Y a-t-il de nouveaux comportements sociaux de la classe ouvrière ? (I) Position de la question et mode de vie
Le temps n’est plus où l’on pouvait ignorer l’état d’esprit, les aspirations et les tendances de la classe ouvrière, ou même prétendre résoudre par un simple rapport de force les problèmes de cette classe. Le temps du « silence aux pauvres » — qu’un des premiers démocrates chrétiens prêtait aux possédants, comme devise — est passé, fort heureusement. Et dès lors, il devient essentiel de savoir si la classe ouvrière, vis-à-vis de la société dans laquelle elle vit, dont elle fait partie, se sent en état de lutte ou au contraire si, pour employer un mot souvent utilisé aujourd’hui, elle se sent intégrée.
À tout moment, l’actualité pose cette question. On peut dire à la fois, que le sort des revendications ouvrières dépend, pour une part, de l’opinion publique, et que le sort de l’économie dépend, pour une part, de l’opinion ouvrière. Au printemps dernier, les mineurs entrent en grève ; incontestablement, ils sont soutenus par la majorité de la population qui leur donne sa sympathie… et l’ordre de réquisition délivré contre les mineurs s’avère inexécutable. Quelques mois plus tard, une grève des transports parisiens gêne et indispose considérablement la population parisienne et l’ensemble de l’opinion accepte le projet de loi portant réglementation de la grève dans les services publics pour imposer, en particulier, un délai de préavis. Aujourd’hui, le succès du plan de lutte contre l’inflation est évidemment subordonné en grande partie à l’attitude de la classe ouvrière ; que celle-ci vienne à manifester ses revendications, multiplie les conflits du travail, impose un ralentissement de la production ou de perpétuelles augmentations de salaires, et la bataille contre l’inflation serait perdue. Or manifestement, l’attitude ouvrière dépend de la manière dont elle se sent — ou ne se sent pas — solidaire de la société actuelle.
Déjà importantes si l’on considère la vie sociale en période normale, en temps de paix, ces influences sont évidemment encore plus décisives si l’on considère le temps de guerre et, plus généralement, les réalités de la défense nationale.
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