Le Traité du Quirinal, signé à Rome le 26 novembre 2021 et entré en vigueur le 1er février 2023, souligne la volonté politique d’une coopération renforcée entre la France et l’Italie. Parmi ses onze articles thématiques, le deuxième concerne les aspects de sécurité et de défense. Le renforcement de la coopération politico-militaire ne peut commencer que par une meilleure compréhension mutuelle. L’objectif de cet article est précisément de comprendre le système politico-militaire italien, en soulignant ses similitudes et ses différences par rapport à son homologue français, afin de renforcer la coopération en tirant parti des atouts communs, et en notant les limites et les contraintes mutuelles, pour parvenir à une approche complémentaire en vue de la réalisation d’objectifs communs.
Le système politico-militaire en Italie : une comparaison avec le système pol-mil français
Le Traité du Quirinal (1), signé à Rome le 26 novembre 2021 et entré en vigueur le 1er février 2023, souligne la volonté politique d’une coopération renforcée entre la France et l’Italie. Parmi ses onze articles thématiques, le deuxième aborde des aspects de sécurité et de défense. Partant du principe que ce renforcement ne peut passer que par une meilleure connaissance mutuelle, cet article vise à illustrer le système politico-militaire italien, en soulignant ses similarités et ses différences avec son homologue français.
En commençant par une analyse du système politique et institutionnel italien, les principales références juridiques sur la structure de la défense seront ensuite illustrées, d’abord par la Constitution de la République italienne. Les missions et les tâches des forces armées y sont ainsi décrites. Les figures politiques clés seront ensuite présentées : le président de la République (PR), Sergio Mattarella depuis le 3 février 2015, le Président du Conseil des ministres (2), Giorgia Meloni depuis le 22 octobre 2022, le ministre de la Défense, Guido Crosetto, et les structures politico-militaires qui les soutiennent et les conseillent. Le rôle du Parlement et des commissions parlementaires compétentes sera également illustré. Enfin, l’organisation de la haute direction militaire des armées fera l’objet d’une description synthétique.
L’article se terminera par un résumé des principales similitudes et différences entre les organes institutionnels correspondants en Italie et en France, qui mettra en évidence le fait que les mêmes structures institutionnelles n’ont pas nécessairement les mêmes responsabilités ni les mêmes fonctions.
Le système constitutionnel italien et l’organisation de la défense
Généralités, pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
L’Italie est une république démocratique issue du référendum du 2 juin 1946 (3), à la suite duquel la monarchie a été abolie et l’Assemblée constituante a été élue pour rédiger la Constitution. Elle a été promulguée le 27 décembre 1947 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1948.
Le système politique italien est organisé selon le principe de la séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif revient au Parlement, le gouvernement a le pouvoir exécutif, tandis que la magistrature, indépendante de l’exécutif et du législatif, exerce l’autorité judiciaire. Le PR, est au sommet de la hiérarchie de l’État et représente l’unité nationale. La loi fondamentale de la République est la Constitution, qui énonce les principes fondamentaux, les droits et les devoirs des citoyens et fixe l’organisation des institutions.
Le pouvoir législatif de l’État revient au Parlement, qui est divisé en deux chambres : le Sénat de la République (Senato della Repubblica) et la Chambre des députés (Camera dei deputati). Toutes les lois doivent être promulguées par le PR, en dernier ressort.
Le pouvoir exécutif est confié au gouvernement, qui se compose de trois organes différents (4) : le Président du Conseil, les ministres et le Conseil des ministres, ce dernier étant l’union des deux organes précédents. Le Président du Conseil est le chef du gouvernement. Il est nommé par le PR et constitue la quatrième fonction la plus importante de l’État (5). Après sa nomination, le Président du Conseil propose au PR les nominations des différents ministres, qui sont ensuite soumises à un vote de confiance par le Parlement. Il coordonne également le travail des ministres et est responsable des activités du gouvernement, mais il n’est pas, à proprement parler, le supérieur hiérarchique des ministres ; cependant, en tant que président de l’exécutif, il exerce des fonctions (6) auxquelles tous les ministres sont soumis directement ou indirectement. Il ne peut pas donner d’ordres spécifiques aux ministres concernant l’exercice de leurs fonctions, mais seulement des directives d’ordre général. Il est donc qualifié de primus inter pares.
L’autorité judiciaire constitue un ordre autonome indépendant de tout autre pouvoir. Les magistrats ordinaires sont les titulaires de la fonction judiciaire, qu’ils exercent au nom du peuple. Le Conseil supérieur de la Magistrature, présidé par le PR, a pour mission d’autogérer la Magistrature en la soustrayant entièrement au contrôle du ministre de la Justice. Le système judiciaire italien trouve ses origines dans le droit romain et le Code Napoléon a inspiré les codes italiens.
Le système judiciaire italien présente la particularité d’avoir une magistrature militaire (7). Les magistrats militaires sont distingués selon les fonctions qu’ils exercent et sont égaux aux magistrats ordinaires correspondants. Il existe trois tribunaux militaires et les parquets militaires correspondants, répartis territorialement, avec des sièges à Vérone, Rome et Naples, une cour d’appel militaire à Rome et un parquet militaire auprès de la Cour de cassation. Comme l’ordre judiciaire ordinaire, l’institution judiciaire militaire dispose, en tant qu’organe autonome, d’un Conseil du pouvoir judiciaire militaire.
La défense et les forces armées dans la Constitution
La Constitution de la République italienne, entrée en vigueur le 1er janvier 1948, est la loi fondamentale de l’État et se situe au sommet de la hiérarchie des normes dans l’ordre juridique italien. Elle se compose de 139 articles et de 18 dispositions transitoires et finales.
Les douze premiers articles de la Constitution énoncent les « principes fondamentaux », qui définissent l’esprit de la Constitution. Ils comprennent certains des principes suprêmes de la Constitution qui sont implicites dans tout le texte et ne peuvent être modifiés par la procédure de révision constitutionnelle prévue aux articles 138 et 139. Parmi ces principes, l’article 11 concerne la guerre : « L’Italie répudie la guerre en tant qu’instrument d’offense à la liberté des autres peuples et en tant que moyen de règlement des différends internationaux ; elle consent, sur un pied d’égalité avec les autres États, aux limitations de souveraineté nécessaires à des règles assurant la paix et la justice entre les nations ; elle favorise et encourage les organisations internationales dans ce but. ». Cet article est fondamental pour comprendre comment l’Italie, et par conséquent ses armées, peuvent intervenir dans un conflit. Tout type d’action offensive est donc exclu. Les seules exceptions depuis l’entrée en vigueur de la Constitution sont la participation à des missions internationales de maintien de la paix dans une alliance ou une coalition et, de préférence, en présence d’une résolution des Nations unies (8).
