Après le Traité de Versailles, les politiques de sanctions économiques furent alors envisagées comme une nouvelle « arme de paix » pour l’Europe et le système international. Or, l’effondrement de la Société des Nations (SDN) dans les années 1930, puis les blocages de l’ONU depuis le début de la guerre froide ont remis en question l’efficacité de cette arme. Depuis les années 1990, souvent surnommées « décennie des sanctions », celles-ci ont été fort souvent employées tant par l’ONU que par les grandes puissances, États-Unis en tête : les politistes sont néanmoins d’accord pour pointer leur efficacité limitée et, pis encore, leurs effets indésirables pour les puissances mêmes qui les ont utilisées.
Les politiques de sanctions économiques multilatérales du système de Versailles à nos jours : « l’épée sans lame » de la sécurité collective ?
Forgée avec le Traité de Versailles (1919), la notion de sécurité collective désigne, en droit international, le devoir qu’ont les États de la société internationale d’intervenir afin de sanctionner militairement ou économiquement toute agression dirigée contre l’un d’entre eux (1). Dans ce schéma, la sécurité internationale n’est plus assurée par le traditionnel équilibre des puissances, mais par le « déséquilibre des forces » (2), dans une logique du « tous contre un » visant à isoler et à punir l’État agresseur en le désarmant. Ce principe juridique entend remplacer le principe de neutralité, qui implique le droit pour tout État d’intervenir ou de ne pas intervenir dans un conflit interétatique. L’idée sous-jacente est, en théorie du moins, d’empêcher le retour de la course aux alliances militaires, jugée responsable de l’engrenage diplomatique fatal qui conduisit à l’entrée en guerre de 1914.
L’effondrement de la Société des Nations (SDN) dans les années 1930 et la succession de phases d’inertie et de blocages de l’Organisation des Nations unies (ONU) depuis les débuts de la guerre froide invitent cependant à s’interroger sur l’efficacité réelle des politiques multilatérales de sanctions dans la promotion de la paix et de la stabilité internationales. L’ONU, depuis 1945, échoua à plusieurs titres à se saisir efficacement des sanctions économiques. Ces dernières furent d’abord peu mobilisées durant la guerre froide, du fait d’un relatif blocage du Conseil de sécurité des Nations unies. Une « décennie des sanctions » advint ensuite alors que le « wilsonisme botté » américain (3) employait des arguments moraux pour sanctionner – et donc criminaliser – les adversaires de Washington : dans ce contexte, l’ONU ne sut pas discriminer les sanctions légitimes de celles qui ne l’étaient pas ; elle échoua également à contenir la prolifération des sanctions unilatérales, grevées à la fois par un soupçon d’inefficacité et par une présomption d’illégitimité.
Les politiques multilatérales de sanctions économiques, d’abord pensées comme des instruments pour garantir, autant que possible, que 14-18 serait la « Der des Ders », manifestèrent dès l’entre-deux-guerres leurs limites. Quoiqu’elles passent pour les outils d’une guerre sans morts, elles peuvent être destructrices pour les populations civiles, sans pour autant parvenir à enrayer systématiquement les conflits naissants. Doit-on, dès lors, faire des sanctions économiques l’outil privilégié de la sécurité collective ?
L’expérience déçue de la Société des Nations (SDN) : la guerre économique, une « arme de paix » illusoire ?
Remontant à l’Antiquité, la pratique du blocus économique comme méthode de guerre fut généralisée dans le contexte des guerres napoléoniennes (1803-1815). Pendant la Première Guerre mondiale, l’instauration d’un vaste blocus interallié à l’encontre des empires centraux (Allemagne de Guillaume II, Autriche-Hongrie), de l’Empire ottoman et de la Bulgarie conforta cette dynamique, à tel point que les politiques de sanctions furent érigées en « arme de paix » au sein du système de Versailles établi en 1919.
Les politiques de sanctions économiques, continuation de la politique du blocus interallié par temps de paix
Convaincus de l’efficacité de leur stratégie de blocus contre les empires centraux et l’Empire ottoman, les vainqueurs de 1918 (États-Unis, France, Royaume-Uni) s’attachèrent à consacrer juridiquement la pratique du blocus économique en temps de paix (4). Ainsi naquirent officiellement les politiques de sanctions, conçues d’emblée comme des formes modernes d’« état de siège économique » (5) destinées à empêcher le retour de la guerre en criminalisant juridiquement celle-ci.
À cette fin, le Traité de Versailles lia la préservation de la sécurité collective européenne et internationale à l’emploi de sanctions multilatérales coercitives. Son article 16 stipulait notamment que « Si un membre de la Société [recourait] à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il [était] ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société [des Nations] » (6). Dans ces conditions, les membres de la société internationale s’engageaient à rompre immédiatement avec l’État agresseur « toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l’État en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet État et ceux de tout autre État, membre ou non de la Société » (7). Les sanctions économiques furent ainsi, dans le Traité de Versailles, pensées comme un moyen d’isoler les États belliqueux pour étouffer les guerres naissantes.
Deux conflits locaux dans les Balkans vinrent d’abord confirmer, pour les puissances alliées, l’utilité du blocus dans le maintien des équilibres stratégiques et de la stabilité régionale en Europe. Le premier de ces conflits concerna l’affrontement albano-yougoslave, qui éclata en 1921 en raison de différends frontaliers. Dans une résolution d’octobre 1921, le Conseil de la SDN fit appliquer la solution préconisée par la Conférence des ambassadeurs (8) : certains territoires furent concédés à la Yougoslavie (née en 1918), en échange d’un retour aux frontières de 1913, suivant une revendication albanaise. Dans ce contexte, en brandissant la menace des sanctions, la SDN contraignit la Yougoslavie à renoncer à son invasion punitive de l’Albanie. Le deuxième conflit concerna la Bulgarie et la Grèce. L’incident de Pétritch en octobre 1925 mit aux prises les deux pays à la suite du meurtre, probablement accidentel, d’un garde-frontière grec, ce qui donna lieu à des représailles contre les garde-frontières bulgares. S’interposant dans ce conflit avant l’enclenchement d’une escalade, la SDN imposa à la Grèce de verser des réparations à la Bulgarie et préconisa de réorganiser les dispositifs frontaliers pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent.
Selon l’historien Nicholas Mulder, dans chacun de ces deux cas, « la simple menace d’appliquer des sanctions par la SDN a contribué à la résolution des conflits. Mais il s’agissait de petits pays assez vulnérables et dépendants de l’extérieur » (9), plus faciles à intimider que ne le seraient, quelques années plus tard, le Japon impérial, l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste. Loin de confirmer la règle, ces deux exceptions préparèrent la désillusion des années 1930, au cours de laquelle les politiques de sanction firent la démonstration de leur incapacité à enrayer la montée des périls.
