Simples notes en marge de la « crise » japonaise
La violence des incidents qui se sont produits au Japon — et qui se poursuivent à l’heure où sont écrites ces lignes — à l’occasion de la ratification du Pacte de Sécurité nippo-américain ainsi que la visite projetée du Président Eisenhower, paraît avoir pris au dépourvu non seulement Washington mais Tokyo même, double surprise qui a de quoi… surprendre. Et que le Gouvernement nippon ait pu sous-estimer à ce point l’importance et la détermination des opposants, il y a de quoi certes étonner tous ceux qui savent l’excellente organisation, la traditionnelle efficacité de la police et des services de renseignements en ce pays. Bornons-nous à le constater.
Il n’est aujourd’hui guère possible que de rechercher les causes de cette explosion, les principales tout au moins, car les racines des passions nationales plongent partout évidemment fort profond dans l’histoire, et ce sont en définitive les passions (pourquoi le marxisme ne veut-il en voir qu’un seul des innombrables aspects ?) qui mènent le monde. Dans ce domaine de la psychologie des masses, il convient d’être circonspect ; le sujet se prête trop aisément aux développements verbeux et gratuits.
La crise japonaise se situe, bien sûr, essentiellement sur le plan des relations nippo-américaines. Lors de sa défaite, le Japon tombait moralement de bien haut. Pour la première fois, au cours de son histoire, le pays se trouvait entièrement occupé, à la merci complète du vainqueur, et s’attendait de la part des Américains aux pires sévices. « Supporter l’insupportable » avait proclamé l’Empereur lui-même au peuple en lui annonçant la capitulation. Une des plus importantes personnalités japonaises me disait un jour sa première rencontre, en 1945, avec une patrouille yankee. Passant anonyme dans la rue déserte, il tente de se soustraire aux regards, mais le sergent l’a aperçu, lui fait signe de s’approcher et… lui offre une cigarette. La prise de contact avec les occupants s’effectue en effet non avec la brutalité à laquelle on s’attendait, mais dans l’ensemble avec douceur, presqu’avec gentillesse.
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