La politique générale et l’armement
Les grandes Puissances se rendent compte que c’est de manière permanente qu’il leur faut pratiquer leur « manœuvre d’armement ». Il s’agit de disposer constamment des instruments nécessaires à l’emploi de la force — qu’il s’agisse d’intimidation ou d’action — cette manœuvre étant elle-même l’instrument de la manœuvre politique.
Dès 1948, le général Ailleret faisait allusion à cette préparation permanente dans un ouvrage intitulé « L’histoire de l’Armement » et, trois ans plus tard, en publiant « L’Art de la Guerre et de la Technique ». Plus récemment, dans un article de la revue des Forces aériennes françaises, le général Bécam a mis en évidence le caractère déterminant de la « genèse » des forces en analysant ce qu’il appelle la « manœuvre génétique ».
Au fur et à mesure que l’on comprend mieux le bouleversement qu’entraînent les armes de destruction massive — comme d’ailleurs les contraintes qui en limitent l’emploi éventuel à des situations extrêmes — on peut de moins en moins inscrire cet arsenal nouveau dans le cadre d’une stratégie, d’un raisonnement tactique ou même d’une manœuvre d’emploi. Probablement utilisées par surprise, visant la destruction des forces atomiques adverses pour n’en point subir les effets, réduisant dans le temps la période de destruction, les armes nouvelles peuvent difficilement être associées à l’idée de manœuvre. La violence et la puissance des armes nucléaires ne permettent pas, lorsqu’on parle d’elles, d’avoir recours au vocabulaire classique des guerres et de parler de manœuvre dans l’espace et dans le temps, de positions de repli, de mobilisation humaine et industrielle. De plus en plus, elles apparaissent ne devoir être que les moyens du spasme ultime qu’aurait un peuple menacé dans ses œuvres vives, à la veille de disparaître de la carte en tant qu’État indépendant, libre, exerçant sa pleine souveraineté sur l’étendue de son territoire. En fait, moins il est possible de parler de stratégie de l’emploi avec les armes nouvelles, plus il est impératif de penser en termes de manœuvre d’armement. Au fur et à mesure que diminue la possibilité de combattre et de manœuvrer avec les armes nucléaires, plus s’impose à tous les gouvernements, et de manière évidente, l’obligation de pratiquer en permanence une politique d’armement qui les place constamment en État d’imposer à tout agresseur potentiel de renoncer à user, à leur encontre, des moyens dont il dispose.
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