Quand nous sommes malades, notre organisme met en place des mesures pour nous guérir. Celles-ci mettent en jeu le système immunitaire, système de défense de l’organisme contre les micro-organismes. Le stress aigu améliore l’action du système immunitaire et favorise la guérison et la cicatrisation. À l’inverse, le stress chronique affecte le système immunitaire et rend l’organisme plus vulnérable aux agressions, favorise la survenue de maladies et retarde la cicatrisation. D’après des estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), d’ici 2030, les pathologies liées au stress deviendront les troubles de santé les plus débilitants et les plus répandus. Le stress chronique augmente le risque de pathologies cardiovasculaires, neurodégénératives, mentales, auto-immunes et cancéreuses.
Les maladies induites par le stress
Quand l’organisme est blessé ou infecté, il s’adapte pour faire face à cette agression et, dans la mesure du possible, cicatriser et guérir. En 1934, le médecin québécois pionnier dans les études sur le stress Hans Selye a observé que les gens porteurs d’une infection, présentaient un cortège de symptômes non-spécifiques qui leur donnaient « l’air malade » (ils ressentaient le besoin de rester allongé, se sentaient faibles, fatigués, avec une perte d’appétit…). L’observation seule de ces personnes ne permettait pas de statuer sur la cause de cet « air malade ». Selon lui, la réaction du corps donnant « l’air malade » représentait « la réponse non spécifique que donne le corps à toute demande qui lui est faite » (1) (2). Ses observations aboutirent au concept de « syndrome général d’adaptation » (3) ou la réponse non-spécifique de l’organisme à une situation vécue comme adverse. Il appellera ensuite cette réponse initiale du corps à différentes attaques, la « réponse de stress », empruntant le mot de stress à la physique (« Stress and Strain Relation (i) »). Hans Selye a ensuite observé que la réaction de l’organisme pouvait elle-même causer la maladie (somatique, sociologique ou psychologique), au-delà de l’agent toxique ou de la situation sociale à l’origine de cette réaction de stress (4).
D’après des estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), d’ici 2030, les pathologies liées au stress deviendront les troubles de santé les plus débilitants et les plus répandus (5). Il a été montré, par exemple, que les gens qui vivent dans des environnements précaires et dangereux (par exemple, un travail précaire, une relation de couple non heureuse, la pauvreté) ont un risque accru de dépression, de troubles cognitifs, de maladies cardiovasculaires et d’accidents vasculaire-cérébraux (6). Par contre, la façon dont le stress fait le lit de la maladie reste peu clair (7).
Le stress
Le stress est une réponse naturelle et physiologique de l’organisme face aux situations demandeuses ou menaçantes. Il permet à l’organisme de s’adapter et d’augmenter ses chances de survie. Les voies majeures activées par le stress sont le Système nerveux autonome (SNA) et l’axe Hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS). Le SNA répond très rapidement, quelques secondes après l’événement stressant, alors que le HHS est impliqué en cas de réponse plus prolongée. Le SNA participe à la libération de catécholamines (ii) (noradrénaline et adrénaline en particulier) et le HHS à la libération de glucocorticoïdes (iii) (cortisol).
Lors de la survenue d’un événement stressant aigu (stress aigu), se met en place une réaction appelée « réponse de fuite ou de combat » caractérisée par la libération d’effecteurs chimiques (hormones et catécholamines – adrénaline, noradrénaline) qui vont favoriser une adaptation comportementale, adaptation des fonctions cardio-vasculaire, endocrine, métabolique et immunitaire afin de maintenir l’équilibre intérieur de l’organisme.
Pour essayer de comprendre comment le stress peut induire des maladies, il faut d’abord comprendre comment l’organisme se défend contre les maladies de façon générale. Contrairement à ce qui a longtemps été cru, le cerveau et le système immunitaire sont en dialogue permanent (8). Le système immunitaire renseigne le cerveau sur le caractère pathogène ou non des micro-organismes contenus dans le corps. Lors de la confrontation à une intrusion (agent pathogène par exemple), un échange continu entre le système nerveux et le système immunitaire se met en place afin de conserver l’organisme en équilibre et libre de tout organisme infectieux pathologique.