L’impuissance des politiques de sanctions à prévenir l’effondrement de la SDN
Dans ses Mémoires, Raymond Aron notait rétrospectivement que dès les années 1933-1934, l’action de « la SDN à Genève […] ne signifiait plus rien » (10). L’ambition de mettre la guerre « hors-la-loi », portée par le Pacte Briand-Kellogg (1928), se heurta en effet aux préoccupations de sécurité et de prestige des États.
Principale puissance du statu quo, la France renonça à assurer sa sécurité unilatéralement et joua la carte de la sécurité collective pour accroître sa marge de manœuvre diplomatique face à l’Allemagne (11). Or, cette stratégie ne lui permit aucunement de rompre avec son isolement en Europe, qui arrangeait alors les pays anglo-saxons (12). Elle dut ainsi affronter seule, après le révisionnisme allemand (13) impulsé par la diplomatie prudente de Gustav Stresemann (1923-1929), la politique agressive de réarmement et de chantage de Hitler à partir de 1933. Dans l’incapacité de nouer une alliance de revers avec l’URSS de Staline, la diplomatie française devait composer à la fois avec l’isolationnisme américain, continu depuis le refus du Sénat de ratifier le traité de Versailles le 19 mars 1920, et avec la politique britannique d’apaisement, sinon de complaisance (14), face à l’Allemagne nazie (15). La France retrouvait, par conséquent, sa solitude de la période des systèmes bismarckiens (1871-1890), de sorte que les ambitions de sécurité collective affichées en 1919 se réduisaient à être pour elle « un cache-misère, une façon de rationaliser le recul de [son] influence politique et de [sa] puissance militaire » (16).
D’ailleurs, si la diplomatie française pouvait se dire « favorable à la sécurité collective parce qu’elle la considérait comme une défense supplémentaire – se superposant aux alliances, et plus lente à mouvoir – contre l’Allemagne » (17), il suffisait qu’un autre pays devînt l’agresseur, pour qu’elle modère son attitude et consente à alléger ses dispositifs de sanctions : ce fut le cas lorsque la SDN adopta des mesures économiques punitives contre l’Italie mussolinienne en réponse à son invasion coloniale de l’Éthiopie en octobre 1935. Face à la mesure dont fit preuve la France, à l’image de la Grande-Bretagne, et face aux velléités de conquêtes territoriales allemandes et italiennes, de nombreuses petites ou moyennes puissances européennes (Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Norvège, Pays-Bas, Suède, Suisse) mirent un terme à leur participation aux sanctions contre l’Italie fasciste, après avoir publié une déclaration commune en juillet 1936. La diffusion d’une telle politique de neutralité marquait une étape supplémentaire dans l’effondrement de la Société des Nations en tant qu’instrument de sécurité collective (18), tout en préparant la stratégie d’alignement et de suivisme (bandwagoning (19)) sur la politique étrangère allemande qu’allaient adopter, tôt ou tard, des États trop faiblement armés ou décidés pour résister à Hitler.
Dans ce contexte, le Japon impérial et l’Allemagne nazie furent, tout comme l’Italie fasciste, en mesure d’étendre leur puissance en dépit des sanctions économiques. La série d’embargos adoptée par l’administration Roosevelt contre le Japon impérial en réaction à l’invasion de la partie orientale de la Chine en 1937 (20) fut ainsi un échec : le Japon impérial récidiva trois années plus tard, en septembre 1940, en envahissant l’Indochine. L’embargo sur le pétrole adopté par les pays occidentaux à cette occasion pour assécher l’économie de guerre japonaise fut à nouveau sans effet (21). Trop faible pour intimider un Japon belliciste, la politique de sanctions économiques était suffisamment visible pour que l’Allemagne se prépare à son éventuel durcissement. C’est ainsi que le régime hitlérien conclut à la nécessité de garantir au plus tôt son autosuffisance alimentaire et énergétique, en tournant pour ce faire son regard vers les grandes plaines agricoles de l’Est ainsi que vers les ressources pétrolifères du Caucase, notamment dans la perspective d’un conflit futur avec l’URSS et les États-Unis (22).
En pariant aveuglément sur la force supposée du droit et du commerce, dont l’arme des sanctions fut le flambeau, les défenseurs du Traité de Versailles orchestrèrent une « grande illusion » (23) dont les effets furent dramatiques : les politiques multilatérales de sanctions économiques, parce qu’elles paraissaient suffisantes pour maintenir les équilibres stratégiques européens et prévenir les guerres d’agression, contribuèrent à organiser « la guerre éternelle » (24) sur le Vieux Continent. Malgré ces leçons de l’histoire, les États libéraux occidentaux continuèrent pourtant, comme le relève Nicholas Mulder (25), à miser sur l’instrument des sanctions.
La difficile émergence des sanctions des Nations unies
La création de l’ONU par la conférence de San Francisco le 26 juin 1945 ne mit pas un terme à l’usage des sanctions multilatérales. Celles-ci changèrent néanmoins de statut, et retrouvèrent le sens qu’elles avaient avant la Première Guerre mondiale : la conférence de Moscou d’octobre 1943 en fit des mesures visant à « dissuader une agression potentielle » (26) plutôt que des réponses à une agression. Les sanctions économiques ne furent plus des mesures prises en cas d’usage de la force ; elles devraient dorénavant le précéder. L’arme économique intégra par conséquent un nuancier de mesures destinées à contrer les menaces : premièrement, la « pression économique » sur un État, deuxièmement, la rupture des relations diplomatiques et, enfin, troisièmement, la rupture des liens économiques et financiers. De telles actions furent intégrées dans l’article 41 de la Charte des Nations unies, parmi les mesures « n’impliquant pas l’usage de la force armée » (27). Les blocus, en tant qu’ils impliquaient l’usage de moyens militaires, furent intégrés à l’article 42, parmi les actions prises aux moyens de « forces aériennes, navales ou terrestres ».
Pourtant, nulle part la charte des Nations unies ne mentionne explicitement le terme de « sanctions » : tout au plus se borne-t-elle à évoquer des « mesures » qualifiées parfois de « préventives » (28). Cette absence de définition juridique des sanctions économiques dans la charte de l’ONU rendit floues les circonstances dans lesquelles elles pouvaient être employées par la Communauté internationale. Imprécise quant à la légitimité des sanctions multilatérales, l’ONU fut par surcroît permissive quant à l’usage des sanctions unilatérales. Ces dernières furent jugées comme relevant de la souveraineté des États, de sorte que la communauté internationale ne pouvait contraindre un pays à abandonner une sanction abusive. C’était l’interprétation des sanctions unilatérales que fit, dès 1967, le juriste Louis Dubouis (29) ; une telle interprétation est demeurée constante dans les termes du secrétariat de l’Assemblée générale des Nations unies en 1993 : « le droit international ne fait apparaître aucun critère bien défini quant à ce qui constitue des mesures économiques inappropriées » (30). L’Assemblée générale des Nations unies eut beau prendre une résolution disposant qu’« aucun État ne p[ouvait] appliquer ou encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de tout autre nature pour contraindre un autre État à subordonner l’exercice de ses droits souverains », celle-ci demeura non contraignante (31). De fait, nul État ne fut jamais sanctionné par la communauté internationale pour avoir pris des sanctions économiques abusives ; c’est ainsi que les sanctions acquirent l’image, fallacieuse, d’une arme plus douce que les autres, propice à livrer des guerres sans morts.
