À partir des ouvrages de Jean Perré (Intelligence et valeurs morales dans la guerre ; Éditions Charles Lavauzelle, 1965 ; 248 pages) et du Rear Admiral USN (retired) Henry E. Eccles (Military concepts and philosophy ; Rutgers University Press, 1965 ; 339 pages ).
De l’intelligence à la philosophie militaire
Il est frappant de constater combien est restreint le nombre des ouvrages consacrés, au cours de ces dernières années, à ce que l’on pourrait appeler un peu pompeusement « la pensée militaire », ou, plus simplement aux données essentielles de la conception et de l’exécution des actions purement militaires. Les auteurs s’expriment plus volontiers dans des articles de revue, dispersés dans de très nombreuses publications, et dont les idées risquent de ne pas s’imposer à l’attention ou d’être noyées dans un océan d’aperçus, scintillants comme des vagues sous le soleil, mais aussi fugitifs qu’elles, aussi variables dans leur direction et leur amplitude.
« La guerre est une science expérimentale à laquelle manque l’expérience », disait dans une boutade Henri Poincaré. Jamais plus qu’à notre époque, tout au moins dans les temps modernes, les militaires n’ont eu tant d’occasions de faire des expériences ; aussi pourrait-on croire qu’ils ont pu réfléchir à leur « science » et en exprimer les lois toutes nouvelles ou toutes renouvelées.
Par opposition, les « grands ouvrages » traitant de haute stratégie sont légion ; leurs auteurs sont généralement des civils attirés par les questions de politique internationale, mais fatalement amenés à se pencher sur l’emploi de la force et les conditions dans lesquelles elle peut ou doit s’exercer. Qu’il s’agisse de guerre subversive ou de guerre nucléaire, l’enjeu militaire paraît en effet bien mince au regard de l’enjeu politique ; la force n’est qu’une des composantes de la politique ; celle-ci la laisse intervenir seulement sous des formes mesurées, calculées, ou même uniquement par sa menace ; mais elle reste utile, nécessaire, indispensable. Là-dessus, on a déjà tout dit, ou presque tout, car aucun sujet ne se laisse si facilement épuiser.
Il reste 92 % de l'article à lire