Apparu une première fois en 2020 lors du discours du président de la République sur la dissuasion, puis repris dans la Revue nationale stratégique 2022, le terme « d’épaulement » entre forces nucléaires et conventionnelles répond aux pourfendeurs d’une dissuasion qui pourrait être contournée. Cette terminologie illustre une complémentarité historique dont la compréhension s’était érodée après la guerre froide et répond à l’évolution de la conflictualité d’une nouvelle ère stratégique. Elle interroge in fine notre modèle d’armée.
L’épaulement des forces nucléaires et conventionnelles
Au 1er anniversaire du conflit ukrainien, les sénateurs Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini dressent dans leur rapport d’information (1) un constat sans appel : la dissuasion nucléaire, n’a rien perdu de son actualité mais ne justifie pas de baisser la garde dans le domaine conventionnel. Alors qu’ils confortent la dissuasion nucléaire dans son rôle de « garantie ultime de sécurité et d’indépendance d’une nation » et soutiennent la modernisation de ses composantes, ils nous invitent à repenser l’articulation entre conventionnel et nucléaire. Leur objectif pour la dissuasion, qui « ne répond pas à tous les cas de figure », est d’éviter qu’elle soit caricaturée en « nouvelle ligne Maginot ».
Apparu une première fois en 2020 lors du discours du président de la République sur la dissuasion (2), puis repris cinq fois dans la Revue nationale stratégique (3) (2022), le terme « d’épaulement » entre forces conventionnelles et nucléaires répond aux pourfendeurs d’une dissuasion qui pourrait être contournée. Il renvoie à une notion militaire tactique qui traduit l’« appui mutuel au combat ». Ce terme du génie militaire fait également référence à la création d’un rempart pour se protéger des coups de l’ennemi, mais aussi pour renforcer en armes et en effectifs une troupe (4). Il semble dès lors utile de documenter cette évolution sémantique qui vise à modifier la perception commune de cloisonnement des mondes conventionnel et nucléaire. Il nous revient d’interroger sa nouveauté et sa pertinence dans un contexte marqué par le retour de la menace de la force.
Fondée sur le discours présidentiel, la doctrine de dissuasion n’ignore rien des premières réflexions stratégiques sur l’atome ni de l’analyse actualisée des dangers qui guettent notre Nation. Pour témoigner de la pertinence d’un processus de sédimentation stratégique, cet article s’appuie sur la réflexion très nourrie de ceux que l’on appelle les « généraux de l’Apocalypse », d’ouvrages plus récents qui font référence, du discours officiel mais également de nombreux entretiens auprès d’acteurs civils et militaires, experts du sujet. Il propose une revue détaillée des raisons qui justifient l’emploi de « l’épaulement » pour imager la cohérence de notre outil de défense. Cette terminologie illustre une complémentarité historique des forces nucléaires et conventionnelles dont la compréhension s’était érodée après la guerre froide. Certains contresens doivent cependant être évités au risque de fragiliser la cohérence de la stratégie de défense. En synthèse, le principe d’épaulement répond à l’évolution de la conflictualité d’une nouvelle ère stratégique.
Un épaulement historique qui crédibilise forces nucléaires et conventionnelles
Une complémentarité conceptuelle dès les origines : « L’unité fondamentale des armements nucléaires et conventionnels (5) »
En 1964, le général d’armée Charles Ailleret, alors premier Chef d’état-major des armées (Céma) depuis l’été 1962, formalisait ce qui relevait sur le plan stratégique de « l’Unité fondamentale qui existe nécessairement entre les éléments complémentaires l’un de l’autre – nucléaires et conventionnels qui sont de fait de la nature même des choses totalement inséparables dans l’accomplissement de la mission de Défense de la Patrie ». Il les décrivait comme « des composantes cohérentes et combinées d’un système de missions » et estimait qu’elles « doivent donc se considérer fraternellement comme membres d’une seule et même équipe, et non point comme des concurrents convaincus, chacun, qu’il peut défendre la Nation à lui tout seul ou au moins que l’autre n’est qu’un acteur de second plan destiné à ne jouer que les comparses ». Un épaulement apparaît donc dès l’origine comme consubstantiel de la stratégie de dissuasion nucléaire française imaginée par les quatre « généraux de l’apocalypse » : Ailleret, Beaufre, Gallois, Poirier.
À cette époque, les efforts américains se concentrent sur la crédibilisation d’une doctrine de dissuasion fondée sur la menace de riposte graduée avec une articulation conventionnel-nucléaire plus étroite. Le général Ailleret avait, pour sa part, détaillé le besoin pour la France de compléter l’arsenal nucléaire : « il lui faut aussi des armes classiques pour les opérations de détail qui lui serviront à compléter l’action des armes nucléaires dans les grandes guerres ou à participer à des incidents locaux mineurs ne mettant pas en jeu l’existence même du pays (6). » L’approche française se distingue toujours de l’approche américaine dans le Livre blanc sur la Défense nationale de 1972 qui assume une dissymétrie des effets entre nucléaire et conventionnel. En effet, la « capacité de défense traditionnelle [conventionnelle] doit être mesurée avec soin. Trop faible, elle ne pourrait remplir son rôle et la crédibilité de la dissuasion serait réduite ; trop forte, elle pourrait laisser croire que nous sommes prêts à subir les aléas d’une guerre de grande ampleur, sans recourir aux moyens nucléaires extrêmes, et la crédibilité de la dissuasion serait également réduite (7). »
La césure entre les forces nucléaires et conventionnelles se renforce encore au cours des années 1980. Les armes « tactiques » sont renommées « préstratégiques » à cette époque pour signifier le refus de la bataille nucléaire, et appuyer le caractère unique et non renouvelable de ces frappes dont l’objectif est double : marquer un coup d’arrêt et contraindre l’adversaire à dévoiler ses intentions. Avec la fin de la guerre froide, les forces nucléaires, très sensiblement diminuées, sont passées en arrière-plan, tandis que la France entrait dans l’ère des interventions extérieures.
Un adossement dont le sens s’est perdu au sortir de la guerre froide
Après la chute du mur de Berlin, un découplage entre la doctrine de dissuasion et celle d’emploi des forces conventionnelles s’opère progressivement. Il est présenté dans le Livre blanc de 1994 sous la forme « d’une nouvelle complémentarité entre dissuasion et action » qui écarte à court terme le scénario de résurgence d’une menace majeure (peu probable à l’horizon considéré). Pour ce qui concerne les forces conventionnelles, « la fonction d’interdiction du contournement de la dissuasion nucléaire est bien entendu maintenue, mais devient seconde par rapport à la capacité de participer à la résolution de crises régionales » (8). L’armée de Terre sort progressivement de la mission de dissuasion, ce qui amplifie en son sein la perception d’un découplage entre forces conventionnelles et nucléaires. François Mitterrand, alors président de la République, décide (9) de cesser la fabrication des missiles Hades en raison de leur portée limitée et parce que les pays de l’Est rejoignent le camp occidental : « Bien entendu les choses ont changé depuis que ces pays sont devenus démocratiques, et depuis qu’ils ont échappé à la domination soviétique elle-même disparue. » La préoccupation de l’époque est de ne pas s’engager dans la course au « surarmement ». En France, la notion de stricte suffisance dimensionne les capacités nucléaires. En cette période des « dividendes de la paix », la dissuasion est ainsi décrite par le général Poirier : « Faute d’ennemi désigné menaçant notre espace national (…), le concept hier incarné est réduit à l’état de concept dormant (10). » Ainsi, la disparition temporaire d’un ennemi existentiel relègue au second plan la connexion doctrinale originelle entre forces nucléaires et conventionnelles, alors que prévaut une logique d’emploi expéditionnaire.
