Militaire - Le programme américain Nike X - Réduction des forces britanniques stationnés outre-mer - Le nouveau ministre de la Défense de l'Allemagne fédérale - La réorganisation territoriale suédoise - URSS : la fête des troupes de missiles et de l'artillerie - La politique militaire du Luxembourg
Le programme américain Nike X
Le 10 décembre dernier, au cours d’une déclaration à la presse, M. McNamara, Secrétaire américain à la Défense, révèle que les Soviétiques ont commencé l’installation d’un système de défense antimissiles autour de quelques villes.
Cette information a provoqué une réaction immédiate de la part des partisans du système antimissiles Nike X, mis « en sommeil » en raison de l’opposition de M. McNamara. Or le budget fédéral 1967-1968 est en cours d’étude à la Maison-Blanche. Les crédits accordés jusqu’ici aux études et au développement de ce système sont relativement limités si l’on tient compte des difficultés techniques : de 1956 à 1965, environ 3 milliards de dollars ; en 1966-1967 (budget en cours), 447 millions de dollars auxquels le Congrès avait ajouté de sa propre initiative 14,4 M pour les recherches proprement dites et 153,5 M pour la production d’équipements annexes. Mais M. McNamara n’a pas jusqu’ici estimé nécessaire d’utiliser ces crédits supplémentaires.
Le conflit entre les partisans du Nike – dont le Comité des chefs d’état-major (JCS) – et le Secrétaire à la Défense se manifeste à nouveau. Les premiers souhaitent que soit installé le système Nike dont les principaux composants sont le Nike Zeus qui intercepte les missiles juste avant leur rentrée dans l’atmosphère et le Sprint qui réalise cette interception entre 16 et 50 kilomètres d’altitude. Ils affirment qu’une telle organisation épargnerait 80 M de vies américaines et éviterait des destructions matérielles évaluées à plus de 3 000 Md de dollars. Ils font valoir en outre que le Nike Zeus amélioré, dont les premiers essais doivent avoir lieu prochainement, aura une portée suffisante pour détruire les missiles ennemis avant leur arrivée au-dessus des États-Unis, rendant ainsi inutile la construction d’abris anti-retombées dont ils évaluent le coût à 25 Md de dollars. La portée du Nike Zeus amélioré serait de 650 km. Le but recherché est d’ailleurs moins d’atténuer le caractère de défense ponctuelle du système actuel que de détruire le missile avant qu’il n’ait largué ses leurres. Le Nike Zeus actuel, dont la portée est de 130 km, est en effet incapable de discriminer les leurres des ogives réelles. En outre, le chiffre de 25 Mds pour la construction des abris paraît exagéré : M. McNamara donne 5 Mds de dollars.
À ces arguments, M. McNamara répond :
– que le système Nike n’est pas suffisant pour assurer la protection totale du territoire américain ; qu’il doit être complété par une organisation d’abris anti-retombées ;
– qu’il risque d’être inopérant au moment de sa mise en service par suite des progrès qui seront réalisés dans les moyens d’attaques par missiles ;
– qu’il aura un prix de revient prohibitif, même pour une nation aussi riche que les États-Unis.
M. McNamara préconise d’améliorer les moyens offensifs américains, notamment en faisant effort sur les aides à la pénétration, afin de déjouer les moyens de défense de l’ennemi. C’est pourquoi il est favorable au remplacement des Polaris A3, à bord des sous-marins nucléaires, par des engins Poseidon (1). Le coût de ce programme ne dépasserait pas 4 Md $.
La publication prochaine du projet de budget 1967-1968 nous fixera sur la position gouvernementale dans ce conflit.
Réduction des forces britanniques stationnées outre-mer
C’est dans un souci de stricte économie que le gouvernement britannique réduit ses effectifs militaires stationnés outre-mer, plus particulièrement en Méditerranée et en Extrême-Orient.
À Chypre, Londres envisage de diminuer de 2 000 hommes environ les effectifs actuels stationnés dans l’île qui s’élèvent à 4 900 h. pour l’Armée de terre – dont 1 200 à la disposition de l’ONU : 1 bataillon d’infanterie, 1 escadron blindé et des services – et 5 800 hommes pour l’Armée de l’air ; ces réductions ne mettraient cependant pas en cause la souveraineté de la Grande-Bretagne sur les deux grandes bases dont elle dispose : Dhekelia pour l’Army et Akrotiri pour la RAF. Les stocks entreposés à Dhekelia seraient considérablement réduits mais le soutien de la force des Nations unies continuerait à être assuré dans les mêmes conditions.
