Aéronautique - Le nouveau chef d'état-major de l'Armée de l'air française - États-Unis : la tragédie d'Apollo - France : le Breguet 941
Le nouveau Chef d’état-major de l’Armée de l’air (CEMAA) française
Le général d’armée aérienne Philippe Maurin a été nommé CEMAA à compter du 27 février 1967. Il succède au général d’armée aérienne André Martin, placé en congé définitif du personnel navigant.
Né le 18 décembre 1918, le général Philippe Maurin, Ingénieur de l’École centrale des Arts et Manufactures, entre en 1937 dans l’Armée de l’air. Il franchit tous les échelons de commandement dans des unités de l’aviation de chasse. Il effectue ainsi la campagne 1939-1940 au cours de laquelle il est blessé grièvement. Il participe ensuite aux opérations du Costal Command en Tunisie et Algérie, puis à la campagne d’Italie et au débarquement du 15 août 1944. Il est abattu par la DCA adverse lors de la campagne d’Allemagne. Il occupe ensuite des postes importants dans l’Armée de l’air, comme le commandement du Centre d’expériences aériennes militaires de Mont-de-Marsan et le 1er Corps aérien tactique (Catac). Enfin, le 1er mai 1964, il est commandant des Forces aériennes stratégiques (FAS), qu’il a la responsabilité de créer et de mettre en conditions.
Breveté parachutiste, onze fois cité à l’ordre de l’Armée, Grand Officier de la Légion d’Honneur depuis 1960, le général Philippe Maurin totalise 8 650 heures de vol effectuées sur un très grand nombre d’avions militaires en particulier d’avions de combat à réaction.
États-Unis : la tragédie d’Apollo
Dans le cadre du programme Apollo, avait lieu, le 27 janvier 1967, à Cap Kennedy, une répétition au sol d’un vol réel prévu pour le 21 février. Ce vol aurait été le premier d’une série aboutissant, en 1968, au voyage vers la lune d’un véhicule Apollo avec trois hommes à bord.
À 18 heures (heure locale, soit 19 heures à Paris) le compte « à rebours » commence, les cosmonautes s’installent dans la capsule Apollo. Ce sont : Virgil Grissom, chef de bord, vétéran des vols spatiaux sur Mercury et Gemini, Edward White, 1er pilote, le premier piéton de l’Espace et Robert Chaffee, le plus jeune (31 ans), dont c’était la première expérience.
À 14 h 50, les hublots sont fermés, le « cordon ombilical » est coupé. La cabine fonctionne par ses moyens propres.
Vers 18 h 30, le compte à rebours est arrêté. Il reste 10 minutes pour mener à leur terme les opérations préliminaires au lancement proprement dit. Cet arrêt est demandé par Grissom pour vérifier les circuits électriques.
Une augmentation subite du débit d’oxygène est constatée au centre de contrôle ; Grissom explique qu’il a ôté un court instant son masque inhalateur mais sans en donner la raison. Il est possible que Grissom ait voulu sentir l’air ambiant. L’équipage s’était déjà plaint au début de l’expérience d’une odeur dans la cabine.
À 18 h 31’ 03’’, Chaffee signale une odeur de brûlé. Dès ce moment les événements se précipitent de façon tragique.
À 18 h 31’ 04’’, les cosmonautes se déplacent ; ils commencent probablement les procédures d’évacuation.
À 18 h 31’ 05’’, la température intérieure s’élève.
18 h 31’ 09’’, White crie : « du feu dans la cabine ».
18 h 31’ 12’’, soit 9 secondes après la détection de l’incendie, Chaffee hurle « nous brûlons, sortez-nous de là ». Plus rien d’intelligible ne sera dès lors entendu de la cabine.
18 h 31’ 17’’, la température de la cabine monte à 500°, la pression interne à 3 atmosphères ; les hublots éclatent. Trois minutes après, les premiers secours interviennent. Les hommes ouvrent les hublots, une intense chaleur et une fumée dense s’en échappent. Ils aperçoivent les corps calcinés des trois malheureux cosmonautes.
Cet accident, tragique en lui-même car il a causé la mort atroce de trois hommes, aura de graves répercussions sur la poursuite du programme Apollo. De plus, il sensibilise fortement l’opinion publique américaine qui admet, certes, de lourds sacrifices sur le plan financier pour la course à la lune mais plus difficilement des pertes de vies humaines.
Les causes de l’accident. – La commission d’enquête chargée d’établir les causes exactes de l’accident ne pourra se prononcer avant de nombreux mois. Il est possible toutefois d’établir, sous toutes réserves, certaines hypothèses que semblent confirmer les premières constatations publiées par cette commission.
La cause initiale est due probablement à une panne du circuit électrique. Bien avant l’accident, quelques ennuis dans l’alimentation électrique ont rendu difficiles les communications entre la cabine et le centre de contrôle. Quelques heures avant l’incendie, une coupure totale de courant avait été constatée lors de la manipulation d’un interrupteur. À ce moment, le compte à rebours avait été arrêté, pour permettre justement à Grissom d’essayer les circuits électriques.
