La Chine surpeuplée. Tiers-Monde affamée
L’enquête technique à laquelle s’est livrée l’auteur sur l’agriculture chinoise est exposée avec des détails qui illustrent d’exemples la thèse proposée, mais risquent aussi parfois de la masquer ; car la lecture de cet ouvrage est loin d’être facile ; elle exige du lecteur une attention soutenue et un désir d’aller au fond des choses, ce qu’une présentation austère n’encourage pas. Avant d’arriver aux idées d’ensemble, il faut donc traverser une accumulation de données qui pourrait rebuter.
René Dumont estime que le surpeuplement de la Chine, dans son état actuel et a fortiori dans l’avenir, est un obstacle considérable à l’élévation du niveau de vie, quelles que soient les mesures prises pour tenter de l’améliorer. « Si la Chine envisage de nourrir un jour deux milliards d’habitants, souhaitons pour elle que ce soit le plus tard possible. (..) Cette Chine nous laisse donc entrevoir non le marxisme beurré de l’abondance promise par Khrouchtchev, mais un communisme d’austérité ». Cette phrase de la préface pourrait être illustrée par de nombreuses citations prises dans le corps de l’ouvrage. Nous nous bornerons à celle-ci : « Le communisme en Chine ne pourra pas, dans un avenir prévisible, même à long terme, reposer sur son principe de base : l’abondance matérielle extrême fournie à ses deux milliards d’habitants du prochain siècle. (..) Cette perspective demanderait un plus haut niveau de conscience socialiste, plus d’ardeur au travail chez les fonctionnaires et moins de fil de fer barbelé autour de la propriété nationale ».
Aussi, la solution est-elle d’abord de lutter contre l’accroissement des naissances, dont le rythme dépasse celui de l’accroissement des ressources alimentaires. Mais c’est une solution qui peut s’imposer rapidement. Il faudrait donc pouvoir répartir plus équitablement les ressources mondiales, en les affectant en fonction d’un « Plan mondial contre la faim », ce qui suppose un « gouvernement mondial » ; celui-ci semble utopique, mais « l’utopie est simplement une conception qui n’a pas encore été acceptée par l’opinion publique, ce qui ne signifie nullement qu’elle soit impossible ». Ce gouvernement mondial, l’auteur le voit s’exerçant par des organismes régionaux, plus facilement acceptables et plus proches aussi des réalités et des difficultés de la répartition équitable des ressources économiques.
On peut se demander s’il est plus simple et plus rapide de convaincre tous les peuples du monde de s’unir ainsi dans une organisation mondiale que d’obtenir des Chinois qu’ils aient moins d’enfants.
Il reste que le problème chinois, tel que l’expose René Dumont, est l’un des plus préoccupants et des plus difficiles à résoudre, pour l’avenir de l’humanité, bien qu’il ne manque pas d’autres problèmes similaires, mais de moindre envergure. Il reste qu’il faut lui trouver une solution avant qu’il ne soit trop tard pour éviter d’effroyables famines ou pour conjurer d’inévitables conflits qui, sous la pression des événements, auraient bien des raisons d’être violents. Même si les conclusions de l’auteur sont pessimistes, même si ses vues d’avenir sont trop sombres, même si les données techniques sur lesquelles il s’appuie doivent se montrer en partie erronées – ce qui ne pourra se juger que plus tard – l’opinion qu’il exprime est un coup de semonce ; il convient de prendre conscience de ces problèmes à l’échelle du monde et à l’échéance des toutes prochaines générations. ♦