Singapour, foyer d’une nation
Singapour : le port
En présence de l’évolution rapide des peuples d’outre-mer, la Grande-Bretagne s’applique, déjà de longue date, à ne pas différer les indispensables concessions, en vue de maintenir l’essentiel. Le cas de Singapour illustre cette habituelle méthode ; il s’agit ici, en accordant à l’île un gouvernement responsable et l’autonomie interne, de conserver les installations militaires de la célèbre base.
Mais l’événement répondra-t-il aux prévisions ? Les électeurs de Singapour n’ont nullement plébiscité le gouvernement local qui a su réaliser cette importante étape ; ils ont consacré le triomphe d’une opposition qui a pris pour plate-forme l’indépendance à court terme et l’élimination des forces étrangères. Il n’est donc pas surprenant que la presse londonienne du centre et de droite manifeste quelque désarroi. « C’est une ironie du sort que l’une des plus grandes créations du colonialisme (Singapour était en effet un marécage avant sa colonisation) ait provoqué un anticolonialisme aussi irresponsable », écrit un quotidien libéral (1). « Bien sombre est l’avenir de Singapour, estime le journal de lord Beaverbrook. Cette forteresse stratégique, produit du génie du peuple britannique, est abandonnée à des forces violentes et hostiles ; sa population est livrée aux mains des tyrans. Quelles sont les fausses conceptions de la liberté qui ont amené cette triste capitulation ? Le gouvernement britannique est en grande partie responsable » (2). « Dans l’histoire du retrait pacifique de la Grande-Bretagne hors de ses possessions d’outre-mer, rien n’a été plus risqué que de laisser un million et demi d’habitants, dont la vie dépend d’un port et d’une base de défense, constituer un État indépendant » (3).
Ces réactions illustrent parfaitement l’ambiguïté de l’actuel problème de Singapour : les Britanniques avaient cru installer une base impériale ; ils ont surtout, en réalité, préparé le germe d’une nation.
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