Que devient l’Armée allemande ?
Le peuple allemand, durement éprouvé par la dernière guerre, ne s’engagea qu’à contre-cœur et avec beaucoup d’hésitations dans la voie du réarmement. Celui-ci fut même considéré pendant longtemps comme un mal nécessaire auquel il fallait se soumettre sous la pression des Alliés. Contrairement à la France, opposée aux accords multilatéraux sous toutes leurs formes et à l’organisation d’une défense intégrée — opposition qui l’amena finalement à quitter l’OTAN — l’Allemagne a toujours considéré le Pacte Atlantique comme la base de sa politique étrangère. Éprouvés par un nationalisme extrémiste et ruineux, les Allemands crurent sincèrement à la possibilité de relations internationales d’un nouveau style, à une évolution qui aboutirait à la création d’une Europe occidentale unie.
Cet espoir s’est manifesté non seulement dans les nombreuses déclarations des hommes d’État allemands, mais aussi dans le fait que le Gouvernement de la République Fédérale a volontairement renoncé à certains droits souverains. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, la Bundeswehr, c’est-à-dire la nouvelle Armée allemande, est la seule force armée de l’Alliance Atlantique qui ne dispose pas d’un Haut Commandement. La fonction de l’Inspecteur Général qui se trouve à sa tête et celle du Ministre de la Défense Nationale se limitent à l’organisation et à l’équipement des troupes placées directement sous les ordres de l’OTAN. Il en résulte que la position de Bonn à l’égard du Pacte Atlantique est bien différente de celle des autres pays de l’Alliance. Rien d’étonnant donc si le déclin de l’OTAN touche l’Allemagne davantage que les autres États membres.
Quoi qu’il en soit, il n’est aucun domaine dans lequel la situation de la République Fédérale souffre d’autant de contradictions que dans celui de la politique militaire. La crise actuelle de la Bundeswehr s’explique avant tout par les conditions qui ont présidé au réarmement allemand après le développement de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest. Tandis qu’au cours des années 1945-1955, les puissances alliées assuraient la défense de leurs zones d’occupation respectives, l’Allemagne de l’Ouest n’avait que des frais d’occupation à payer. Pouvant ainsi consacrer tous ses moyens au développement économique du pays, elle devenait bientôt, sur les marchés mondiaux, un concurrent embarrassant pour les vainqueurs. Cette évolution, que les Alliés n’avaient pas prévue et qui devait créer à la longue une situation anormale, transforma en allié le vaincu de la veille. Bien que les Allemands ne devaient fournir à l’origine qu’un quart des forces destinées à la défense de l’Europe occidentale, leurs affectifs représentent aujourd’hui la moitié de l’effectif global. Peu à peu, la Bundeswehr devenait la plus forte armée classique de l’OTAN. Cet état de choses n’a nullement été provoqué par les Allemands ; il est dû à ce que les pays du Pacte Atlantique n’ont pas réalisé, pour diverses raisons, les programmes militaires prévus.
Il reste 87 % de l'article à lire