En revanche, la défense de la patrie est mentionnée à l’article 52, qui dispose que « la défense de la patrie est le devoir sacré du citoyen. Le service militaire est obligatoire dans les limites et selon les modalités fixées par la loi. Son exercice n’affecte pas la situation professionnelle du citoyen ni l’exercice de ses droits politiques. L’organisation des forces armées est guidée par l’esprit démocratique de la République ». Dans cet article, les forces armées sont mentionnées pour la première fois. Elles s’inscrivent ainsi dans l’esprit démocratique de la République. Cette simple phrase résume peut-être toute la relation politico-militaire du système italien.
L’article 78 est aussi d’un intérêt primordial pour la défense et les forces armées. Il prévoit que ce sont les Chambres qui décident de l’état de guerre, en accordant au gouvernement les pouvoirs nécessaires.
Enfin, l’article 87 prévoit, parmi les pouvoirs du PR, qu’il « commande les forces armées, préside le Conseil suprême de défense constitué conformément à la loi, déclare l’état de guerre délibéré par les chambres du Parlement ». À première vue, il s’agit d’un libellé très similaire à celui de l’article 15 de la Constitution française de 1958 (9) : « Le président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la Défense nationale. » En réalité, il ne s’agit que d’une similitude apparente, très différente sur le fond, comme on le verra plus loin.
Contrairement à l’article 33 de la Constitution française, la Constitution italienne ne prévoit en aucun cas l’état de siège. Le législateur n’a donc pas prévu que l’autorité militaire se substitue, même temporairement, aux autorités civiles en cas de troubles de l’ordre public ou de péril grave et imminent (10). Bien qu’également absent du Statuto Albertino de 1848 (11), l’état de siège était considéré, à l’instar de la déclaration de guerre, comme une prérogative du roi et a été formellement proclamé huit fois sous le Royaume d’Italie, entre 1862 et 1909, dans des zones limitées du territoire national pour réprimer des émeutes dans les rues ou des phénomènes de brigandage, ou pour faire face à des catastrophes naturelles comme le tremblement de terre de Messine du 28 décembre 1908. Le seul cas où le souverain, le roi Victor-Emmanuel III, n’a pas proclamé l’état de siège décidé par le Conseil des ministres, fut à l’occasion de la « Marche sur Rome » qui permit ainsi aux fascistes d’entrer dans Rome le 28 octobre 1922, sans que l’armée ne puisse les bloquer (12). Il ne reste que la possibilité pour le gouvernement d’adopter, « dans des cas extraordinaires de nécessité et d’urgence », des « mesures provisoires ayant force de loi » à soumettre immédiatement au Parlement pour les faire ratifier (le « Décret-loi », prévu à l’article 77).
Le texte juridique qui régit l’organisation, le fonctionnement et les tâches des forces armées et de la défense est le Code sur l’organisation militaire (Codice dell’Ordinamento Militare – COM), publié par l’ordonnance n° 66 du 15 mars 2010. La création de ce code a été encouragée dans le cadre du processus de simplification de la réglementation. L’abrogation des lois pertinentes et la réorganisation de toutes les autres réglementations en un seul code, commencé en décembre 2007, a été une opération très complexe, compte tenu du grand nombre de textes remontant au XIXe siècle. La codification a permis de réduire les quatre cinquièmes de la législation en vigueur jusqu’alors (d’environ 17 000 articles à 3 398). Le règlement d’application, le Testo Unico delle disposizioni regolamentari in materia di Ordinamento Militare (TUOM), a été publié par décret du PR n° 90 du 15 mars 2010.
Les missions et les tâches des forces armées (13)
Les armées sont conformes aux articles 11 et 52 susmentionnés de la Constitution, régies par le COM et le TUOM, et organisées sur une base obligatoire (dans les cas prévus par la conscription) et professionnelle. Le service militaire obligatoire a été suspendu le 1er janvier 2005 ; il peut être rétabli par décret du PR, après délibération du Conseil des ministres, si le nombre de militaires volontaires en service est insuffisant et s’il n’est pas possible de pourvoir aux postes vacants, en fonction des dispositions de mobilisation, en rappelant sous les drapeaux les militaires qui ont quitté le service depuis moins de cinq ans. Ceci en cas de déclaration de guerre ou en cas de crise internationale grave dans laquelle l’Italie serait directement impliquée ou dans le cadre d’accord de défense avec une organisation internationale (14).
Les missions essentielles des forces armées italiennes sont les suivantes :
1. La défense de l’État et du territoire national.
2. La défense des espaces euro-atlantique et euro-méditerranéen.
3. La conduite ou la participation à des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix et de la sécurité, conformément aux règles du droit international et aux décisions des organisations internationales dont fait partie l’Italie (Otan, Union européenne [UE], ONU).
4. Contribuer à la sauvegarde des institutions démocratiques et accomplir des tâches spécifiques dans des circonstances de calamité publique et dans d’autres cas de nécessité et d’urgence extraordinaires.
En plus de leurs propres tâches institutionnelles, les forces armées ont des tâches spécifiques, comme le transport médical urgent par des aéronefs militaires (15) (coordonné et, la plupart du temps, exécuté par l’armée de l’air), la diffusion de bulletins météorologiques (tâche institutionnelle de l’armée de l’air), ou encore le relevé hydro-océanique et aérophotogrammétrique des zones d’intérêt, ainsi que la production du support cartographique correspondant (tâches institutionnelles de l’Institut géographique militaire et de l’Institut hydrographique de la marine).
Dans le cadre de leur troisième mission, sur demande des autorités compétentes (généralement les préfets ou la Sécurité civile), et en fonction de leurs capacités techniques, les armées apportent leur contribution dans des domaines d’utilité publique pour la sauvegarde de la vie humaine sur terre et en mer, dans la lutte contre les incendies de forêt et autres interventions de lutte contre les incendies, et pour la remise en état des routes principales et secondaires.
La structure politico-militaire
Le président de la République, le Conseiller militaire et le Conseil suprême de défense
Le PR est élu pour un mandat de sept ans par un collège électoral composé du Parlement et de 58 représentants régionaux, il nomme l’exécutif et préside le pouvoir judiciaire. Son élection requiert une large majorité, qui passe progressivement de deux tiers des électeurs, lors des trois premiers tours de scrutin, à 50 % plus un des électeurs lors du quatrième tour.
Le PR est le commandant en chef des forces armées et préside le Conseil suprême de défense. Le commandement des forces armées, qui n’est pas de nature technico-opérationnelle, bien que formellement attribué au chef de l’État, est, en fait, détenu par le ministère de la défense et le gouvernement. C’est la Commission « Paladin » qui a éclairé ce point fondamental dans les conclusions de ses travaux en juin 1988. La Commission avait été chargée par le Président du Conseil de l’époque, Giovanni Goria, de définir quelle institution devait commander les forces armées en temps de guerre ou de crise, à la suite de la question posée par le président Francesco Cossiga après la crise de Sigonella (10-11 octobre 1985), où des moments de haute tension sont apparus entre les forces armées italiennes et les forces spéciales américaines (16).
