Revendications marocaines
Les 2 et 7 avril 1956, Si M’barek Bekkaï, président du gouvernement marocain « de gestion et de négociation » constitué en conséquence de l’accord intervenu, le 6 novembre précédent, à La Celle-Saint-Cloud entre M. Antoine Pinay et le Sultan Sidi Mohammed, signait, à Paris, avec M. Christian Pineau, et à Madrid avec M. Martin Artajo, des déclarations communes selon lesquelles, ayant été constaté que les traités des 30 mars et 27 novembre 1912 ne pouvaient plus régir les relations franco ou hispano-marocaines, les gouvernements français et espagnol reconnaissaient respectivement l’indépendance du Maroc et réaffirmaient leur volonté de respecter son intégrité, ou son unité territoriale, garantie par les traités internationaux.
Quels étaient ces instruments diplomatiques de 1912, ainsi réputés caducs, en application du vieil adage rebus sic stantibus ? Le premier, signé à Fez, avait établi le protectorat de la France sur le Maroc, sous réserve des intérêts que tenait l’Espagne de sa position géographique et de ses possessions territoriales sur la côte marocaine, et du caractère spécial reconnu à Tanger, qui déterminerait son organisation municipale. Le second, signé à Madrid, et négocié par la France en vertu des prérogatives diplomatiques que lui avait conférées le traité de Protectorat (donc, engageant le Maroc, comme devait le confirmer l’arrêt de la Cour de La Haye du 27 août 1952), attribuait à l’Espagne deux zones d’influence, l’une septentrionale, de la Moulouya au Loukkos, l’autre méridionale, en bordure de l’Atlantique sur la rive gauche du Drâ, et définissait les limites, tant de la future zone de Tanger, dont le régime serait déterminé ultérieurement, que du territoire d’Ifni, concédé à perpétuité à l’Espagne par le traité de Tétouan, du 26 avril 1860. De plus, en réaffirmant leur volonté de respecter l’intégrité, ou l’unité, territoriale de l’Empire chérifien, les deux gouvernements s’étaient engagés par avance à abandonner, en ce qui les concernait et sous réserve des droits des autres puissances intéressées, le statut d’administration internationale de Tanger, qui, au terme de longues et difficiles négociations interrompues par la première guerre mondiale, avait été établi par une convention franco-anglo-espagnole du 23 décembre 1923 (1).
De retour de Paris où il avait assisté à la signature de la déclaration du 2 mars 1956, le Sultan prononçait, le 7 mars, à la radio de Rabat, un important discours-programme dans lequel il déclarait notamment que l’œuvre qu’il avait entreprise resterait sans effet tant que le territoire marocain continuerait d’être morcelé et soumis à des régimes administratifs différents, qu’il s’assignait donc pour première tâche la « restauration du sol sacré » de son pays.
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