Charles-Quint
Classique, méthodique et complète (certains trouveront peut-être qu’elle l’est parfois trop), est cette « Grande Étude Historique » du règne de Charles-Quint. C’est grâce aux effort persévérants, entêtés même, de ce petit prince des Pays-Bas, à la faveur aussi de certains accidents et combinaisons dynastiques, que se construit l’unique Empire américain-européen de l’histoire. Pourtant des obstacles surgissent et s’accumulent à chaque pas : résistance obstinée de François Ier, allié ou non à Barberousse – complications dues à des antagonismes internes (absence de liens linguistiques, raciaux, religieux) – dispersion et hiatus géographique – difficultés financières, etc. Certains (le Vénitien Soranzo entre autres) ont jugé sévèrement son œuvre. Il est vrai que la situation au moment de son abdication est pleine d’inquiétudes, que des amorces de rupture se manifestent un peu partout dans l’édifice. Mais l’œuvre, quasi surhumaine, fut accomplie et maintenue durant un règne de quarante années.
Un portrait saisissant de l’homme se dégage de son histoire. C’était un mystique. « Investi par Dieu, il se doit de conserver le don de Dieu. » Aussi est-il prudent, pratique-t-il la défensive et cherche-t-il à fixer le statu quo. Avait-il hérité de sa mère Jeanne un certain déséquilibre ? Peut-être, mais il a acquis avec le temps une certaine lucidité froide, une pondération, une sagesse qui, mises au service d’une volonté farouche, furent efficaces. Peu enthousiaste, plutôt rassis, il peut être comparé à un fonctionnaire peu brillant mais consciencieux, tenté par les détails. Mari fidèle, très conformiste, il n’hésite jamais à cet égard, comme dans ses actes souverains, à faire preuve d’hypocrisie. Qu’importe ! Ce sont des nécessités d’État ! Et le couronnement de sa vie est l’aboutissement normal de sa vie intérieure. Au sommet de la puissance, ayant touché le fond de l’amertume, réalisé l’inanité de l’ambition, il abandonne tout au profit du salut de son âme.
Voici donc un livre solide, consacré à une œuvre qui ne le fut pas. ♦