Dialogue entre un officier de l’armée de Terre et un commissaire des armées sur la relation entre le commandement et les soutiens, hier et aujourd’hui. Deux approches, deux expériences et deux sensibilités qui se confrontent et se complètent pour essayer d’embrasser la complexité de cette relation. Interrogeant cette relation sur le temps long, identifiant ses constantes et ses inflexions, échangeant sur la situation actuelle héritée notamment de la révision générale des politiques publiques, ils proposent des scénarios possibles d’évolution et partagent des convictions communes pour renforcer cette relation et par là même nos armées.
« Je t’aime… moi non plus » : pour un dialogue rénové entre le commandement et les soutiens
« L’expérience est le nom que nous donnons à nos erreurs passées, la réforme celui que nous donnons à nos erreurs futures »
Henri Wallich (1)
Les conflits entre la « plume » et l’« épée » ne sont pas nouveaux. Ils traduisent une relation complexe et ambiguë que le titre de cet article résume de façon provocatrice. De la fin du XVIIe au début du XXe siècle, les heurts ont été nombreux. Ces confrontations trouvent initialement leur origine dans le rapport entre civils responsables de l’administration et militaires en charge de la guerre selon une dichotomie souvent plus théorique que réelle. Étonnamment, les mesures adoptées pour faire face à ces incompréhensions ne seront jamais durables, les liens entre armées et soutiens prenant tantôt la forme d’une plus grande autonomie jusqu’à l’existence même d’un « ministère de l’administration de la guerre » de 1802 à 1815, tantôt celle d’une subordination réaffirmée. Claude Carré, Saint-Cyrien et directeur des études au Service historique de l’armée de Terre (SHAT), estime d’ailleurs, dans L’Histoire du ministère de la Défense (2), que seules les lois promulguées en 1882 et 1902 subordonnant l’administration aux responsables opérationnels apporteront une première solution de long terme. Pour autant, force est de constater qu’aujourd’hui encore, les frictions demeurent…
Jeunes officiers au début des années 2000, nous n’avions certainement pas conscience de cette relation tumultueuse. Officiers des armes et des soutiens servaient alors tous en régiment et leur engagement était totalement dédié à la réussite d’une mission commune, sous les ordres d’un même chef de corps. Nos rapports étaient plus simples. Naïvement, il nous semblait que la professionnalisation, évolution majeure des armées, serait l’unique réforme que nous aurions à conduire au cours de notre carrière.
À mieux connaître l’histoire militaire, nous aurions dû savoir que la transformation des armées avait une généalogie déjà nourrie et un bel avenir devant elle (3). Depuis la professionnalisation, les réformes de nos armées se sont ainsi enchaînées à un rythme effréné : le Livre blanc de la défense de 1994 a développé une approche capacitaire tandis que le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2008 introduisait le concept de modularité ; en 2005, dénouement provisoire d’une histoire souterraine complexe (4), le Chef d’état-major des armées (Céma) devenait l’interlocuteur unique du pouvoir politique, ayant autorité sur les chefs d’état-major d’armées ; la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf, 2001) et la Révision générale des politiques publiques (RGPP, 2007) débouchaient sur les Bases de Défense (BdD) et l’interarmisation de nouvelles fonctions.
Écrire sur la relation entre les armées et les services de soutien n’est donc pas s’aventurer en terra incognita. Remis en valeur, un temps, par la crise sanitaire, ce sujet reste d’une acuité saisissante. Après presque quinze ans d’exercice, la dernière série de réformes majeures vécue par les armées n’est toujours pas digérée malgré tous les ajustements paramétriques effectués (5). La défiance persiste, les services rendus par les soutiens sont régulièrement considérés comme insuffisants alors même que la situation internationale nécessite, davantage qu’hier, d’être prêt à des engagements plus exigeants.
Le regard croisé de deux officiers ayant connu ce grand bouleversement nous est apparu pertinent parce qu’il combine deux visions : celle d’un officier des armes, ayant servi pour l’essentiel au sein de l’armée de Terre et celle d’un commissaire d’ancrage terre, dont le parcours l’a conduit notamment à exercer des responsabilités en régiment, au Secrétariat général pour l’administration (SGA) et dans les forces de présence. Auditeurs, ils s’expriment en s’affranchissant du politiquement correct, adoptant un ton direct voire parfois familier. Ils prennent le parti de confronter une vision conceptuelle à une perception de terrain, sans doute plus subjective mais partagée. En partageant des points de vue différents, ils cherchent à progresser dans la compréhension des irritants qui perdurent dans nos armées. Leur travail repose sur leur expérience propre, sur les convictions qu’ils se sont forgées durant leur carrière et sur de nombreux entretiens conduits, ensemble, au cours de leur scolarité, auprès de l’État-major des armées (EMA), des armées et des services de soutien. Leur regard et leurs réflexions portent plus particulièrement sur l’armée de Terre, qu’ils connaissent mieux. Pour un dialogue plus incarné, ils répondent, successivement d’abord, à quelques questions posées par la Revue Défense Nationale, essayant finalement de converger vers des recommandations concrètes et communes. Ce faisant, ils poursuivent une réflexion engagée dans cette même revue en 2019 (6), également dans le cadre du CHEM.
Réfléchir à cette relation n’est pas aussi anodin qu’il y paraît. C’est aussi se positionner sur notre modèle d’armées et l’organisation de notre ministère. En effet, ce lien entre le commandement et les soutiens est le « marqueur » de la place que nous entendons donner aux principes d’autonomie et de modularité, le témoin d’un niveau de maturité de l’interarmées et le signal de nouvelles transformations souhaitables ou inévitables.
Pouvez-vous nous brosser un tableau de la relation actuelle entre le commandement et les soutiens ?
CRC1 Thomas Gauthier :
Trois remarques préliminaires avant d’essayer de fixer le cadre de la situation actuelle. D’abord, parler du soutien, c’est comme parler de l’Afrique et de ses 55 pays, cela n’a pas vraiment de sens. Il y a des Afriques comme il y a des soutiens. Chaque service est ainsi conditionné par son histoire et par la nature même du soutien qu’il apporte aux armées. Difficile de comprendre le Service de santé des armées (SSA) par exemple si on fait abstraction de ses trois siècles d’histoire marqués par la volonté continue d’avoir autorité sur ses propres ressources (7). Son autonomisation de l’Intendance, obtenue en 1889 après de longs débats, en est le symbole et explique aujourd’hui la volonté des médecins militaires de conserver la totale maîtrise de leur administration.
De même qu’il n’y a pas un soutien, il n’y a pas un « commandement », abstrait et générique, mais trois armées qui, façonnées par le milieu dans lequel elles opèrent, disposent d’une identité, d’un style de commandement et d’un rapport au soutien qui leur est propre. Par simplicité, nous reprendrons la distinction établie par Serge Caplain (8) : l’armée de Terre (AdT) est marquée par la subsidiarité et un commandement de l’avant, tandis que la Marine se caractérise par la conjugaison permanente des responsabilités tactiques, opératives, stratégiques et interministérielles, et que l’Armée de l’air et de l’Espace (AAE) privilégie au contraire la concentration et le resserrement des moyens. Cette essentialisation de chaque armée est naturellement réductrice. À bien y réfléchir, elle explique pourtant des styles de commandement comme des réflexes logistiques différenciés, auxquels un service interarmées doit répondre avec la même agilité.