Le PR dirige l’État avec l’aide du Secrétariat général de la présidence de la République, créé en 1948 (17). Cette structure comprend tous les bureaux et services nécessaires à l’exercice des fonctions du Président, sous l’autorité du Secrétaire général de la présidence de la République, qui est également le premier conseiller et coordonne les activités de tous les autres conseillers. Les conseillers du Président exécutent les tâches et les fonctions qui leur sont confiées par lui dans le décret de nomination, qui leur attribue également la direction éventuelle d’un bureau. Parmi ceux-ci, le Bureau des affaires militaires est dirigé par un officier général de corps d’armée ou équivalent, également nommé Conseiller militaire (18), assisté de trois officiers : un pour chaque armée (à l’exception de celle à laquelle appartient le Conseiller militaire), au grade de général de brigade ou de colonel (et équivalent), qui agissent en tant qu’assistants militaires et aides de camp du Président (19). Le commandant du Régiment des Carabinieri Corazzieri et le chef du centre de transmissions, relèvent également du conseiller militaire. Le Bureau, qui porte toujours le nom traditionnel de « Maison militaire » (20) se compose donc des officiers généraux et supérieurs susmentionnés et d’un certain nombre de sous-officiers et de soldats de troupe, soit un total d’environ une trentaine de personnes.
La Maison militaire exerce, pour le Président, toutes les fonctions découlant de son rôle de commandant des armées et, en particulier, assure la liaison avec le ministère de la Défense, le Chef d’état-major des armées, l’amiral Giuseppe Cavo Dragone depuis le 1er octobre 2021, et les armées. Il dirige, coordonne et contrôle les activités d’élaboration d’études, de recherches, d’analyses et d’évaluations sur les questions militaires ou intéressant la défense et la sécurité nationale, ainsi que toutes les demandes reçues par le PR de la part des militaires ou ayant un rapport avec les questions militaires. Il est également responsable de tous les services d’honneur militaires du régiment des Corazzieri et des unités qui assurent la garde d’honneur au palais du Quirinal. Il accompagne le Président dans toutes les cérémonies militaires et les visites d’État à l’étranger. Le Conseiller militaire peut être consulté par le Président sur les nominations d’officiers généraux et amiraux. Il est choisi parmi les officiers généraux des trois armées et, en général, son mandat se termine avec celui du Président. En effet, dans la plupart des cas, il termine le septennat bien au-delà de la limite d’âge (21).
Le Conseil suprême de défense (22) examine les problèmes généraux, politiques et techniques, relatifs à la défense nationale, détermine les critères et fixe les directives pour l’organisation et la coordination des activités qui s’y rapportent. Il n’est pas, contrairement au Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) français, un organe décisionnel et exécutif (23). Le Conseil est présidé par le PR et composé du Président du Conseil, agissant en qualité de vice-président, du ministre des Affaires étrangères, du ministre de l’Intérieur, du ministre de l’Économie et des Finances, du ministre de la Défense, du ministre du Développement économique et du Chef d’état-major des armées. Le secrétaire du Conseil (24), nommé par le Conseil et choisi en dehors de ses membres, participe aux réunions. Le Président peut convoquer des réunions du Conseil en invitant d’autres ministres ou des chefs d’état-major de chaque armée, ainsi que des personnes ayant une compétence particulière dans les domaines scientifique, industriel et économique, ainsi que des experts sur les questions militaires. Le Conseil se réunit au moins deux fois par an et est également convoqué aussi souvent qu’il le faut par le PR, de sa propre initiative ou sur proposition du Président du Conseil des ministres.
Le Président du Conseil, le Conseiller militaire, le Comitato Politico Strategico et la Nucleo [cellule] interministeriale situazione e pianificazione
Le rôle et les fonctions du Président du Conseil ont déjà été brièvement évoqués ci-dessus. Cette autorité politique n’a pas de rôle spécifique en matière de défense, celui-ci revenant au ministre de la Défense, ce qui le différencie du rôle du Premier ministre en France qui, en vertu de l’article 21 de la Constitution, est responsable de la défense nationale. Cependant, en tant que responsable de l’activité gouvernementale, il est impliqué dans toutes les questions de défense en cas de crise ou de guerre, il doit s’occuper et traiter des questions militaires et de défense, aussi bien au niveau national (en tant que vice-président du Conseil suprême de défense, par exemple) qu’au niveau international (entre autres, en tant que représentant de l’Italie aux sommets des chefs d’État et de gouvernement de l’Otan).
C’est pourquoi il dispose d’un Conseiller militaire, choisi parmi les officiers généraux (25) et placé directement sous ses ordres, qui est assisté d’un bureau (26) dont la structure et les tâches sont déterminées par décret du Président du Conseil (27). Le bureau est chargé de préparer tous les dossiers et d’assurer la coordination interministérielle pour le Président du Conseil sur les questions d’intérêt ou de caractère militaire, de défense et de sécurité, de gestion des crises, de politique spatiale et de protection des infrastructures critiques. Il traite également des questions relatives à l’exportation, à l’importation et au transit des produits liés à la défense et rédige le rapport annuel rendu par le Président du Conseil au Parlement sur les exportations d’armes (28). Le bureau assure aussi le secrétariat du Comité interministériel pour les politiques de recherche spatiale et aérospatiale (COmitato INTerministeriale per le politiche relative allo spazio e alla ricerca aerospaziale – COMINT), dont le chef du bureau est le secrétaire, et s’occupe des activités liées à la participation nationale au projet Defence Innovation Accelerator for the North Atlantic (DIANA) (29) de l’Otan. Le Conseiller militaire est également membre du groupe interministériel de situation et de planification (Nucleo interministeriale situazione e pianificazione – NISP), dont il sera question plus loin. Outre le Conseiller militaire, le bureau est composé de trois officiers du grade de colonel, dont l’un exerce les fonctions de chef de bureau adjoint, d’un lieutenant-colonel commissaire et de 19 autres membres du personnel, dont 13 sont des militaires.
Le Président du Conseil préside le Comité politique stratégique (COmitato Politico Strategico – COPS) (30) pour la gestion des crises nationales ou internationales. Le Comité est composé des ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Défense, et de l’Économie et des Finances. Participent systématiquement aux réunions le sous-secrétaire d’État – secrétaire du Conseil des ministres (31), l’autorité politique déléguée pour la sécurité de la République, si elle est nommée, le Secrétaire général, le directeur du Département de renseignement pour la sécurité (Dipartimento delle informazioni per la sicurezza – DIS), le directeur de la Sécurité civile, le conseiller diplomatique et le conseiller militaire, ainsi que le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, le Chef d’état-major des armées, le directeur de la Police nationale et le directeur des Sapeurs-pompiers. D’autres ministres ou chefs d’autres organismes peuvent également être appelés à participer aux réunions, en fonction des sujets abordés. Le sous-secrétaire d’État – secrétaire du Conseil des ministres est le secrétaire du Comité. Ceci évalue les éléments de situation, examine et définit les mesures, militaires et civiles, à soumettre à l’approbation du conseil des ministres et, le cas échéant, autorise, à titre temporaire, l’adoption de contre-mesures, dans le respect des orientations générales du gouvernement et des traités et accords internationaux. En cas de nécessité et d’urgence exceptionnelle, le Président du Conseil adopte les mesures jugées nécessaires, après avoir consulté les ministres concernés, membres du COPS. Le secrétaire du Comité informe la Présidence de la République des mesures adoptées par le COPS et par le Président du Conseil.