À Malte, Londres poursuit des négociations avec le Premier ministre de la République de Malte dans le but de rapatrier un des deux bataillons stationnés dans l’île. Actuellement les forces britanniques comptent 2 600 h. de l’Armée de terre et 2 500 marins dont 1 000 environ sont embarqués. Le gouvernement maltais, qui connaît de graves difficultés économiques, recherche un accord sur le maintien de ces forces qui représentent un apport appréciable de devises.
À Bornéo, la RAF a déjà replié le gros de ses moyens et n’y entretient plus que des détachements de liaison et de transport. Le plan qui prévoyait le retrait de 10 000 h. se poursuit normalement.
À Hong-Kong, où sont stationnés au total 8 500 h., le gouvernement britannique a engagé des pourparlers avec le gouvernement local pour que la contribution de la ville à l’entretien des troupes soit portée de 2,5 millions de livres sterling à 8 ou 10 millions ; les charges annuelles de la Grande-Bretagne sont évaluées à 16 millions de livres.
En Guyane (dont l’indépendance date du 16 mai 1966), l’évacuation des troupes britanniques – 2 bataillons et 1 batterie – est terminée ; la dernière unité a été rapatriée en Grande-Bretagne en novembre dernier.
Le Swaziland, également, est complètement évacué et le bataillon qui y était stationné depuis juin 1963 a rejoint Aden en novembre dernier. Sa mission de maintien de l’ordre s’étendait sur le Basutoland (aujourd’hui le Lesotho) et le Bechuanaland (aujourd’hui le Botswana), devenus l’un et l’autre indépendants.
Enfin, il faut signaler le projet de réduction des effectifs Gurkhas qui, de 14 500 h., seraient ramenés progressivement à 10 000 (de 8 bataillons à 6 bataillons) après accord avec le gouvernement du Népal.
Ainsi, la Grande-Bretagne, tout en restant fidèle à ses engagements traditionnels vis-à-vis des membres du Commonwealth, réalise son programme d’allégement de ses charges militaires notamment en transformant certaines grandes bases en simples escales. La réduction recherchée des charges de défense viserait à réaliser des économies d’une centaine de millions de livres sterling.
Le nouveau ministre de la Défense de l’Allemagne fédérale
M. Schrœder occupe dans le nouveau gouvernement de l’Allemagne de l’Ouest le poste de ministre de la Défense, en remplacement de M. von Hassel qui a été l’objet de nombreuses critiques (Revue de Défense Nationale de décembre 1966 : « Les difficultés de l’Armée allemande » par Alfred Frisch).
Ses conceptions en font un adversaire d’une participation allemande à un accord sur la non-dissémination des armes atomiques. Un tel accord, estime-t-il, exclurait à jamais l’Allemagne de toute organisation nucléaire au sein de l’Alliance Atlantique. Il souhaite au contraire que son pays dispose d’armes atomiques et par conséquent participe à la responsabilité d’emploi de cet armement.
À l’intérieur même du gouvernement allemand, M. Schrœder voudrait disposer en matière de défense de certaines attributions confiées aux Affaires étrangères (rattachement à son département du Bureau Otan et de certains services sociaux) et de la totalité de celles du Ministère chargé des affaires du Conseil de Défense, supprimé dans la nouvelle organisation. Il a exigé également certaines mutations de personnalités : de M. Gumbel, Secrétaire d’État à la Défense et de M. Knieper, Directeur du groupe « Affaires d’armement ».
La réorganisation territoriale suédoise
Comme la plupart des pays, la Suède procède à une réorganisation militaire de son territoire en intégrant à l’échelon supérieur des districts (régions militaires) les commandements des trois armées : terre, air, mer.
Jusqu’ici, le territoire suédois était partagé en 7 régions militaires, 4 districts maritimes, 4 régions aériennes et 5 régions civiles. Leurs limites ne coïncidaient pas et chacune avait un chef-lieu particulier. Le gouvernement suédois a donc décidé de les unifier et de procéder à une intégration des commandements régionaux.
Depuis le 1er octobre dernier, la Suède est divisée en 6 districts interarmées placé chacun sous le commandement d’une seule autorité : terrestre, aérienne ou navale. Les commandements de ces 6 districts ont été répartis de la façon suivante : 4 à l’armée de terre, 1 à l’armée de l’air et 1 à la marine.