Enfin, il me semble nécessaire de dissiper l’idée répandue qui voudrait que « les soutiens ne sont plus commandés ». Il suffit de lire le Code de la défense (9). L’article D3121-15 désigne le Céma comme responsable des soutiens et l’article R3231-2 précise que les services sont subordonnés au commandement. L’article R3231-8, quant à lui, introduit le principe d’une autorité absolue du commandement sur les soutiens en cas de « circonstances exceptionnelles » (10). Le principe de subordination des soutiens au commandement, issu du fameux rapport Bouchard (1874), n’a donc pas disparu. En fait, le commandement des soutiens subsiste, mais il s’est déplacé ; il a migré des armées vers une nouvelle chaîne de commandement. Il n’est plus dans les formations administratives mais au niveau du Commandant de la base de défense (ComBdD), il n’est plus dans les états-majors d’armées mais au sein du Centre interarmées de coordination du soutien (CICOS) et de l’EMA, dont il dépend.
S’agissant de caractériser la situation actuelle, cinq constats principaux se dégagent :
• Des soutiens « visibilisés » – Ce qui est le plus frappant aujourd’hui c’est la visibilité et la place qui sont données aux soutiens depuis qu’ils ont quitté le périmètre des armées. Au niveau local comme stratégique, ils sont devenus des acteurs à part entière, placés au même niveau que les armées, ce que souligne bien l’acronyme d’ADS (Armées, directions et services). Cette émergence des soutiens a conduit à inventer de nouveaux processus et modes d’action qui ne sont pas familiers aux armées. Le ComBdD est devenu un « coordonnateur » des soutiens qui « prescrit des effets à obtenir ». L’Officier général de zone de défense et de sécurité (OGZDS) est quant à lui un « facilitateur » (11).
• Un modèle qui n’est pas d’un seul tenant – Force est de constater que ce nouveau modèle forgé autour de la BdD et des services interarmées n’est pas totalement homogène. La chaîne de commandement est plus intégrée au sein de la Marine qui, historiquement et naturellement concentrée dans ses grands ports, n’a pas été bouleversée au sein des BdD qu’on y a constituées. Certains soutiens, à l’image de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi) dont de nombreux moyens sont de compétence nationale, ont structurellement du mal à rentrer parfaitement dans le cadre d’une mutualisation organisée sur le périmètre de la BdD. De même, la maturité de cette nouvelle organisation des soutiens diffère selon les niveaux. Avancée au niveau local, elle semble se chercher encore au niveau zonal et reste à consolider au niveau stratégique.
• Un modèle critiquable mais qui a permis, en quelque sorte, de « sauver le soldat Ryan », pour reprendre en le détournant le titre d’un célèbre film – À la différence du mouvement d’interarmisation qui a suivi la guerre du Golfe et qui avait une visée opérationnelle, l’interarmisation des soutiens et la mutualisation au sein de la BdD ont principalement répondu à une logique de réduction des ressources financières et humaines. La vocation principale de cette réforme des soutiens a été une préservation relative des forces. La situation actuelle tient donc d’un « Yalta des soutiens » qui a permis de préserver notre modèle d’armée et, à l’occasion, de développer des « cultures métier », d’améliorer la professionnalisation des soutiens en se rapprochant des standards de la société civile et de créer des mécanismes concrets d’intégration de ces derniers.
• Des soutiens dont la performance globale est en fait difficile à apprécier – Si la qualité des soutiens mérite d’être interrogée, il s’avère difficile de juger la performance réelle de services qui ne maîtrisent pas totalement leurs principaux leviers d’action à savoir leurs budgets, leurs infrastructures et leurs effectifs. L’absence de maîtrise des Ressources humaines (RH) est la plus criante. « Employeurs », les services de soutien dépendent pour une large part des Directions des ressources humaines (DRH) des armées, « gestionnaires », s’agissant de leurs effectifs militaires. Le dialogue entre les uns et les autres prend la forme d’un contrat d’objectif par lequel les gestionnaires s’engagent à fournir, chaque année, un niveau d’effectifs. Comme le font remarquer mi-figue mi-raisin certains employeurs, ce dialogue prend d’abord la forme d’une « promesse de dons » mais se finit généralement en « roue de la fortune ». Ce ne sont naturellement pas les gestionnaires qui sont à blâmer mais un processus qui, en l’absence de véritable arbitre et dans un contexte de fortes tensions RH, fait mécaniquement beaucoup de déçus.
• Le « bout en bout » ou la nécessité de maîtriser l’ensemble d’un processus de soutien pour en garantir la professionnalisation et le fonctionnement sous contrainte de moyens – L’interarmisation des soutiens a pris la forme du « bout en bout », c’est-à-dire que les services se sont vus confier la maîtrise de l’ensemble d’une chaîne de soutien, de la conception jusqu’à la mise en œuvre au niveau local. Ce choix du « bout en bout » s’explique par deux raisons principales. D’abord, parce que transformer un service de soutien à coups de règlements, sans en maîtriser l’application locale, aurait été illusoire. Ensuite, « le bout en bout » permet une réallocation des efforts et des moyens en fonction du plan de charge. Le « bout en bout » s’est imposé comme la solution a priori la plus efficace dans le contexte d’une ressource comptée et donc nécessairement « circulante ».
Col. Éric Lafontaine :
Avant de brosser le tableau de cette relation, trois remarques préalables complètent celles qui précèdent. Elles permettent de mieux comprendre l’ampleur, souvent sous-estimée, de cette réforme.
Les armées françaises se sont construites, depuis des siècles, sur des structures à taille humaine, marquées par une forte identité de milieu, ayant des capacités à s’auto-soutenir et propices à délivrer, par l’instruction et l’entraînement qu’elles conduisent, les effets opérationnels essentiels à la victoire. Ce sont nos régiments, nos bâtiments à la mer et leurs arsenaux à terre ainsi que nos bases aériennes. Aujourd’hui encore, ces organisations forment le « cœur battant » de nos armées. Pour la majorité, elles sont reconnues par le Code de la défense (12) comme formations administratives du ministère, éléments de base de l’administration au sein des armées. Jusqu’en 2015, ce texte précisait d’ailleurs que les commandants de formation administrative étaient responsables de l’administration intérieure de leur formation. En premier lieu, force est de constater que la dernière réforme des soutiens a profondément bouleversé l’administration de ces formations. Impactant tout particulièrement l’AdT, cette transformation a déstructuré massivement et durablement ses régiments. Les chefs de corps se sont vus déposséder, au quotidien, d’une partie des leviers leur permettant d’exercer directement leurs responsabilités. La Marine a été plus légèrement concernée (l’organisation du bâtiment de guerre restant inchangée et le regroupement de l’essentiel des forces de la Marine en deux grands ports réduisant fortement les effets d’une telle réforme). Quant à l’AAE, elle se positionne dans l’intervalle, son organisation en bases aériennes limitant les facteurs irritants. Il est à noter que les unités de la Sécurité civile, mises pour emploi au ministère de l’Intérieur, n’ont pas été intégrées à cette réforme. La forte réactivité essentielle à ces organismes et leur positionnement hors ministère en sont certainement les raisons principales. Plus étonnamment, jusqu’à aujourd’hui, la Direction générale de l’armement (DGA) n’a pas été non plus concernée par l’embasement alors même que les contraintes opérationnelles qui s’exercent sur cette direction sont de nature différente.
Ensuite, s’appuyant sur l’organisation d’un EMA structuré autour du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), cette réforme retient des principes de fonctionnement des soutiens différents pour le quotidien, l’entraînement et les opérations. Impactant principalement l’AdT, la continuité de service n’est donc plus toujours assurée alors même qu’elle était considérée jusqu’alors comme une garantie fondamentale de la résilience de nos formations. Pour la base, à l’échelon local, les frictions sont régulières. Elles sont les conséquences d’une définition floue et non partagée des périmètres de responsabilité qui complexifient l’élaboration de solutions face aux problèmes de soutien rencontrés.