D’après Kipnis, professeur à la Washington University School of Medicine à St-Louis, le système immunitaire serait le septième sens (après la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la proprioception/interoception) qui informerait le cerveau en permanence sur la nature des micro-organismes présents dans le corps. Le cerveau agit en réponse au système immunitaire en provoquant des comportements particuliers. L’étude de ces liens entre le comportement et le système immunitaire fait l’objet d’une discipline relativement récente, la psycho-neuro-immunologie (9). Par exemple, quand les enfants sont malades, leurs comportements changent, les rendant plus enclins à être réconfortés par des câlins, alors que l’effet d’un agent pathogène similaire sur des patients adultes aura tendance à entraîner un comportement de repli sur soi (10). Les altérations psychiques, sans être des intrusions au sens infectieux, peuvent être traduites en modifications immunitaires par l’activation des voies du stress, axe HHS et SNA, et les cellules immunitaires influenceront en retour les circuits neuronaux.
Si le système immunitaire et le cerveau communiquent, et que cette communication peut impliquer les voies du stress, voyons comment ces voies influencent le système immunitaire.
Stress et système immunitaire
Nous allons d’abord rappeler, brièvement, comment le système immunitaire fonctionne : il est fondamental pour la santé et le bien-être de l’humain. En effet, il permet la coordination de la réponse de l’organisme face à une blessure ou une infection qui, si elles ne sont pas prises en charge, pourraient causer des maladies voire la mort (11). Le système immunitaire est composé de deux branches interconnectées : l’Immunité innée (II), ou non-spécifique, et l’Immunité acquise (IA), ou spécifique.
La réponse innée est « la première ligne de défense ». Elle met en jeu les barrières comme la peau ou les membranes muqueuses puis, si ces barrières ne suffisent pas, elle implique des cellules circulantes dans le corps (macrophages, monocytes, neutrophiles). Ces cellules détectent un large éventail de pathogènes et les phagocytent. Se déclenche en parallèle une cascade de signalisation qui va aboutir à la production de cytokines, actrices principales des réponses pro- et anti-inflammatoires (12). Les cytokines appellent à l’action et attirent d’autres cellules immunitaires vers le site infecté. D’autres cellules impliquées dans l’II sont les Natural Killers (NK). Les NK reconnaissent des cellules de l’organisme pathologiques (cellules infectées par un virus ou des cellules cancéreuses) et agissent rapidement (dans les trois jours qui suivent l’infection).
Si l’agent pathogène survit ou échappe aux mesures de l’II, la réponse immunitaire acquise (IA) s’enclenche. Alors que l’II est non-spécifique et ne permet pas une protection sur le long terme de l’organisme, l’IA implique la prolifération de globules blancs spécifiques d’un microbe (les lymphocytes B, ou LB, et T, ou LT). Ils tentent de neutraliser ou d’éliminer les microbes en se basant sur leur mémoire quand ils ont été confrontés à cet agent pathogène, dans le passé. Les LT helper reconnaissent l’intrus, déclenchent l’alerte en produisant des cytokines qui appellent plus de cellules immunitaires en renfort sur le site et activent les LB qui produisent les anticorps. Les anticorps sont des protéines qui vont neutraliser les toxines bactériennes et se lier aux virus, les marquant pour qu’ils soient éliminés et les empêcher d’entrer dans des cellules saines de l’organisme. Les LT cytotoxic reconnaissent les cellules porteuses de l’antigène et les détruisent. Si l’II se met en place très rapidement, l’IA met plusieurs jours à être totalement effective (13).
La quasi-totalité des cellules immunitaires disposent à leur surface de récepteurs pour une ou plusieurs hormones impliquées dans l’axe HHS et l’activité du SNA (14). Ces hormones peuvent agir soit de façon directe en se fixant sur son récepteur à la surface de la cellule, soit de façon indirecte, en jouant sur la régulation de la production de cytokines (9).
On a longtemps pensé que le stress réduisait les capacités immunitaires. En fait, des études récentes montrent que ce discours doit être nuancé et que le stress peut à la fois augmenter les capacités de défenses immunitaires et les diminuer. Il est maintenant admis que le stress aigu stimule une réponse inflammatoire plasmatique et, de façon plus limitée, une réponse inflammatoire que l’on peut mesurer dans la salive (7). La réaction du système immunitaire au stress semble donc dépendre de la durée d’exposition aux stresseurs ou de la réaction individuelle, ou encore de la perception du stresseur par la personne (15).
