Politique et diplomatie - Les pactes régionaux de la sécurité du monde libre
Il est incontestable que le cadre général dans lequel s'inscrivent tous les engagements politiques et militaires de la France depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, est la Charte des Nations Unies. L'Organisation des Nations Unies, telle qu'elle vit le jour en 1945, était le résultat d'un compromis entre un .effort des grands vainqueurs de la deuxième guerre mondiale pour maintenir durant la paix leur solidarité du temps de guerre (les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité étant conçus comme l'état-major pacifique d'une coalition pour la paix) et le désir de constituer une société véritablement universelle des nations où chacune ait voix au chapitre sur un pied d'égalité. Dans ces conditions il n'est pas surprenant qu'à mesure que se manifestait plus ouvertement l'antagonisme entre les grands ex-alliés de la guerre mondiale, la tendance à faire de l'organisation un prétoire égalitaire ait prévalu. Dès lors que l'un des deux objectifs que l'on s'était efforcé d'atteindre apparaissait hors de portée, c'est vers l'autre que convergèrent les efforts des petites puissances et de quelques grandes. Les Etats-Unis, en particulier, lorsque le début des hostilités en Corée sembla ouvrir une période de « guerres en chaîne », jugèrent nécessaire de transférer à l'Assemblée générale de l'O.N.U. certaines compétences réservées par la Charte à un Conseil de Sécurité qui se voyait paralysé par le veto soviétique chaque fois que des décisions devaient être prises à l'encontre du gouvernement soviétique ou de ses alliés. La France, à l'époque, avait allègrement voté la résolution du 3 novembre 1950 connue sous le nom de « Union pour la Paix »; mais l'évolution qui s'est produite de 1950 à 1956 a eu pour effet de retourner contre la France les armes qu'en 1950 elle avait aidé à forger contre les ennemis de l'Occident. Ce changement est dû, d'abord, à l'influence qu'a prise au sein de l'O.N.U. le groupe des nations de Bandoeng, groupe hétérogène et travaillé de multiples contradictions internes, mais qui présente néanmoins une caractéristique commune : les Etats qui en font partie ont tous, à quelque degré, des intérêts et des préoccupations qui ne se confondent pas absolument avec ceux du bloc occidental ou du bloc oriental, ceci étant vrai de la Chine ou du Nord-Vietnam unis à l'U.R.S.S. par des traités d'alliance, comme de l'Irak et du Pakistan alliés à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Cette évolution de l'O.N.U., qui a eu pour résultat de transférer le pouvoir de décision d'un petit nombre de grandes puissances à des majorités de puissances moyennes ou petites, si elle peut nous gêner, n'empêche pas que la France reste liée par les engagements auxquels elle a souscrit en adhérant à l'O.N.U. le 31 août 1945. Rappelons-les brièvement. Le but des Nations Unies est essentiellement de « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ». (Art 1). Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »
Parmi les mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression, la Charte mentionne (art. 52) les accords régionaux à condition qu'aucune action coercitive (art. 53) ne soit entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de Sécurité.
Sans doute la Charte envisageait-elle une sorte de décentralisation de la sécurité collective par le moyen d'accords régionaux sous le contrôle du Conseil de Sécurité; c'est en raison des défaillances du Conseil de Sécurité provoquées par l'exercice abusif du droit de veto, qu'il a fallu se résoudre à créer dans les zones de tension des organismes assurant la sécurité à l'échelle régionale sans que ceux-ci soient soumis à proprement parler au contrôle du Conseil de Sécurité. Néanmoins il est remarquable que tous les accords politiques et d'assistance militaire qui ont été conclus depuis 1945 se réfèrent tous expressément à la Charte. C'est le cas pour l'O.T.A.N. de 1949, dont je parlerai plus loin, c'est le cas de l'Alliance balkanique de 1953, du Traité de Manille de 1954, du Pacte de Bagdad de 1955. Ces références témoignent au moins que les politiciens réalistes qui ont jugé nécessaire d'assurer par des alliances efficaces la sauvegarde de l'intégrité nationale ont en même temps reconnu nécessaire de situer ces alliances dans le cadre d'une a sécurité collective » dont les principes a idéalistes » avaient été définis par la Charte de 1945. Il est également significatif que lors de l'agression nord-coréenne du 24 juin 1950 les U.S.A. avaient estimé nécessaire de saisir le Conseil de Sécurité qui adoptait, le 25 juin, en l'absence de la délégation soviétique, une résolution condamnant l'action nord-coréenne et enjoignant aux agresseurs de cesser leur attaque puis de retirer leurs troupes. Réuni à nouveau le 27 juin il enjoignait cette fois à tous les membres de l'Organisation d'apporter leur aide à la Corée du Sud. Si le Président Truman a donné ordre aux forces armées américaines de soutenir les troupes sud-coréenne quelques heures avant que le Conseil de Sécurité adresse cette recommandation aux Etats-Unis, il n'en est pas moins vrai qu'en cette circonstance Washington a tenu à ce que les Nations Unies affirment leur autorité et que les Etats-Unis ont — déjà — joué le jeu de l'Organisation internationale.
Il reste 68 % de l'article à lire