Otan - Rapports Est-Ouest - Divergences - Manœuvres
Rapports Est-Ouest
Après cinq semaines d’une longue et fastidieuse controverse, la Conférence des Quatre à Genève s’est ajournée au 13 juillet 1959. Au lendemain de cette décision, M. Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères a, le 22 juin, mis au courant le Conseil de l’Otan du déroulement de la négociation.
Malgré un certain nombre de concessions occidentales : acceptation de traiter de Berlin en dehors du problème général de la réunification allemande, acheminement vers une reconnaissance de facto du gouvernement de l’Allemagne de l’Est, consentement à un organisme commun d’administration et de contrôle de l’ancienne capitale allemande dans lequel siégeraient des délégués des deux Allemagne, aucun accord n’a pu être réalisé devant l’intransigeance soviétique.
Certaines délégations souhaitent provoquer une réunion ministérielle de l’Otan avant la reprise du 13 juillet et il est peu vraisemblable qu’il puisse être donné suite à cette suggestion.
La tenue des assises de Genève n’a ralenti en rien les initiatives de la diplomatie soviétique : resserrement des liens avec le satellite albanais, notes à la Grèce et à l’Italie au sujet de l’installation d’engins sur leur territoire, projet de neutralisation – ou au moins de désatomisation – de la péninsule balkanique et de l’Adriatique.
Divergences
La France fait figure de partenaire difficile dans l’Otan. Faisant suite aux objections sur l’intégration tant dans le domaine de la défense aérienne que dans celui des forces navales françaises en Méditerranée, le refus du Gouvernement français d’autoriser sur son territoire le stockage d’armements nucléaires américains a été porté devant l’opinion comme un différend grave, aux conséquences redoutables pour l’Alliance atlantique. Difficulté réelle mais non insurmontable dont il convient de prendre une juste mesure, sans tomber dans les excès de ceux qui, face à une thèse française imparfaitement comprise, ont vu entre alliés des tentatives de « pression » ou de « chantage ».
L’amendement – d’ailleurs rejeté – présenté au Congrès atlantique de Londres par le général Billotte, et dont la résolution finale était conçue en ces termes : « La défense atlantique doit être l’application dans l’aire couverte par le Pacte d’une stratégie commune conçue et conduite à l’échelle du monde », résume assez exactement la position que s’efforce de défendre la France.
Loin, en effet, de vouloir répudier les engagements contractés le 4 avril 1949 pour la sécurité commune qui reste une préoccupation et un objectif essentiels de sa politique, le Gouvernement français considère, à la lumière de l’évolution des événements, que les règles et procédures de l’Organisation créée en exécution du Traité ne répondent plus à la nature des périls et ne lui apportent que des garanties trop étroites et partielles. Assumant des responsabilités non seulement en Europe continentale mais dans maints territoires extérieurs à la zone de l’Otan où des intérêts vitaux pour l’Occident sont engagés, il ne peut se satisfaire de formules aussi strictement limitées que celles qui prévalent dans l’Otan. Tel était le sens général du mémorandum adressé en septembre 1958 à ses grands partenaires de Washington et de Londres, le but visé étant la solution du problème de l’organisation mondiale de la sécurité. Faute de « codécision » sur les grands problèmes politiques et stratégiques – l’affaire d’Algérie, cependant vitale pour l’Occident, souligne clairement une absence de politique commune – le Gouvernement français estime ne pas pouvoir prendre de nouveaux engagements dans l’Otan tant que des décisions répondant à ses vues d’ensemble n’auront pas été prises.
Contrairement à ce qui a été avancé, le fond du problème n’est pas d’obtenir par une pression sur les États-Unis communication de secrets atomiques que leur législation propre leur interdit de partager. Ce que désire la France, c’est la certitude qu’en aucun cas et en quelque lieu du monde que ce soit ne puisse être prise une décision d’emploi d’armement nucléaire à laquelle elle n’aurait pas été associée ; elle ne peut donner un blanc-seing qui permettrait aux détenteurs de l’arme absolue de procéder à un règlement auquel elle ne serait pas partie, car l’enjeu est trop grave et ses responsabilités dans le monde trop importantes pour qu’elle s’en désintéresse.
En dépit de certaines incompréhensions ou de lenteurs regrettables, les négociations continuent et l’exigence d’une réforme des procédures de l’Alliance atlantique est désormais nettement posée, ainsi qu’un acheminement vers une coopération des puissances ayant des intérêts mondiaux pour définir dans l’intérêt de tous une politique valant pour tous les théâtres d’opérations.
Dans l’immédiat, le « non possumus » français en matière de stockage atomique oblige le commandement allié en Europe à certaines mesures concernant les forces aériennes US stationnées jusqu’ici en territoire français : le Royaume-Uni et l’Allemagne fédérale (RFA) vont absorber progressivement une partie des neuf escadrons de chasseurs bombardiers à capacité atomique qui doivent pouvoir disposer de leurs munitions à proximité immédiate de leur lieu de stationnement. Il est à souhaiter qu’une solution politique satisfaisante puisse être trouvée qui limite les inconvénients à la fois militaires, économiques et financiers d’un tel redéploiement.
Manœuvres
Les Commandants en chef de l’Atlantique oriental, l’amiral britannique William Davis et son compatriote l’Air Marshal Brian Reynolds ont assuré du 25 mai au 12 juin 1959 la direction d’une manœuvre aéronavale d’entraînement effectuée dans le secteur Est de l’Atlantique et les eaux Scandinaves par des formations aériennes et navales de quatre pays : Danemark, Pays-Bas, Norvège et Royaume-Uni.
Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une manœuvre de l’Otan, il convient de signaler que les grandes manœuvres de l’armée néerlandaise, mettant en jeu des effectifs d’une trentaine de mille hommes s’effectueront cette année en France, à La Courtine, en deux périodes respectives, du 1er juillet au 15 août 1959 et du 15 septembre au 31 octobre 1959. Un accord a été passé à cet effet entre les états-majors des deux pays : les Pays-Bas qui disposent d’assez peu de terrains d’entraînement avaient déjà, l’année dernière, organisé ses manœuvres en Allemagne. ♦