Dans le cas du stress aigu : l’immunité innée est renforcée (défense de première ligne non spécifique et rapidement activée), mais l’immunité acquise est temporairement réduite (seconde ligne, non spécifique et longue à mettre en place). Une étude a exploré la réponse du système immunitaire lors d’un stress psychologique aigu obtenu par un premier saut en parachute en tandem (16). Des échantillons de sang ont alors été prélevés, avant et après le saut, afin de mesurer les principaux indicateurs de la réponse immunitaire. Des échantillons de salive ont également été demandés toutes les 15 minutes, du matin au soir. D’après les chercheurs, « le stress aigu a un effet sur le système immunitaire, similaire à celui provoqué par une infection aiguë ». En pratique, il semble que le stress aigu accélère la résolution des infections et la guérison des plaies (15). En situation de stress aigu, la réaction inflammatoire qui survient n’est pas exactement la même que la réaction inflammatoire qui se met en place lors d’une infection ou d’une blessure. Dans ces derniers cas, la réaction est locale et de forte intensité.
Dans le cas d’un stress psychique par exemple, la réaction inflammatoire qui va se mettre en place via les échanges entre le système immunitaire et le système nerveux, sera de bas-grade et généralisée à l’ensemble de l’organisme. Comme si celui-ci se tenait « prêt à » (17). Il est important de noter que cette réponse immunitaire co-varie avec un large éventail de caractéristiques individuelles, allant de facteurs biomédicaux à des traits psychosociaux comme l’auto-compassion ou des réponses associées à des émotions comme la colère ou l’anxiété (18). Par exemple, la réponse inflammatoire à un stress aigu était plus importante chez des personnes qui répondaient à une situation stressante par de plus hauts niveaux de colère ou d’anxiété (19) et les réponses de certaines cytokines étaient plus faibles chez des personnes capables de maintenir une attitude positive face à une situation stressante (20).
Dans le cas du stress chronique : les deux types d’immunité (innée et acquise) sont affectés. En compromettant l’ensemble de la réponse immunitaire, le stress chronique peut potentiellement nous rendre malade, en réduisant notre capacité à nous défendre. On comprend bien dès lors, qu’avec une II et une IA réduite, en situation de stress chronique, les virus, bactéries et autres germes rencontreront moins de résistance de l’organisme. En effet, il a été montré que le stress psychologique était associé de manière dose-réponse à un risque accru de maladie infectieuse respiratoire aiguë, et ce risque était attribuable à une augmentation des taux d’infection plutôt qu’à une fréquence accrue des symptômes après l’infection. Les sujets stressés étaient plus souvent contaminés par le virus, mais pas forcément plus symptomatiques (21).
Le stress chronique, en agissant sur l’IA va également impacter la réponse vaccinale. Une situation de stress peut être représentée par une privation même partielle de sommeil. Dans cette situation, la réponse au vaccin contre la grippe était deux fois plus faible que pour les sujets ne présentant pas de privation de sommeil (22). Par contre, la pratique régulière de l’exercice physique (qui semble agir comme un facteur de tolérance au stress (23)) dans un groupe de personnes de plus de 62 ans améliorait la réponse immunologique à la vaccination contre la grippe (24).
Les dérégulations des systèmes neuroendocrines (iv) et immunitaires, lors d’expositions chroniques au stress, sont associées à des troubles psychologiques et physiologiques comme la dépression, l’athérosclérose, l’asthme, des maladies cardio-vasculaires. De plus, l’inflammation chronique et d’autres formes de dérégulations immunitaires augmentent le risque de mort prématurée (25). Le stress chronique, en plus d’accroître le risque d’infection aiguë due à un pathogène externe, augmente la survenue de poussées dans les cas de maladie chronique (neurodermite, polyarthrite rhumatoïde, rectocolite hémorragique…), la résurgence de symptômes caractéristiques des virus latents (par exemple, les boutons de fièvre de l’herpès (26)) et l’aggravation des allergies (27). À l’inverse du stress aigu, le processus de guérison peut être rallongé à cause du stress chronique (par exemple, une blessure se refermera plus lentement).
On peut noter également un effet à l’arrêt de l’exposition au stresseur. On parlera alors de « l’effet contrecoup », celui qui semble nous fragiliser quand les vacances commencent ! Cet effet n’est pas clairement explicité et serait en lien avec une dérégulation de l’activité du système immunitaire en réponse à la chute brutale de taux de glucocorticoïdes circulants (28). Concernant les gens souffrant de migraines, quand on les expose au stress, on observe l’apparition systématique de crises le troisième jour après la diminution du stress. Les symptômes de migraines semblent apparaître au moins six à huit heures après l’arrêt de l’exposition au stresseur (29).