Progressivement, le mot dissuasion ne fait référence qu’au nucléaire et se lie définitivement à la protection des intérêts vitaux. L’ellipse sémantique n’acceptant plus le pluriel, la séparation des mondes nucléaire et conventionnel s’accentue. Il s’agit de rappeler que l’arme nucléaire est d’une autre nature. La France ne souscrit pas au principe américain de « riposte graduée » et se refuse à traduire le mot anglais « deterrence » (pour les Anglo-Saxons et l’Otan, découragement conventionnel et dissuasion nucléaire réunis dans un ensemble global) par « dissuasions » au pluriel. Des considérations éthiques et conceptuelles justifient également cette « privatisation » du mot dissuasion. En raison de ses effets unitaires terrifiants, attestés à Hiroshima et Nagasaki, on ne peut pas ou plus, à mesure que le temps passe, considérer l’arme nucléaire comme une arme d’emploi. Sa finalité étant d’éviter ou de limiter le niveau d’intensité de la guerre, elle n’a pas vocation à « gagner une bataille ».
Lorsqu’il intervient (11) en 2018 à l’École militaire lors des 9es assises nationales de la recherche stratégique, le général d’armée François Lecointre, alors Céma, ironise sur le thème de ces assises (« les dissuasions »). « Le pluriel heurte nos oreilles habituées. Car enfin, le mot de dissuasion, en France, est – pour ainsi dire – invariable. Qui plus est, il n’a pas besoin d’adjectif pour être qualifié. Il y a là comme une évidence, fruit d’une culture stratégique bien ancrée. » Pourtant, si le Céma rappelle la centralité de la dissuasion, il expose les différentes dimensions du principe de crédibilité qui peuvent nous éclairer sur « la pertinence du pluriel appliqué au mot de dissuasion ».
L’épaulement crédibilise réciproquement forces conventionnelles et nucléaires
La crédibilité de l’outil global de dissuasion a imposé depuis sa création des interdépendances entre forces conventionnelles et nucléaires en vue de « tester, empêcher et permettre ». Ces liens peuvent se décliner sous trois types de crédibilité.
Crédibilité opérationnelle, un exemple d’épaulement du nucléaire par le conventionnel
Depuis 1964, pour la composante aéroportée de la dissuasion française, les équipages des chasseurs-bombardiers (Rafale aujourd’hui), des avions ravitailleurs (C-135 et A330 MRTT) des Forces aériennes stratégiques (FAS) comme les pilotes de la Force aéronavale nucléaire (FANu) depuis 1978 doivent convaincre de leur crédibilité opérationnelle. Comme pour les Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Force océanique stratégique (Fost) (12), la France a fait le choix d’une posture permanente, c’est-à-dire de la capacité à monter en puissance et à engager le feu nucléaire dans les délais prescrits par le président de la République. Cette exigence de permanence consacre « l’emploi » souvent mésestimé de nos forces nucléaires. Ainsi, un SNLE-NG (Nouvelle génération) est « employé » en permanence, armé de missiles nucléaires M51 pendant sa patrouille alors que les FAS arment régulièrement au sol leurs Rafale avec les missiles nucléaires Air-sol moyenne portée améliorés (ASMPA). La permanence des FAS tient également en leur capacité à adresser des signaux nucléaires visibles en deçà du seuil de la frappe. Pour la Fost comme pour les FAS et la FANu, la pleine crédibilité opérationnelle ne serait pas atteignable sans l’appui des forces conventionnelles et le concours des directions et services de soutien pour protéger et appuyer simultanément la manœuvre nucléaire en elle-même, les institutions et autres organes essentiels de la Nation, et enfin nos approches maritimes et aériennes. Ainsi sollicitées, des forces conventionnelles robustes « permettent » le bon exercice de la dissuasion.
Sans moyens conventionnels permettant de maîtriser la zone maritime de dilution de nos SNLE-NG et protégeant notre liberté de manœuvre aux abords du site de l’Île Longue – base de la Fost en rade de Brest –, sans maîtrise des approches aériennes avec des moyens de défense sol/air et de défense aérienne, la crédibilité de nos forces pourrait être contestée. Les bases aériennes et navales qui hébergent les manœuvres nucléaires sont ainsi protégées par des dispositifs conventionnels, afin de prendre en compte les menaces et actes malveillants de toute nature sous le dioptre, en surface, comme dans la 3e dimension.
La Défense opérationnelle du territoire (DOT) (13) qui fait actuellement l’objet de travaux d’actualisation, « en liaison avec les autres formes de la défense militaire et avec la défense civile, concourt au maintien de la liberté et de la continuité d’action du Gouvernement, ainsi qu’à la sauvegarde des organes essentiels à la défense de la nation. » Son objectif premier est ainsi rappelé aux autorités militaires : « en tout temps, de participer à la protection des installations militaires et, en priorité, de celles de la force nucléaire stratégique ». Ainsi, tout comme la Défense aérienne du territoire (DAT) et la Défense maritime du territoire (DMT), ces missions conventionnelles doivent être menées en amont de l’affrontement. Elles constituent un épaulement des forces nucléaires. Elles protègent également le fonctionnement des institutions face à des rétroactions, c’est-à-dire des actions simultanées et non revendiquées que mènerait un adversaire en zone grise (actions clandestines, subversion, attaques cyber, actions dans les milieux partagés…).
Enfin, il peut être relevé que les cursus longs et rigoureux de formation des équipages engagés dans la mission de dissuasion incluent toujours la maîtrise de compétences conventionnelles. Avant de commander un SNLE, les commandants de sous-marins font leurs armes sur Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA). Ils s’aguerrissent et démontrent leur savoir-faire aux compétiteurs. Il en va de même pour la composante aéroportée, pour laquelle la dualité des moyens (Rafale, C-135, MRTT) permet de convaincre des capacités opérationnelles des équipages lors d’opérations conventionnelles, à l’instar de l’Opération Hamilton dans la nuit du 13 au 14 avril 2018 (14). Les frappes conventionnelles dans la profondeur du territoire syrien ont démontré la capacité d’atteindre depuis la métropole des points de largage de missiles à l’issue d’un raid à grande élongation. Ce mode d’action est comparable à une mission nucléaire.
Crédibilité technique, un exemple d’épaulement du conventionnel par le nucléaire
De génération en génération de systèmes d’armes nucléaires, la crédibilité technique repose sur la capacité des parties et sous-parties de chacun des systèmes d’armes nucléaires à prendre le dessus sur tout type de défense qui lui serait opposé. Cette démarche engendre au sein de la Base industrielle technologique de défense (BITD) un ruissellement des savoir-faire vers les capacités conventionnelles.
Pour nos SNLE-NG, la discrétion acoustique et le durcissement des transmissions confortent l’invulnérabilité d’un porteur de missiles nucléaires dilué. Les M51 donnent l’allonge suffisante pour atteindre les cibles et maximisent les possibilités de dilution du SNLE-NG. La nature du cortège de têtes nucléaires, composé de leurres et d’aides à la pénétration, empêche physiquement toute interception. Pour la composante aéroportée, le couple Rafale/MRTT assure l’allonge intercontinentale. Le missile ASMPA qui vole à une vitesse très largement supersonique dispose d’une capacité à manœuvrer qui ne permet pas de l’intercepter. Assurément, pour les deux composantes, la recherche de l’ascendant technologique est permanente afin que le glaive dispose toujours de l’avantage sur le bouclier. Cette dynamique démontre l’inappropriation d’une comparaison de la dissuasion à la « ligne Maginot ».