Les trois plus importants sont confiés à des généraux-lieutenants et concernent :
– la région du Haut Norrland ;
– le district Est, avec la capitale Stockholm ;
– le district Sud, qui englobe l’extrémité Sud de la Suède.
Les quatre autres districts sont commandés par des généraux-majors.
Tous les états-majors sont interarmées. Certains organismes échappent cependant à ces états-majors régionaux, telles, par exemple, la flotte côtière et la première division aérienne. Par ailleurs, les trois grandes bases navales suédoises de Karlskrona, Göteborg et Stockholm intégrées dans les ensembles opérationnels régionaux restent subordonnées au Commandant en Chef de la Marine pour certaines missions concernant notamment l’instruction du personnel, l’entretien des unités navales…
Les missions des nouveaux districts sont :
• en temps de paix :
– de coordonner les activités des trois armées et de leurs services,
– d’établir les plans de défense et de mobilisation,
– de contrôler l’instruction et l’entraînement des unités.
• en temps de guerre :
– de coordonner l’action des unités stationnées sur leur territoire en liaison avec les autorités civiles et les organismes de défense civile du territoire.
Les P.C. des six nouveaux districts militaires sont les suivants :
– Région militaire Sud : Kristianstad ;
– Région militaire Ouest : Skövde ;
– Région militaire Est : Strängnas ;
– Région militaire du Bergslagn : Karlstad ;
– Région militaire du Bas Norrland : Ostersund ;
– Région militaire du Haut Norrland : Boden.
URSS : La fête des troupes de missiles et de l’artillerie
Le 19 novembre dernier a été célébré en URSS le « Jour » des troupes de missiles et de l’artillerie. Le premier adjoint au Commandant en chef des troupes de missiles stratégiques, le Général-Colonel Toloubko, a rappelé, à Radio-Moscou, que de nouvelles règles d’emploi et de développement des forces armées avaient été élaborées dans le cadre de la doctrine de guerre soviétique.
« Nos missiles stratégiques, a-t-il dit, et leurs rampes de lancement sont sûrs ; ils sont dissimulés dans des souterrains et pourront être utilisés à n’importe quel moment. De nouveaux spécimens sont conçus, entre autres des missiles de faibles dimensions à propergol solide, installés sur des dispositifs mobiles et constamment maintenus en état d’alerte. »
Ces déclarations soulignent les deux principes du Haut Commandement soviétique en matière de protection des missiles :
– mise en silo des missiles stratégiques intercontinentaux,
– mobilité de ceux à portée intermédiaire et moyenne par leur installation sur des engins autotractés.
En outre, le Général Toloubko a indiqué que 90 % des officiers des troupes de missiles sont inscrits au Parti ou aux jeunesses communistes.
La politique militaire du Luxembourg
Le Grand-Duché de Luxembourg a connu en novembre dernier une crise gouvernementale, consécutive à un désaccord au sein de la majorité sur des problèmes de défense. Le président du gouvernement, M. Pierre Werner, a remis sa démission au Grand-Duc Jean de Luxembourg après le refus des Socialistes – qui avec les Chrétiens-Sociaux constituent la coalition gouvernementale – d’approuver le plan de réformes militaires.
Les modifications proposées portent sur les points suivants :
– abolition du service militaire obligatoire ;
– augmentation du nombre des engagés pour pallier le déficit consécutif à cette suppression ;
– adaptation de la contribution militaire du Luxembourg à l’Otan à la défense du territoire ; elle se traduirait, en fait, par le retrait du bataillon d’artillerie luxembourgeois intégré à la 8e Division américaine stationnée en Allemagne. Déjà, au début de 1966, des divergences de vue s’étaient manifestées entre le ministre de la Force armée et le Chef d’état-major de l’Armée ; elles avaient eu comme conséquence le remplacement de ce dernier par son adjoint.
M. Werner ayant été appelé à constituer un nouveau gouvernement, il semble qu’un compromis sera réalisé entre les deux grands partis sur la base de la suppression du service militaire obligatoire mais en contrepartie du maintien de la contribution actuelle du Luxembourg à l’Otan. ♦
(1) Poids et charge doubles du Polaris A3, donc environ 27 tonnes au total et 750 kg pour la tête. Mais la charge atomique n’est pas augmentée pour autant car la tête comporte des aides à la pénétration, c’est-à-dire des contre-mesures électroniques, des leurres et des charges multiples manœuvrables sur programme, afin de rendre aléatoire la défense antimissiles – par saturation et interdétermination par l’ennemi des objectifs visés. Portée : celle des Polaris A3 : 4 000 km environ