Au bilan, les sanctions économiques étaient, aux termes du chapitre VII de la Charte de l’ONU, des mesures de pression ou de complément en cas de guerre.
Pourtant, l’ONU ne s’en empara pas pleinement durant la guerre froide : les deux grands (États-Unis et URSS) en firent un usage fréquent pour se défendre contre le bloc adverse, mais leur opposition paralysa le Conseil de sécurité qui ne put, le plus souvent, pas prendre de sanctions contraignantes. De manière intéressante, ce ne fut pas dans le champ de la sécurité collective que furent prises les premières sanctions des Nations unies, mais dans celui des droits de l’homme. Avant la fin de la guerre froide en effet, seules la Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe) à partir de 1965 (32) et l’Afrique du Sud à partir de 1977 (33) firent l’objet de sanctions économiques de la part du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans ces deux cas, les sanctions étaient justifiées en droit par la nécessité de contraindre des régimes racistes qui bafouaient les droits fondamentaux de leurs citoyens (34). L’ONU retint donc, dans les sanctions qu’elle appliqua, une conception extensive de la sécurité collective qui ne se limitait plus, comme c’était le cas dans le cadre de la SDN, à la préservation de la paix entre les puissances : l’arme économique pouvait, désormais, imposer les vues de la communauté internationale dans des guerres civiles ou des conflits de décolonisation.
Ces sanctions ne portèrent que des fruits imparfaits : dans le cas de la Rhodésie, les négociations entre les colons blancs et les guérillas de la majorité noire ne commencèrent qu’en 1979 – menant en 1980 à la création de la République du Zimbabwe – soit plus de dix ans après le début des sanctions. En Afrique du Sud, l’apartheid conduisit à un isolement économique de plus en plus grand ; pourtant, les sanctions économiques de la communauté internationale, là aussi, agirent lentement. Si la résolution sanctionnant l’Afrique du Sud fut prise en 1977, elle ne fut véritablement suivie d’effet qu’au milieu des années 1980 : bien davantage que les sanctions de l’ONU, ce fut le durcissement des sanctions prononcé par le Congrès américain en 1986 qui accéléra la fin de l’apartheid. Ainsi, plus de la moitié des firmes américaines quittèrent le pays entre 1985 et 1987, suivies par des groupes britanniques et français (35). Au total, environ 550 entreprises quittèrent l’Afrique du Sud entre 1985 et 1990 (36). Selon l’historien Pierre Grosser, les sanctions économiques multilatérales n’emportèrent en tout cas pas à elles seules la fin de l’apartheid ; tout au plus participèrent-elles à un plus vaste faisceau de causes qui en entraînèrent la chute (37).
L’arme économique durant la guerre froide : le multilatéralisme sacrifié
Durant la guerre froide, ce furent les États-Unis, et non les Nations unies, qui étendirent l’usage des sanctions économiques : celles-ci permettaient, dans l’âge nucléaire, de contourner la lutte armée ; elles se prêtaient du reste à la guerre indirecte que se livraient les blocs. Dès 1949, Washington mit ainsi en place, avec ses alliés occidentaux, un régime d’embargo stratégique de grande envergure. Cette décision constituait une réponse à la politique d’autarcie soviétique, initiée à Moscou en 1949 avec le lancement du Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecom). Prolongeant leur politique d’endiguement par des mesures de guerre économique, les États-Unis établirent alors un double goulet d’étranglement contre leur rival et ses satellites. D’un côté, le Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations (CoCom), établi de 1949 à 1994, avait pour objectif de freiner les avancées économiques et technologiques soviétiques. De l’autre côté, le Chincom, lancé officieusement en 1949, et qui fut poursuivi par les États-Unis et l’Australie de 1957 à 1963 après que les Britanniques et les pays européens s’en étaient retirés, visait directement à priver Pékin des moyens de son développement industriel. Dans les deux cas, la stratégie était la même : il s’agissait d’empêcher les transferts de technologie et de savoirs d’un pays non communiste vers un pays communiste. L’arme des sanctions reçut, à cet effet, un double appui, par la diplomatie interalliée d’une part, et par le renseignement d’autre part, lequel était chargé d’identifier et d’évaluer l’efficacité des contre-mesures communistes. Pourtant, ces mesures américaines ne contribuèrent à l’affaiblissement des régimes communistes que de manière fort marginale. Les sanctions adoptées ne permirent en effet ni de fragiliser le système de pouvoir soviétique et chinois, ni d’empêcher la nucléarisation de la Chine en 1964 (38), ni, enfin, de prévenir la répression soviétique en Pologne en 1981 (39). Tout au plus parvinrent-elles à empoisonner un peu plus les tensions sino-soviétiques en matière de collaboration scientifique et technique (40). En dernière analyse, malgré leur manque global de pertinence et d’efficacité, ces sanctions occidentales auraient surtout rempli une fonction de politique intérieure, en apaisant « les groupes de pression politiques nationaux américains [et en particulier le China Lobby conservateur] » (41) par l’adoption de postures moralisatrices et de fermeté inspirées par la rhétorique idéaliste wilsonienne.
Si le célèbre embargo contre Cuba, mis en place en février 1962, est resté en vigueur jusqu’à nos jours, l’arme économique fut donc employée de manière unilatérale par le gouvernement américain à bien d’autres reprises. Washington fut ainsi à l’origine de 50 % des cas d’embargos et de boycotts unilatéraux entre 1954 et 1963, 70 % de 1964 à 1973 et près de 80 % dans les années 1980 (42). L’efficacité de telles mesures ne fut, là encore, jamais véritablement démontrée : ainsi, lorsque le gouvernement de Jimmy Carter décréta le 4 janvier 1980 un embargo sur les céréales destinées à l’URSS pour sanctionner l’invasion soviétique de l’Afghanistan, l’agro-industrie américaine fut bien plus touchée que la population russe. Cet embargo constitua, du reste, la source de tensions intérieures et extérieures pour Washington : alors que Reagan le leva dès 1981 face au mécontentement des agriculteurs du Midwest, la France et l’Allemagne, par exemple, boycottèrent les Jeux olympiques à Moscou mais refusèrent de s’associer aux sanctions contre les Soviétiques (43). Au bilan, la guerre froide fut une guerre économique ; elle utilisa ainsi l’arme des sanctions, mais les deux grands la « confisquèrent » au détriment du Conseil de sécurité des Nations unies. Les seuls usages que fit alors l’ONU des sanctions économiques portèrent sur des cas de protection des droits de l’homme, rencontrant un point de consensus diplomatique américano-soviétique. Les sanctions internationales ne commencèrent ainsi à prospérer véritablement que lorsque la guerre froide eut pris fin.