Le COPS et le Président du Conseil disposent du soutien de la cellule interministérielle de situation et de planification (Nucleo interministeriale situazione e pianificazione – NISP), présidée par le Sous-secrétaire d’État – secrétaire du Conseil des ministres, qui peut déléguer certaines fonctions au Conseiller militaire. Le NISP est composé des représentants des ministères, agences et directions qui participent au COPS. La cellule se réunit périodiquement, au moins une fois tous les deux mois, et peut également être convoquée en fonction de la situation ou pour discuter de sujets spécifiques. Il s’agit donc d’un organe permanent de coordination interministérielle où les représentants des différents ministères sont les Directeurs de cabinet ou leurs délégués. La cellule s’occupe essentiellement de la prévention et de la préparation à d’éventuelles situations de crise ; elle est donc en mesure de préparer et de soutenir les autorités politiques et les hautes autorités qui composent le COPS, en formulant des avis et des recommandations.
Les services de renseignement dépendent du Président du Conseil et, en particulier, de l’autorité politique déléguée pour la sécurité de la République, si celle-ci est désignée : l’Agence d’information et de sécurité intérieure (Agenzia Informazioni e Sicurezza Interna – AISI), qui correspond à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’Agence d’information et de sécurité extérieure (Agenzia Informazioni e Sicurezza Esterna – AISE), équivalent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), et le DIS, qui a pour mission, entre autres, de coordonner les deux agences. Les services de renseignement ont été reformés une dernière fois à la suite de la loi du 3 août 2007, n° 124, qui a changé la dépendance de l’AISI (anciennement SISDe – Servizio per le informazioni e la sicurezza democratica) et de l’AISE (anciennement SISMI – Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare) respectivement du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Défense, à la présidence du Conseil des ministres. Au sein du DIS, de l’AISI et de l’AISE, à tous les niveaux et dans toutes les fonctions, on trouve du personnel des armées et des Carabinieri (32).
Le ministre de la Défense
Le ministre de la Défense est le responsable politique du ministère chargé de l’administration militaire, et civile et occupe le poste hiérarchique et disciplinaire le plus élevé. Il met en œuvre les résolutions de défense et de sécurité adoptées par le gouvernement, soumises au Conseil suprême de défense et approuvées par le Parlement, et émet des directives en matière de politique militaire. Il participe à toutes les instances européennes et internationales compétentes en matière de défense ou à celles dont les délibérations ont un impact sur la défense nationale. Il approuve également la planification générale interarmées ainsi que les programmes capacitaires et financiers qui en découlent. Le ministre est assisté de deux Sous-secrétaires d’État à la défense, auxquels le ministre peut confier des délégations formelles pour traiter de questions spécifiques.
Chaque début d’année, le ministre publie l’« Atto di Indirizzo », un document qui donne lieu au processus de planification stratégique et financière du ministère. À l’aide de ce document, l’autorité politique définit les orientations générales, à un horizon de trois ans, définissant les priorités politiques pour la gestion des ressources financières. Ce document permet ainsi de traduire les objectifs du ministère du niveau politique au niveau administratif et managérial, dont la mise en œuvre revient au Chef d’état-major des armées.
Le ministre approuve également l’ensemble des programmes capacitaires, qui doivent être soumis au Parlement, avant le 30 avril de chaque année, par le biais du « Documento Programmatico Pluriennale della Difesa » (DPP), pour la période triennale suivante. Ce document résume le cadre général des besoins opérationnels des armées, y compris les orientations et les lignes stratégiques de développement des capacités, ainsi que la liste des programmes d’armement et de recherche en cours, et le plan de programmation financière correspondant, indiquant les ressources allouées à chacun des programmes, y compris les programmes de recherche ou de développement financés par le budget du ministère du Développement économique. Dans la même documentation, toutes les dépenses liées à la fonction de défense, y compris les ressources allouées par d’autres ministères, sont présentées sous la forme d’un budget consolidé pour l’année précédente.
Le ministre de la Défense dispose d’un cabinet ayant des compétences exclusives de soutien et de liaison avec l’administration, ainsi que de l’Organismo Indipendente di Valutazione della performance (OIV), dirigé par un fonctionnaire de l’administration publique, qui fait l’audit du ministère. Le cabinet est dirigé par un général de corps d’armée ou équivalent d’une des trois armées, en principe issu d’une armée différente de celle du Chef d’état-major des armées. Le cabinet est composé de personnels militaire et civil de la Défense, d’un Conseiller diplomatique du ministère des Affaires étrangères et de conseillers et collaborateurs politiques nommés par le ministre. Contrairement au modèle français, le premier des collaborateurs du ministre dans l’ordre protocolaire est toujours le Directeur de cabinet et un militaire, de ce fait, il n’y a pas de distinction nette entre le personnel civil et le personnel militaire dans les bureaux du cabinet.
Dépendent également du ministre :
– Le Bureau central du budget et des affaires financières, dirigé par un général de corps d’armée ou équivalent du corps du commissariat de l’une des trois armées (33), qui s’occupe de la constitution et de la gestion du budget du ministère.
– Le Bureau central des inspections administratives, dirigé par un général de corps d’armée ou équivalent du corps du commissariat de l’une des trois armées, qui est chargé de conduire et d’évaluer les conclusions des inspections administratives des organes du ministère.
– La Commission générale des monuments de guerre, dirigée par un général de corps d’armée ou équivalent appartenant à l’une des trois armées, chargée de la gestion et de la mise en valeur des cimetières et des sanctuaires militaires italiens en Italie et à l’étranger.
– Le Service d’assistance spirituelle, dirigé par l’Aumônier militaire en chef.
L’organisation du ministère est divisée en trois secteurs, qui rendent compte au ministre : le secteur opérationnel, qui relève du Chef d’état-major des armées, le secteur administratif et le secteur industriel, qui relèvent du Secrétaire général de la Défense, également Directeur national de l’armement.
Le Parlement, les commissions de la Défense et des Affaires étrangères et le Comitato Parlamentare per la Sicurezza della Repubblica (COPASIR)
La Constitution, avec l’article 78 susmentionné, qui dispose que le Parlement a le pouvoir de déclarer l’état de guerre, confère un rôle central à l’organe législatif dans l’approbation des opérations militaires. Ce rôle du Parlement est également central en tant qu’autorité ultime pour l’approbation ou la prolongation annuelle de toutes les opérations et missions internationales dans lesquelles les forces armées et les forces de police sont engagées, ainsi que le budget qui leur est spécifiquement alloué. Ce processus, réglementé par la loi n° 145 du 21 juillet 2016, prévoit que la participation de l’Italie aux missions internationales est délibérée par le Conseil des ministres, après communication au PR. Les résolutions sont ensuite transmises par le gouvernement aux chambres du Parlement, qui les examinent et autorisent pour chaque année la prolongation de la participation aux missions déjà en cours et le lancement de toute nouvelle mission. La résolution transmise par le gouvernement indique, entre autres, les effectifs et les moyens impliqués ainsi que les besoins financiers relatifs. Les besoins globaux sont financés directement par le budget du ministère de l’Économie et des Finances, et non par le budget de la défense.
