Aéronautique - Coopération aéronautique : l'accord franco-britannique du 16 janvier 1967 - La défense aérienne du Nord-Vietnam - Les accidents dans l'aviation commerciale
Coopération aéronautique : l’accord franco-britannique du 16 janvier 1967
« Le ministre de la Défense, M. Denis Healey, et le ministre de l’Aviation, M. John Stonehouse, ont rencontré, le 16 janvier 1967 à Paris, M. Messmer, ministre des Armées, pour examiner les projets de coopération franco-britannique dans les domaines de l’aviation militaire.
Les deux délégations se sont mises d’accord pour que le projet d’avion à géométrie variable soit poursuivi. Les ministres ont décidé de se rencontrer à nouveau au mois de mars pour arrêter les spécifications techniques et prendre les décisions ultérieures pour l’exécution du programme.
En ce qui concerne les hélicoptères, les ministres ont approuvé un accord de coopération entre les deux pays portant sur trois matériels :
– un hélicoptère tactique (SA 330, Ndlr : Puma),
– un hélicoptère léger (SA S40, Ndlr : Gazelle),
– un hélicoptère polyvalent.
L’accord sera signé dans les prochains jours par voie diplomatique.
Les ministres ont enregistré les progrès satisfaisants des projets Jaguar et Martel (Ndlr : un missile) ».
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Ce communiqué, publié à l’issue des entretiens du 16 janvier, a été lu aux représentants de la presse par M. Pierre Messmer, qui fit ensuite quelques commentaires sur les programmes de fabrication commune de matériel aéronautique militaire.
1. — L’avion de combat à géométrie variable.
Les ministres ont approuvé l’organisation gouvernementale destinée à assurer la responsabilité du projet. Ils ont décidé de consulter les industriels sur cette organisation et ont mis sur pied un calendrier concernant les travaux à réaliser :
– fin des études d’optimisation : avant le 1er mars 1967 ;
– fin des études sur diverses spécifications non encore arrêtées : avant le 1er avril 1967 ;
– achèvement des études par les constructeurs : fin septembre 1967 ;
– lancement de la phase prototype : fin décembre 1967.
M. Messmer a fait remarquer que des progrès substantiels ont ainsi été réalisés en ce qui concerne les délais d’exécution des différentes phases du programme. Il a été décidé d’autre part d’envoyer, avant le 1er mars, une mission franco-britannique auprès d’un certain nombre de pays voisins (notamment l’Allemagne fédérale) pour s’enquérir de l’intérêt qu’ils pourraient porter à la géométrie variable.
M. Messmer a ensuite expliqué aux journalistes qu’il ne peut être désigné dans ce programme, comme dans d’autres, un maître d’œuvre. En effet, être maître d’œuvre, c’est, comme le mot l’indique, être le maître, avoir la capacité technique et juridique de prendre des décisions et de les imposer aux coopérants. Or, il n’existe rien de semblable dans l’organisation Jaguar ou l’organisation « géométrie variable ». Aussi bien pour le moteur que pour la cellule, il existe un directeur technique et un directeur adjoint. Le directeur est d’une nationalité, le directeur adjoint de l’autre nationalité.
En ce qui concerne la cellule du Jaguar par exemple, le directeur technique est Bréguet et le directeur adjoint est British Aircraft. Pour le moteur, les deux directeurs sont respectivement Rolls-Royce et Turbomeca. Mais le directeur adjoint a droit de veto. S’il exerce ce droit, l’affaire est immédiatement portée devant l’autorité gouvernementale, c’est-à-dire devant le comité paritaire composé, à effectifs égaux, de représentants d’une part des ministères de l’Aéronautique et de la Défense britannique et d’autre part du ministère français des Armées – ingénieurs et militaires. Si les membres du comité n’arrivent pas à se mettre d’accord, ce sont les Ministres qui sont appelés à en décider.
En ce qui concerne l’avion à géométrie variable, il a été décidé de demander aux sociétés françaises et britanniques de prendre mutuellement contact avant le 10 mars afin de donner leur avis sur la meilleure organisation industrielle possible ; bien entendu, ce seront finalement les ministres qui décideront, puisqu’il s’agit d’avions militaires, financés à 100 % par l’État ; il est donc normal que ce soit eux qui aient le dernier mot.
M. Messmer a confirmé que l’avion à géométrie variable sera bien un bi-réacteur conforme à la fiche-programme déjà établie depuis un certain temps.