De la « décennie des sanctions » à l’âge des « smart sanctions »
Les années 1990 furent surnommées la « décennie des sanctions » (44). Parmi les 31 régimes de sanctions qui ont été pris par l’ONU depuis 1945, seuls deux furent adoptés entre 1945 et 1991 ; dans la décennie qui suivit la fin de la guerre froide, le Conseil de sécurité imposa au contraire, pêle-mêle, des sanctions à l’encontre de l’Irak (à partir de 1990) (45), de la Yougoslavie (dès 1991) (46) de la Somalie (47) et de la Libye (48) (dès 1992), de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) (49) et de la junte du général Cedras à Haïti (50) (1993), du Rwanda (51) (1994), du Sierra Leone (52) (1997) et de l’Afghanistan (1999) (53). Outre l’Unita, groupe rebelle angolais, ces sanctions visèrent alors directement des États ou leurs dirigeants, qu’il s’agisse de leur imposer des embargos sur les armes, des gels de leurs avoirs détenus à l’étranger, des sanctions sur les flux financiers ou, comme dans le seul cas de l’Irak, un embargo total. Cet emploi croissant des sanctions s’inscrivit dans le « moment unipolaire américain » (54) : Washington fit d’autant plus volontiers appliquer ces mesures que les sanctions constituaient, pour les régimes qui les subissaient, une mise en marge de la communauté internationale. La sanction économique s’imposa ainsi comme une « forme particulière d’humiliation », une flétrissure morale prompte à criminaliser un ennemi (55). Par contraste, les États-Unis se posèrent comme les garants d’un ordre démocratique mondial qu’ils prétendaient alors, dans un moment fukuyamien (56), faire respecter.
Si elles visèrent presque toujours des États, ces sanctions économiques n’en répondirent pas moins à une certaine diversité d’objectifs. Comme le relève en effet Nicholas Mulder (57), il est possible de distinguer trois types de sanctions contre des États : premièrement, des sanctions utilisées pour proclamer des normes politiques, qui ont surtout une valeur de symbole. C’est le cas des sanctions empêchant les auteurs du putsch au Sierra Leone de quitter leur territoire, de même que des sanctions personnelles prises par l’Union européenne (UE) à l’encontre de la Russie à partir de 2022, qui intégraient notamment des interdictions de quitter le territoire russe pour certains hauts cadres (58).
Deuxièmement, certaines sanctions visent à obtenir un changement prompt de comportement de la part du régime sanctionné. Ce type de mesure subsume les sanctions prononcées par le Conseil de sécurité contre la Libye (1992), contre Haïti (1993), ou contre la Corée du Nord (2006) après le développement de son programme nucléaire. Si Nicholas Mulder conclut à la faible efficacité de ce type de sanctions dans son étude sur la première moitié du XXe siècle, les sanctions de l’ONU depuis 1945 sont tout aussi sujettes au scepticisme. Le politiste norvégien Johan Galtung relevait déjà au sujet des sanctions prises contre la Rhodésie du Sud à partir de 1966 qu’elles étaient contre-productives, d’une part parce que l’économie du pays s’adaptait mais, d’autre part, parce que les sanctions avaient provoqué un ralliement de la population autour du pouvoir en place (59). Plus récemment, Agathe Demarais a montré que la multiplication des sanctions américaines fédérait des tendances géopolitiques hostiles à Washington (60) : la Russie comme la Chine tentent ainsi de dédollariser leurs échanges (61), alors que des partenariats entre les puissances sanctionnées se mettent en œuvre. Par exemple, la Chine, la Russie et l’Iran avaient conduit des manœuvres navales conjointes dès 2019, réitérées en mars 2023 en mer d’Arabie (62).
Enfin, le troisième et dernier type de sanctions prises contre un État qu’identifie Nicholas Mulder est l’embargo généralisé – ou blocus en temps de guerre. Cette mesure, « équivalent moderne du siège » (63), peut supposer un usage de la force et est ainsi susceptible de relever aussi bien de l’article 41 que de l’article 42 de la charte des Nations unies. C’est dans une telle perspective qu’il faut situer les sanctions prises à l’encontre de l’Irak par la célèbre résolution 661 de 1990. En réaction à l’invasion du Koweït, l’embargo prononcé fut généralisé à l’ensemble des importations et des exportations, comme à tous les mouvements financiers à destination ou en provenance de l’Irak. Un mécanisme humanitaire dit « pétrole contre nourriture » fut proposé par les résolutions 706/1991 et 712/1992 ; il n’entra pourtant en vigueur que le 10 décembre 1996 du fait des réticences du régime irakien, alors que les sanctions causèrent une catastrophe humanitaire dont le bilan fut évalué entre 500 000 et 1 500 000 morts, principalement des enfants (64). Malgré ces mesures extrêmes, ce ne furent pas les sanctions économiques qui mirent à bas le régime de Saddam Hussein, mais la prise de Bagdad le 9 avril 2003 par les troupes américaines et britanniques.
Les terribles conséquences humanitaires des sanctions prises contre l’Irak, couplées à leur manque d’efficacité, poussèrent la communauté internationale à une réflexion conjointe sur cet outil diplomatique. Il s’agissait de favoriser l’avènement d’un âge des « smart-sanctions », évitant, dans la mesure du possible, de sanctionner tout un peuple pour les actes illégaux commis par ses seuls dirigeants. Ce fut tout l’objectif des discussions d’Interlaken en 1998-1999 (65), puis de Bonn-Berlin, qui donnèrent lieu à la publication d’un manuel en 2001 sur les bonnes pratiques en matière de sanctions (66) ; ce manuel posait d’abord que les sanctions économiques devaient « répondre à des objectifs clairement définis » (67), et viser des cibles précises – l’ouvrage prenait l’exemple de l’Unita et des Taliban (68). Les sanctions des Nations unies se refusèrent désormais à cibler l’économie d’un État dans son intégralité pour se focaliser sur des groupes plus restreints ; cette tendance fut renforcée par l’émergence de la menace terroriste, qui émanait précisément de groupes non-étatiques. En 2011, les Nations unies ont, par exemple, scindé le comité pour le suivi des sanctions contre les Taliban en vertu de la résolution 1267/1999 entre un comité chargé des sanctions contre les Taliban et un autre chargé des sanctions contre les soutiens d’Al Qaïda (69).