Pour cette raison, les forces conventionnelles tirent régulièrement des bénéfices des savoir-faire technologiques développés par l’industrie de défense pour la mission de dissuasion. Les investissements consentis et le niveau d’excellence entretenu par les programmes d’armements nucléaires se reportent vers le monde conventionnel ou plus largement vers l’industrie civile nationale. Ce constat s’applique aux porteurs (SNLE-NG et Rafale) comme aux vecteurs (M51 et ASMPA). Le lanceur Ariane s’appuie sur les investissements consentis dans les missiles balistiques nucléaires. Un exemple de ruissellement récent se retrouve dans la précision de mise sur orbite du télescope spatial James Webb le 25 décembre 2021, lui faisant gagner dix années d’exploitation (15). Enfin, il convient de ne pas sous-estimer les bénéfices décisifs dans le domaine des transmissions et des capacités associées de chiffrement, à l’heure de la guerre en réseaux. Pour autant, et contrairement à d’autres pays dotés, cette forme d’épaulement intègre aussi une ségrégation technologique entre les systèmes d’armes utilisés pour la dissuasion et ceux employés dans un cadre conventionnel. En effet, vis-à-vis de l’adversaire il s’agit de lever toute ambiguïté sur la nature de notre réponse : un missile de croisière subsonique sera conventionnel, un missile aérobie supersonique (et prochainement hypersonique) portera une charge nucléaire.
Crédibilité politique, soutenue par l’épaulement mutuel des forces nucléaires et conventionnelles
Depuis la création des forces nucléaires, le déclenchement de la manœuvre nucléaire et les décisions relatives à son évolution sont de la responsabilité exclusive du président de la République. Seul à apprécier le périmètre des intérêts vitaux français, il ajuste la posture nucléaire en conséquence, de manière discrète ou ostensible, jusqu’à ordonner, s’il le faut, le feu nucléaire. Pourtant, appréciation et décisions doivent reposer sur des éléments fiables. La crédibilité politique peut également se considérer au prisme des capacités autonomes de connaissance et d’anticipation, mais également des capacités à matérialiser la détermination.
Les guerres et crises majeures du XXe siècle ont convaincu les chefs de l’État successifs de renforcer services secrets et capacités de renseignement militaire. En 1940, alors en exil à Londres, le général de Gaulle crée le service de renseignement de la France libre qui deviendra, en 1942, le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA), ancêtre de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE créée en 1982). La création de la Direction du renseignement militaire (DRM en 1992) est la conséquence directe des enseignements de la première guerre du Golfe. Plus récemment, dans le projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 (16), c’est le budget d’investissement et de fonctionnement des moyens conventionnels consacrés à la fonction connaissance-compréhension-anticipation (hors soldes et pensions) qui est annoncé doublé en réponse à la RNS 2022 (17) qui décrit un point d’effort « sur la compréhension des phénomènes pour permettre l’anticipation et faciliter la réactivité de la décision ».
La projection puis l’engagement de forces conventionnelles ne se sont pas strictement nécessaires à la crédibilisation d’une posture nucléaire. Cependant, lorsque les circonstances s’y prêtent, leur emploi matérialisera une détermination politique qui recouvre de multiples champs d’expression (économique, diplomatique, posture nucléaire…). Dans son rôle de chef des armées, le président de la République qui ordonne le déploiement de forces conventionnelles, contribue à convaincre l’ennemi d’une absence d’inhibition à employer ses outils militaires.
En outre, le pouvoir politique use au quotidien de toute la palette d’options qu’offre l’épaulement à des fins de signalement stratégique vers nos compétiteurs. Si l’épaulement est ainsi devenu gage de crédibilité (opérationnelle, technique, politique), certaines notions fondamentales, telles que la discontinuité d’emploi entre conventionnel et nucléaire ou encore la notion de contournement, peuvent souvent faire l’objet de confusions.
L’affirmation de l’épaulement peut être source de confusions
Malgré l’ANT, une discontinuité dans l’emploi des moyens conventionnels et nucléaires
Après la première alerte nucléaire de 1964 et l’équipement des FAS puis de la Fost, il semble que seules les difficultés de production de matière fissile par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) expliquent le délai avec lequel l’Arme nucléaire tactique (ANT) s’est déployée dans les forces. Comme le détaille le politologue Samy Cohen (18), le général de Gaulle était convaincu de l’utilité pour la France d’être dotée de l’ANT et avait d’ailleurs accepté que les Forces françaises en Allemagne (FFA) soient équipées de missiles Honest John de l’Otan et que l’aviation emporte des bombes nucléaires tactiques (bombes Mk-43 embarquées par les F-100 Super Sabre des 3e et 11e Escadres sous double clé française et américaine. La conception de l’ANT, au service de l’ultime avertissement, a contribué à harmoniser le rôle respectif des trois armées. Le Pluton affichait des capacités balistiques de courte portée (17 à 120 km) qui ne permettaient pas de frapper au-delà de l’Allemagne de l’Ouest depuis le territoire français. Cette allonge associée à une puissance limitée (10 à 25 kilotonnes) et au ciblage d’objectifs exclusivement militaires justifiait l’appellation « tactique » de ces missiles. Ainsi, ces éléments pouvaient laisser croire à une continuité par rapport aux forces conventionnelles déployées à distance du territoire national.
Pourtant, le terme « tactique » fut remplacé par « préstratégique » dès le début des années 1980. Il s’agissait, en effet, de clarifier la vocation stratégique de ce type d’arme depuis sa naissance : elle n’était pas conçue pour gagner une bataille. Avant même sa mise en service, Lucien Poirier et le Centre de prospective et d’évaluation (CPE, créé par Pierre Messmer en 1964) définirent une manœuvre dite de « Test » qui pouvait mettre à profit ses caractéristiques. Le général Poirier explique (19) que « cet armement assurerait une double fonction : sa seule existence contraindrait l’agresseur à s’engager plus puissamment, donc plus clairement… Ensuite, dans les mains du chef de l’État, il permettrait un tir de semonce effectué sur les seules forces assaillantes, de matérialiser d’une manière non équivoque le moment où nous estimerions que l’agression ennemie va franchir le seuil d’agressivité critique. » Ils arrivèrent à la conclusion que cette manœuvre ne pourrait être menée qu’à proximité immédiate de nos frontières. Le nucléaire tactique était donc un ultime élément d’un dialogue profondément stratégique. Il n’était pas une capacité de résistance sur le terrain, ou encore d’une riposte justifiée par le sang versé par nos troupes conventionnelles. Là se positionnait une erreur de compréhension doctrinale parfois soulignée lorsque le chef terrestre faisait du test le but de la manœuvre. Cette conception fondamentalement gaullienne de l’utilité des armes nucléaires s’éloignait dès leurs premières heures de la riposte graduée américaine. L’écart profond ne résidait pas dans les types d’armement utilisés mais dans les objectifs poursuivis. Le général de Gaulle était convaincu que cette stratégie avait pour objectif de limiter l’engagement des États-Unis et de le doser en fonction de leurs intérêts exclusifs.