De ce fait, le TF-306 n’a plus d’emploi dans les projets à venir. Le TF-306, gros turbopropulseur à double flux développé par la SNECMA, avait été prévu pour équiper un appareil militaire monomoteur. Or, l’Armée de l’air française, comme d’ailleurs la Royal Air Force, estime qu’une des conditions des appareils de combat du type géométrie variable est d’être bimoteur. De plus le TF-806 n’a pas, à l’heure actuelle, d’utilisation civile prévue.
Par contre, le ministre estime que les travaux de développement de ce moteur n’auront pas été inutiles et seront mis à profit dans les programmes à venir. « Les 500 millions de francs dépensés pour le TF-306 auront permis à la SNECMA d’acquérir une connaissance de ce type de moteur moderne. Il serait illusoire de penser que la SNECMA serait capable de construire un moteur du type M-45 pour l’avion à géométrie variable en partant directement du moteur ATAR. Entre le M-45 et les ATAR, il existe une telle différence technologique qu’elle n’aurait pu être réduite sans déboires ou désastres techniques qui auraient certainement coûté beaucoup plus de 500 millions. »
Le TF-306 n’a jamais atteint le stade de la production. On ne peut donc parler d’abandon de celle-ci. Par contre, les études faites par la SNECMA pour ce réacteur auront permis à cette société de développer dans d’excellentes conditions la post-combustion du moteur Olympus du Concorde.
Ce moteur assurera, d’autre part, la propulsion du Mirage G, avion monomoteur à géométrie variable, construit par la Société Marcel Dassault. Cet avion volera peut-être avant le 10 mars 1967. Il ne correspond certes pas à la fiche-programme franco-britannique, donc aux besoins exprimés par les Armées de l’air. Mais le gouvernement français a décidé de développer cet avion pour permettre à la maison Marcel Dassault d’acquérir une technicité très précieuse en matière de géométrie variable avec un avion qui sera une sorte de banc d’essai et non un prototype. Cette procédure permettra de nous prévaloir, vis-à-vis de nos partenaires, d’une précieuse expérience et de gagner du temps dans l’élaboration du projet commun.
En conclusion, le Ministre a déclaré que le programme serait fixé après le 1er avril lors de la prochaine rencontre où sera choisi définitivement le type d’appareil. Pour le moment, on peut seulement dire que cet avenir se présente mieux qu’il y a trois mois.
En ce qui concerne les délais, il est raisonnable d’avancer la date de 1975 pour la production en série et l’entrée en service dans les unités. Les évaluations françaises et britanniques diffèrent de 15 à 18 mois, les Britanniques étant plus optimistes. Quant à la période de transition, les avions disponibles pour l’attaque au sol sont et seront suffisants pour faire face à nos besoins, qu’il s’agisse du Mirage IIIE, du Jaguar qui sortira à partir de 1970-1971 ou du Mirage IV. Ce dernier, après cette date, pourra progressivement être affecté à des missions tactiques. Par contre, pour les missions d’interception, il y a là un problème sur lequel il sera possible de prendre une décision assez rapidement, c’est-à-dire dans les quinze jours ou trois semaines.
« En matière de prix, la prudence est de rigueur. Le comité directeur a avancé pour les avions à géométrie variable un prix de série de 28 millions de francs par appareil, hors taxe. » Le ministre, contrairement à son collègue britannique, exprime des doutes sur la capacité qu’auraient les industriels de respecter ce prix qui paraît être calculé avec un certain optimisme.
2. — Hélicoptères.
Les trois ministres ont approuvé l’accord mis au point par le comité directeur. Cet accord, après quelques modifications mineures de forme, sera signé dans quelques jours. Il concerne la fabrication en commun de trois types d’hélicoptères :
– le SA-330, hélicoptère de manœuvre.
Le gouvernement britannique s’engage à commander 48 appareils de ce type, s’ajoutant aux 130 qui seront commandés par l’Armée de terre française. La répartition des plans de charges sera proportionnelle aux commandes, en ce qui concerne les productions nationales, et dans le rapport de 80 % pour la France et 20 % pour la Grande-Bretagne en ce qui concerne l’exportation.
Pour compenser les frais d’études et de réalisation des prototypes et de la présérie du SA-330 par la France, le gouvernement britannique versera, sous forme d’achat de licence, dans les 80 jours suivant la signature de l’accord, une somme d’un million de livres sterling.
– le SA-340.