Par sa nature enfin, telle qu’elle est perçue, cette réforme tend à placer les soutiens au même niveau que les armées, alors même que ces services sont par essence « au service ». L’acronyme ADS, désormais couramment utilisé, illustre bien ce relativisme. En leur donnant une place qui ne leur revient pas, les relations ont été biaisées et les processus de décision adoptés, en tuyau d’orgue, ont pu fragiliser le fonctionnement des armées : moindre réactivité, divergence dans les priorités et difficultés pour le chef à rassembler les moyens nécessaires à sa mission.
Le constat dressé de la relation entre armées et soutiens est assez sévère : la réforme, conduite il y a 15 ans, est toujours critiquée ; la défiance semble gravée durablement dans les esprits et la distance entre les armées et les services reste tangible malgré les efforts notables de rapprochement (à l’image du dispositif Atlas).
Cette récente réforme des soutiens, conduite sous contrainte budgétaire, demeure tout d’abord, mal acceptée. Elle a dénaturé l’exercice des responsabilités du chef opérationnel, n’offrant, par ailleurs, pour les services, plus d’identité aussi structurante que par le passé.
Certes, alors même qu’avant il n’existait pas d’outils permettant la mesure de la performance des services de soutien, la réforme présente aujourd’hui le mérite de services trimestriellement évalués (via le processus de la Qualité du service rendu [QSR] notamment). Pour autant, les résultats locaux sont hétérogènes, même s’il faut reconnaître que les soutiens intégrés n’étaient pas non plus une garantie d’homogénéité. Le sentiment d’insatisfaction est plus ou moins marqué. Il est accompagné d’un phénomène de résignation générale qui, par fatalisme, conduit à une moindre exigence de la part des organismes soutenus.
Les critiques se situent à deux niveaux. À Paris, malgré l’existence de textes réglementaires, les incompréhensions reposent sur une délimitation trop compliquée des responsabilités de chacun et un arbitrage précaire, voire inexistant, à l’échelon ministériel ou interarmées. Cependant, les frictions se situent surtout au niveau local. Les incohérences se cristallisent autour des problématiques de périmètre budgétaire (les procédures définies en central n’offrant localement pas de fongibilité) et des tensions RH fortes.
Les principes structurant la réforme ont, en effet, fragilisé ce qui fait l’essence même de l’efficacité opérationnelle : une nécessaire cohérence au niveau des formations entre autorité, mission et moyens dévolus. Ce que résumait, l’adage précieux et cher à toute autorité militaire : « un chef, une mission, des moyens ». Conscient qu’il peut ne pas disposer de tous les moyens, le chef restait néanmoins, dans ce cadre, le seul arbitre. Il était donc à même de produire de l’efficacité au nom du principe « unité de temps, de lieu, d’action » qui ne vaut pas seulement au théâtre classique.
Par ailleurs, l’identité militaire au sein des soutiens s’est trouvée diminuée. Sans solides références, ayant quitté le giron des armées qui puisent leur force de leurs insignes et drapeaux, symboles d’une histoire plus visible, le personnel des soutiens manque d’ancrages. À titre d’illustration, les élèves médecins de l’École de santé de Lyon réclament aujourd’hui le droit de pouvoir d’emblée porter les tenues militaires de leur armée de rattachement. Malgré les efforts portés par leurs autorités pour s’arrimer à quelques références – fanion ou appellations –, l’intérêt du service apparaît moins évident : la fidélisation est un réel défi (le Service d’infrastructure de la Défense [SID] souffre d’un déficit durable de 600 effectifs) et le recrutement initial extrêmement ardu, un jeune s’engageant dans nos armées plus volontiers comme timonier à la passerelle d’un bâtiment de la Marine, tireur char Leclerc ou commando de l’Air que comme commis aux cuisines d’un groupement de soutien.
Une défiance s’est ainsi installée, elle s’accentue sur fond de problématique RH insoluble.
Les déflations imposées au Minarm ont conduit chaque armée à réduire son recrutement. Les départs des plus anciens ont été encouragés. Traditionnellement, ils étaient pourtant ceux qui occupaient la majorité des postes du soutien. Pour cette raison notamment, les contrats d’objectifs fixés aux armées pour satisfaire les besoins des services et directions sont aujourd’hui difficilement respectés : plus ou moins au rendez-vous quantitativement, pour les raisons évoquées supra, les armées n’y sont pas qualitativement. Bien naturellement, elles servent en premier lieu leurs propres organismes avant d’abonder les services.
De leur côté, comme le font les armées dans leurs « commandes » auprès des services, les soutiens expriment, en clients, des besoins RH quantitatifs et qualitatifs supérieurs à la ressource disponible. En retour, chaque armée définit ses propres règles administratives de dialogue. Les soutiens font ainsi face à une multiplicité de procédures. Dans ce dialogue RH compliqué, ni l’EMA, ni la DRH-MD ne jouent le rôle d’arbitre en dernier ressort. La satisfaction des besoins RH dépend, in fine, du bon vouloir des armées. Peu enclines à transférer leurs bons éléments, ces dernières peinent aussi souvent à réorienter leurs soldats les plus anciens ; les soutiens, largement critiqués dans les armées, n’attirant pas outre mesure.
Notamment pour ces aspects RH, les services de soutien n’ont donc pas les moyens de leurs ambitions. Les armées estiment, malgré tout, faire des efforts substantiels pour une qualité de service rendu qui n’est pas à la hauteur. Échaudées par la situation, elles sont aujourd’hui moins bénévolentes.
Pour faire face à ces tensions, les soutiens s’adaptent, provoquant un éloignement entre soutenant et soutenu.
Les services de soutien proposent, tout d’abord, externalisation et civilianisation. Sans garantie d’économies financières sur le long terme (13) à prestation égale, les contraintes humaines qu’ils connaissent les obligent néanmoins à recourir à de tels procédés, à l’exemple de la fonction restauration (14). Ils procèdent parallèlement à des regroupements de compétences ou de fonctions entraînant généralement l’éloignement des responsables hiérarchiques du domaine et laissant les organismes locaux sans interlocuteurs de proximité.
Au-delà de l’éloignement géographique, cette distance s’installe également dans les esprits. Cette réforme a, en effet, engendré des soldats plus mono-tâches, chacun restant dans son « couloir de nage ». Pour les soutiens, moins encadrés que les armées, les soldats sont aussi moins sollicités militairement : la rudesse du métier est plus relative et les contraintes imposées aux services sont perçues comme moins nombreuses. Ainsi, inévitablement au sein de ces structures, la procédure prend souvent le pas sur l’efficacité. Le syndrome du guichetier est souvent décrié. Un état d’esprit général différent s’installe. La période Covid en a été globalement un bon révélateur, même si la Dirisi s’est montrée plutôt réactive.
La situation que vous décrivez l’un et l’autre est effectivement complexe et alarmante… Comment en est-on arrivé là ?
CRC1 Thomas Gauthier :
Pour bien comprendre la situation actuelle, il me semble effectivement important d’essayer de cerner les mouvements de fond qui sont à l’œuvre dans l’organisation de notre ministère. Pour cela, voici quelques hypothèses, ou intuitions, qui sont naturellement discutables et mériteraient d’être étudiées plus avant.