Les Chambres exercent également un contrôle parlementaire sur les programmes capacitaires. Ceux-ci sont approuvés par un arrêté du ministre de la Défense lorsqu’il s’agit de programmes financés par des crédits ordinaires du budget de la Défense ou par des arrêtés interministériels, lorsqu’il s’agit de programmes financés par le budget du Ministère du Développement économique. Toutefois, avant d’émettre le décret, l’avis des commissions parlementaires compétentes doit être demandé, conformément aux dispositions de la loi n° 244 de 2012.
Enfin, le Parlement reçoit du gouvernement le rapport annuel sur l’état de la discipline militaire et celui de l’organisation des forces armées, par rapport aux objectifs de restructuration. Ce rapport contient un point de situation sur le niveau de fonctionnement des différentes armées, sur le degré d’intégration du personnel militaire féminin (34), sur l’activité de soutien à la reconversion professionnelle des volontaires qui quittent le service et sur la réalisation des objectifs de recrutement.
En Italie, comme en France, chaque chambre du Parlement organise le travail parlementaire par le biais de commissions. Ce sont les commissions de la Défense et des Affaires étrangères de la Chambre des députés et du Sénat qui nous intéressent particulièrement. Les commissions sont distinctes à la Chambre des députés (III-Affaires étrangères, IV-Défense) et l’étaient également au Sénat jusqu’à la dernière législature (XVIII). Depuis la 19e législature (2022), suite à la réduction d’un tiers du nombre de sénateurs, les deux commissions ont été fusionnées dans la 3e Commission des Affaires étrangères et de la Défense. Cette dernière est composée de 21 sénateurs choisis de façon homogène parmi les membres du Sénat par les groupes parlementaires, de manière à garantir une représentation proportionnelle des forces politiques élues. Les Commissions III-Affaires étrangères et communautaires et IV-Défense de la Chambre des députés sont composées respectivement de 28 et 26 membres choisis de manière homogène par les groupes parlementaires. Les commissions sont renouvelées au bout des deux premières années de la législature et leurs membres peuvent être confirmés ou remplacés par d’autres collègues du même groupe parlementaire.
Les commissions ont pour mission d’évaluer les projets de loi de révision de la Constitution et des autres lois constitutionnelles. En ce qui concerne la législation ordinaire, leur activité porte sur les secteurs de réglementation et d’action de la Défense et des Affaires étrangères. Plus précisément, pour les forces armées, les commissions de la Défense traitent des lois relatives à l’organisation des armées, au statut juridique et économique des militaires, au personnel et aux moyens des armées et, en général, de tous les projets de loi concernant les questions militaires. Les commissions Défense et Affaires étrangères jouent également un rôle clé dans l’analyse et l’expression d’un avis sur la proposition annuelle d’opérations et de missions internationales. Les commissions auditionnent les ministres de la Défense et des Affaires étrangères, le Chef d’état-major des armées et les Chefs d’état-major de chaque armée au début de la législature ou après leur nomination et, en général, avant l’approbation des budgets des ministères, ainsi que dans toute autre occasion lorsqu’elles le jugent nécessaire. Les commissions peuvent convoquer en audition toute personne dont l’audition est jugée opportune sur une question déterminée et, comme tous les députés et les sénateurs, les membres peuvent se rendre, après en avoir informé le cabinet du ministre, dans toutes les unités, les casernes et les bases des armées, ainsi que sur tous les bâtiments de la Marine.
Le COmitato PArlamentare per la SIcurezza della Repubblica (COPASIR) est un organe parlementaire qui exerce le contrôle parlementaire sur les services de renseignement. Il a été créé en 2007 pour remplacer le Comité parlementaire de contrôle des services de renseignement (COmitato PArlamentare di COntrollo sui servizi segreti – COPACO), après la loi de 2007 sur la réforme des services de renseignement (35). Le Comité représente le dernier d’une série d’organes de coordination et de contrôle de l’appareil de renseignement et, en dernier lieu, il a pour tâche principale de vérifier de façon systématique si les activités des services de renseignement sont menées conformément à la Constitution et aux lois. Le Comité reçoit de la Présidence du Conseil des ministres le rapport semestriel sur les activités de l’AISE et de l’AISI, qui contient une analyse de la situation et des dangers pour la sécurité, ainsi que d’autres informations pertinentes, y compris une indication des raisons essentielles justifiant les mesures visant à imposer le secret d’État. Le Président du Comité est élu, conformément à la loi, parmi les membres appartenant aux groupes parlementaires d’opposition (36). Le Comité est composé de cinq députés et de cinq sénateurs, nommés par les Présidents de la Chambre des députés et du Sénat, de manière à assurer une représentation proportionnelle des principales forces politiques. Le Comité, apparemment non lié au système politico-militaire au sens strict, a joué un rôle fondamental dès les premiers instants de la guerre en Ukraine. En effet, étant la seule commission parlementaire qui, par essence, traite de questions confidentielles, avec des procès-verbaux qui peuvent être protégés par le secret d’État, est l’organe auquel a été soumis le contenu des décrets lois approuvés par le gouvernement sur l’aide fournie à l’Ukraine.
Le Chef d’état-major des armées, les Chefs d’état-major d’armée, le Secrétaire général de la Défense/Directeur national de l’armement et le Comité des Chefs d’état-major
La fonction de Chef d’état-major des armées (Capo di stato maggiore della difesa – CaSMD), a été créée en Italie le 4 mai 1925, alors que les trois forces armées existaient déjà (37), avec la désignation de « Chef d’état-major général » et, pendant les deux années suivantes, elle a été combinée avec celle de Chef d’état-major de l’armée de terre. Le premier Chef d’état-major général est le maréchal Pietro Badoglio, qui occupe ce poste jusqu’en décembre 1940. En juin 1941, le chef de l’état-major général devient également « commandant suprême », un titre conservé jusqu’au 31 mai 1945, date à laquelle la fonction reprend son nom d’origine et ne se situe plus au-dessus des chefs des armées, qui dépendent chacun d’un ministre différent. Avec la République, les ministères de la Guerre, de la Marine et de l’Air ont été supprimés en 1947 et fusionnés en un seul ministère de la Défense. La dénomination actuelle du poste a été définie en 1948, lorsque le Chef d’état-major des armées a été placé sous l’autorité directe du ministre de la Défense, avec les Chefs d’état-major d’armée en tant que subordonnés. En 1962 il devient à nouveau un primus inter pares, pour redevenir le « commandant en chef » et prendre sa configuration actuelle à la suite de la loi n° 25 du 18 février 1997, portant réforme du commandement des armées.