Cet hélicoptère – bien qu’il n’existe pas encore – devrait entrer en service à partir de 1970. Ce sera un appareil léger d’observation connu à Sud-Aviation sous le sigle SA-340. Il est destiné à être produit en grande série car il doit prendre la relève des Alouettes II et III.
Les frais de recherche et de développement seront partagés et la production coordonnée entre les deux pays. Il est possible que, pour couvrir les besoins de l’Armée britannique entre 1968 et 1970, la France soit amenée à louer à celle-ci un certain nombre d’Alouettes, en attendant la sortie du SA-340.
3 — L’hélicoptère polyvalent.
Cet hélicoptère de 8,5 à 4 tonnes devra pouvoir satisfaire aux besoins de l’Armée de terre (reconnaissance, lutte anti-char) et de la Marine (lutte anti-sous-marine). Les ministres ont décidé que les études seraient menées en commun sous la direction de la firme britannique Westland de manière à pouvoir prendre une décision – en principe positive – pour le 1er juillet 1967. Le développement de cet appareil pourrait, de ce fait, commencer dès 1968.
Le ministre a précisé que l’organisation intergouvernementale chargée de la promotion et du contrôle de ces projets sera comparable à celle mise sur pied pour l’avion à géométrie variable. Elle est fondée sur une rigoureuse parité, un rigoureux équilibre entre les deux pays.
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En ce qui concerne le Jaguar et le Martel, deux avenants aux accords déjà conclus ont été signés. Ces avenants, a déclaré M. Messmer, ont un caractère essentiellement financier et permettent de mettre à la disposition des exécutants les crédits nécessaires. Ils constituent donc une preuve que ces projets se portent très bien.
La défense aérienne du Nord-Vietnam
L’effort de guerre du gouvernement de Hanoï a pour objet principal le soutien logistique des forces qui opèrent dans le Sud-Vietnam.
Ainsi, les Nord-Vietnamiens doivent non seulement assurer l’intégrité des dépôts et réserves qu’ils constituent sur leur territoire mais encore protéger leurs voies de communication contre les attaques des avions américains.
Les grands axes logistiques sont :
– d’une part, ceux qui assurent l’acheminement des renforts en provenance de l’aide extérieure : les routes Hanoï-Lao Kay, Hanoï-Cao Bang, Haïphong-Hong-Hoi, Hanoï-Haïphong ;
– d’autre part, ceux qui servent à relier le Nord aux forces combattantes du Sud-Vietnam. L’axe principal est constitué par l’ancienne « route impériale » Hanoï, Thank Hoa, Vinh. Cette route, que les Américains appellent « la piste de Ho Chi Minh » se continue ensuite sur le territoire du Laos par de nombreuses pistes dissimulées sous la jungle.
Dès le début du conflit, les Américains ont attaqué et harcelé ces voies de communication suivant un programme systématique et avec leurs moyens les plus puissants.
Pour réduire les effets des attaques américaines, les Nord-Vietnamiens ont mis sur pied une défense aérienne qui, de l’avis des adversaires eux-mêmes, est particulièrement efficace et en constante amélioration, presque comparable à celle qui existait en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cette défense aérienne comprend les moyens suivants :
1° Un grand nombre d’engins sol-air de fabrication soviétique, les SAM « guide-line » à guidage radar, constituant des « barrières » autour de Hanoï et à proximité des grands axes. Plus de 200 sites de ces engins ont pu être dénombrés jusqu’à présent.
2° Autour de ces sites et de certains points sensibles, les Nord-Vietnamiens ont disposé une DCA puissante et nombreuse, dotée d’armes diverses, depuis la mitrailleuse légère jusqu’au canon de 100 mm. Presque toutes les armes d’un calibre supérieur à 37 mm sont à guidage radar. Les plus efficaces sont les canons de 37 et 57 mm.
3° Quelques avions de chasse de fabrication soviétique : une cinquantaine de Mig-17 ou 13 et quinze Mig-21, chasseurs supersoniques ultramodernes. Ces avions sont installés sur quatre bases : Phuc-Yen, à 10 km de Hanoï, Khep, à 60 km de la capitale, Kien An et Cat Bi, proches de Haïphong. Ils bénéficient, de plus, d’un très bon système de guidage et de contrôle basé au sol.