Aujourd’hui, les forces conventionnelles conservent la vocation de tester l’adversaire (attrition subie) et y ajoutent celle de lever l’ambiguïté sur ses actions et ses manœuvres non assumées. Il leur reviendra de gêner, d’empêcher et factuellement de combattre pour mieux identifier et attribuer les actions indirectes de l’adversaire. Ce dernier profitera de tous les milieux et champs, en particulier ceux où la réglementation et l’attribution sont défaillantes (zone grise), pour mener des actions sans engager clairement sa responsabilité.
Le risque de contournement, une conséquence d’un épaulement imparfait
Pour comprendre ce que revêt la notion de contournement, il peut être utile de traduire de manière schématique la protection offerte par les forces conventionnelles et nucléaires françaises. En 2020, dans son discours sur la dissuasion, le président de la République rappelait (20) qu’il était de sa responsabilité de « protéger la France et les Français contre toute menace d’origine étatique contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. » Deux éléments clés sont mis en lumière dans cette définition : les intérêts visés et le point d’origine de la menace. Ainsi, lorsque les intérêts vitaux ne sont pas ciblés ou lorsque la menace n’est pas origine étatique, le terme de contournement de la dissuasion n’implique pas qu’elle soit inefficace mais tout simplement que le scénario n’est pas couvert par la dissuasion. Dans ce cas, les seules forces conventionnelles s’y opposeront.
Les intérêts français, pris dans leur globalité, justifient l’épaulement
Le bouclier efficace d’une dissuasion crédible protège les intérêts de la Nation qui ont pris l’appellation de « vitaux ». S’il précise que seul le président de la République en exercice est à même d’apprécier le périmètre des intérêts vitaux de la Nation, François Hollande annonce dans son discours de 2015 sur la dissuasion que « l’intégrité de notre territoire, la sauvegarde de notre population » (21) en constituent le cœur. Ainsi, même si une incertitude volontaire et bénéfique persiste sur leur nature et leur périmètre exact, ils peuvent rejoindre sur certains points ceux dits « fondamentaux » au sens que leur confère le Code pénal (22) : « Les intérêts fondamentaux de la nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. »
En élargissant le spectre des intérêts français pouvant être ciblés, rappelons les liens qui unissent la France à ses partenaires et alliés, dans des zones où les enjeux stratégiques le justifient. Dans ce cas, l’ombre portée des capacités de dissuasion ne peut être ignorée. Le président de la République le rappelle (23) en 2020 : « nos forces nucléaires jouent un rôle dissuasif propre, notamment en Europe. Elles renforcent la sécurité de l’Europe par leur existence même et à cet égard ont une dimension authentiquement européenne. » Pour autant, les pays disposant d’une faible profondeur stratégique ne conçoivent pas ce rôle dissuasif autrement que sous la forme de déploiements conventionnels assurés principalement par le grand allié américain (« boots on the ground »), seules garanties de sécurité qui comptent à leurs yeux. Cette préoccupation traduit une compréhension réaliste des mécanismes de décision de l’alliance en ce qui concerne le feu nucléaire. En effet, les puissances dotées de l’alliance (États-Unis, France et Grande-Bretagne) restent seules maîtresses de l’ultime décision.
Le point d’origine de la menace encourage, lui aussi, la notion d’épaulement
Deux points d’origine sont à distinguer : les États et les organisations non étatiques. Il convient aussi de ne pas oublier la possibilité d’absence de revendication et l’incapacité à attribuer une agression. Afin de contrer les tentatives de contournement de notre stratégie de dissuasion, le président Jacques Chirac explique (24) en 2006 que « les dirigeants d’États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d’utiliser, d’une manière ou d’une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu’ils s’exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d’une autre nature. » Cette situation met en lumière l’importance des moyens conventionnels afin d’apprécier les situations de crise de manière autonome et de discerner le niveau d’implication des États.
L’objectif, en renforçant les moyens de renseignement, est d’être capable de réagir, mais également de ne pas surréagir et potentiellement de se laisser entraîner dans un conflit. Cet enseignement a été tiré après la guerre d’Irak de 2003, à propos de laquelle deux puissances dotées, France et Grande-Bretagne, ont suivi des trajectoires différentes. Treize années plus tard, la Commission d’enquête Chilcot (25) convainc la Grande-Bretagne de renforcer ses moyens de renseignement. Avec le doublement des crédits dans la connaissance-anticipation et des investissements complémentaires dans le cyberespace, ou encore dans l’Espace, une priorité logique se dégage de la LPM 2024-2030 : compléter les capacités à apprécier des situations et à attribuer politiquement des agressions (26). Les caractéristiques des milieux dits « partagés » en font des terrains privilégiés d’attaques. Les failles ou absence de réglementation et les difficultés de surveillance de l’Espace, de la haute mer, des fonds sous-marins, du cyber espace, offrent plus d’opportunités à nos adversaires d’agir en « zone grise ». Nos intérêts (câbles sous-marins, pipelines, ressources naturelles, satellites…) doivent y être défendus par des moyens autonomes de surveillance, d’attribution des actions, d’autonomie de décision, d’entrave de ces menaces et également de réponse dans une position de « légitime défense ».
Deux constats peuvent finalement ressortir des problématiques posées par le point d’origine de la menace :
• Par ses moyens de renseignement permettant de discerner le niveau d’implication des États qui nous menacent (attribution), la fonction connaissance et anticipation épaule la dissuasion.
• Face à des États dotés d’armes de destruction massive, la flexibilité technique au sein de nos capacités de frappe nucléaire offre au président de la République des options adaptées à la menace.
Deux cas de contournement à contrer pour les forces nucléaires et conventionnelles
Le contournement par le bas (27)
La RNS 2022 aborde ce défi sous la forme suivante : « notre autonomie repose en outre sur le renforcement d’un modèle d’armée crédible, cohérent et équilibré. Cela exige des forces conventionnelles dont le dimensionnement et l’équipement permettent une articulation avec les forces nucléaires suffisamment robuste pour préserver la liberté d’action du président de la République et éviter un contournement de la dissuasion par le bas ». Lors de son audition sur la dissuasion nucléaire, le général d’armée Thierry Burkhard, présente l’épaulement mutuel des forces nucléaires et conventionnelles comme le moyen de contrer des manœuvres étatiques de contournement. « Les forces conventionnelles renforcent la dissuasion en crédibilisant notre capacité à résister à une agression, évitant ainsi le contournement par le bas (28). » Le Céma considère que les forces conventionnelles, permettent de mesurer au plus tôt la détermination de l’adversaire en « le forçant à dévoiler ses intentions, (…) de l’empêcher de créer un fait accompli, telle la prise d’un gage territorial ». En parallèle, il considère que les forces conventionnelles seraient sollicitées simultanément sur le territoire, en couverture de ses approches aériennes et maritimes pour « permettre aux forces nucléaires de monter en puissance ».
Finalement, le Céma confirme ici deux besoins simultanés : celui de défendre au loin, et au plus tôt, nos intérêts en obligeant l’adversaire à sortir de l’ambiguïté et celui de protéger la montée en puissance de nos forces nucléaires. Dans cette tentative de contournement par le bas, les forces conventionnelles doivent épauler les forces nucléaires. La probabilité d’occurrence de conflits « limités » (développés infra) est réelle. Ils nécessiteront une réponse coordonnée, dans le cadre d’une résolution de l’ONU ou de l’expression de la solidarité stratégique française vis-à-vis d’un partenaire, toujours en défense de nos intérêts.
