griffon et l’EBRC (Engin blindé de reconnaissance et de combat) Jaguar. Ce projet cible également l’unique Système d’information du combat Scorpion (SICS) pour la mise en réseau de tous les systèmes produisant un effet tactique sur le terrain. Scorpion intègre également la rénovation du char Leclerc et prend en compte d’emblée (facteur innovant) le système de préparation opérationnelle (simulation) et le soutien. Entretien EMAT, novembre 2021.
(32) Concept exploratoire robotique, op. cit.
(33) Engagement du GTD1-Korrigan (3e Régiment d’infanterie de Marine) dans l’opération Barkhane, octobre 2021-février 2022.
(34) « Érigée comme principe de la guerre chez certains de nos alliés, la performance du commandement représente une aptitude primordiale, préparée en amont de l’action et entretenue pendant. Elle nécessite des qualités cognitives et humaines, capables d’appréhender l’inconfort stratégique et tactique d’un monde en mutation permanente. […] elle exige une direction optimisée des opérations, la plasticité des organisations, l’adaptabilité des outils et la réduction des vulnérabilités de toutes natures pouvant l’affecter. » CIA 01, op. cit., p. 34.
(35) Bezombes Patrick, « Intelligence artificielle et robots militaires », DSI hors-série n° 65, avril-mai 2019 (https://www.areion24.news/2020/01/01/intelligence-artificielle-et-robots-militaires/).
(36) Plan stratégique qui vise à mettre en réseau et optimiser tous ses capteurs et ses effecteurs en vue d’une concentration optimale de ses effets, dans le cadre d’une multi-domain operation.
(37) Mission de défense auprès de l’ambassade de France aux États-Unis, Rapport n° 19, janvier 2022, État-major de l’armée de Terre/Bureau relations internationales (EMAT/BRI) [accès restreint].
(38) McChrystal Stanley, avec Collins Tantum, Silverman David et Fussell Chris, Team of Teams, New Rules of Engagement for a Complex World, Penguin Books, 2015, 304 pages.
(39) Entretien chez Preligens, 27 janvier 2022.
(40) « L’agilité est la capacité permanente à pouvoir aménager l’action, de façon proactive ou réactive, aux éléments qui la façonnent et la remodèlent incessamment : l’adversaire, les partenaires, l’environnement, les technologies mais aussi l’organisation, la doctrine, les capacités, les plans, la culture… » CIA 01, op. cit., p. 35.
(41) Lecointre François, « L’une des vertus fondamentales des armées françaises est la capacité à mettre en œuvre la force de manière maîtrisée », DSI HS n° 19, août-septembre 2021.
(42) Pesqueur Michel, « L’ailier de demain : le partenariat homme-machine dans l’armée de Terre », Laboratoire de recherche sur la défense (LRD), Notes de l’Ifri (Institut français des relations internationales), novembre 2021, p. 14 (www.ifri.org/).
(43) Ibidem.
(44) Interview avec le LCL D. Schuster, EMAT, janvier 2022.
(45) Luzeaux Dominique et Dufourd-Moretti Delphine, « L’autonomie ajustable en robotique militaire terrestre », La Jaune et la Rouge, mai 2010, p. 30-34 (https://www.lajauneetlarouge.com/).
(46) Commission de la défense nationale et des forces armées, Les systèmes d’armes létaux autonomes (Rapport d’information n° 3248), Assemblée nationale, 22 juillet 2020 (https://www.assemblee-nationale.fr/).
(47) Sainte-Claire Deville Arnaud, « Dissuader demain de l’emploi d’armes nouvelles : l’exemple des SALA », Theatrum Belli, 6 décembre 2021 (https://theatrum-belli.com/).
(48) Comité d’éthique de la Défense, op. cit.
(49) Les systèmes d’armes létaux autonomes (Rapport d’information n° 3248), op. cit.
(50) Guillou Baptiste, « MORFIOUS, le drone anti-essaim qui embarque une arme à micro-ondes », Air & Cosmos, 24 mars 2021. Voir aussi les conclusions de Lubin-Vitoux Tamara et Gojon Céline, op. cit.
(51) Lagneau Laurent, « L’arme laser anti-drone française “HELMA-P” a fait des débuts prometteurs », Zone militaire Opex 360.com, 9 novembre 2020 (http://www.opex360.com/).
(52) Les défenses russes aux abords de la base aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié en Syrie, intègrent bien ce besoin de traitement dans la profondeur de la menace drones.
(53) Guendouz Sarah, op. cit.
(54) Singer P.W. et Cole August, La flotte fantôme. Le troisième conflit mondial est déjà là !, Buchet Chastel, 2020, 544 pages.
(55) Le cinéma ne manque pas d’illustrations du pouvoir destructeur de robots sans âme et du choc moral qu’il produit. Voir ainsi l’épisode Metalhead de la série Black Mirror (S4E05), qui met en scène des robots chiens autonomes, programmés pour tuer les êtres vivants dans une zone d’exclusion. Une résistante parvient à semer temporairement son prédateur en épuisant l’autonomie de sa batterie, avant d’être rattrapée. L’épisode traduit le caractère inéluctable de la violence létale portée par un robot, en opposition totale avec la fragilité et la sensibilité humaine.
(56) Voir le Code du soldat et en particulier son article 8 : « Au combat, je n’abandonne ni mon arme, ni mes camarades morts ou blessés. Maître de ma force, j’agis avec humanité et respecte mon ennemi. » (https://www.sengager.fr/).
(57) Le programme Titan prolonge les ambitions du programme Scorpion et prépare le renouvellement des plateformes du segment lourd à l’horizon 2035 (nouveau char, nouveau système d’artillerie et de feu indirect, nouvel hélicoptère d’attaque).