Épilogue du statut de Tanger
Le mot « conclusion » trouve rarement son emploi en histoire diplomatique : il est assez peu fréquent qu’on y soit en mesure de clore définitivement un dossier. Tel est, pour une fois, le cas de celui du statut de Tanger, qui a fait, en son temps, couler beaucoup d’encre, et dont la Revue a déjà entretenu ses lecteurs dans un article dont nous rappellerons succinctement les grandes lignes (1).
La question de Tanger est née de la position géographique et de l’importance stratégique de la pointe avancée de l’Afrique qui commande les abords sud du détroit de Gibraltar. Le célèbre Rocher d’en face, occupé en 1704 par les Anglais à la faveur d’un épisode de la guerre de succession d’Espagne, ne pouvait jouer efficacement son rôle de portier du Détroit qu’à défaut de toute opposition sérieuse sur la rive d’Afrique. De là l’axiome de Nelson, devenu l’un des principes fondamentaux de la politique britannique en Méditerranée, selon lequel Tanger, faute d’être anglais, devait rester marocain, ou, au pis aller, neutre. Aussi, lorsque la question marocaine se pose au début de ce siècle, la Grande-Bretagne met-elle au nombre des conditions auxquelles elle subordonne la reconnaissance de notre Protectorat et la prise en considération des intérêts particuliers de l’Espagne dans la région du Rif, la non-militarisation des côtes marocaines sur la Méditerranée, et, pour que Tanger ne tombe sous contrôle français ou espagnol, sa neutralisation et son internationalisation avec une participation britannique.
Ces exigences dominent les négociations qui s’échelonnent de 1904 à 1912, puis celles qui, interrompues par la guerre de 1914, aboutissent à la signature de la convention du 18 décembre 1923, communément désignée sous le nom de Statut de Tanger. Responsable, en sa qualité de puissance protectrice, des intérêts du Sultan et du Maghzen chérifien, la France a dû, tour à tour, s’appuyer sur la Grande-Bretagne pour faire échec à la thèse, soutenue par l’Espagne, de Tanger espagnol, et sur l’Espagne pour empêcher une internationalisation aussi large qu’aurait souhaité la Grande-Bretagne.
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