Préfacé par le général Ailleret, Chef d’état-major des armées (Céma), cet ouvrage reprend et développe le cours de stratégie professé par Léo Hamon à la Faculté de Dijon. Il est inutile de présenter l’auteur ; sa notoriété est suffisamment établie et ses articles l’ont fait connaître des lecteurs de cette Revue.
« L’importance des problèmes stratégiques et militaires est une des bases de ce livre, écrit l’auteur, mais le refus d’isoler les données militaires en est une outre, au moins aussi fondamentale ». Cette phrase illustre bien l’esprit de l’ouvrage qui traite de stratégie, certes, mais étend à la politique le champ de ses recherches et de ses conclusions.
Dans une première partie que l’on pourrait qualifier de classique, Léo Hamon rappelle les différentes définitions de la stratégie, ses rapports avec la politique, son conditionnement plus ou moins étroit par la technique. Il en propose à nouveau les principes, en s’inspirant davantage des conceptions relativement récentes de Liddell Hart et du général Beaufre plutôt que des définitions déjà anciennes de Foch.
La deuxième partie est un parallèle entre deux pensées apparemment différentes à la fois par leur origine et par leur démarche : celle du général de Gaulle, lorsqu’il se faisait le théoricien de la guerre moderne pré-nucléaire et celle de Mao Tsé-Toung, qui établissait dans le même temps les fondements de la guerre révolutionnaire. Pensées en réalité assez proches, estime l’auteur, par leur adaptation identique au lieu et au moment, aux circonstances et aux conditions qui les faisaient naître.
Puis, dans une troisième partie, Léo Hamon étudie à son tour les transformations de la stratégie à l’époque nucléaire, en exposant les principales théories en honneur actuellement sur l’équilibre de la terreur, l’escalade, la dissuasion ; mais en élargissant aussi, comme il l’avait annoncé dans la phrase que nous avons citée, les données brutales de la force au milieu dans lequel elles se manifesteraient. La guerre en époque nucléaire est limitée par le seul fait de sa menace, de même que par la protection globale conférée par d’autres facteurs que le rapport des forces. S’il est illusoire d’imaginer que le monde est dorénavant à l’abri de transformations majeures, du moins peut-on espérer que celles-ci se produiront sans qu’il soit nécessaire ou fatal de recourir à la guerre mondiale. Comme autrefois il existait un code respecté dans les combats par les chevaliers, il pourrait exister aussi, en raison des risques effroyables de l’emploi sans restriction des armements nucléaires, un accord tacite entre « gentilshommes nucléaires ».
Léon Hamon voit pour la France, devenue puissance nucléaire, un rôle à jouer dans le monde prochain ; celui du sage qui « faisant régner la sagesse dans son usage, satisferait une ambition raisonnable et contribuerait au service de l’humanité entière ».
Comme l’écrit le général Ailleret dans sa préface, qui est une sorte de courte méditation sur le rôle d’un commandant en chef, il faut espérer que l’ouvrage de Léo Hamon donnera à de nombreux lecteurs « d’abord des notions très utiles sur la stratégie, le goût de les approfondir ensuite ».
Ce livre, en effet, écrit pour des étudiants et s’adressant à la fraction la plus éclairée du pays, peut largement servir d’introduction à la compréhension des problèmes stratégiques qui sont le fondement même de la protection de notre pays et de sa civilisation.