Stress et maladies cardiovasculaires
Malgré les quantités d’études sur l’impact des facteurs de risques classiques sur les maladies cardiovasculaires (tabac, pression artérielle élevée, niveau de cholestérol élevé, diabète…) et les progrès réalisés dans le diagnostic et le traitement de ces maladies, ces pathologies restent la première cause de mortalité et de morbidité, soulignant la nécessité de mettre en évidence d’autres facteurs de risque. De nombreuses études ont relié le stress aux maladies cardiovasculaires, qu’il soit chronique comme le bruit, la contrainte du travail, l’accompagnement d’une personne dépendante, les Troubles de stress post-traumatiques (TSPT), le stress psychologique (dépression, anxiété) ou aigu, secondaire à une expérience traumatisante, terrifiante ou de surprise. Bien que les recommandations américaines n’incluent pas le stress comme facteur de risque pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires, elles recommandent aux adultes exposés au stress psychosocial d’évaluer de façon quotidienne leur niveau d’exposition et si besoin de consulter (30).
Les mécanismes qui relient le stress et le risque thrombotique (thrombose = formation d’un caillot dans un vaisseau ou le cœur, qui bouche le vaisseau) ne sont pas clairement compris. L’exposition de façon chronique à du stress psychosocial augmente le niveau de libération de cortisol circulant. Au niveau cardiovasculaire, cela se traduit par une augmentation de la pression artérielle, une augmentation du tonus vasculaire, une inhibition des processus de réparation tissulaire (cardiaque et des vaisseaux sanguins), une augmentation des niveaux de cholestérol et de triglycérides, une insulino-résistance (prédisposant au diabète de type 2) et une augmentation de la présence de graisse au niveau viscéral et abdominal (31). Ces facteurs sont connus pour être des facteurs de risque cardiovasculaire.
Ces effets de l’excès chronique de cortisol sur le système cardiovasculaire ont été initialement étudiés chez des patients traités de façon chronique par des glucocorticoïdes et des patients souffrant du syndrome de Cushing, c’est-à-dire présentant un excès de cortisol ou hypercortisolisme. Chez ces patients, le risque de mortalité cardiovasculaire est quatre fois supérieur à celui des personnes saines. Les études réalisées sur la mesure du cortisol, de façon prolongée (mesure du cortisol capillaire, dans le cheveu) ont montré que des expositions à des taux élevés de cortisol sur le long terme étaient non seulement à l’origine de pathologies cardiovasculaires, mais aussi modulaient la progression de ces pathologies et les effets des traitements. Il faut noter que le stress chronique est un facteur de risque indépendant d’athérosclérose (32). En effet, en plus de favoriser la survenue des autres facteurs de risques cardiovasculaires, la libération de glucocorticoïdes et de catécholamines va augmenter l’activation plaquettaire, les fonctions endothéliales (endothélium = paroi des vaisseaux) et la coagulation, augmenter la réponse inflammatoire et altérer la fibrinolyse qui sont des éléments clés dans la survenue de la maladie thrombolitique.
Stress et maladies neurologiques
Comme expliqué précédemment, le stress expose au risque de thrombose. La thrombose peut survenir au niveau d’un vaisseau dans le cerveau et cela se manifestera par un Accident vasculaire-cérébral (AVC).
Par ailleurs, des études épidémiologiques à grande échelle ont montré que le stress, que ce soit dans l’enfance (l’isolement social chronique de l’adolescent par exemple) ou plus tard dans la vie, prédisposait au développement de problèmes de santé mentale à l’âge adulte (33). Les hypothèses avancées pour expliquer les voies neurobiologiques qui lieraient les adversités de l’enfance et les maladies mentales de l’adulte impliquent l’axe HHS (production de glucocorticoïdes), les réponses immunologiques anormales et les changements durables au niveau de la plasticité cellulaire, moléculaire et épigénétique. Il a été montré que les expériences de vie stressantes sont associées à un niveau élevé de cytokine pro-inflammatoire dans l’enfance et à un risque élevé de maladie mentale chez l’adulte. Ces élévations de cytokine pourraient induire des modifications au niveau de la microglie corticale (= ensemble de cellules de petite taille dispersées dans le système nerveux central, chargées de le défendre contre les infections et d’en nettoyer les lésions). Des changements au niveau des marqueurs de la microglie ont été mis en évidence dans de nombreux troubles mentaux comme la dépression, l’anxiété, la schizophrénie et les troubles du spectre autistique (33).