Le contournement par le haut d’une intervention des forces conventionnelles
Si la notion de contournement peut être associée à nos forces nucléaires, elle peut aussi s’appliquer par effet miroir sur la capacité d’intervention des forces conventionnelles. Il s’agit de la principale leçon tirée de la crise de Suez en 1956. En application des accords secrets qui unissent France, Israël et Grande-Bretagne, Israël envahit l’Est du canal, suivi rapidement par des actions françaises et britanniques de bombardement, parachutage et débarquement de troupes, officiellement comme des troupes de maintien de la paix. Malgré la victoire acquise sur le champ de bataille égyptien, les coalisés sont obligés de battre en retraite sous la pression de menaces de représailles nucléaires de l’URSS et en l’absence de soutien américain. Dans une telle situation, une Nation non dotée voit sa liberté d’action contrainte.
À l’inverse, les forces nucléaires d’une nation dotée, par leur seule existence, épaulent ses forces conventionnelles en leur redonnant de la liberté de manœuvre. On assiste d’ailleurs, de la part de la Russie, à l’abus de cette propriété dans ses manœuvres de « sanctuarisation agressive », telles qu’on les qualifie de nos jours.
Devenue puissance dotée, la France peut se positionner différemment sur l’échiquier des nouvelles compétitions ou contestations : « la capacité d’exercer une pression stratégique sous la forme d’un dialogue dissuasif sur un adversaire ou son allié potentiel donne davantage de latitude aux forces conventionnelles pour exprimer toute la palette de leurs savoir-faire dans un conflit » (29). Pour autant, le dilemme existe depuis le Livre blanc de 1972 sur le juste dimensionnement de nos forces conventionnelles. Quel peut-il être pour couvrir les missions qui leur sont assignées sans pour autant affaiblir le concept français de dissuasion nucléaire ?
L’image du « tout ou rien » nucléaire masque la continuité d’une manœuvre de dissuasion dans laquelle nucléaire et conventionnel s’épaulent
Considérant la rupture établie dans la doctrine française entre les opérations conventionnelles et le premier emploi d’une arme nucléaire (éventualité de l’ultime avertissement), il serait simpliste de conclure à l’inutilité du nucléaire sous un certain seuil. Cette notion de seuil (réfutée par la doctrine française) est utilisée pour imager un niveau d’intensité et d’agressivité de l’ennemi en dessous duquel le feu nucléaire ne saurait être engagé. Par voie de conséquence, on considérerait à tort que les forces conventionnelles doivent défendre des intérêts sans l’épaulement des forces nucléaires.
Il s’agit là d’une méprise courante qui consiste à oublier l’importance de tous les éléments caractérisant la posture d’un pays lorsqu’il défend ses intérêts face à des États qui les contestent ou les menacent. L’ensemble des capacités d’action nationales matérialiseront de manière cohérente la posture choisie par le président de la République. Sur le plan militaire, sa détermination pourrait prendre la forme de manœuvres ou de frappes conventionnelles limitées alors même que les forces de la dissuasion nucléaire adopteraient une posture visible adaptée (rapatriement de moyens en métropole, sanctuarisation d’activités, renforcement visible de moyens en alerte, réduction des délais de réaction…).
Lorsque les enjeux d’une crise dépassent le seuil d’auto-inhibition politique à user du dialogue dissuasif, la continuité et la coordination des changements de postures nucléaire et conventionnelle renforcent les signaux stratégiques émis. En 2015, François Hollande (30) rappelle que la composante aéroportée de la dissuasion « donne, en cas de crise majeure, une visibilité à notre détermination à nous défendre, évitant ainsi un engrenage vers des solutions extrêmes ». En 2023, dans un contexte international très différent, le Céma évoque (31) l’utilité de la dissuasion pour signifier notre détermination. « D’une part, les armes nucléaires sont des armes de non-emploi, c’est-à-dire que ce ne sont pas des armes du champ de bataille. En revanche, les forces nucléaires sont des forces employées en permanence pour le signalement stratégique dans les phases de compétition, de contestation et d’affrontement vis-à-vis de nos alliés et de nos adversaires. » Le Céma décrit également les outils de communication complémentaires d’une Nation dotée : « notre statut d’État doté nous permet d’activer des canaux de communication directs pour dialoguer avec des parties au conflit, en complément des messages de portée plus générale qui passent par d’autres relais. » Nous pouvons donc conclure que l’image du « tout ou rien » nucléaire (associée à la notion d’emploi) masque en première lecture la cohérence d’une manœuvre de dissuasion dans laquelle nucléaire et conventionnel s’épaulent.
L’épaulement dans le nouveau contexte stratégique
Rappeler des principes pour consolider l’épaulement
En Ukraine, l’ombre portée des forces nucléaires russes confère une liberté d’action aux forces conventionnelles d’invasion qui s’apparente à une sanctuarisation agressive. Cette « dissuasion offensive » (32) pourrait fragiliser le concept de dissuasion d’États plus vertueux. C’est pour cette raison que le discours présidentiel confirme le caractère purement défensif de la dissuasion nucléaire française.
Que ce soit pour son caractère défensif comme pour d’autres éléments, la grammaire du nucléaire paraît mal maîtrisée en France, y compris par la classe politique. Qu’il s’agisse d’un nucléaire qui ne dissuade pas uniquement des États dotés (refus du « sole purpose »), ou de conserver la possibilité d’une menace de frappe en premier (refus du « no first use »), ou encore de la capacité d’effectuer des frappes adaptées ainsi que de procéder à un ultime avertissement, il semble nécessaire de réaliser un effort de pédagogie sur les fondements de la doctrine de dissuasion française. Par ailleurs, cet effort pédagogique serait également perçu à l’extérieur de nos frontières comme le signalement d’une doctrine pleinement assumée.
En corollaire de ce principe, il semble nécessaire de rappeler que la légitimité de l’engagement de nos forces conventionnelles (respect du droit international par exemple) a une incidence sur la cohérence de la posture étatique. Par le passé, on peut estimer que des engagements conventionnels conduits sans mandat international ou aux intentions ambiguës (intervention en Libye en 2011 par exemple) ont pu faire douter de la sincérité des intentions stratégiques occidentales et les fragiliser par contrecoup.
Enfin, en réponse à l’agressivité d’autres États dotés, il est de l’intérêt des trois États dotés, membres de l’Otan, de rappeler les engagements pris sur les garanties de sécurités négatives offertes aux États non dotés, en retour d’un respect du Traité de non-prolifération (TNP). Cet engagement est central dans nos dispositifs d’alliances.
L’épaulement pour amplifier le signalement stratégique
Au-delà de la réaffirmation de ces principes, qui ne peuvent suffire à eux seuls à dissuader un agresseur, la préservation de la liberté d’action du chef des armées passe par la non-acceptation du risque d’escalade. En effet, face à ce risque, une palette d’options de signalement stratégique permet d’éviter la montée aux extrêmes. La diversité des missions conduites par les forces conventionnelles (connaître, anticiper, tester la détermination, empêcher la manœuvre ennemie, le retarder, conduire des options intermédiaires) insère des barreaux supplémentaires sur l’échelle de l’escalade de la violence.