Depuis 1997, le Chef d’état-major des armées (Céma) est le seul à porter le grade de général d’armée ou d’amiral. Le Céma est choisi parmi les généraux de corps d’armée ou équivalent. Il est nommé par décret du PR, après délibération du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la Défense. Depuis 1972, le poste est généralement occupé à tour de rôle par les trois armées. Le mandat est de trois ans. Le Céma dépend directement du ministre de la Défense, dont il est le principal conseiller militaire et auquel il rend compte de l’exécution des directives reçues. Dans la hiérarchie, il est d’un rang supérieur par rapport aux Chefs d’état-major d’armées (CEMx), au Directeur des Carabinieri (limité aux tâches militaires confiées à ces derniers) et au Secrétaire général de la Défense pour les tâches opérationnelles qui lui sont confiées. En cas d’absence, d’empêchement ou de vacance de la fonction, il est remplacé par le plus ancien parmi les CEMx. Le Céma est responsable de la planification, de la préparation et de l’emploi de l’ensemble des armées ; il est donc responsable du commandement organique et opérationnel des forces armées. Il prépare la planification générale financière militaire et définit les programmes capacitaires et leur financement, sur la base des propositions des CEMx, mais de façon pleinement autonome pour ce qui est de la définition des priorités. Pour mener à bien ses missions, il dispose d’un état-major et, pour exercer le commandement des opérations militaires, il s’appuie sur le Haut Commandement interarmées des opérations (Comando Operativo di Vertice Interforze – COVI). Ce dernier, basé à Rome, assure les fonctions de planification et de direction des opérations ainsi que des exercices interarmées et multinationaux. Le COVI, contrairement à son homologue français (Centre de planification et de conduite des opérations – CPCO), exerce la conduite opérationnelle (OPCON) des forces, à moins que cela ne soit délégué aux commandements du niveau opératif des trois armées, puisqu’il n’y a pas de commandements par région ou par zone dans le système italien. Le commandant du COVI est nommé par décret du PR, après délibération du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la Défense, après avoir consulté le Céma, parmi les officiers ayant le grade de général de corps d’armée ou équivalent, appartenant en principe à une force armée autre que le chef d’état-major des armées.
Les Chefs d’état-major de l’Armée de terre (38), de la Marine (39) et de l’Armée de l’air (40) et le Directeur des Carabinieri (41) sont nommés par décret du PR, après délibération du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la Défense, après avoir consulté le Céma, pour un mandat de trois ans. Ils sont placés sous l’autorité du Céma et ont un rang supérieur à celui de tous les officiers généraux et amiraux de leur armée. Les CEMx exercent le commandement de leur armée, sont responsables de leur organisation, de leur logistique, de leur état de préparation et de leur entraînement, et proposent au Céma les programmes capacitaires qui constituent la planification générale financière. Ils déterminent également les profils d’emploi de leur personnel militaire. Pour ce faire, ils disposent d’un état-major et ils s’appuient sur les hauts commandements et les directions générales d’armée.
Le Segretario Generale della Difesa/Direttore Nazionale degli Armamenti – SGD/DNA (42) est un général de corps d’armée ou équivalent, ou encore un haut fonctionnaire de l’administration publique ou même un cadre extérieur (43). Il est nommé par décret du PR, après délibération du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la Défense, le chef d’état-major des armées ayant été consulté. Il relève directement du ministre de la Défense pour les attributions administratives, et du Céma pour les attributions opérationnelles, à qui il rend compte de l’exécution des directives et dispositions reçues. Le SGD/DNA prépare, en accord avec le Céma, les propositions de planification générale financière militaire pluriannuelle pour le secteur industriel, public et privé, concernant la défense. Il est responsable de l’organisation et du fonctionnement du secteur industriel et administratif du ministère et, en tant que directeur national de l’armement, est responsable de la recherche et du développement, de la production et de l’acquisition des systèmes d’armement.
Le Comité des chefs d’état-major (Comitato dei Capi) est l’organe consultatif du Céma, qui le préside. Le SGD/DNA, les CEMx et le Directeur des Carabinieri en sont membres. En 2022, le Commandant du COVI est devenu membre du Comité et le Major général des armées, dans la pratique, est toujours invité à participer aux réunions. Les décisions adoptées par le Céma, qui en assume la pleine responsabilité, constituent des dispositions pour les membres du Comité ; il se réunit généralement tous les mois. La création du Comité a été inscrite dans la loi susmentionnée sur la réforme des armées (44) et a remplacé le Conseil supérieur des forces armées, créé en 1951.
Comparaison avec le système politico-militaire français et propositions pour la coopération Italie-France
Pour conclure cet aperçu sur les principaux acteurs et les fonctions du système politico-militaire italien, il est utile d’en synthétiser les similitudes et les différences par rapport au système français, pour que, dans l’esprit du Traité du Quirinal, la bonne connaissance réciproque des institutions puisse contribuer à définir ce qui est souhaitable entre les deux parties en jeu pour renforcer leur coopération.
En termes de fonctions, le fait que les modèles de République diffèrent (parlementaire d’un côté et parlementaire semi-présidentiel de l’autre) implique qu’il n’y a pas de correspondance parfaite en ce qui concerne les fonctions politiques. Par contre, il existe une grande similitude entre le rôle, l’autonomie décisionnelle et les fonctions des deux Chefs d’état-major des armées, bien qu’ils rendent compte à des responsables qui diffèrent sur le plan politique.
Les présidents de la République exercent apparemment les mêmes fonctions, mais il existe une différence fondamentale qui vient du fait qu’en France, le Président est au sommet du pouvoir exécutif, contrairement à son homologue italien. Le poids du chef de l’État diffère donc dans les deux pays, et ceci dans des domaines qui sont apparemment semblables. Le PR italien représente la nation à l’étranger, mais c’est le Président du Conseil qui participe à toutes les réunions internationales où l’on prend des décisions (UE, Otan, ONU, G7, etc.). De plus, dans le domaine national, le PR ne dispose que d’un commandement formel des armées, alors que le commandement au niveau politique revient, en fait, au gouvernement. Il préside le Conseil suprême de Défense qui s’occupe de définir les aspects stratégiques de la politique étrangère et de la défense, mais qui n’est convoqué de façon exceptionnelle qu’à la suite de crises internationales et sans que ne puissent en découler de décisions opérationnelles.
D’une part, le poids du PR italien est moindre par rapport à celui de son homologue français en ce qui concerne, notamment, les questions de défense, et d’autre part, le Président du Conseil italien a un poids nettement supérieur par rapport à celui du Premier ministre français, puisqu’il est au sommet du pouvoir exécutif. Il s’ensuit ainsi que l’interlocuteur du Président du Conseil italien est le Président français dans les rapports bilatéraux, ainsi que dans les réunions internationales. Le Président du Conseil et le Premier ministre jouent tous les deux un rôle de coordination interministérielle qui en Italie est toutefois délégué, en général, sur le plan pratique, au Sous-secrétaire de la Présidence du Conseil des ministres. En Italie, le Président du Conseil assume la responsabilité des décisions du gouvernement dans les crises et les opérations internationales et il préside, comme cela a été dit, le Comité politique stratégique (COPS), qui correspond au CDSN pour tout ce qui touche à la gestion des crises. En ce qui concerne la comparaison entre ces deux instituts collégiaux, il est nécessaire de souligner qu’il n’existe pas, en Italie, d’équivalent au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui peut, à la limite, trouver un interlocuteur, bien que ne lui correspondant pas pleinement, dans le Conseiller militaire du Président du Conseil.