L’UE, dans le sillage de l’ONU, a, elle aussi, élaboré sa stratégie de smart sanctions, adoptée le 8 décembre 2003 (70) et mise à jour le 18 décembre 2017 (71). D’un côté, elle se fixe l’objectif d’appliquer les sanctions de l’ONU sous 30 jours ; la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a toutefois pu préférer, à l’application automatique de sanctions de l’ONU, l’affirmation du droit communautaire : ce fut le cas lors du célèbre arrêt Kadi de 2008. La CJUE se déclara alors compétente pour évaluer la conformité des sanctions des Nations unies avec ce qu’elle nomma alors un « ordre constitutionnel communautaire » (72). Cette décision montrait que la force exécutoire immédiate des sanctions des Nations unies, fût-ce dans l’Union européenne, n’allait pas toujours de soi. De l’autre côté, l’UE s’est voulue un acteur autonome dans sa politique de sanctions, et a pris des mesures restrictives contre des acteurs que l’ONU ne pourrait pas sanctionner compte tenu de leur poids au Conseil de sécurité (73) ; outre les sanctions prises contre la Russie, Bruxelles continue ainsi d’appliquer un embargo en matière d’armement contre la Chine depuis la répression sanglante des émeutiers de Tian An Men en 1989. Plus récemment, elle poursuit l’application de sanctions ciblées contre la junte malienne (74), alors que l’ONU a abrogé ses sanctions contre le Mali après un veto russe en août 2023. Pour une Union européenne qui s’est voulue une « puissance normative » plutôt qu’une puissance militaire (75), les sanctions économiques constituent des instruments de contrainte d’autant plus importants qu’ils sont mis au service d’une diplomatie dénuée d’armée commune.
Le cas particulier des sanctions liées aux programmes nucléaires militaires
La Corée du Nord et l’Iran ont été les deux seuls États sanctionnés par les Nations unies pour leur programme nucléaire militaire ; dans les deux cas, les sanctions n’ont pas porté leurs fruits : le programme nucléaire s’y poursuit alors que la population est de plus en plus durement touchée par les restrictions économiques. Les programmes nucléaires militaires révèlent donc la limite des sanctions économiques : les « smart sanctions » constituent des dissuasions trop faibles pour les stopper, alors que Pyongyang comme Téhéran voient dans la possession de l’arme nucléaire une garantie indispensable de défense contre les instabilités régionales.
La Corée du Nord avait lancé son programme nucléaire dès la livraison par les Soviétiques du laboratoire de Yongbyon en 1958, et militarisa ce programme dans les années 1980. Elle adhéra pourtant au Traité de non-prolifération (TNP) en 1985 sous la pression soviétique, tout en poursuivant son programme nucléaire militaire de manière clandestine. Après avoir annoncé, sans conséquence, sa sortie du TNP en mars 1993, Pyongyang s’en retira effectivement en janvier 2003. Elle fut sanctionnée pour la première fois par l’ONU le 15 juillet 2006 (76), sur proposition du Japon, juste avant son premier essai nucléaire ; lorsque celui-ci eut lieu le 9 octobre 2006, les Nations unies prirent des mesures restrictives complémentaires par la résolution 1718 du 14 octobre 2006. Au début, seuls les matériels militaires firent l’objet de sanctions, ce qui n’eut aucune efficacité sur le programme nucléaire de la Corée du Nord – cinq autres essais nucléaires ont eu lieu depuis (77) et le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, a même déclaré en septembre 2023 vouloir inscrire le statut de puissance nucléaire dans la constitution de son pays (78). D’autres trains de sanctions eurent beau entrer en vigueur (79), ils achoppèrent d’abord sur la volonté chinoise de les amoindrir. Par ailleurs, selon la politologue spécialiste de la prolifération nucléaire Marie-Hélène Labbé, l’échec des sanctions contre la Corée du Nord résulte aussi de ce qu’en 1994, l’administration Clinton avait proposé un accord à Pyongyang, selon lequel la Corée du Nord réintègrerait le TNP en échange d’un prêt américain de 4,5 milliards de dollars ; c’était là encourager la diplomatie du chantage, et montrer à Pyongyang que son programme nucléaire lui permettrait, le cas échéant, de sortir de son isolement diplomatique (80). Depuis 2017, la Corée du Nord, pourtant désormais dotée d’une capacité atomique, n’a plus fait l’objet de sanctions supplémentaires de la part de l’ONU.
L’Iran, quant à lui, ratifia le TNP dès 1968 et développa un programme nucléaire civil avec l’aide de la France dans les années 1970. Pourtant, le shah d’Iran militarisa dès le départ ce programme en violation du TNP ; le régime des ayatollahs accéléra cette orientation après la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les bombardements de Téhéran par l’aviation de Saddam Hussein avaient notamment montré à l’Iran la nécessité de sanctuariser son territoire contre toute attaque : il accéléra alors son programme de missiles balistiques (81) et son programme nucléaire militaire. L’ONU interdit la fourniture à l’Iran de tout matériel susceptible de contribuer au programme nucléaire iranien par la résolution 1737 (2006). Plus encore, la communauté internationale alla plus loin que les sanctions prévues par l’ONU : alors que les États-Unis avaient déjà sanctionné Téhéran par l’Iran sanctions act de 1996, et que les entreprises américaines s’étaient presque totalement retirées du pays, Washington durcit son embargo en l’étendant à l’ensemble du pétrole iranien en 2010, puis aux secteurs iraniens de l’énergie, du transport maritime et de l’industrie en 2012, avant qu’y soit ajouté, en 2013, le secteur automobile (82). L’UE, qui avait pourtant d’abord refusé l’application uniforme des sanctions contre l’Iran en 1996 (83), s’aligna sur les États-Unis sous l’influence de chefs d’État devenus plus atlantistes (84). Elle fit ainsi adopter un embargo sur le secteur énergétique (2010) puis pétrolier iranien (2012). L’économiste Thierry Coville avait déjà montré en 2015 que les sanctions avaient surtout touché les classes moyennes et pauvres, de manière d’autant plus dure que l’Iran pouvait, avant les sanctions européennes, faire pièce aux mesures américaines en commerçant avec l’UE (85). En l’espèce, la communauté internationale avait eu beau prendre des sanctions ciblées – un embargo sur les armements – les États-Unis et l’UE avaient pris des sanctions plus strictes encore qui s’assimilaient à la punition d’un peuple pour les agissements de ses dirigeants, sans que l’ONU pût y trouver à redire.
Ces sanctions unilatérales contraignirent l’Iran à signer, le 14 juillet 2015, l’accord de Vienne, prévoyant une réduction de 98 % des stocks d’uranium faiblement et moyennement enrichis détenus par l’Iran jusqu’en 2028, puis, pour les quinze années suivantes, la limitation de l’enrichissement à 3,67 % dans une seule installation. En contrepartie, la résolution 2231 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité le 20 juillet 2015, prévoyait que les sanctions contre l’Iran – multilatérales comme nationales – seraient levées lorsque l’AIEA aurait soumis au Conseil un rapport établissant que l’Iran respectait ses obligations (86). La sortie brusque de Donald Trump de l’accord de Vienne le 8 mai 2018 a coïncidé avec le rétablissement par Washington d’un train de sanctions et une reprise du programme nucléaire iranien ; ces sanctions ont, là encore, eu de lourdes conséquences pour le peuple iranien : entre 2011 et 2021, près de 8 millions d’Iraniens (10 % de la population) seraient passés de la classe moyenne à la pauvreté (87). Téhéran a, par ailleurs, repris ses programmes nucléaires, de sorte que l’AIEA a noté, dès mars 2022, une augmentation préoccupante du stock d’uranium enrichi. Au bilan, les sanctions économiques de l’ONU avaient échoué à contraindre à elles seules l’Iran d’abandonner son programme nucléaire ; elles n’ont, symétriquement, pas pu empêcher la multiplication des sanctions américaines contre l’Iran, brisant tout espoir de règlement multilatéral de la question du nucléaire iranien.