La liberté d’action du chef de l’État ainsi préservée, s’accompagnera d’une stratégie déclaratoire. Afin de signalement stratégique, la manœuvre doit être pensée et présentée dans son ensemble, des premiers mouvements conventionnels, au renforcement de la posture nucléaire, en amont et pendant la crise, en s’assurant de « l’emboîtement » parfait des deux manœuvres conventionnelle et nucléaire. La cohérence de cet emboîtement renforcera les effets produits sur l’adversaire, et notre détermination ainsi comprise limitera la portée de la crise.
Illustrations de l’épaulement par des scénarios
Le nouveau contexte stratégique fait ressortir un retour des rapports de force entre États. Les intérêts nationaux pourraient être visés sous des formes directes (fait accompli) ou indirectes (stratégies hybrides). En partant des « trois cercles » de Poirier (33) (« la France, l’Europe-zone de marches le long de nos frontières continentales et maritimes, le reste du monde où la France a des intérêts importants »), quel épaulement permettrait de répondre aux menaces de « l’après-24 février » ?
Scénario 1 : forces conventionnelles en appui des forces nucléaires dans un scénario du fort au fort ou du faible au fort
Des menaces provenant d’un État sous forme déclaratoire (par exemple, menaces de frappes balistiques conventionnelles), des manœuvres agressives aux abords de nos approches maritimes et aériennes (accrochages d’un bâtiment de la Marine nationale et/ou d’un de nos avions), des tentatives de déstabilisation des organes essentiels de la Nation peuvent constituer les ingrédients d’un scénario qui appellerait une réponse dissuasive continue. La détermination de la France à ne pas céder face à toute forme d’intimidation, nécessite d’être rappelée en amont et pendant la crise : la manœuvre conventionnelle visera à renseigner, adapter le dispositif défensif, conserver la capacité à répondre en légitime défense, s’opposer aux actions qui ne justifient pas une réponse nucléaire. En parallèle, les forces conventionnelles devront également sécuriser les moyens nucléaires dont la posture sera logiquement adaptée.
Face à ce type de menaces, en métropole comme dans nos territoires d’outre-mer, des moyens défensifs conventionnels seront sollicités. En métropole, dans ce dialogue « du fort au fort », les plans de défense du territoire seraient activés (Plans de défense maritime du territoire ou PDMT, Plans militaires de défense aérienne ou PMDA, ainsi que la DOT) pour faire obstacle à la volonté escalatoire d’un adversaire déterminé. L’actualisation de ces plans doit garantir que les moyens et leur niveau de préparation sont ajustés à la menace. Dans les outre-mer, l’adversaire pourrait douter de la mise en application de la stratégie détaillée dans le Rapport annexé de la LPM 2024-2030 (34). Les prépositionnements et la réactivité de projection de capacités conventionnelles pourraient s’avérer déterminants pour détecter l’intention, freiner les premières actions ou enfin s’opposer au fait accompli.
Scénario 2 : l’épaulement dans la défense collective
Alors que la France fait le choix d’une discontinuité entre ses moyens conventionnels et nucléaires, la guerre en Ukraine et plus globalement l’engagement accru dans la défense collective au sein de l’Otan incitent à mieux coordonner des actions et manœuvres jusqu’à présent découplées (déploiement, entraînement et manœuvres de forces conventionnelles en Europe, posture de dissuasion). Cette démarche ne consiste pas pour autant à rejoindre les concepts de dissuasion « intégrée » de nos alliés, contraires au modèle français (35). Reconsidérer ce découplage permettra aux forces françaises engagées dans des dispositifs de réassurance sur le flanc Est de s’approprier la singularité de leur rôle dans cette manœuvre de « dissuasion » globale. Provenant d’un État doté, les forces conventionnelles engagées se singularisent des forces des nations non dotées en faisant porter un dilemme de nature nucléaire à l’adversaire. L’Estonie a encouragé le déploiement de troupes britanniques et françaises sur son sol pour cette raison.
Cette nouvelle donne interroge sur les garanties de sécurité que nous souhaitons donner à nos alliés européens. Il serait vraisemblablement utile de prolonger le sentiment immédiat de sécurité, procuré aujourd’hui par l’Otan, par le développement à moyen terme d’une autonomie accrue des Européens à se défendre. C’est aussi ce qui peut expliquer l’offre de sécurité proposée par le président de la République aux pays européens qui s’estiment liés par une communauté de destin (36). Cette démarche pourrait s’exprimer dans un premier temps via des dialogues stratégiques bilatéraux, au plus haut niveau des États concernés. Ils permettraient une meilleure compréhension de leur besoin de sécurité tout en offrant un cadre propice à l’explication de notre doctrine de dissuasion.
À ce stade, si les renforts français (de format bataillon pour l’armée de Terre et de police du ciel dans le domaine aérien) forment un premier échelon ne permettant pas de s’opposer à une offensive russe peu probable, ils manifestent en revanche la menace d’agir. Dans ce contexte, l’Otan utilise cette dimension de réassurance pour marquer sa volonté de défense collective. Cette dimension n’empêche pas pour autant l’Otan de rappeler qu’elle est une alliance nucléaire.
En cas d’issue défavorable au conflit ukrainien et de dégradation des conditions de sécurité aux bordures de l’Otan, la posture de l’Alliance pourrait évoluer. Ainsi, comme pour le scénario 1, des dispositions seraient prises en France pour s’opposer aux actions subversives ou d’intimidation de l’adversaire et également pour sécuriser et soutenir le transit de renforts américains (37). En parallèle, sur le flanc Est, la contribution aux dispositifs de défense collective serait augmentée dans la profondeur opérative (en adéquation avec l’ambition française pour la défense de l’Europe, à titre d’exemple une division terrestre en un mois, soit environ 25 000 hommes).
Scénario 3 : l’épaulement dans le cadre de guerres limitées ou de gestions de crises
Le troisième cercle, celui des « guerres limitées » (38), a constitué pour la France l’engagement militaire le plus visible depuis la fin de la guerre froide. Les intérêts en jeu n’appellent a priori pas une réponse nucléaire, même si les capacités de dissuasion surplombent en permanence l’engagement des forces conventionnelles en procurant de la liberté d’action politique. L’intervention conventionnelle française serait sollicitée qu’il s’agisse de la mise en œuvre d’accords de défense (par exemple aux Émirats arabes unis, EAU), de crises régionales entraînant un engagement en coalition (Moyen-Orient, Afrique), de stratégies de déni d’accès (A2/AD) ou de contestation d’espaces communs (exemple de l’entrave de la liberté de navigation), de crises liées à l’environnement ou d’autres surprises stratégiques. Dans ce cas, la voûte nucléaire permet d’éviter le contournement par le haut de notre intervention conventionnelle (voir supra). Ce positionnement spécifique permet en théorie de contenir l’intensité du conflit (limitation régionale du conflit, pas d’enjeux existentiels pour la puissance dotée), même s’il ne saurait garantir une résolution rapide et donc des pertes réduites. La guerre menée au Vietnam par les Américains illustre cette difficulté.
Au-delà de la durée d’un conflit de basse intensité dont il peut être difficile de s’extraire, la France pourrait indirectement être confrontée à un État doté, ou en passe de l’être, qui prendrait position contre notre intervention et appuierait l’autre partie. Ce type de scénario pose aujourd’hui les deux problématiques suivantes :
• Dans cette opposition indirecte du fort au fort, les deux parties conventionnelles se trouveraient coiffées indirectement par les dissuasions des deux États dotés. Soit cette situation créerait une inhibition qui accélérerait la fin du conflit, soit une montée des tensions pourrait survenir jusqu’au seuil que s’autoriseraient les adversaires.
