À propos de l'article (« Ein neuer Kampfauftrag für die Bundeswehr ») du colonel en retraite von Bonin de la Bundeswehr dans l'hebdomadaire allemand Der Spiegel du 21 novembre 1966.
À travers les revues - Une conception originale de la défense de l’Allemagne de l’Ouest
L’hebdomadaire Der Spiegel du 21 novembre publie un article du colonel en retraite von Bonin. L’auteur est connu pour l’originalité de ses conceptions et sa force de caractère. Au début de 1945, chef du 3e bureau (1) du Front oriental, il fut relevé de son poste et déporté à Dachau pour avoir ordonné l’évacuation de Varsovie malgré l’ordre contraire du Führer. En 1955, chef du 3e bureau de la Bundeswehr (2), il dut quitter celle-ci parce qu’il préconisait une défense au plus près du rideau de fer.
Von Bonin critique la conception stratégique actuelle parce qu’elle repose sur l’implantation d’armements nucléaires en Allemagne de l’Ouest. Il propose la création d’une armée de métier, sans armements nucléaires, organisée pour assurer une défense anti-blindés au plus près du rideau de fer.
Il justifie comme suit ses conceptions. La dissuasion nucléaire doit être uniquement américaine. L’implantation d’armes nucléaires en Allemagne de l’Ouest implique la « destruction atomique » de celle-ci dès le début d’un conflit, car les Soviétiques ne prendraient pas le risque d’effectuer leur concentration, sous la menace d’un armement nucléaire qu’ils ont la possibilité d’annihiler. En particulier, l’avion porteur d’armes nucléaires, le Starfighter, est particulièrement vulnérable sur sa piste d’envol et sa destruction entraînerait le déclenchement de la guerre atomique.
D’autre part, l’existence en Allemagne de l’Ouest d’une armée organisée pour l’offensive enlève tout espoir de voir les Soviétiques retirer leurs 20 divisions stationnées en Allemagne de l’Est.
La défense dans les plaines du Nord au plus près du rideau de fer doit être, dit-il, une défense élastique, inspirée des méthodes utilisées par les Soviétiques dans le saillant de Koursk en juillet 1943. Elle doit être confiée à une armée de métier de 8 divisions, toujours prête, très mobile, dotée d’un puissant armement anti-blindés, d’une artillerie surtout constituée de lance-fusées du type « orgues de Staline » et d’un génie équipé pour l’établissement de barrages. La puissance de l’armement doit être augmentée, en particulier grâce à la mise au point de munitions explosives plus puissantes.
À côté de l’armée de métier, il doit exister une milice, dont les hommes ne feraient que six mois de service militaire. Elle aurait pour mission la défense de la frontière tchèque et de la frontière autrichienne, ainsi que celle du territoire.
L’armée allemande ainsi conçue constituerait une force de dissuasion non nucléaire complétant la force de dissuasion, nucléaire et non nucléaire, américaine. Elle contribuerait au maintien de la paix. Et von Bonin conclut : « Comment l’Allemagne peut-elle vivre autrement qu’en paix ? La violence en Europe signifie la fin de l’Europe. » ♦
(1) Bureau opérations (Operationsabteilung).
(2) Bureau des plans militaires (Militärische Planungsabteilung).