La leçon de Dien Bien Phu
Le quinzième anniversaire des débuts de la manœuvre qui devait aboutir à l’échec de Dien Bien Phu peut inciter à penser à nouveau aux conditions dans lesquelles elle a été conduite et menée à sa fin, presque au terme de la longue campagne d’Indochine. Dien Bien Phu est demeuré comme un symbole dans les deux camps ; l’issue malheureuse de la bataille que nous y avons livrée a été évoquée plus d’une fois, dans les moments difficiles qu’ont connus les Américains au cours de la guerre dont quelques indices montrent qu’elle va peut-être trouver bientôt une fin. Il est certain que le souvenir de sa victoire de 1954 a exalté le moral des hautes autorités et des combattants nord-vietnamiens, et fort probable que le spectre de l’échec a hanté les hommes politiques, les généraux et les soldats américains, qui, au moment des durs combats de Khe Sanh, affirmaient : « Nous ne subirons pas de Dien Bien Phu ».
On a déjà beaucoup parlé et beaucoup écrit au sujet de cette bataille (1). Les principaux acteurs ont publié leurs souvenirs ; les historiens ont à leur tour consulté les archives disponibles et tenté de reconstituer l’événement dans ses causes profondes et dans son déroulement aussi bien que dans ses conséquences. Mais cette bataille, dont l’enjeu dépassait largement l’importance des effectifs engagés, est encore trop actuelle pour qu’il ait été possible d’en traiter avec une totale objectivité. Toute une partie des sources fait d’ailleurs défaut, puisque les archives du Nord-Viet Nam restent inaccessibles. On ne peut donc faire porter un jugement que sur les résultats évidents, à courte et moyenne échéances. Il faut s’en tenir aux faits ; mais ceux-ci portent autant sur des actes politiques que sur des décisions militaires et chacun peut les interpréter suivant ses propres réactions.
Dans ces conditions, pourquoi, une fois de plus, revenir à ce sujet ? Parce que toute défaite comporte plus d’enseignements qu’une victoire ; parce que tout témoignage, même minime, toute étude, même succincte, peut faire avancer dans la recherche de la vérité historique ; parce qu’il n’est jamais inutile d’essayer de comprendre comment des hommes ont conçu, préparé, exécuté une action de portée internationale, alors qu’ils savaient que leurs décisions, leurs comportements, leurs attitudes et leurs réactions les plus profondes engageaient l’avenir.
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