Le stress est un des facteurs de risque important de développer des maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer (34). Le stress jouerait un rôle dans l’apparition de la maladie et favoriserait les dommages liés à celle-ci (35). Les patients qui souffrent de maladie d’Alzheimer présente un taux de cortisol 83 % de fois plus élevé dans le liquide céphalorachidien que les sujets sains (36). Les études cliniques montrent que les personnes qui ont une longue histoire de stress ou de trauma ont un risque plus élevé d’atrophie cérébrale, de démence et de maladie d’Alzheimer à long terme (37). Ici encore, le rôle des glucocorticoïdes est pointé du doigt.
Stress, cancers et maladies auto-immunes
Des études réalisées chez des souris ont montré que la susceptibilité aux maladies auto-immunes était modulée par l’activité du système de stress et que les médiateurs du stress pouvaient exercer des effets à la fois pro- et anti-inflammatoires (38). Bien qu’on ait longtemps pensé que le stress orientait l’activité du système inflammatoire vers une réponse anti-inflammatoire via la sécrétion de cortisol (39) et que la voie HHS visait à réduire la progression des maladies auto-immunes, il semble en fait que l’exposition au stress chronique, altère la communication entre le système nerveux et le système immunitaire, induisant une cortico-résistance des cellules T pro-inflammatoires (elles ne répondent plus correctement à l’ordre d’arrêt) et augmentant ainsi la susceptibilité aux maladies auto-immunes (40).
La plupart des cancers sont liés à une interaction entre des facteurs environnementaux (biologiques, physiques ou chimiques) et génétiques. De plus en plus d’éléments indiquent que le stress social ou le stress chronique favorise la survenue ou la croissance des tumeurs en modifiant le système neuro-immune-endocrine (41). Le stress social est un facteur potentiel de mortalité plus élevée dans le cancer du sein des femmes. Le stress social augmente aussi la mortalité du cancer du poumon, en stimulant la croissance des cellules cancéreuses.
Le stress chronique est un facteur de risque de cancer par son action sur le système immunitaire qui favorise la croissance des cellules tumorales. De plus, des études récentes montrent que des facteurs sociaux et psychologiques peuvent favoriser la survenue de cancers via des mécanismes épigénétiques (42) (l’épigénétique change l’expression des gènes sans modifier la séquence d’ADN). L’exposition aux hormones du stress affecte la régulation épigénétique des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs. Les mères qui souffrent de dépressions et d’anxiété, présentent une augmentation de la méthylation de certains gènes au niveau du placenta ce qui protège le fœtus de la surexposition aux hormones du stress de la mère. Dans une étude réalisée sur des cancers du sein de la femme, des hauts niveaux de stress modifiaient l’épigénétique des lymphocytes et majoraient la survenue de métastases.
Conclusion
Les situations, qui sont perçues comme stressantes par nature, s’accompagnent de changements autonomes et neuroendocriniens capables d’influencer la fonction immunitaire et donc probablement la susceptibilité à une variété de maladies. Si le stress aigu améliore l’activité du système immunitaire, le stress chronique la dégrade et est un facteur de vulnérabilité aux maladies cardiovasculaires, neurodégénératives, mentales, auto-immunes et cancéreuses qui doit être pris en compte. Dans la mesure du possible, les personnes doivent apprendre à évaluer leur niveau de stress pour savoir agir dessus afin d’en réduire l’impact. Des stratégies pharmacologique, psychologique et comportementale peuvent améliorer leur capacité à faire face à leur stress de façon à gérer leurs ressources pour éviter qu’elles s’épuisent. En apprenant à gérer le stress, on pourra, possiblement, réduire le risque de survenue d’un certain nombre de pathologies chroniques et leur progression.
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(i) Le « stress » ou contrainte, correspond aux forces par unité de surface dans les matériaux, causées par des forces appliquées de l’extérieur, un chauffage inégal ou une déformation permanente.
(ii) Substance du groupe des amines affectant le système nerveux sympathique et jouant un rôle de neurotransmetteur.
(iii) Les glucocorticoïdes font partie des corticoïdes, élaborés et sécrétés par les corticosurrénales.
(iv) Les cellules neuroendocrines sont similaires aux cellules nerveuses (neurones), mais elles produisent également des hormones comme les cellules du système endocrinien (cellules endocrines). Elles reçoivent des messages (signaux) du système nerveux et y répondent en fabriquant et en sécrétant des hormones. Les hormones sont des substances fabriquées par une cellule qui agissent sur d’autres cellules à distance et en voyageant via le système sanguin.