Le ministre de la Défense, en Italie, a également un rôle très important dans la politique de défense et constitue l’autorité politique à laquelle s’adresse le Chef d’état-major des armées pour les aspects de nature organique (comme en France), ainsi que ceux de nature opérationnelle. En France, le ministre des Armées occupe une place moins bien déterminée, en tant que responsable de l’emploi des forces, dans la hiérarchie opérationnelle qui peut prendre des formes très directes entre le PR et le Céma. Le ministre de la Défense italien est aussi directement responsable de la politique de défense, rôle qui revient au Premier ministre en France. Il joue de plus un rôle fondamental dans la détermination des programmes capacitaires, puisqu’il est responsable du plan triennal – correspondant à la Loi de programmation militaire (LPM), compte tenu des différences temporelles et essentielles –, qui exprime la proposition du Chef d’état-major des armées et qui est, ensuite, soumis à l’approbation du Parlement. Toujours dans le domaine capacitaire, il est l’autorité politique qui approuve la mise en œuvre des programmes, en signant des décrets ministériels ou interministériels.
En Italie, le Parlement joue un rôle central et déterminant, par la volonté expresse de l’assemblée constituante, qui, en proposant le texte de la Constitution, a voulu éviter une centralisation du pouvoir dans les mains des organismes exécutifs, après l’expérience du fascisme dont l’Italie était sortie depuis peu. En plus de la faculté d’être l’organe qui décide de l’état de guerre, il a également la responsabilité d’approuver la continuation, d’une année sur l’autre, des missions et des opérations internationales. Comme le Parlement français approuve la LPM, le Parlement italien approuve aussi le plan triennal des programmes de la défense présenté par le ministre de la Défense et la loi de finances, et ceci d’une année sur l’autre. En Italie, les Commissions pour la défense doivent également approuver par avance les décrets ministériels ou interministériels pour la mise en œuvre de chacun des programmes d’armement proposés par le ministère de la Défense. Comme en France, les Commissions de défense analysent toutes les lois concernant le statut des militaires et tout ce qui est lié à la défense.
Si, au niveau politique, il n’est presque jamais possible d’établir complètement des correspondances entre les fonctions, au niveau militaire les deux systèmes sont parfaitement superposables car, en plus de s’inspirer aux mêmes sources historiques et juridiques, ils assurent les mêmes tâches et exercent les mêmes fonctions. Dans le domaine administratif et industriel, même si les deux organisations se ressemblent relativement, il faut remarquer que certaines fonctions, notamment les politiques sur le personnel et la programmation financière sont restées en Italie du domaine du Chef d’état-major des armées. De plus, la direction du domaine administratif et industriel a toujours été assignée à un militaire, pour garantir la spécificité militaire même des secteurs qui ne sont pas opérationnels.
En définitive, il est essentiel d’être tout à fait conscients des similitudes et des différences soulignées ici, pour pouvoir renforcer le dialogue et la coopération, entre les deux pays, en connaissant a priori les périmètres de responsabilité, parfois distants, entre des fonctions exercées à un même niveau. ♦
(1) République française et République italienne, Traité pour une coopération bilatérale renforcée (https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/26_11_2021_traite_bilateral_franco-italien_cle07961c.pdf).
(2) Ou, plus simplement, « Président du Conseil », et parfois appelé improprement « Premier ministre ».
(3) Attal Frédéric, « La naissance de la République italienne », Parlement(s), Revue d’histoire politique, 2007/1, n° 7, p. 141-153 (https://www.cairn.info/revue-parlements1-2007-1-page-141.htm).
(4) Constitution, art. 92.
(5) Il est précédé, dans l’ordre protocolaire, par le PR, le président du Sénat et le président de la Chambre des députés.
(6) La loi n° 400 du 23 août 1988 est exhaustive et détaille les pouvoirs du Président du Conseil, du Conseil des ministres et des ministres individuellement. Par ailleurs, le site Internet du gouvernement italien résume ces fonctions pour le Président du Conseil, le Conseil des ministres et les ministres.
(7) Ordonnance n° 66 du 15 mars 2010, « Codice dell’Ordinamento Militare », art. 52 et suivants.
(8) En 2018, chacune des 20 interventions militaires de l’Italie se fait dans un cadre européen, otanien, onusien ou bilatéral. Collot Giovanni, « Les interventions militaires italiennes dans le monde », Le Grand Continent, 11 novembre 2019 (https://legrandcontinent.eu/).
(9) Constitution de la Ve République française, 1958, version à jour de 2008 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/).
(10) Cela ne signifie pas que l’Assemblée constituante ne s’est pas penchée sur le problème. Au contraire, elle l’a traité tant en Commission (1re sous-commission) qu’en Assemblée (séance de l’après-midi du 15 avril 1947) sans parvenir à une définition définitive. (Traversa Silvio, « Orientamenti dottrinali e precedenti parlamentari in tema di regimi di emergenza », Bibliothèque de la Chambre des députés https://bpr.camera.it/).
(11) Le Statut du Royaume ou Statut fondamental de la Monarchie de Savoie du 4 mars 1848 (connu sous le nom de « Statuto Albertino », du nom du roi qui l’a promulgué, Charles-Albert de Savoie), est le statut constitutionnel adopté par le Royaume de Sardaigne le 4 mars 1848 à Turin. Le 17 mars 1861, avec la fondation du Royaume d’Italie, il est devenu la charte fondamentale de la nouvelle Italie unie et l’est resté formellement, bien qu’avec des modifications, jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution républicaine.
(12) Pierron Véronique, « La marche sur Rome : le coup de bluff de Mussolini », Geo, 20 avril 2022 (https://www.geo.fr/histoire/).
(13) COM, art. 87-92.
(14) COM, art. 1929.
(15) Les armées ont répondu à l'urgence de la Covid-19 comme ordonné par le gouvernement avec les opérations IGEA pour effectuer les tests PCR et EOS pour effectuer des vaccinations, toujours en faveur de la population. Au quartier général des opérations interarmées (Comando Operativo di vertice Interforze), une salle opérationnelle dédiée a dirigé et coordonné les activités nationales de soutien sanitaire avec l’envoi de médecins et d'infirmières militaires dans les hôpitaux civils particulièrement touchés, la mise en place d'hôpitaux de terrain et la mise à disposition d'installations d'accueil médical militaire pour les patients civils, les vols médicaux d'urgence et le transport de fournitures médicales et de vaccins, et enfin le soutien aux forces de police dans le cadre d’activités d’ordre publique.