• L’implication d’une puissance majeure pourrait engendrer des velléités de rétroactions sur le territoire français. Ces actions prendraient vraisemblablement la forme de stratégies hybrides, privilégiant la subversion, les attaques cyber ou tout autre moyen ne permettant pas une attribution.
Dans la pratique, ce scénario interroge sur le niveau de suffisance des moyens pour y faire face. La priorité serait donnée à la défense du pré-carré national, ce qui contraindrait la capacité d’intervention extérieure. Ce cas de figure pose finalement la question du niveau de « juste suffisance » de nos moyens. La juste (ou « stricte » pour le nucléaire) suffisance s’est matérialisée jusqu’à récemment par une baisse constante et continue de nos moyens nucléaires, dans un monde plus sûr. Pourtant, qu’il s’agisse de nos forces conventionnelles comme de nos forces nucléaires, ce principe impose le dimensionnement dynamique du format de nos armées face aux menaces de nos intérêts.
Inscrire l’épaulement dans un futur modèle d’armée
Les trois scénarios précédents ne seront jamais strictement indépendants les uns des autres. Il est en revanche probable qu’ils entrent en jeu de manière séquentielle. Le scénario 3 pourrait être le premier à solliciter nos forces au loin alors que le scénario 2 pourrait aussi entrer en jeu si un adversaire doté prenait position dans notre intervention extérieure, par ailleurs potentiellement menée en coalition. Enfin, en cas d’escalade du conflit lointain et de pressions exercées sur les membres de la coalition, les forces nucléaires pourraient être amenées à changer de posture. Finalement, les formes d’épaulement précédemment décrites, peuvent se conjuguer dans un seul scénario « majorant » qui peut constituer un référentiel dimensionnant. Il combinerait déstabilisation d’un État tiers où nous aurions des intérêts et serions engagés dans le cadre d’accords ou encore déstabilisation d’un territoire ultramarin français avec la menace de « proxies » (intermédiaires) obligeant à y envoyer des renforts conséquents (militaires et forces de sécurité intérieure), et déstabilisation progressive du territoire métropolitain par des actions hybrides (cyber, terrorisme et influence) dont les conséquences impacteraient directement notre capacité à déployer des forces.
Dans ce cas précis, les simultanéités de sollicitations de nos forces conventionnelles et nucléaires (défense d’intérêts français hors Europe, renforcement de la défense collective en Europe ou accords de défense et rétroactions sur le territoire national) mettraient en tension des moyens qui sont pour partie mutualisés. En cas de manque de moyens disponibles immédiatement, ce scénario « multi-crises » fait courir le risque d’une dilution des forces armées sur le territoire national, au détriment d’intérêts plus lointains.
Dans cette perspective, la notion d’épaulement suggère donc de constituer un socle conventionnel réactif, robuste et endurant qui ne susciterait que des mutualisations acceptables et réalistes (délais et capacités de rapatriement des moyens) pour toutes les capacités (conventionnelles et nucléaires) sollicitées par le scénario 1. Dans un contexte économique inflationniste, et après avoir sanctuarisé les moyens nécessaires au scénario 1, des choix budgétaires devront donc intégrer cette équation stratégique complexe : disposer des moyens nécessaires à l’Hypothèse d’engagement majeur (HEM) tout en conduisant la manœuvre de dissuasion.
Cette nouvelle ambition conventionnelle n’impliquerait pas pour autant une dérive vers une dissuasion par déni, par exemple par l’acquisition d’un bouclier antimissile, mais bien d’en rester à une dissuasion par punition par la frappe nucléaire (39). Dans les faits, une dissuasion par déni serait, elle, stratégiquement une ligne Maginot. Si la France refuse qu’une Défense anti-missile balistique (DAMB) joue un rôle opérationnel dans la protection d’intérêts vitaux déjà couverts par sa doctrine de dissuasion, elle considère en revanche comme légitime de doter ses forces conventionnelles déployées de dispositifs sol-air de défense face aux menaces balistiques ou missiles aérobie conventionnels qui pourraient les menacer.
La crédibilité de l’épaulement des forces nucléaires et conventionnelles passe également au niveau stratégique (Centre de planification et de conduite des opérations – CPCO –, de l’État-major des armées – EMA) par l’intensification d’une préparation et d’un entraînement partagés, planifiés. Il pourrait revenir à l’EMA d’être le maître d’œuvre d’une approche moins cloisonnée entre les forces conventionnelles et nucléaires, et de veiller à y associer les acteurs militaires agissant dans tous les champs et milieux, et pas seulement les armées « nucléaires » (Marine nationale et Armée de l’air et de l’Espace). Le respect du besoin d’en connaître et la confidentialité requise à chaque manœuvre sont aujourd’hui un frein à leur pleine intégration. Des évolutions organisationnelles pourraient concerner les parties hautes des opérations actuellement ségréguées (opérations spéciales, conventionnelles, nucléaires, cyber, spatiales) pour partager contraintes et analyse de la situation dans un travail d’état-major au profit du sous-chef opérations de l’EMA. Il s’agit également d’encourager à « penser épaulement » dans la planification et la conduite de l’action en sachant mesurer les effets produits en phase de contestation ou de début d’affrontement « à distance », pour traduire notre détermination.
* * *
Les rapporteurs de la chambre haute (40) n’ont fait que reprendre les doutes qui ont entouré la doctrine nucléaire française depuis ses débuts : « l’arme nucléaire ne peut pas tout (…) et il ne fallait pas conclure pour autant que les hommes cesseraient de régler leurs oppositions par la violence » (41). L’affirmation depuis 2020 de son épaulement par les forces conventionnelles constitue une évolution sémantique notable. Pour s’opposer à la désinhibition dans l’emploi de la force, émanant notamment d’États dotés, la manœuvre stratégique doit solliciter tous les leviers militaires au service d’une ambition de dissuasion afin de se doter d’options supplémentaires (options de signalement, comme options d’action). Afin de rester à la fois précis et adapté à la conflictualité du moment, le dialogue dissuasif doit en permanence s’enrichir et veiller à la cohérence des outils qui l’alimentent. Il demeure essentiel de ne pas créer de trop forts degrés de contrainte ou d’articulation entre forces conventionnelles et nucléaires, mais au contraire d’exploiter toute la palette des leviers qui s’offrent, de manière séquentielle et coordonnée. Cette manière de reconsidérer nos forces en volume comme en organisation peut s’inscrire dans le cadre plus global d’une transformation du modèle d’armée, pour répondre à l’évolution de la conflictualité.
La dialectique nucléaire qui surplombe le conflit russo-ukrainien et la probabilité accrue de scénarios de confrontation du fort au fort, appellent d’ailleurs d’autres formes « d’épaulement » pour crédibiliser la réponse de l’État, en particulier un épaulement des autres ministères. La phase interministérielle de l’exercice Orion qui s’est déroulée au printemps 2023 a ainsi démontré le besoin d’une réponse coordonnée de l’État en amont et pendant l’engagement. Il s’agit de renforcer la coordination des activités en matière de défense de l’ensemble des champs ministériels tant en matière de défense militaire que de défense civile : la future Commission interministérielle relative à la défense nationale (CIDN) devrait répondre à cet objectif. La dissuasion nucléaire peut, en outre, être mieux comprise de la nation, ce qui appelle un autre type d’appui, celui des forces morales de la Nation, indispensables pour garantir le meilleur niveau de résilience. Il apparaît essentiel que la dissuasion est mieux appréhendée et comprise, en se fiant à l’intuition du général Gallois (42) qui estimait impératif de consolider « d’invisibles liens psychologiques qui relient l’adhésion nationale à la stratégie mise en œuvre ».