Au fur et à mesure de l’intensification de la lutte, les Américains ont pu limiter sensiblement les effets des engins sol-air, par une tactique appropriée, qui consiste à effectuer des manœuvres brutales que l’engin ne peut suivre ou à survoler les zones défendues à très basse altitude. De plus l’installation récente d’un équipement de contre-mesures électroniques à bord de leurs avions d’assaut les met actuellement pratiquement à l’abri des attaques de ces engins.
La DCA reste l’arme la plus meurtrière, puisqu’elle a causé aux Américains la perte de plus de 450 appareils depuis le début des hostilités.
L’aviation de chasse nord-vietnamienne ne constituait pas, jusqu’à ces derniers mois, une menace sérieuse pour l’aviation américaine, qui pouvait de ce fait effectuer ses missions à moyenne et haute altitude (3 000 mètres et plus) dans une sécurité relative. Or, la mise en œuvre récente de Mig-21, aux performances analogues à celles du Phantom, ainsi que, très probablement, d’un système de contrôle radar permettant d’engager les Mig dans les meilleures conditions, ne cesse de préoccuper le commandement américain.
Certes, ce n’est pas la quinzaine de Mig-21 qui peut inquiéter l’imposante force américaine américaine (plus de 700 appareils de combat). Par contre, la présence même de ces avions dans le ciel nord-vietnamien risque de neutraliser l’efficacité des chasseurs-bombardiers américaine dans leurs missions de destruction et de harcèlement des dépôts et des voies de communication vietcong. Ces appareils, en effet, sont obligés de larguer leurs charges extérieures, c’est-à-dire leurs bombes et leurs roquettes, chaque fois qu’un chasseur ennemi est aperçu et engage son attaque. Cette manœuvre permet d’alléger l’avion et le rend apte au combat aérien. C’est en fait le seul objectif que poursuit l’avion attaquant, puisque le chasseur-bombardier américain, désarmé et incapable d’effectuer sa mission, n’a plus qu’à retourner à sa base. Même si l’avion américain arrive à conserver ses bombes jusqu’à l’objectif, la menace permanente que constitue la présence des Mig disperse son attention et altère souvent la précision de son tir.
Selon le commandement américain au Vietnam, le seul moyen d’éliminer les Mig serait de les détruire au sol en attaquant leurs bases. Or cette action est strictement interdite par la Maison-Blanche pour des raisons politiques. La seule manœuvre possible consiste à détruire ces Mig en vol. Des opérations de grande envergure ont donc été déclenchées depuis le 1er janvier. Ces opérations consistent à effectuer une série de raids, ou « sweeps » en territoire nord-vietnamien, constitués par un nombre imposant de chasseurs chargés d’attaquer tout avion ennemi en vol.
Le premier de ces « sweeps » était composé de 60 MacDonnell F-4C Phantom volant à 4 000 m, précédés de 25 Republic F-105 chargés de neutraliser les SAM. La formation survola tout le territoire du Nord-Vietnam et put détruire 7 Mig-21 dans un combat qui dura 12 minutes sans aucune perte de son côté. Un seul F-4C fut endommagé en traversant les débris du Mig qu’il venait de tirer.
Les accidents dans l’aviation commerciale
L’année 1966 a été une mauvaise année pour la sécurité aérienne dans l’aviation civile. Le taux d’accidents et de pertes en vies humaines s’est accru sensiblement. Il s’est élevé, en effet, pour 1966 à 0,69 mort pour 100 millions de milles/passagers contre 0,55 en 1965. Certes, le nombre de passagers transportés s’est considérablement accru en 1966, année record dans ce domaine avec 202 millions. Le trafic lui-même a sensiblement augmenté.
Il n’en reste pas moins que le nombre d’accidents reste à un niveau encore inquiétant, surtout à une période où l’on commence à mettre en œuvre des avions de transport à grande capacité. Sur les 86 accidents graves survenus aux avions de transport commerciaux (30 sur lignes régulières), 12 se sont produits au cours de l’approche ; une forte proportion a été due à une collision sur des montagnes ou points hauts. Il semble que 30 % des accidents aient pour cause initiale une erreur de position ou d’altitude.
Des ruptures en vol d’éléments structuraux de l’avion ont provoqué 3 accidents ; une collision aérienne a amené la perte de deux appareils, et un sabotage celle d’un autre.
En définitive, si l’on considère la distance moyenne d’une étape de l’ordre de 700 milles (1 800 km), on peut estimer qu’il y a eu un accident grave pour 140 000 vols et un passager tué pour environ 4 100 vols. Les chiffres de 1965 étaient respectivement de 150 000 et 5 300.