Conclusion
L’émergence des sanctions économiques au XXe siècle se noua lors du Traité de Versailles ; de telles sanctions se voulaient si terribles qu’elles dissuaderaient toute velléité guerrière. Le mécanisme se fracassa pourtant sur les politiques étrangères agressives de l’Italie, de l’Allemagne et du Japon dans les années 1930. L’ONU maintint néanmoins, dès sa création, l’outil en vigueur, en lui donnant un tout autre sens : les sanctions ne constitueraient plus dorénavant « une arme aussi terrible que la guerre », selon les mots de Woodrow Wilson, mais des mesures qui viseraient à la prévenir. Les sanctions furent donc d’abord des mesures de guerre froide ; le Conseil de sécurité ne put néanmoins s’en saisir qu’à deux reprises entre 1945 et 1991, alors que les deux blocs rivalisèrent de sanctions pour s’affronter sur le terrain économique et financier. La chute de l’URSS inaugura une autre période, surnommée la « décennie des sanctions » : pendant le moment unipolaire américain, la multiplication des sanctions des Nations unies fut souvent le masque de la domination économique de Washington. Pourtant, d’une part, nombre de ces sanctions échouèrent et, d’autre part, les sanctions multilatérales furent souvent doublées par des mesures unilatérales qui tantôt les approfondirent, tantôt en contrarièrent l’application.
Quel bilan peut-on donc tirer de l’efficacité des sanctions de l’ONU ? D’abord, selon l’économiste Philippe Trainar, les Nations unies représentent environ 10 % des sanctions en application aujourd’hui ; elles sont en général ciblées sur des pays au poids économique relatif – à l’exception de l’Iran (88). L’efficacité de telles sanctions a été évaluée entre 13 et 40 % ; il s’agit toutefois là d’un pourcentage bien faible, ce d’autant plus que les sanctions économiques, lorsqu’elles sont jugées « efficaces » ou « inefficaces », le sont en fonction d’un large spectre de causes difficiles à quantifier (89). En dernière analyse donc, l’efficacité des sanctions onusiennes demeure à démontrer : elles n’ont pas permis d’endiguer les programmes nucléaires qu’elles voulaient éviter, pas plus qu’elles n’ont servi à enrayer des actes contraires au droit international de la part d’États puissants. Le diagnostic posé en début d’article au sujet des conflits albano-yougoslave de 1921 ou gréco-bulgare de 1925 demeure donc pertinent aujourd’hui : les sanctions économiques multilatérales dissuadent les États faibles sans trop incommoder les régimes puissants. ♦
(1) Morgenthau Hans J., « Neutrality and Neutralism », The Decline of Democratic Politics, The University of Chicago Press, 1962.
(2) Smouts Marie-Claude et Devin Guillaume, Les organisations internationales, Armand Colin, 2011.
(3) Hassner Pierre, États-Unis : l’empire de la force ou la force de l’empire ?, IES,VE, « Les Cahiers de Chaillot », n° 54, 2002, 50 pages.
(4) Forcade Olivier, « Le blocus en 1914-1918. Histoire et historiographie », Les Cahiers Sirice, vol. 26, n° 1, 2021, p. 5-21.
(5) Mulder Nicholas, The Economic Weapon. The Rise of Sanctions as a Tool of Modern War, Yale University Press, 2022, p. 6.
(6) Traité de paix de Versailles signé le 28 juin 1919, Partie I : Le Pacte de la Société des Nations, Office des Nations unies à Genève (https://www.ungeneva.org/fr/about/league-of-nations/covenant).
(7) Ibidem.
(8) Organe interallié de l’Entente associé à la SDN (1919-1931).
(9) Mulder Nicholas (propos recueillis par Marie Charrel), « Au XXe siècle, les sanctions économiques se sont souvent révélées contre-productives », Le Monde, 7 avril 2022.
(10) Aron Raymond, Mémoires (1983), Robert Laffont, Bouquins, 2003, p. 864.
(11) Soutou Georges-Henri, « Le deuil de la puissance (1914-1958) », in Theis Laurent (et al ), Histoire de la diplomatie française, Tome II. De 1815 à nos jours, Perrin, 2007, p. 318.
(12) Corn Tony, « La France et ses alliances. Essai sur le mal diplomatique français », Revue des deux mondes, mai-juin 2021, p. 126-135.
(13) En diplomatie, le révisionnisme consiste à faire pression sur les principales puissances dominant un système régional ou international afin de les amener à réviser, sinon à réécrire, les traités juridiques en vigueur (Wolfers Arnold, Discord and Collaboration: Essays on International Politics, Johns Hopkins University Press, 1962). Parmi les nombreuses typologies proposées par la science politique, la plus courante distingue au moins deux grands types de stratégies révisionnistes : là où une puissance révolutionnaire vise à renverser le statu quo en recourant au besoin à la force, une puissance réformiste cherche avant tout à obtenir une meilleure position au sein de l’ordre existant, en recourant pour cela à des moyens non militaires. Voir notamment sur ce point : Kustermans Jorg, Carvalho (de) Benjamin et Beaumont Paul, « Whose revisionism, which international order? Social structure and its discontents », Global Studies Quarterly, vol. 3, n° 1, 2023.
(14) Branca Éric, L’aigle et le Léopard. Les liaisons dangereuses entre l’Angleterre et le IIIe Reich, Perrin, 2023.
(15) La diplomatie britannique, qui menait une politique d’équilibre en Europe en faveur de l’Allemagne dans l’espérance de conserver les rentes issues de son ancienne prééminence économique mondiale, refusait de devenir « la police du monde entier » ; Duroselle Jean-Baptiste, « Théorie des relations internationales : un livre d’Arnold Wolfers », Revue Française de Science Politique, 13, n° 1, 1963, p. 190-191.
(16) Soutou Georges-Henri, « Réflexions sur l’échec de la sécurité collective et ses raisons », Transversalités, vol. 119, n° 3, 2011, p. 187.
(17) Duroselle Jean-Baptiste, op. cit.
(18) Morgenthau Hans J., « International Affairs: The Resurrection of Neutrality in Europe”, The American Political Science Review, vol. 33, n° 3, 1939, p. 473.
(19) Larson Deborah W., « Bandwagoning Images in American Foreign Policy: Myth or Reality? », in Jervis Robert et S nyder Jack (dir.), Dominoes and Bandwagons, Strategic Beliefs and Great Power Competition in the Eurasian Rimland, Oxford, Oxford University Press, 1991, p. 85-86.
(20) Une invasion qui marqua le commencement de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945).
