Attaché naval à Moscou
L’amiral Peltier a passé plusieurs années en URSS au titre d’attaché naval près de l’Ambassade de France à Moscou.
Au cours de ses voyages à Leningrad, Stalingrad, Odessa et Tiflis [Tbilissi] il a vu beaucoup de choses et sa connaissance de la langue russe lui a permis, malgré la consigne de silence devant les étrangers, de prendre un contact instructif avec des représentants des différents milieux.
L’amiral Peltier s’est attaché à chercher l’homme que l’on trouve partout quels que soient la latitude et le régime du pays qu’il habite. À Leningrad comme à Stalingrad, il a trouvé, avec le souvenir des souffrances pendant les dures journées, la fierté d’avoir tenu puis vaincu l’envahisseur.
L’auteur exprime sa mélancolie devant les anciennes splendeurs qui tombent en ruines « larmes qui coulent sur un beau visage ravagé ». Il sent intensément l’obsession d’étendue et de force de ce pays plat, sans limite, qui a des réveils de « Sainte Russie » malgré l’essai de civilisation matérialiste qui impose à tous une discipline de fer dont certains éléments commencent à se lasser.
Les récits de séjour sont bien observés et alertement brossés mais l’intérêt principal de cet excellent livre réside surtout dans les dernières pages où l’auteur expose une synthèse de ses impressions pour camper l’homme soviétique.
Les phrases de Gobineau citées par l’Amiral paraissent toujours exactes dans l’ensemble. Toutefois l’auteur y ajoute ses observations personnelles qui font ressortir chez les Soviétiques le fond « brave homme » travailleur insouciant, sensible à toute influence et qui éprouve tour à tour un enthousiasme puéril pour le régime et une crainte justifiée de ses chefs. Ces derniers commandent durement une population qui a été nivelée sans ménagements. Une hiérarchie nouvelle désire une stabilisation qui assure sa situation et celle de ses enfants.
C’est peut-être là une donnée susceptible d’orienter le développement de l’URSS que, suivant une image saisissante, l’auteur compare à un de ces grands fleuves africains lents mais dont la masse submerge ou réduit tous les obstacles.
Le livre est passionnant et l’amiral Peltier y donne une documentation des plus intéressantes sur l’URSS actuelle. ♦