En février 1961, le Général Chef d’État-Major de l’Armée décidait de mettre à l’épreuve les structures et la doctrine d’emploi du plan à Long Terme, et confiait cette mission à un groupe spécialisé. L’entreprise s’appelait l’Exercice DAVOUT. Le Directeur de l’Exercice avait à prendre deux décisions : le niveau auquel aurait lieu l’exercice et la méthode de travail. Jusqu’ici les travaux menés par l’État-Major de l’Armée avaient porté sur des unités élémentaires constitutives de la Division. Cette fois la décision fut prise de rechercher le comportement d’ensemble du Corps de Bataille dans les premières heures de l’orage atomique. Les résultats obtenus serviraient à arrêter un choix sur les travaux qui suivraient.
En ce qui concerne la méthode, la direction de l’exercice voulait avant tout éviter que l’arbitrage de chaque acte soit laissé à un jugement subjectif. Il fallait donc soumettre l’exercice, jusqu’à l’extrême limite possible, à des procédés d’analyse apparentés à la recherche opérationnelle. Les difficultés de la méthode sont comparables à celles que l’on rencontre en microphysique en ce sens que le comportement d’une particule ne peut se déduire de sa position et de son environnement à un instant donné. Ce comportement échappe à tout déterminisme et paraît anarchique. Mais les progrès des mathématiques permettent de fixer la probabilité d’une évolution d’ensemble.
On se trouve devant la même incertitude quand on prétend fixer le comportement de cette particule élémentaire qu’est l’homme sur le champ de bataille. Mais là aussi on peut déterminer la probabilité de comportements moyens de groupements supérieurs à l’unité.
Dans les études qui suivront on portera encore plus loin l’analogie des méthodes. De même qu’en microphysique on pousse aussi loin que possible la recherche par l’emploi des mathématiques, l’expérience étant faite pour contrôler l’exactitude du résultat issu du calcul, de même on poussera l’analyse des situations tactiques aussi loin que possible, l’exercice à double action étant ensuite monté pour vérifier qu’il s’inscrit à l’intérieur des résultats calculés. Cette similitude dérive, en microphysique comme en science militaire, du comportement anarchique de la particule élémentaire, qu’elle soit proton ou homme, et du caractère probabiliste du comportement des ensembles.
L’article du Commandant Guérin, qui mit au point ces méthodes pour l’étude en cours, montre en termes excellents ce que l’on peut en obtenir et quelles sont ses limites. Il rassurera en même temps ceux qui ont craint que l’introduction de machines dans l’étude des problèmes militaires, ne rejette l’intelligence vers une fonction inférieure. C’est tout le contraire.
Général Gazin