La Roumanie vers sa libéralisation
Les regards se dirigent aujourd’hui volontiers vers l’expérience de « désatellisation » que la Roumanie poursuit depuis quelques années avec ses voies propres. Avant d’exposer les phases et les conditions de cette courageuse entreprise d’émancipation, il n’est pas inutile de rappeler à grands traits les principales étapes de l’évolution depuis la fin de la première guerre mondiale de ce pays d’Europe orientale qui a connu les plus grands bouleversements.
La « grande Roumanie »
La défaite des empires centraux en 1918 et l’effondrement de l’empire russe avaient permis au royaume de Roumanie de réaliser un rêve auquel il avait cessé de croire. L’ancienne Roumanie, avec ses deux provinces moldo-valaques en équerre, ses 140 000 km2 et ses 8 millions d’habitants, se transformait, en recevant une large part de la Transylvanie, la Dobroudja du Sud, la Bukovine du Nord, les deux tiers du Banat et la Bessarabie, en un pays presque doublé, aux formes arrondies, avec 260 000 km2 et 18 millions d’habitants. Quatre de ceux-ci étaient des paysans magyars, allemands, russes ou serbes, mais cette minorité, convaincue que la puissance des vainqueurs s’affirmerait sans retour, allait faire un sincère effort d’adaptation et contribuer au développement d’un nouvel esprit national roumain. En même temps, la pression des idées démocratiques imposait à la politique intérieure de profondes modifications. Empiétant sur les deux partis traditionnels, conservateurs et libéraux, un fort mouvement « paysan » allait susciter dès 1919 une large réforme agraire, qui faisait passer plus de 9 millions d’hectares de grands domaines aux mains de petits propriétaires. La lutte contre l’analphabétisme, la revalorisation de la monnaie, l’effort porté sur les deux productions les plus rentables, le blé et le pétrole, facilitaient l’extension d’une classe moyenne apte à fournir des cadres. La création de la Petite Entente, avec la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie et le pacte d’amitié avec la Pologne, en 1921, permettaient de faire face au danger de restauration monarchique en Hongrie, renforçaient la sécurité à l’Est, tandis que le traité franco-roumain de 1926 allait faire entrer la Roumanie dans cet ensemble de nations européennes dont la France voulait être à la fois le guide et la garante. Le prince héritier Carol ayant renoncé au trône, son jeune fils Michel, muni d’un conseil de régence, succédait au roi Ferdinand mort en juillet 1927, et la population manifestait en ces occasions son loyal attachement à la dynastie.
Les gouvernements successifs avaient toutefois fait preuve, comme ceux des États neufs jaloux de leur pleine souveraineté, en matière économique surtout, d’un nationalisme parfois irritant, dont avaient pâti les échanges avec l’extérieur. La pénurie de capitaux, le manque d’expérience et de matériel, une certaine précipitation, avaient également nui au succès de la réforme agraire et de la rénovation industrielle. Des inquiétudes se firent jour, dont profita le parti national paysan fondé par Jules Maniu. En novembre 1928, celui-ci accédait à la présidence du Conseil et, grâce à un nouvel élargissement des libertés démocratiques et à un plus grand libéralisme dans les relations économiques, il put obtenir un redressement qui ne portait pas atteinte aux exigences de l’indépendance politique.
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