(21) Certains historiens se demandent d’ailleurs si cet embargo n’aurait pas paradoxalement précipité l’attaque surprise japonaise contre Pearl Harbor le 7 décembre 1941, même si cette thèse demeure très débattue dans l’historiographie. Chatriot Alain, « Nicholas Mulder, The Economic Weapon. The Rise of Sanctions as a Tool of Modern War », Histoire Politique, comptes-rendus (https://journals.openedition.org/histoirepolitique/6779).
(22) Tellenne Cédric, Géopolitique des énergies, La Découverte, 2021.
(23) Soutou Georges-Henri, La grande illusion. Quand la France perdait la paix 1914-1920, Tallandier, 2015.
(24) Bainville Jacques, Les conséquences politiques de la paix, Arthème Fayard, 1920. Voir aussi : M antoux Étienne (Préface de Raymond Aron), La paix calomniée ou les conséquences économiques de M. Keynes, Gallimard, parution à titre posthume en 1946.
(25) Mulder Nicholas, (propos recueillis par Marie Charrel), op. cit.
(26) Mulder Nicholas, op. cit., p. 286.
(27) Ibidem, p. 287.
(28) Tehindrazanarivelo Djacoba Liva, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires : Assistance aux victimes et voies juridiques de prévention, Chapitre I. L’origine des effets secondaires : les sanctions du chapitre VII de la Charte, Graduate Institute Publications, 2005.
(29) Dubouis Louis, « L’embargo dans la pratique contemporaine », Annuaire français de droit international, volume 13, 1967, p. 99-152.
(30) Note du secrétariat du 25 octobre 1993, doc. A/48/345, citée par Thouvenin Jean-Marc, « Sanctions économiques et droit international », Droits, vol. 57, n° 1, 2013, p. 161-176.
(31) « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies », résolution 2625 (XXV), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies au cours de sa vingt-cinquième session, le 24 octobre 1970, citée par Ferrand Bernard, « Quels fondements juridiques aux embargos et blocus aux confins des XXe et XXIe siècles », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 214, n° 2, 2004, p. 55-79.
(32) Résolutions 216 et 217 (1965), 221 et 232 (1966) ainsi que 253 (1968). La répétition des résolutions prouva d’ailleurs qu’elles ne furent d’abord pas respectées par les États-membres : la résolution 253 déplorait par exemple que « les mesures prises jusqu’ici n’ont pas réussi à mettre un terme à la rébellion en Rhodésie du Sud » et que « certains États, contrairement à la résolution 232 […] n’ont pas fait le nécessaire pour empêcher le commerce avec le régime illégal de Rhodésie du Sud ».
(33) La résolution 181/1963 demanda un embargo sur les armes, puis la résolution 421/1977 le rendit obligatoire. Ce fut, là encore, un signe que les Nations unies cherchaient, dans les années 1960, un moyen d’assurer la force exécutoire de leurs sanctions.
(34) Thouvenin Jean-Marc, op. cit.
(35) Vaillant François, « Sanctions économiques et pressions internationales », Alternatives Non-Violentes, vol. 185, n° 4, 2017, p. 17-20.
(36) Ibidem.
(37) Grosser Pierre, « Des histoires sans leçons ? De l’efficacité et de la pertinence des sanctions contemporaines », Revue internationale et stratégique, vol. 97, n° 1, 2015, p. 89-99.
(38) Lewis John L. et Litai Xue, China Builds the Bomb, Stanford University Press, 1988.
(39) Domber Gregory F., Empowering Revolution. America, Poland, and the End of the Cold War, University of North Carolina Press, 2014.
(40) Un point qui gagnerait toutefois à être relativisé, dans la mesure où les relations sino-soviétiques ne furent jamais un « long fleuve tranquille ». Les motifs de divergence entre les deux pays dépassaient largement le cadre de la coopération scientifique et technique, et se rapportaient essentiellement à des enjeux de pouvoir et d’autorité entre deux raisons d’État indépendantes. Shen Zhihua et Li Danhui, After leaning to one side: China and its allies in the Cold War, Woodrow Wilson Center Press, Stanford University Press, 2011.
(41) Hershberg James J., Préface à Zhang Shu Guang, Economic Cold War: America’s Embargo against China and the Sino-Soviet Alliance, 1949-1963, Woodrow Wilson Center Press, 2001, p. xiii.
(42) Sabbagh Daniel, « L’utilisation de l’arme économique dans la politique étrangère des États-Unis : cadre d’analyse et évolution », Revue internationale et stratégique, n° 24, hiver 1996, p. 135. Voir aussi Coulomb Fanny et Matelly Sylvie, « Bien-fondé et opportunité des sanctions économiques à l’heure de la mondialisation », Revue internationale et stratégique, vol. 97, n° 1, 2015, p. 101-110.
(43) Soutou Georges-Henri, « Marx et Mercure : place générale de l’économie dans les relations Est-Ouest pendant la guerre froide », in Baechler Jean (dir.), Guerre, Économie et Fiscalité, Hermann, 2016, p. 161-180. Marineau Sophie, « De l’Afghanistan à l’Ukraine, une histoire des sanctions occidentales à l’encontre de Moscou », Revue internationale et stratégique, vol. 126, n° 2, 2022, p. 29-40.
(44) Cortright David et Lopez George A., The Sanctions Decade. Assessing UN Strategies in the 1990s, Lynne Rienner, 2000, 274 pages.
(45) Résolution 661/1990, qui instaure un embargo généralisé sur tous les produits en provenance et exportés vers l’Irak ou le Koweït, comme sur tous les mouvements financiers.
(46) Résolution 713/1991, qui décide d’un embargo sur les armes dans le conflit en ex-Yougoslavie.
(47) Résolution 733/1992, qui décide d’un embargo sur les armes destinées à la Somalie.
(48) Résolution 748/1992, qui adopte d’une part une interdiction de décoller pour les aéronefs libyens et d’autre part un embargo sur les matériels militaires.
(49) Résolution 864/1993. Il s’agit là d’une résolution préventive : si l’Unita ne respectait pas le cessez-le-feu, alors elle se verrait imposer un embargo sur les armes, sur le pétrole – ce qui advint. La résolution 936/1998 imposa ensuite une interdiction d’importer des diamants angolais.
(50) Résolution 841/1993. Elle établissait un embargo militaire et pétrolier sur l’île, et gelait les avoirs financiers détenus à l’étranger par le régime. L’administration Clinton soutint ces sanctions et gela, elle aussi, les avoirs du régime putschiste pour le forcer à accepter le retour au pouvoir du président déchu Jean-Bertrand Aristide.
(51) Résolution 918/1994 qui instaura un embargo international sur les armes à l’encontre du Rwanda.
(52) Résolution 1132/1997. Cette résolution appliquait à la fois des sanctions personnelles contre les membres de la junte qui avait pris illégalement le pouvoir au Sierra Leone – interdictions de quitter le territoire notamment – et un embargo sur les armes et les produits pétroliers.
(53) Résolution 1267/1999. Cette résolution établissait d’une part une interdiction de décoller pour les aéronefs talibans et gelait leurs avoirs ; les motifs allégués étaient d’une part les violations des droits humains commises par le régime et d’autre part son refus de livrer Oussama Ben Laden.