Les armées ont toujours considéré le soutien et la logistique, comme une contrainte. C’est la démonstration du livre fondateur de la logistique opérationnelle publié par Martin van Creveld sous le titre : Supplying War: Logistics from Wallenstein to Patton (15). Ma première hypothèse est que les armées ont, ab initio, pris en compte cette contrainte de manière différente. Plutôt que de chercher à comprendre et associer ses soutiens, dont elle s’est longtemps passée en vivant « sur le pays », le réflexe de l’AdT a plutôt été de les commander, contrôler, cantonner. Ce rapport aux soutiens se traduit aujourd’hui par une « empreinte logistique faible » qui fait que « l’intendance suivra ». La Marine, de son côté, a nativement intégré cette contrainte, en considérant les soutiens comme une partie d’un tout, ce qui a été incarné par l’Arsenal et par des fonctions logistiques et de soutien irréductiblement intégrées aux équipages. La relation au soutien est donc fondamentalement différente.
Pour l’AdT, le modèle idéal est celui de la IIIe République. Au niveau du régiment, cet idéal-type se traduit par un corps de troupe qui devient « organique » en fusionnant une structure-mère (moyens de soutien) et une structure-combat (capacités opérationnelles) (16). Or, on a souvent tendance à faire de la fin de la subordination des soutiens à l’AdT la raison de la disparition de ce « modèle idéal ». En fait, et ce serait ma deuxième hypothèse, si les soutiens ont quitté les armées, c’est parce que le modèle post-1871 avait déjà perdu toute sa substance et nécessitait une nouvelle organisation. En effet, les deux premiers piliers fondateurs de ce modèle étaient déjà abattus : la conscription avait été remplacée par la professionnalisation, et la cohérence territoriale avait été perdue au gré des différentes réformes laissant apparaître des déserts militaires.
Comme le relate très bien Michel Goya dans son article « La victoire en changeant, deux siècles de transformations militaires » (17), en près de 200 ans, l’armée française aura connu sept grandes transformations, sans déterminisme apparent. S’il n’y a pas de déterminisme, il y a bien une permanence, celle de la transformation. Et cette transformation pousse de manière continue, et c’est ma troisième hypothèse, une dynamique d’intégration fonctionnelle par souci d’efficacité opérationnelle, de gestion de la rareté et d’adaptation à la complexification des moyens.
C’est cette même intégration toujours à l’œuvre qui sous-tend aujourd’hui toute la réflexion sur les Multi Domain Operations (MDO) (18). Le renforcement de l’interarmées à travers la reconnaissance des responsabilités du Céma par les décrets de 2005, 2009 et 2013 est une illustration de cette dynamique d’intégration. Par ces trois textes, certains ont voulu voir l’avènement de l’interarmées même si le décret de 2013 a marqué un rééquilibrage en faveur du ministre. Or, il ne s’agit que d’une facette de l’interarmées, celle tournée « vers le haut » qui a consacré le Céma comme le conseiller du gouvernement, sous les ordres du ministre (19). Force est de constater que l’autre facette de l’interarmées, celle tournée « vers le bas », n’a pas connu la même consécration (20).
Quatrième hypothèse : l’interarmées s’est imposé à travers la personne du Céma, et non de l’EMA qui reste aujourd’hui structurellement faible au regard des prérogatives conférées au chef d’état-major. En d’autres termes, l’interarmisation a été une transformation « individualiste », portée par la personne du Céma, plutôt qu’« holistique », portée par l’EMA (21).
Dernière hypothèse : le mouvement de mutualisation a profondément changé la matrice du ministère. Historiquement fondée selon une logique divisionnelle (les armées disposent de tous les moyens), la mutualisation a fait émerger des structures fonctionnelles (les services rassemblent des moyens par nature). Associant ces deux paradigmes, le ministère est désormais une structure matricielle qui s’éloigne de l’unicité du commandement et nécessite beaucoup de collaboration, de communication et de négociation (22).
Col. Éric Lafontaine :
La situation que nous connaissons est à la fois le fruit d’une histoire ancienne et la conséquence des réformes conduites depuis 2013 dont l’objectif visait la réduction du format des armées et le renforcement des prérogatives ministérielles au détriment de celles du Céma.
• Historiquement, un désintérêt des hommes de guerre pour les sujets administratifs et logistiques.
L’indifférence du chef militaire pour les sujets d’administration et de logistique ne date pas d’aujourd’hui. Historiquement considérés comme moins nobles, les soutiens ont toujours fait l’objet d’une faible attention du commandement : « l’intendance suivra ».
Ce constat est particulièrement vrai au sein de l’AdT, les commissaires de cet ancrage, surnommés autrefois les « riz-pain-sel » ayant, plus que dans les autres armées, souffert de l’image « qui leur collait à la peau » et du peu de considération qui leur était accordé. L’appellation « commissaire », adoptée derrière celle « d’intendant », a d’ailleurs été empruntée à la Marine, qui reconnaissait au moins ces derniers pour leur plume.
L’appréhension de « l’autre » est donc, de facto, toujours restée parcellaire particulièrement dans l’AdT. La réforme récente des soutiens exacerbe plus encore cette incompréhension réciproque.
Par ailleurs, cette indifférence est amplifiée aujourd’hui par l’émergence d’une complexité technologique qui accompagne les nouveaux métiers du soutien. Ardus et pas toujours efficacement conçus (exemple du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde, Louvois), les outils numériques rebutent encore, alors même qu’ils façonnent aujourd’hui notre quotidien. Ils sont, pourtant, la solution à certaines économies d’échelle.
• Une dernière réforme subie aux conséquences mal anticipées.
Le besoin de rationalisation, d’économie de ressources humaines et financières a été le leitmotiv de cette ambition (23), encouragée par le monde de l’entreprise qui se restructurait sur ce modèle. Portée par des personnalités fortes (ère Coffin), les soutiens y ont vu l’opportunité d’une plus grande visibilité, une manière aussi de combler un manque profond de reconnaissance, voire l’occasion d’une revanche.
Ces projets n’étaient pas nécessairement en cohérence avec le besoin des armées qui, par frilosité et sans avoir correctement défini leurs lignes rouges, n’ont pas su résister à la pression technocratique d’un modèle différent ; pour l’AdT, la Politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP) abandonnée aujourd’hui, en est un autre exemple. Malgré la pression politique – visant la réduction du format et la diminution des responsabilités confiées aux militaires –, les armées auraient dû s’opposer à un tel démembrement en proposant des alternatives. À ne pas avoir su suffisamment marteler l’exigence opérationnelle « un chef, une mission, des moyens », les armées ont subi une réforme profondément déstructurante.
Parallèlement, les espoirs fondés dans la capacité d’arbitrage et de coordination de l’interarmées peinent à se concrétiser. Laborieux dans sa réorganisation, challengé par des armées à l’identité forte et des services ministériels qui montent en puissance, l’EMA est aujourd’hui affaibli et peine à définir son rôle en la matière.
Comme dans le monde de l’entreprise, l’écosystème des soutiens a progressivement évolué vers un millefeuille administratif, reconnu aujourd’hui comme d’une complexité forte.
Sans gouvernance solide, recherchant des solutions pour faire face aux fragilités générées par cette réforme, les relations entre les armées et les soutiens évoluent au gré d’adaptations souvent mineures, fruit d’un consensus ne froissant aucun protagoniste. L’expérimentation conduite au sein de l’AdT (24) sur la fonction Général-Relais-Terre (GRT) en est une illustration. Visant à renforcer une convergence trop fragile des chaînes opérationnelles, organiques et de soutien, sans remettre en cause ni le principe général, ni le mode de fonctionnement des chaînes de soutiens interarmées, l’AdT expérimente un nouvel échelon de commandement intermédiaire, qui complexifiera un écosystème déjà dense.
