Stratégie et tactique spatiale
N’est-il pas prématuré d’aborder un sujet aussi ambitieux que celui de la stratégie et de la tactique spatiale alors que l’homme vient à peine de faire ses premiers pas dans cet espace naguère inviolé et dont il fera pour longtemps encore beaucoup plus un champ d’essais qu’un véritable domaine d’activité. Cependant les balbutiements mêmes de la science astronautique ont fait naître une telle somme de réflexions de la part des techniciens et des scientifiques qu’il est maintenant loisible de dégager en lignes assez nettes le « devenir » spatial.
Il n’est donc pas trop tôt pour examiner dans quelle mesure la règle ancestrale, selon laquelle l’homme utilise aussitôt que faire se peut les moyens les plus divers et les plus nouveaux à des fins guerrières, s’appliquerait aux engins spatiaux ? L’espace lui-même serait-il propice au développement éventuel de l’art militaire ? Voilà certes des questions auxquelles il n’eut point été possible de répondre il y a seulement quelques mois, avant que se fassent jour, très récemment, des connaissances toutes nouvelles, dans le cadre des mouvements des satellites artificiels et par conséquent des vaisseaux de l’espace, apportant les premiers éléments sérieux d’une critique constructive.
Toutefois avant de traiter le fond de la question, il nous a semblé opportun de définir en quelque sorte le domaine d’action choisi qui doit constituer l’espace militaire de demain. Pour ce faire nous utiliserons un critère qui ressemble fort à une Lapalissade. En effet, à n’en point douter, de nombreux mois s’écouleront avant que les objectifs de la guerre ne deviennent extra-terrestres et en conséquence, les opérations susceptibles d’entraîner les vaisseaux spatiaux de plus en plus loin de leur base pour satisfaire à des impératifs divers, les ramèneront finalement à proximité de notre planète. Dans ces conditions, l’art militaire s’exercera, à tout le moins pendant plusieurs dizaines d’années, dans un volume spatial rapproché n’intéressant que quelques milliers, voire quelques dizaines de milliers de kilomètres de profondeur. Néanmoins il ne serait pas raisonnable de juger cet immense problème avec nos habitudes de simples terriens et de définir un espace militaire « ab initio » trop étriqué. Aussi choisirons-nous sa limite supérieure en nous référant à un corps céleste qu’on ne saurait passer sous silence dans un exposé sur la stratégie de l’espace, à savoir notre satellite naturel : la Lune. L’an dernier, dans la même Revue, je me suis efforcé de mettre en évidence tout ce que l’astre des nuits comportait d’avantages et d’inconvénients concernant cet objet. J’avais intitulé l’article : « la Lune, base de l’arme absolue ». Elle y apparaissait comme l’élément essentiel d’un système stratégique spatial, sa forme, ses dimensions, ses caractéristiques mécaniques, les températures qui y règnent la révélant comme une base redoutable pour la planète Terre. Bien plus, il y était indiqué que de la Lune, avec un bon canon de grande vitesse initiale, il n’était pas impossible d’atteindre valablement un point de la surface terrestre (1).
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