(16) La crise de Sigonella, qui a eu lieu dans la base italo-américaine de Sicile entre les 10 et 11 octobre 1985, est née de la décision du président américain Ronald Reagan de faire intercepter et atterrir de force l’avion égyptien qui transférait d’Égypte en Tunisie les terroristes du Front de libération de la Palestine (FLP), qui avaient précédemment détourné le navire de croisière italien Achille Lauro (7-10 octobre) et tué un citoyen américain. Le Président du Conseil de l’époque, Bettino Craxi, informé par le président Reagan peu avant l’arrivée de l’avion à Sigonella, autorise l’atterrissage mais ordonne que les terroristes soient placés sous contrôle italien. L’amiral Fulvio Martini, chef du renseignement militaire, se rend immédiatement sur place. L’avion égyptien, qui avait entre-temps déclaré une urgence de carburant, escorté par quatre F-14 qui avaient décollé du porte-avions Saratoga, atterrit à 00 h 15, se gare dans la zone italienne de la base et est immédiatement encerclé par les Carabinieri et les militaires italiens de la base. Quelques minutes plus tard, tous phares éteints et sans l’autorisation de la tour de contrôle, deux C-141 américains atterrissent avec des soldats de la Delta Force à bord, se dirigent vers l’avion égyptien pour récupérer les pirates de l’air et encerclent, armes à la main, les soldats italiens. Ceux-ci sont à leur tour encerclés par un second cordon de Carabinieri, arrivés entre temps de Catane et de Syracuse comme renfort. Les moments de tension qui s’ensuivent durent jusqu’aux premières heures de la matinée, chacun restant sur ses positions pendant que se poursuivent les contacts entre le commandant du contingent de la Delta Force et l’amiral Martini. Le 11 octobre à 5 h 30, lorsque, sur l’ordre de Craxi, des véhicules blindés des Carabinieri et d’autres unités de renfort arrivent à Sigonella, la Delta Force reçoit l’ordre de rentrer. Les terroristes sont arrêtés par les autorités italiennes et une crise diplomatique éclate entre l’Italie et les États-Unis : elle durera près d’un mois.
(17) Loi du 9 août 1948, n° 1077.
(18) Le conseiller militaire est actuellement le général de corps d’armée (armée de l’air) Gianni Candotti.
(19) Les informations sur le Bureau des affaires militaires sont disponibles sur le site Internet de la Présidence de la République (https://www.quirinale.it/page/uffici). Un entretien en visioconférence avec le CV Ostilio de Majo, Assistant militaire et Aide de Camp pour la Marine depuis décembre 2018 a eu lieu le 20 février 2023.
(20) Ce nom est apparu officiellement dans un décret royal du Royaume d’Italie le 16 janvier 1871 et a été rétabli sous la République par un décret présidentiel du 28 septembre 1990. Aujourd’hui encore, la symbolique utilisée fait clairement référence aux traditions du passé, par exemple dans l’utilisation, sur les uniformes, des étoiles surmontées de la couronne avec les initiales « R.I. » (République Italienne), qui font écho aux étoiles particulières surmontant la couronne royale et portant le numéro royal du souverain.
(21) 63 ans pour les généraux de corps d’armée (ou grades équivalents).
(22) COM, art. 2-9.
(23) Conclusions de la Commission « Paladin ».
(24) Le secrétaire est actuellement M. Francesco Saverio Garofani : journaliste et ancien député, président de la Commission de défense de la Chambre des députés de 2015 à 2018, il était, depuis le 27 mars 2018 conseiller du Président pour les questions institutionnelles depuis. Il remplace le général Rolando Mosca Moschini, qui occupait le poste de secrétaire du Conseil suprême de défense, à titre exclusif, depuis 2015, après avoir également été le conseiller militaire du PR depuis 2006. Le secrétaire est assisté d’un secrétariat, composé de personnels militaire et civil de l’administration publique, où le militaire le plus haut gradé est actuellement le général de division Stefano Del Col.
(25) Depuis décembre 2022, le général de corps d’armée Franco Federici.
(26) Les informations sur le bureau du Conseiller militaire sont disponibles sur le site Internet du gouvernement. (https://presidenza.governo.it/), actualisé au 12 janvier 2023. Un entretien en visioconférence a eu lieu le 1er mars 2023 avec le CV Francesco Pagnotta, conseiller militaire adjoint depuis septembre 2022 et qui a précédemment travaillé dans le même bureau de 2018 à 2021.
(27) Décret du Président du Conseil du 19 décembre 2022, n° 4709. Le Conseiller militaire est lié au Président du Conseil qui le nomme et doit donc être confirmé en cas de changement d’autorité politique.
(28) Rapport prévu par la loi n° 185 du 9 juillet 1990 qui règle l’importation, l’exportation et le transit de matériel d’armement.
(29) Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), Defence Innovation Accelerator for the North Atlantic (DIANA) (https://www.diana.nato.int/).
(30) Décret du Président du Conseil des ministres (DPCM) du 5 mai 2010, amendé par le DPCM du 29 décembre 2017 et par le DPCM du 24 février 2022, sur l’organisation nationale de gestion des crises.
(31) Alfredo Mantovano, qui est également l’autorité politique déléguée pour la sécurité de la République, l’autorité politique délégué par le Président du Conseil auquel les services de renseignements (DIS, AISE et AISI) rendent compte.
(32) À titre d’exemple, l’actuel directeur de l’AISE est le général de corps d’armée (terre) Giovanni Caravelli, tandis que le directeur de l’AISI est le général de division des Carabinieri et préfet Mario Parente.
(33) Le Corps de commissariat en Italie n’est pas unifié, comme en France.
(34) Vingt ans après l’ouverture du recrutement des forces armées au personnel féminin (2000), une étude de la Chambre des députés fait état d’un pourcentage global de 6,39 %.
(35) Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les services de renseignement ont été réorganisés à plusieurs reprises, dans le but d’améliorer leur fonctionnement, notamment en ce qui concerne les garanties démocratiques, mais ce n’est qu’en 1977 que le contrôle parlementaire a été institutionnalisé par le biais d’une commission spéciale.
(36) Le président est le député Lorenzo Guerini, déjà président du Comité de 2018 à 2019, et ancien ministre de la Défense de 2019 à 2022.
(37) La marine (Regia Marina, puis Marina Militare) le 17 mars 1861, l’armée de terre (Esercito Italiano) le 4 mai 1861, l’armée de l’air (Regia Aeronautica, puis Aeronautica Militare) le 28 mars 1923.
(38) Pietro Serino, depuis le 26 février 2021.
(39) Enrico Credendino, depuis le 6 novembre 2021.
(40) Luca Goretti, depuis le 28 octobre 2021.
(41) Teo Luzi, depuis le 16 janvier 2021.
(42) Luciano Portolano, depuis le 9 octobre 2021.
(43) À partir du moment où cette fonction a été instituée, en 1965, elle a toujours été confiée à un militaire, en général d’une force armée différant de celle du Chef d’état-major des armées. Luciano Portolano, actuel SGD/DNA est général de corps d’armée.
(44) Loi du 18 février 1997, n° 25.