Le découpage territorial de chaque service – et ses évolutions – n’est déjà pas homogène. Les périmètres géographiques de responsabilité des différents soutiens ne sont pas superposables. Leur prise en compte par les échelons opérationnels locaux est d’une complexité croissante : multiplicité d’acteurs, incohérences géographiques. La volonté parisienne d’uniformiser les services de soutien sur un même modèle et sous des responsabilités zonales qui se superposent (la BdD comme unique repère) s’oppose à la réalité de soutiens à l’organisation très spécifique, aux compétences qui ne peuvent pas toujours se partager territorialement et parfois aux ressources insuffisantes pour s’aligner sur des maillages plus fins.
Comme évoqué supra, cette complexité s’accroît enfin avec une montée en puissance difficile du numérique au sein du ministère. Porteur d’une plus grande efficacité opérationnelle, sa prise en compte est néanmoins ardue ; difficulté qui repose sur un manque de ressources, une obligation de réactivité à rebours des processus administratifs inhérents au « bout en bout », mais aussi un nombre d’acteurs élevé dont le périmètre de chacun, malgré les textes réglementaires, reste, pour un non initié, très flou : entre la Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM), l’Agence du numérique de Défense (AND) dépendant du ministère, et la Dirisi dépendant de l’EMA, difficile pour l’utilisateur de savoir « qui fait quoi » !
Dans la situation telle que vous la décrivez, quels sont les risques et peut-être les opportunités que vous identifiez ?
CRC1 Thomas Gauthier :
Les risques inhérents aux dernières transformations du ministère ont été très tôt identifiés, par ceux-là mêmes qui ont pensé ces réformes. Par un article publié dans la RDN en 2015 (25), le CGA Rebmeister appelait ainsi à la vigilance sur deux points principaux : la déresponsabilisation du commandement et l’affaiblissement des cultures d’armées qui participent à l’efficacité opérationnelle. D’autres fragilités ont été identifiées depuis et notamment la fragmentation des soutiens, apparaissant désormais en silos (26) alors qu’un des principes de la logistique repose justement sur l’unicité de l’organisation (27).
Je retiendrai pour ma part trois principaux risques et une opportunité.
Le risque qui semble prépondérant, parce qu’existentiel, est celui d’une « désinstitutionnalisation » aboutie des armées et particulièrement de l’AdT. L’hypothèse développée dans sa thèse par Sébastien Jakubowski (28) est en effet que la professionnalisation avait déjà fragilisé l’AdT, la transformant en une simple organisation, un simple « outil de défense », affaiblissant par là même le rapport au métier singulier des armes et sapant l’autorité. La création des BdD, l’interarmisation des soutiens et leur éloignement des armées pourraient, si l’on y prend garde, achever cette « désinstitutionnalisation » mortifère. Or, avec le retour de la guerre en Europe, il faut absolument garder à l’esprit cette conclusion à laquelle était parvenue le théoricien militaire Ardant du Picq dans ses Études sur le combat (29) : « l’esprit de corps se forme avec la guerre ; la guerre devient de plus en plus courte et violente ; formez d’avance l’esprit de corps ».
Un autre risque majeur me semble être celui de l’éloignement des soutiens. Éloignement du sens opérationnel d’abord, dont la fameuse « culture du ticket » illustre bien la tentation. Éloignement des armées ensuite, qui pourrait conduire à un défaut de réactivité dans le cas d’un conflit subi. Ce risque opérationnel a été pris en compte par le plan stratégique du Céma et traduit par la Direction centrale du SCA (DCSCA) comme celle du SSA (DCSSA) par leur feuille de route.
Enfin, le dernier risque important dont la probabilité est désormais non nulle, est celui de l’implosion d’un service compte tenu de la trop grande fragilité de sa RH. Il manque plus de 700 personnels au SCA et le SSA connaît un déficit de son schéma d’emploi de 400 ETP (équivalents temps plein). Toutes choses égales par ailleurs, il semble que la situation, loin de se stabiliser, s’aggrave et qu’une spirale infernale soit à l’œuvre dans les services : sous-effectif, pression accrue sur les soutiens, dégradation de la qualité du service rendu, armées qui privilégient la recréation d’un soutien de proximité au titre de la synergie soutenants/soutenus, nouvelle diminution des effectifs affectés dans les services, etc.
S’il y a une opportunité à saisir pour changer quelque peu la donne, c’est probablement celle de la numérisation de nos administrations centrales. Car après tout qu’est-ce qu’une administration centrale si ce n’est un système d’information, de conception et de décision ? Pour rendre possible la subsidiarité et participer à l’intégration réelle des ADS, la numérisation (30) de l’administration centrale et des états-majors est un prérequis. Centrée sur la donnée, cette numérisation devrait éviter que les plus de 9 000 militaires et civils de Balard échangent comme aujourd’hui plus de 25 millions de courriels par an. En partageant la donnée, la numérisation contribuera à réduire la défiance qui existe entre les différents échelons et entre les ADS. Elle ne résoudra pas toutes les frictions entre armées et services mais elle constituera une « révolution copernicienne » qui permettra d’aligner les différentes entités du ministère.
Col. Éric Lafontaine :
Deux risques majeurs sont à appréhender.
• Un risque opérationnel d’abord.
La réorganisation des soutiens a fragilisé, en premier lieu, la cohérence de l’échelon local et donc amoindri la réactivité dans l’engagement. Les ressources sont difficiles à mobiliser, la continuité « opérationnelle » n’est pas assurée. Face à l’instabilité du contexte sécuritaire, le risque de ne pas être au rendez-vous attendu est fort. Il est redouté et intériorisé par les armées. Il conduit ainsi à une augmentation des crispations dans les rapports avec les soutiens, SCA et SSA tout particulièrement.
Les responsabilités étant disséminées entre armées, directions et services, la cohérence opérationnelle dans les actions entreprises est aussi plus difficile à garantir. Malgré l’attention portée par chacune des chaînes de commandement, en l’absence de responsables nommément identifiés, des défaillances graves peuvent sournoisement émerger. Le vol de détonateurs sur le dépôt de munitions de Miramas en 2015 (31) illustre ce risque. A posteriori, la définition des responsabilités, partagées entre plusieurs acteurs, reste objectivement complexe.
L’altération de la confiance au sein des unités opérationnelles est un deuxième argument. Dans ces organismes, le chef est reconnu parce qu’il est estimé en capacité d’apporter la solution aux problèmes quotidiens de ses soldats. Cette confiance est aujourd’hui fragilisée chez une troupe qui constate que seuls de maigres leviers restent en possession des commandants de formation.
Enfin, cette réforme des soutiens tend à restreindre le potentiel des chefs. Leur périmètre étant réduit, ils sont intellectuellement moins stimulés et nécessairement plus attentistes. Cette évolution est porteuse de risques, la vivacité d’esprit du chef restant un facteur important de supériorité opérationnelle. L’expérience de 1940 en est une triste illustration.