(54) Voir sur ce point Delagenière Boris et Gaüzère-Mazauric François, « La reconfiguration des équilibres stratégiques après 1991 : du “moment unipolaire” américain au retour de la compétition stratégique entre grandes puissances », p. 177-209 in Gaüzère-Mazauric François (dir.), Précis de Géopolitique et de Relations Internationales, Ellipses, 2024, 840 p.
(55) « Les sanctions, une forme particulière d’humiliation ?, interview de Bertrand Badie », Revue internationale et stratégique, vol. 97, n° 1, 2015, p. 69-77.
(56) De Francis Fukuyama, politologue américain, auteur, en 1992, de La fin de l’histoire, paru au sortir de la guerre froide, où il théorise que la chute du régime communiste soviétique, selon lui, marque la fin de l’histoire par la victoire idéologique de la démocratie libérale sur tout autre système politique.
(57) « Entretien avec Nicholas Mulder », op. cit.
(58) Voir sur ce point la liste des personnes et entités sanctionnées au Journal Officiel de l’Union européenne après la prise du 12e train de sanctions (https://eur-lex.europa.eu/). Un 13e train de sanctions est prévu pour le mois de février 2024. Voir aussi COUNCIL DECISION (CFSP) 2023/2871 of 18 December 2023 amending Decision 2014/145/CFSP concerning restrictive measures in respect of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine.
(59) Galtung Johan, « On the Effects of International Economic Sanctions: with Examples from the Case of Rhodesia », World Politics, vol. 19, n° 3, John Hopkins University Press, 1967, p. 378-416.
(60) Demarais Agathe, Backfire, How Sanctions reshape the world against US Interests, Columbia University Press, 2022, 304 pages.
(61) Voir par exemple dans le présent Cahier, Teurtrie David, « Résilience de l’économie russe face aux sanctions : éléments d’explication », Les Cahiers de la RDN « La guerre des sanctions », avril 2024, p. 65-77.
(62) « Russie, Iran et Chine mènent des exercices navals en mer d’Arabie », L’Orient-Le Jour, 15 mars 2023.
(63) Le blocus s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de l’Article 42 de la Charte des Nations unies, parmi les mesures qui requièrent l’emploi de la force. Voir sur ce point Tehindrazanarivelo Djacoba Liva, op. cit.
(64) Conseil économique et social des Nations unies, Conséquences néfastes des sanctions économiques pour la jouissance des droits de l’homme, E/CN.4/Sub.2/2000/33 21 juin 2000, p. 15-19 (www.cetim.ch/).
(65) Swiss Federal Office for Foreign Economic Affairs, 2nd Interlaken Seminar on targeted United Nations financial sanctions, 23-31 march 1999, 238 pages et Communiqué de presse CS/2203, 4394e séance, 22 octobre 2001.
(66) The Swiss Confederation in cooperation with the United Nations Secretariat and the Watson Institute for International Studies in Brown University, Targeted Financial Sanctions. A manual for design and Implementation. Contributions from the Interlaken process, 2001, 128 pages.
(67) Ibidem, p 5.
(68) Ibid., p 7. Le manuel issu des processus d’Interlaken et de Berlin-Bonn précise que les proches des groupes considérés peuvent également être placés sur la liste des personnes légales sanctionnées, étant donné la facilité pour les entités sanctionnées de leur transférer des avoirs.
(69) Résolutions 1988/2011 et 1989/2011.
(70) Conseil de l’Union européenne, 5579/03.
(71) Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, Conseil de l’UE, 5664/18 (https://data.consilium.europa.eu/).
(72) Un citoyen saoudien et la fondation qu’il contrôlait, considérés comme proche d’Al Qaïda, avaient été placés sur une liste de sanctions des Nations unies pour financement du terrorisme au titre de la résolution 1267 (1999). Il fit valoir, dans l’Union européenne, que les résolutions de l’ONU violaient ses droits fondamentaux ; la CJUE lui donna raison dans un arrêt de 2008 et se déclara donc compétente, au nom d’un « ordre constitutionnel européen », pour contrôler la conformité des sanctions de l’ONU avec les droits fondamentaux – et ce malgré l’article 103 de la Charte des Nations unies qui dispose qu’« en cas de conflit entre les obligations des membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ».
(73) Nivet Bastien, « Les sanctions internationales de l’Union européenne : soft power, hard power ou puissance symbolique ? », Revue internationale et stratégique, vol. 97, n° 1, 2015, p. 129-138.
(74) Décision (PESC) 2022/157 du Conseil du 4 février 2022 modifiant la décision (PESC) 2017/1775 du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Mali, prorogée le 11 décembre 2023 – communiqué de presse du conseil de l’UE.
(75) Laïdi Zaki, La norme sans la force. L’énigme de la puissance européenne, Presses de Sciences Po, 2008, 296 pages.
(76) Résolution 1695/2006 qui interdit la vente de tout matériel pouvant contribuer au programme balistique nord-coréen.
(77) Le 25 mai 2009, février 2013 (essai souterrain), 6 janvier et 9 septembre 2016, et novembre 2022.
(78) Agence France Presse (AFP), « La Corée du Nord inscrit son statut d’État nucléaire dans sa Constitution », Le Monde, 28 septembre 2023 (www.lemonde.fr/).
(79) Résolution 1874 du 12 juin 2009 ; résolutions 2087 du 22 janvier 2013 et 2094 du 7 mars 2013, 2270 du 2 mars 2016 et 2321 du 30 novembre 2016, 2371 du 5 août 2017, 2375 du 11 septembre 2017 et 2397 du 22 décembre 2017. Voir sur ce point Glaser Emmanuel, « L’arme nucléaire depuis 1945 », in Gaüzère-Mazauric François (dir.), Précis de Géopolitique et de Relations Internationales, Ellipses, p. 106.
(80) Labbé Marie-Hélène, Une péninsule nucléaire ? Des enjeux pour les Corée, Sorbonne Université Presses, 2023, 145 pages.
(81) Elleman Michael, « Iran Ballistic Missile Program », United States Institute of Peace, janvier 2021 (https://iranprimer.usip.org/resource/irans-ballistic-missile-program).
(82) Coville Thierry, « Les sanctions contre l’Iran, le choix d’une punition collective contre la société iranienne ? », Revue internationale et stratégique, vol. 97, n° 1, 2015, p. 149-158.
(83) Règlement (CE) n° 2271/96 et action commune 96/668/PESC du 22 novembre 1996 concernant la protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant.
(84) Coville Thierry, op. cit.
(85) Ibidem.
(86) Glaser Emmanuel, op. cit.
(87) Salehi-Isfahani Djavad « Iran’s middle class and the nuclear deal », Brookings, avril 2021.
(88) Trainar Philippe, « Le bilan des sanctions économiques », Commentaire, vol. 184, n° 4, 2023, p. 811-820.
(89) Coulomb Fanny et Matelly Sylvie, op. cit.