Cette réflexion éclairée de l’auteur, expert militaire régional, nous porte le message fort d’un livre qui dénonce la dérive technique du combat d’infanterie et prône une autre façon de combattre au XXIe siècle, plus soucieuse de guerre juste face à l’ami impitoyable qu’est l’adversaire d’aujourd’hui en Afghanistan que d’attrition d’un ennemi resté lointain.
À propos d’Afghanistan, guerre lointaine ?
About Afghanistan, a faraway war?
The enlightened reflection of the author, who is a regional military expert, gives us a strong message from a book that denounces the technical derivative of the combat of infantry and calls for another way to combat in the 21st century. It is more concerned with the “just war” facing a merciless enemy that is today’s adversary in Afghanistan.
Ce petit livre édité chez L’Harmattan, si discret, si modeste, est important à plus d’un titre. La réflexion qu’il présente à propos de la guerre afghane va très loin. Dans cet ouvrage où cohabitent aisément philosophie, stratégie et théologie, l’auteur, Philippe Conte, s’inspirant notamment du magistère de l’Église catholique, remet en cause non seulement la stratégie américaine et otanienne actuelle, mais, au-delà, les errements récents de la civilisation occidentale. « Là-bas (en Afghanistan), l’Occident n’est pas d’abord en butte au terrorisme, il est victime de sa conception erronée de la guerre, de sa conception erronée de la nation, de sa conception erronée du soldat ».
L’auteur commence par s’étonner du fait que, « après dix années d’intervention des armées les plus modernes et les meilleures du monde, une poignée de ‘‘terroristes’’ continuent leur combat avec l’appui d’une part de plus en plus important de la population ». Réponse : comme au Vietnam, la stratégie des États-Unis imposée à l’Otan est fautive. Traditionnellement le chef militaire américain, sous l’influence de son lobby militaro-industriel, privilégie une stratégie des moyens. Face à la violence, il répond par une violence technique encore plus grande : Hiroshima venge Pearl Harbor, l’aviation et ses bombes répliquent aux attentats. On tend ainsi très vite vers une « guerre d’attrition », de destruction aveugle. Le « théorème de Gaza », théorisé par l’armée israélienne dans son combat contre les Palestiniens, en montre toutes les limites : un groupe de 5 activistes est localisé, 2 missiles sont lancés qui tuent 3 militants et en blessent 2 autres ; « combien reste-t-il d’activistes ? Réponse : 10 ! ». En effet, il est prouvé que ce type d’action, loin de l’attrition recherchée, est le meilleur agent recruteur. Pourtant les forces états-uniennes y ont systématiquement recours. Face à une société clanique encore régie par la loi du talion ou la vendetta, on ne peut imaginer meilleur facteur d’escalade…
Le commandement américain est pourtant astreint par le « zéro mort » à recourir à l’aviation : 100 morts dans la population importent peu par rapport au décès d’un seul soldat de l’Alliance, qui sera comptabilisé, reproché par une opinion qui comprend mal « que l’on meure pour Karzaï ». Pour éviter les pertes, la troupe ne colle pas à l’adversaire, n’a guère de contact avec la population et sort le moins possible des camps où elle se morfond. Le recours à des mercenaires pour la remplacer n’est qu’un pis-aller tant ces supplétifs sont médiocres. Heureusement, la technologie actuelle ne permet pas encore le recours à des robots, mais elle s’y efforce déjà ! Une question en découle : « Ne sentons-nous pas que nous avons libéré un monstre : une machine de plus en plus autonome, de plus en plus agissante qui écrase l’homme ? ». Le plus clair résultat de cette « dérive technique » est de faire de nos ennemis « l’incarnation de l’homme dressé face à la machine, ce qui relativise la notion de camp du bien » et discrédite l’intervention. L’auteur à ce sujet mentionne une perte du moral qui se traduit chez le combattant et le vétéran par des troubles psychiques, des pulsions suicidaires, etc.
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