Il semble donc qu’une panne mineure existait depuis un certain temps déjà dans l’installation électrique du véhicule spatial, provoquant un incendie de faible importance qui explique en particulier l’odeur détectée par les cosmonautes au début et pendant l’exercice. Ce début d’incendie a probablement provoqué la détérioration plus grave d’un équipement ou d’un circuit amenant la diffusion d’un produit combustible (gaz ou liquide) qui s’est enflammé de façon très brutale à l’intérieur de la cabine.
L’incendie n’a intéressé qu’une partie très restreinte de la cabine, faisant à la façon d’un chalumeau un trou de 10 cm de large dans une paroi de 6 cm d’épaisseur et provoquant des flammes de plusieurs mètres à l’extérieur ; à la place où se trouvait Grissom, un tube d’aluminium fut percé par le feu (l’aluminium fond à 800°), alors qu’à côté un objet en nylon est resté intact (le nylon fond à 280°). La violence et la rapidité de propagation de l’incendie font penser à la rupture d’une tuyauterie d’oxygène, aggravant les risques d’inflammabilité interne, eux-mêmes très importants en temps normal, étant donné que la capsule était alimentée par de l’oxygène pur sous pression (0,3 atmosphère).
Or, les risques d’incendie dans une atmosphère d’oxygène pur sont bien connus des spécialistes. Dans cette atmosphère, les flammes se propagent 3 fois plus vite que dans l’air normal. Un long séjour dans l’oxygène pur rend certains matériaux inflammables. En particulier, les caoutchoucs synthétiques, le nylon, le téflon, largement utilisés dans l’équipement des véhicules spatiaux, ininflammables dans l’air, deviennent très combustibles dans l’oxygène pur.
Les Américains avaient déjà enregistré de nombreux déboires avec l’utilisation de l’oxygène pur, et même des accidents graves. Déjà en 1962, un court-circuit avait provoqué un incendie dans un compartiment étanche servant à étudier le comportement d’animaux dans l’oxygène. Deux médecins avaient été gravement brûlés.
Le 31 janvier, le jour même des obsèques des cosmonautes, un incendie du même genre survint dans ce compartiment. 16 lapins y étaient entretenus dans de l’oxygène pur à 0,5 atmosphère. C’était le 1er jour du test. Deux soldats avaient pénétré dans le caisson étanche pour en faire le nettoyage lorsque l’incendie se déclara. Il fallut 3 minutes pour retirer les deux hommes qui, brûlés à 90 %, décédèrent peu après.
Les techniciens avaient pourtant maintenu l’utilisation de l’oxygène pur sous pression, pensant que les risques d’incendie étaient moins grands dans l’Espace où la pression est très basse. De plus, dans l’espace, la capsule peut être instantanément « dépressurisée » et de ce fait l’oxygène ambiant évacué de façon immédiate. Enfin, la modification de l’alimentation intérieure en un gaz moins dangereux, comme un mélange oxygène + azote, ou oxygène + hélium, aurait nécessité des travaux et des études qui auraient retardé de plus de deux ans la mise au point du véhicule Apollo.
La cause aggravante de l’accident, celle qui a eu les plus graves conséquences pour la vie des cosmonautes, est l’absence de moyens d’évacuation rapide de la cabine. En effet, la trappe d’évacuation de la cabine Apollo est fermée par trois panneaux successifs dont l’ouverture nécessite une série de manœuvres compliquées et coordonnées que les cosmonautes doivent effectuer suivant une procédure bien précise. Dans les meilleures conditions, l’ouverture de la trappe exige 90 secondes.
Certaines constatations faites dans la cabine après l’accident montrent que les cosmonautes ont effectivement commencé les manœuvres d’ouverture mais n’ont pas eu malheureusement le temps matériel de les exécuter puisqu’au bout de 15 secondes ils ont tous trois été asphyxiés par la fumée.
Il semble que les responsables ont pris une grave responsabilité en supprimant tout dispositif permettant une évacuation immédiate du véhicule comme en étaient dotées les capsules Mercury et Gemini. Cette décision peut s’expliquer par le fait que, jusqu’à présent, il n’y avait pas eu d’incidents graves justifiant l’utilisation de tels dispositifs. Il est certain que l’installation d’équipements supplémentaires aurait réduit encore davantage la place disponible dans la cabine, déjà très exiguë, et augmenté le poids total du véhicule, compromettant ainsi les performances générales de tout le système.
La poursuite du programme Apollo n’est pas une entreprise facile. Rappelons que, le 20 janvier, la fusée Douglas S4B a explosé en cours d’essais. Cette fusée devait constituer le deuxième étage de la fusée Saturn 5, utilisée pour le lancement de l’Apollo. Les responsables de la NASA envisageraient toutefois de poursuivre l’exécution du programme tel qu’il avait été conçu initialement, tout au moins en ce qui concerne les essais ne comportant pas d’hommes à bord.