Aujourd’hui, force est de constater que nos commandants d’organisme font preuve d’une attitude souvent attentiste voire de passivité vis-à-vis du pourvoyeur de service. Par ailleurs, une grande partie des moyens n’étant plus à leur main et une certaine forme de fatalisme les ayant gagnés, la médiocrité subie est acceptée au quotidien dans la réalisation des missions. Enfin, l’ingéniosité, la volonté et les énergies sont bridées par une architecture organisationnelle qui a retiré à l’échelon opérationnel local les leviers lui permettant de démultiplier son efficacité. Dans un autre contexte, cette situation est parfaitement analysée par deux dirigeants du Boston Consulting Group, Yves Morieux (32) et Peter Tollman (33). Dans leur étude (34), ils relèvent le même risque : « les solutions utilisées par l’entreprise pour répondre à des exigences de performance devenues plus complexes ont, en fait, créé des labyrinthes organisationnels qui brident la productivité et les capacités d’innovation, tout en démotivant les individus avec toujours plus de souffrance au travail ».
• Un risque existentiel à court ou moyen terme ensuite.
Au sein du ministère, l’attractivité pour l’administration, le médical, l’infrastructure ou les systèmes d’information pourrait ne pas nécessairement reposer sur la volonté première de « servir » mais plutôt sur l’idée d’acquérir prioritairement des compétences utiles et facilement transposables dans le monde civil, en ne servant que quelques années au sein des armées. Les soldes n’étant pas toujours à la hauteur de ce qui peut être proposé dans le secteur privé, la résignation étant prégnante face au manque de moyens et l’image des services concernés étant, en interne, altérée, le risque d’attrition est d’autant plus fort. Ces tensions portées par des services structurellement fragiles pourraient conduire à un délitement progressif pouvant aller jusqu’à l’implosion (exemple des médecins ou ingénieurs militaires d’infrastructure qui quittent aujourd’hui prématurément le ministère pour rejoindre le secteur civil).
Enfin, face aux atermoiements des armées sur le sujet des soutiens, le risque de voir partir nos services sous la coupe d’autres entités du ministère est important. Cette évolution, qui peut, par certains aspects, s’avérer séduisante est une impasse : elle conduirait sans doute à une accélération de l’externalisation, éloignant encore davantage l’opérationnel de ses soutiens. Tôt ou tard, l’état militaire de nos services, garantie d’une relative résilience en temps de guerre, serait dans ce cas remis en cause.
Quelles évolutions vous semblent aujourd’hui possibles, quels modèles pourrait-on adopter pour réinventer la relation commandement/soutien ?
Les auteurs :
Dans la perspective de la prochaine LPM et de la transformation, d’ores et déjà annoncée par le ministre des Armées, il semble effectivement utile de lister les leviers que l’on peut mobiliser et d’envisager comment les agencer pour obtenir un modèle cohérent. C’est ce que vise le projet STENTOR à travers 12 déclinaisons (35). L’Institut Montaigne, probablement conseillé par certains militaires, s’y était déjà essayé dès 2021 (36) en proposant de « remettre les soutiens dans la main des chefs de terrain ». Ces évolutions devront nécessairement prendre en compte le Retour d’expérience (Retex) de la guerre en Ukraine, trop partiel à ce stade pour en tirer des conclusions définitives. En première approche, le maître-mot de cette guerre semble néanmoins être l’agilité. « Le modèle fermé, centralisé, vertical est dépassé. Les bonnes idées peuvent venir du sommet ou de la base, du monde militaire ou du monde civil » (37).
3 modèles se dessinent pour redéfinir la relation entre commandement et soutiens.
1er modèle : Renforcer l’imbrication commandement/soutiens en adaptant « le bout en bout ». L’objectif serait de favoriser le rapprochement entre les soutiens et les armées avec, au niveau central, des chaînes soutien dédiées à la conception et l’innovation et, au niveau local, des unités qui redeviendraient des « structures-mères » dont l’autonomie garantirait réactivité et résilience, rendant la plénitude du commandement au chef de terrain. Pour ce faire, l’interarmisation des soutiens serait maintenue au niveau stratégique (conception) et territorial (déconfliction), mais le niveau local serait, autant que possible, réinternalisé dans les armées.
Ce nouveau modèle devrait aussi conduire à repenser l’équilibre actuel entre modularité et autonomie en redonnant de nouvelles marges de manœuvre à l’échelon local. C’est probablement le sens qu’il faut donner aux récentes interventions du Cémat appelant à la fin du modèle d’armée « Légo » (38), faisant d’ailleurs écho aux propositions du colonel (CR) Michel Goya qui invitait à donner priorité à la brigade, en recréant par exemple des régiments de commandement et de soutien (RCS) (39).
2e modèle : Aller au bout de la logique interarmées. Il s’agirait ici de poursuivre la logique d’intégration engagée depuis des décennies en renforçant le rôle de l’EMA et notamment sa capacité à arbitrer. C’est en effet sur ce dernier champ que l’EMA apparaît aujourd’hui le plus fragile. Cet approfondissement pourrait prendre trois voies. Une voie minimaliste qui viserait à améliorer la gouvernance de l’EMA (40) en identifiant clairement dans le Code de la défense les responsabilités propres du Major général des armées (MGA), le mettant dès lors en situation d’arbitrer entre les armées, directions et services à l’image de ce que fait le cabinet du Premier ministre à travers les Réunions interministérielles (RIM) (41).
Une voie intermédiaire conduirait à changer en plus la donne en matière de RH en interarmisant partiellement cette fonction. La responsabilité des parcours professionnels et de carrière du personnel militaire ainsi que la gestion des effectifs, des emplois et des compétences pourraient ainsi être confiées au Céma et exercées par le MGA.
La solution maximaliste serait de supprimer les armées en tant que commandements organiques et de les transformer en composantes. C’est le sens de la réforme menée au Canada dans les années 1970, avec des résultats extrêmement mitigés (42). L’expérience interarmées des États-Unis constitue aussi une piste intéressante. Les mesures du Goldwater-Nichols Defense Reorganisation Act de 1986 (43), notamment la création d’une filière interarmées, mériteraient d’être étudiées.
3e modèle : Réduire le périmètre des soutiens pour simplifier la donne. L’objectif de ce scénario serait de simplifier l’écosystème des soutiens en externalisant ceux qui n’ont pas un lien direct avec l’engagement des forces, voire à civilianiser les soutiens opérationnels. Ce serait par exemple la bascule de l’investissement immobilier au sein d’un établissement public, tel que le pratique la Suède. Ainsi, la Swedish Fortifications Agency, créée en 1994 et qui dépend du ministère des Finances, est l’agence chargée de gérer le patrimoine immobilier des armées suédoises et de les soutenir en opération. Pour améliorer le coût-efficacité des opérations d’infrastructure, cette agence fonctionne selon un schéma économique original. En effet, c’est une foncière qui met des infrastructures à disposition des armées, lesquelles lui paient un loyer dont le montant est calculé pour équilibrer la gestion du patrimoine. Les investissements initiaux sont financés par un établissement qui, sans équivalent en France, s’approche de notre Caisse des dépôts (44). Le parangonnage a ses limites, et il faut naturellement prendre en compte les spécificités du modèle français, notamment avec ses implantations Outre-mer et à l’étranger (OME) et sa dissuasion nucléaire.
Un 4e modèle existe, c’est celui de la « marche arrière » et de la réinternalisation complète des soutiens. Ce modèle est tentant car il a été éprouvé. Il représente un coût humain, financier, managérial et politique qui mériterait d’être précisément évalué pour l’envisager ou définitivement l’écarter.
Tous ces modèles peuvent être articulés entre eux. Chacun, en fonction de sa sensibilité et de son expérience sera plus enclin à adopter telle ou telle réforme.