Après avoir exploré tous les volets couverts par la notion d’épaulement dans le domaine de la défense, ce terme tactique du génie militaire prend une dimension stratégique dans la nouvelle ère géopolitique qui s’ouvre. Quel que soit le ministère concerné, cette ère suggère de ne négliger aucun effort dans la mise en cohérence des outils dont dispose de l’État pour se défendre, qu’il s’agisse du juste dimensionnement des moyens comme de la coordination de leurs actions. ♦
(1) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France ? (Rapport d’information n° 334), 8 février 2023, Sénat (https://www.senat.fr/rap/r22-334/r22-3341.pdf).
(2) Macron Emmanuel, « Discours du président de la République sur la stratégie de défense et de dissuasion », École militaire, 7 février 2020 (https://www.elysee.fr/). « Dès lors que nos intérêts vitaux sont susceptibles d’être menacés, la manœuvre militaire conventionnelle peut s’inscrire dans l’exercice de la dissuasion. La présence de forces conventionnelles robustes permet alors d’éviter une surprise stratégique, d’empêcher la création rapide d’un fait accompli ou de tester au plus tôt la détermination de l’adversaire, en le forçant à dévoiler de facto ses véritables intentions. Dans cette stratégie, notre force de dissuasion nucléaire demeure, en ultime recours, la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de nos intérêts vitaux. Aujourd’hui comme hier, elle garantit notre indépendance, notre liberté d’appréciation, de décision et d’action. Elle interdit à l’adversaire de miser sur le succès de l’escalade, de l’intimidation ou du chantage ».
(3) Aux paragraphes 12, 88, 101, 109 et 183. Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), Revue nationale stratégique, 9 novembre 2022 (https://www.sgdsn.gouv.fr/).
(4) « Épaulement », Définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales (https://www.cnrtl.fr/definition/%C3%A9paulement).
(5) Ailleret Charles, « Unité fondamentale des armements nucléaires et conventionnels », RDN n° 223, avril 1964, p. 565-577.
(6) Ibidem, p. 570.
(7) Livre blanc sur la Défense nationale, Tome I, 1972, p. 5.
(8) Long Marceau, Livre blanc sur la Défense, 1994, p. 59 (https://www.vie-publique.fr/).
(9) Mitterrand François, « Intervention du président de la République sur la politique de défense de la France et la dissuasion nucléaire », Paris, le 5 mai 1994 (https://www.vie-publique.fr/).
(10) Poirier Lucien, « Avant-propos », Stratégie théorique III, Économica, 1996.
(11) Allocution de clôture du général d’armée François Lecointre, 9es Assises nationales de la recherche stratégique, Paris-École militaire, 6 décembre 2018.
(12) NDLR : Le 1er SNLE français, Le Redoutable a été armé en décembre 1971. La Fost a été créée en mars 1972.
(13) Article R.* 1421-1 du décret n° 2007-583 du 23 avril 2007 relatif à certaines dispositions règlementaires de la 1re partie du Code de la défense (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000001859811).
(14) Moyal Éric, « L’opération Hamilton… démonstration stratégique et puissance aérienne », Cahier de la RDN « Salon du Bourget 2019 – Enjeux de souveraineté et de la liberté d’action de la France », p. 58-64 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=87).
(15) ESA, « Il y a un an, le lancement parfait du télescope spatial James Webb », 20 décembre 2022 (https://www.esa.int/).
(16) Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000047403917/).
(17) RNS 2022, op. cit., §37, p. 13.
(18) Cohen Samy, La défaite des généraux : le pouvoir politique et l’armée sous la Ve République, Fayard, 1994, 276 pages.
(19) Poirier Lucien, « Dissuasion et puissance moyenne », RDN n° 309, mars 1972, p. 356-372.
(20) Macron Emmanuel, discours du 7 février 2020, op. cit.
(21) Hollande François, « Discours du président de la République sur la dissuasion nucléaire », Istres, 19 février 2015 (https://www.vie-publique.fr/).
(22) Article 410-1du Code pénal (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418343).
(23) Macron Emmanuel, discours du 7 février 2020, op. cit.
(24) Chirac Jacques, « Discours sur la politique de défense de la France et sur la dissuasion nucléaire », Brest, 19 janvier 2006 (https://www.elysee.fr/).
(25) Voir le site officiel de la commission : The Irak Inquiry (https://webarchive.nationalarchives.gov.uk/).
(26) Présentation de la LPM par le ministre des Armées en février 2023 à l’École militaire, au cours de laquelle il justifie ces investissements par un « agenda de puissance » et rappelle le principe selon lequel « notre voûte nucléaire doit être soutenue par un support conventionnel ».
(27) RNS 2022, op. cit., §62, p. 20.
(28) Commission de la défense nationale et des forces armées, « Audition, à huis clos, du général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, sur la dissuasion nucléaire » (Compte rendu n° 31), 11 janvier 2023, Assemblée nationale (https://www.assemblee-nationale.fr/).
(29) Ibidem.
(30) Hollande François, discours du 19 février 2015, op. cit.
(31) « Audition du général d’armée Thierry Burkhard », op. cit.
(32) « Si la dissuasion se limite à empêcher un adversaire de déclencher sur soi-même une action que l’on redoute, son effet est défensif, tandis que si elle empêche l’adversaire de s’opposer à une action que l’on veut faire, la dissuasion est alors offensive », Beaufre André, Dissuasion et Stratégie, cité par Géré François, La pensée stratégique française contemporaine, Économica, 2018.
(33) Général Poirier, Étude n° 852/MA/CPE/SC du 15 mars 1966.
(34) « (…) une défense de notre métropole et de nos Outre-mer (…) repose sur la dissuasion nucléaire, les forces de souveraineté et les capacités de projection et d’intervention », Rapport annexé de la LPM 2024-2030, op. cit.
(35) La terminologie consacrée lors du Sommet de l’Otan à Newport (Pays de Galles) en 2014 est d’ailleurs une « cohérence » et non une « intégration » entre forces conventionnelles et nucléaires.
(36) « Je souhaite que se développe un dialogue stratégique avec nos partenaires européens qui y sont prêts sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective », Macron Emmanuel, discours du 7 février 2020, op. cit.
(37) Concept de Host Nation Support (HNS).
(38) « (…) conflit armé dans lequel les deux parties emploient la force non plus dans le but de détruire leurs ennemis ou de leur imposer une capitulation sans condition mais au contraire pour atteindre un objectif bien défini, relativement modeste (…). Elle n’a donc pas pour objet que de changer par les armes les conditions défavorables à une solution diplomatique déterminée en conditions favorables. » Ailleret Charles, « Guerre nucléaire limitée ou drôle de guerre », RDN n° 156, mars 1958, p. 420 et suiv.
(39) Snyder Glenn H., « Deterrence by denial and punishment », Woodrow Wilson School of Public and International Affairs, Center of International Studies, 1959 (https://hdl.handle.net/2027/mdp.39015066339642).
(40) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Ukraine : un an de guerre, op. cit.
(41) Ailleret Charles, L’aventure atomique française : comment naquit la force de frappe, Grasset, 1968.
(42) Gallois Pierre Marie, Stratégie de l’âge nucléaire, Francois-Xavier de Guibert, 2009, p. 173-174.