En mai prochain : lancement d’une fusée Saturn 5 mettant sur orbite un véhicule Apollo vide pour un vol de 12 heures.
En juin : lancement d’un véhicule lunaire et tentative de rendez-vous avec Apollo.
De plus, ils n’accepteront que des modifications mineures du véhicule Apollo, ou ne nécessitant pas de délais trop longs. En effet, un retard de deux ans dans la poursuite du programme conduirait à la faillite même de l’entreprise. En outre, ce retard pourrait amener le gouvernement américain à repenser la répartition des crédits qu’il accorde à la réalisation des programmes spatiaux.
Le compromis suivant pourrait être adopté :
1° alimentation par mélange oxygène + azote au cours de la phase de lancement. Retour à l’oxygène pur pour le vol dans l’Espace.
2° installation d’un système léger et peu encombrant permettant l’ouverture rapide des panneaux.
Un vol avec véhicule piloté serait tenté en septembre 1967 si les essais précédents se passent bien et à condition, bien entendu, que les conclusions de l’enquête en cours n’imposent pas un remaniement complet du véhicule Apollo.
France : Le Breguet 941
Avec les Breguet 940, et le prototype 941, la firme Breguet a pris une position de leader dans le développement des avions de transport à décollage et atterrissage courts (ADAC).
Le 28 mars, un Breguet 941 fera son premier vol après sortie d’usine. Cet avion est le premier d’une avant-série de quatre avions gérés et entretenus par l’Armée de l’air, et chargés de diverses missions pour le compte du ministère des Armées. De plus, les constructeurs envisagent d’étendre la production de cet appareil par une coopération internationale qui faciliterait l’exportation. Des accords ont été passés avec la société McDonnell pour la production sous licence et la diffusion de ce type d’appareil dans les deux Amériques.
Cette formule est très intéressante et doit jouer un rôle très important dans les années qui viennent, tant pour les transports militaires tactiques que pour les avions commerciaux. Elle réalise en effet un compromis entre l’hélicoptère et l’avion classique, permettant l’utilisation d’aires d’atterrissage très réduites tout en disposant d’une autonomie de vol importante et d’une vitesse de croisière analogues à celle des avions de transport à hélices actuels.
Description. – Le Breguet 941 est un quadri-turbo-propulseur équipé de moteurs Turbomeca « Turbo III » et de 4 hélices « Ratier » de grand diamètre soufflant toute la surface de la voilure. Son train « Messier » a fait la preuve de sa robustesse et de sa parfaite adaptation à l’utilisation « tous terrains ».
Indépendamment des dispositifs qui lui assurent ses qualités d’ADAC (ailes soufflées), cet avion est doté d’un système d’interconnexion des hélices très original et unique en son genre, réalisé par Hispano Suiza. Ce système présente de multiples avantages :
– En cas de panne moteur, l’avion reste parfaitement symétrique, l’hélice du moteur en panne continue à être entraînée par les autres moteurs par l’intermédiaire de l’arbre de connexion. De ce fait, la perte de puissance est moins grande que sur les avions classiques où l’hélice est « mise en drapeau », c’est-à-dire arrêtée.
– Les survitesses d’hélices sont impossibles.
Performances. – D’un poids à vide de 13 tonnes, le Breguet 941 est capable d’utiliser des pistes en herbe de moins de 800 mètres de long, d’où il peut décoller avec une charge de 5 tonnes.
Il possède en vol une excellente maniabilité et peut effectuer des virages de 100 mètres de rayon. Cette maniabilité a pu être obtenue grâce à la possibilité d’agir différentiellement sur le pas des hélices extérieures, action qui n’entraîne aucun souci de pilotage, parce que conjuguée à la commande de gauchissement.
Sa soute cargo a été conçue autour du camion GMC. Selon le carburant installé à bord, il peut emporter une charge marchande de 3 à 10 tonnes à une vitesse de croisière de 400 km/h et sur une distance maximum de 5 000 km.
À partir du Breguet 941, Breguet a développé un appareil pressurisé de moyen tonnage, le BR. 942, pour le transport de 60 personnes sur des distances courtes et moyennes à 450 km/h de croisière.
Les projets. – L’accroissement du trafic commercial a de plus conduit cette société à envisager le développement de modèles pressurisés de tonnage supérieur. C’est à cet objet que répondent les projets suivants actuellement à l’étude :
– le Breguet 944, aérobus ADAC, quadriturbine (General Electric T-64 de 4 400 CV) transportant 150 passagers et un tonnage de fret important sur des étapes de 100 à 2 000 km,
– le Breguet 946, aérobus ADAC, deux ponts quadriturbine (Rolls Royce Tyne de 6 000 CV) transportant de ville à ville plus de 200 passagers dans des conditions de confort et de vitesse égales aux jets actuels. ♦