Au final, vous semble-t-il nécessaire de modifier les rapports entre commandement et soutien et, dans l’affirmative, quelles actions vous semblent devoir être engagées en priorité ?
Les auteurs :
Aucun doute que la relation commandement/soutiens continuera d’évoluer, comme cela a toujours été le cas au cours de notre histoire militaire. Au gré des entretiens réalisés pour cet article, au fil de nos échanges, nous nous sommes forgé cinq convictions sur l’avenir de cette relation.
• Établissons d’abord un diagnostic partagé et dépassionné des forces et faiblesses de cette relation armées/soutiens avant d’engager toute nouvelle réforme. La LPM 2019-2025, en cours, est une loi de réparation, le ministère en avait besoin. La prochaine LPM (2024-2030) est annoncée comme une loi de transformation. Souhaitons que cette transformation évite trois écueils : la « réformite » qui réforme les moyens, sans interroger les fins ; le « réformisme », posture intellectuelle consistant à vouloir tout remettre en question systématiquement et la « réforme inaboutie, celle qui peut ne jamais aboutir soit qu’elle ne parvienne pas à donner les résultats escomptés, soit qu’une autre réforme vienne la percuter de plein fouet avant terme » (45).
• Dans l’immédiat, osons accélérer la révolution numérique. Si chacun se plaint de boîtes de réception surchargées, ne nous trompons pas sur la cause. Le problème ne vient pas d’un besoin inconsidéré d’informations, le problème vient du fait que nous ne nous sommes toujours pas organisé pour traiter l’information correctement. Alors que nous avons désormais les moyens d’interroger directement la donnée (Big Data), nous continuons à la faire circuler par courriers, même s’ils sont électroniques. Par ailleurs, nous nous appuyons sur un nombre de réseaux excessif. À quand la possibilité de consulter nos données, qu’elles soient ou non classifiées, sur un même ordinateur ou à distance ? Cette révolution numérique est un prérequis pour commencer une déconcentration des responsabilités et participer à la confiance retrouvée entre commandement et soutiens.
• Engageons parallèlement au sein du ministère une réflexion sur la réduction de la norme. Cette dernière participe, en effet, de la complexité croissante de notre fonctionnement. La simplification et l’allègement des normes permettraient, par ailleurs, de retrouver des marges budgétaires tout en libérant les énergies et en favorisant la prise de risque. La tâche est sisyphéenne. Les tentatives ont déjà été aussi nombreuses que modestes dans leurs résultats, mais il faut absolument s’y atteler (46). Plus encore que la norme, c’est sans doute le processus de « contrôle administratif systématique a priori » qu’il faut questionner.
• Préservons avant tout l’efficacité de nos régiments, nos bateaux et nos bases aériennes. Pour remettre commandement et soutiens « côte à côte » et non plus « face à face », responsabiliser l’échelon local et augmenter l’autonomie opérationnelle de nos unités, il faut probablement déconcentrer plus de moyens, financiers notamment, au niveau local et replacer certains soutiens aux ordres du ComBdD ou du commandant de formation. Ces adaptations sont indispensables pour développer un « commandement par intention qui donne aux échelons subalternes un maximum de latitude » (47).
La déconcentration de moyens nécessitera au préalable une recapitalisation. Il ne s’agit pas de déshabiller l’un au profit de l’autre mais bien de donner des marges de manœuvre supplémentaires, ce qui nécessite d’investir, en s’appuyant, par exemple, sur les augmentations d’effectifs prévues dans la prochaine LPM. Quant à la meilleure articulation du commandement local et des soutiens, qui devrait être étudiée au cas par cas et non de manière systématique, la « mise pour emploi » pourrait utilement être expérimentée. Nécessitant une modification du Code de la défense pour le SCA en métropole (art. 3232-2-3), elle éviterait de nouveaux transferts d’effectifs et de missions qui ont déjà trop usé le personnel. Cette mise pour emploi, prévue par le Code de la défense (article R 3231-4 (48)), est déjà pratiquée avec succès OME, même si comparaison n’est pas raison. Réversible, elle permettrait aussi de conserver la flexibilité nécessaire pour adapter nos structures en fonction de la menace.
• Faisons le bilan de l’interarmées. Il est désormais temps de faire le bilan de l’interarmées, de son périmètre de responsabilités, de ses modalités de fonctionnement et de son articulation avec les armées. Si la chaîne des opérations n’est pas remise en cause, les autres périmètres n’ont pas nécessairement trouvé leur équilibre, l’élaboration de la LPM à venir en étant une illustration.
Il pourrait s’agir d’identifier précisément les responsabilités de l’EMA et plus particulièrement celles du MGA. L’idée d’en faire le responsable des soutiens en lui donnant la possibilité d’arbitrer ces sujets entre les armées mériterait d’être instruite. Une réforme du Code de la défense précisant notamment les prérogatives du MGA devrait, dans ce cas, être entreprise. Sinon, et à l’inverse, prenant acte de l’impossibilité à s’affranchir des logiques de milieu, il conviendrait sinon de limiter les prérogatives de l’EMA à la définition des politiques générales (RH, soutien, énergie, numérique, infrastructure), à la cohérence d’ensemble et à la coordination, se concentrant donc exclusivement sur les sujets qu’une armée ne peut traiter seule. Ces deux options méritent d’être simultanément étudiées.
Ces orientations prises, il faudra enfin interroger la pertinence de notre modèle RH sans tabou. Force est de constater qu’il est aujourd’hui précaire. Les DRH peinent à réaliser les cibles de recrutement. La fidélisation est un enjeu quotidien. Dans ce contexte difficile, la relation entre gestionnaires et employeurs tourne au dialogue de sourds, chacun étant convaincu de faire le maximum et persuadé de son bon droit. Si besoin, il faudra savoir faire bouger les lignes.
Entretiens réalisés
Interarmées :
GAA Éric Autellet, major général des armées (MGA)
GDI Jean-Christophe Béchon, officier adjoint du MGA
CRG2 Jean-Philippe Delprat, EMA/PERF/chef de division soutien de l’homme
CGA Philippe Leyssene, Contrôle général des armées (CGA)/chef du groupe de contrôle des forces, du soutien et des systèmes d’information
GBA Jean-Marc Régnier, EMA/PERF/chef de division soutien de l’activité
Armées :
GDI Vincent Giraud, EMAT/Sous-chef performance synthèse
GDA Christophe Pagès, EMAAE/Sous-chef performance synthèse
CV Nicolas Pannetier, EMM/Officier général performance et synthèse
CA Éric Vernet, EMM/sous-chef d’état-major soutien-finances
Services de soutien :
MSCN Jean-Christophe Bel, Service de santé des armées (SSA)/DC/Chef de la division Anticipation et Stratégie
GDI Norbert Chassang, Dirisi/Directeur central adjoint
GDI Pierre-Yves Guichard, Service d’infrastructure de la Défense (SID)/ Directeur adjoint transformation-maîtrise des risques
CRG1 Olivier Marcotte, Service du commissariat des armées (SCA)/directeur central adjoint
(1) Économiste germano-américain, membre du conseil des gouverneurs de la réserve fédérale (1974-1986), professeur d’économie à l’Université de Yale.
(2) Carre Claude, Histoire du ministère de la Défense, Lavauzelle, 2001, 582 pages.
(3) Vial Philippe, « 1932-1961. Unifier la Défense » et Bachelet Jean-René, « 1962-2022, l’armée de terre en quête de cohérence », Inflexions n° 21 « La réforme perpétuelle », 2012 (https://inflexions.net/la-revue/21/).
(4) Vial Philippe, « La genèse du poste de chef d’état-major des armées », Revue historique des armées, n° 248, 2007, p. 29-41 (https://journals.openedition.org/rha/1573).
(5) Modifications de la réglementation sur le fonctionnement des BdD ou sur la gouvernance des services.
(6) Le Roch Jean, « Le rapport Bouchard peut-il encore nous inspirer ? », Cahier de la RDN « Regards du CHEM 2019 », p. 283-296 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=156&cidcahier=1188).
(7) Demoulin Raphaël, Chartois Cyprien et Le Vot Jacques, « Le Service de santé des armées ou trois siècles d’histoire », La revue du praticien, vol. 70 n° 7, septembre 2020, p. 805-810 (https://www.larevuedupraticien.fr/).
(8) Caplain Serge, « La fourmilière du général : le commandement opérationnel face aux enjeux de la haute intensité », Focus stratégique n° 89, juin 2019, Ifri (https://www.ifri.org/). Le lieutenant-colonel (Terre) Caplain est chercheur au sein du Laboratoire de recherche sur la défense (LRD).
(9) De Coster Antoine, « Pourquoi la réforme du SCA va-t-elle réussir ? », RDN n° 798, mars 2017, p. 101-105.
(10) L’instruction n° 144/ARM/CAB du 28 février 2019 relative aux missions et responsabilités du commandant de base de défense le désigne pour exercer cette « autorité absolue » en cas de circonstances exceptionnelles (§ 1.3).
(11) Instruction n° 101/ARM/CAB du 15 décembre 2021 relative au commandement zonal et territorial des armes.
(12) Article R3231-10 (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030293264).
(13) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, La mise en place de la réforme des bases de défense (Rapport d’information n° 660), 11 juillet 2012, Sénat (https://www.senat.fr/rap/r11-660/r11-6601.pdf).
(14) 73 points de restauration d’organismes du ministère en cours d’externalisation.
(15) Cité par Lasconjaras Guillaume, « La logistique au regard de l’histoire » dans Kempf Olivier (dir.), La logistique, une fonction opérationnelle oubliée, L’Harmattan, 2012.
(16) Goya Michel, « Le régiment demeure-t-il un modèle pertinent pour aborder les défis et les opportunités de demain », Observatoire Armée de terre 2035, 18 avril 2018, FRS (https://www.frstrategie.org/).
(17) Goya Michel, « La victoire en changeant, deux siècles de transformation militaire », Inflexions n° 21 « La réforme perpétuelle », 2012 (https://inflexions.net/la-revue/21/dossier/goya-michel-la-victoire-en-changeant).
(18) Bouhet Patrick, « Libres propos – Interrogations tactiques, opératives et stratégiques sur l’application de l’intégration M2MC », Vortex – Études sur la puissance aérienne et spatiale, n° 1 « Opérations multi-milieux/multi-champs », Armée de l’air, juin 2021, p. 106-112 (https://www.calameo.com/cesa/read/0069402882a40c6518aa2).
(19) Durand Franck, « Les rapports entre le CEMA et le ministre de la défense : subordination ou dyarchie ? »
(20) Il n’y a qu’à lire les quelques articles descriptifs et somme toute assez creux qui définissent le rôle de l’EMA et du major général des armées aux ordres duquel il est placé (Art. D3121-21 et suivants).
(21) Pierre Hervé, « Temps et contretemps », Inflexions n° 21 « La réforme perpétuelle », 2012 (https://inflexions.net/).
(22) Aïm Roger, L’essentiel de la théorie des organisations (13e édition), Éditions Gualino, 2022.
(23) Doare Ronan, « La mutualisation au cœur de la réforme des armées », Inflexions n° 21, 2012 (https://inflexions.net/).
(24) Note n° 508466/ARM/EMAT/SCPS/BES/NP du 24 septembre 2021.
(25) Rebmeister Jean-Robert, « La transformation du ministère : entre cohérence et vigilance », RDN n° 778, mars 2015, p. 38-41.
(26) Bacquet Jean-Marc, « La redécouverte du défi logistique militaire », Briefing de l’Ifri, 26 mai 2021 (https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/bacquet_defi_logistique_militaire_2021.pdf).
(27) Clain Geoffroy, Histoire de la logistique militaire, Éditions Lavauzelle, 2020, 176 pages.
(28) Jakubowski Sébastien, D’une institution d’État à une organisation : le cas de l’armée de terre professionnalisée : contribution à une sociologie de l’autorité et des processus de transformation (thèse de doctorat).
(29) Ardant du Picq Charles, Études sur le combat, Librairie Hachette, 1880.
(30) NDLR : sur ce sujet, voir dans ce Cahier, l’article du colonel (Bundeswehr) Harald Lamatsch, p. 77-90.
(31) NDLR : Lagneau Laurent, « La DPSD avait inspecté le dépôt de munitions de Miramas plus de 8 ans avant le vol d’explosifs », Opex360-Zone militaire, 8 octobre 2015 (https://www.opex360.com/).
(32) Directeur Associé Senior au bureau de Washington du Boston Consulting Group.
(33) Directeur Associé Senior au bureau de Boston du Boston Consulting Group.
(34) Smart Simplicity, éditions Manitoba/Les Belles Lettres, 2018.
(35) GDI Nicol Franck, « Définition et mise en place du C2IA », note du 27 juin 2022 [diffusion restreinte].
(36) Institut Montaigne, Repenser la Défense face aux crises du 21e siècle, février 2021 (https://www.institutmontaigne.org/publications/repenser-la-defense-face-aux-crises-du-21e-siecle).
(37) Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Ukraine, 1 an de guerre (Rapport d’information n° 334), 8 février 2023, Sénat (https://www.senat.fr/rap/r22-334/r22-3341.pdf).
(38) Merchet Jean-Dominique, « Pourquoi l’armée de terre veut moins jouer au “Lego” », L’Opinion, 14 février 2023.
(39) Goya Michel, « Le régiment demeure-t-il un modèle pertinent pour aborder les défis et les opportunités de demain », op. cit.
(40) On notera que cette gouvernance est en cours de renforcement à travers l’Ordre aux armées, directions et services (OADS) et la mise en place d’un comité des soutiens.
(41) Les services du Premier ministre conduisent près de 1 500 réunions interministérielles par an qui font l’objet de compte rendu d’arbitrage communément appelé « bleu ».
(42) Gosseelin Daniel, « Les fantômes de Hellyer : l’unification des forces armées canadiennes a 40 ans », Revue militaire canadienne, vol. 9 n° 2, 1re (http://www.journal.forces.gc.ca/) et 2e partie (http://www.journal.forces.gc.ca/).
(43) Durand (de) Étienne, « L’interarmées aux États-Unis – Rivalités bureaucratiques, enjeux opérationnels et idéologie de la jointness », Focus stratégique n° 3, novembre 2007, Ifri (https://www.ifri.org/).
(44) Cité dans Contrôle général des armées/Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGA/CGED), « Le SID et la LPM 2019-2025 », septembre 2019 [diffusion restreinte].
(45) Pierre Hervé, « Temps et contretemps », op. cit.
(46) Kœnig Gaspard, « Libres propos – La simplification, cause nationale », Les Échos, 19 avril 2023.
(47) Vandier Pierre, « Comment s’adapter à un monde d’incertitudes », Harvard Business Review France, 16 mars 2023.
(48) Article R3231-4 : « Les directeurs de service décident de la mise pour emploi, permanente ou occasionnelle, des éléments de leur service au sein des forces ou d’autres services » (https://www.legifrance.gouv.fr/).