Militaire - Les forces stratégiques nucléaires et la défense anti-missiles américaines - Belgique : modernisation de l'armement - Hollande : choix d'un nouveau char - Réunion du groupe de planification nucléaire
Les forces stratégiques nucléaires et la défense antimissiles américaines
M. McNamara a donné, le 18 septembre 1967, à San Francisco, quelques précisions supplémentaires sur les forces stratégiques nucléaires américaines. On sait qu’elles comprennent actuellement :
– 1 054 ICBM (800 Minuteman I - charge : 1 mégat. ; 200 Minuteman III - charge – d° – ; 54 Titan II - charge : de l’ordre de 10 mégatonnes) => Portée : 10 000 à 11 000 km
– 41 sous-marins nucléaires armés de Polaris, soit au total : 656 Polaris (203 Polaris A-2 – charge : environ 0,6 mégatonne et 448 Polaris A-3 –charge : – d°) => Portée respective : 2 800 et 4 800 km
– 650 bombardiers (570 B-52 : 4 bombes d’environ 10 mégatonnes et, en plus, sur les modèles les plus récents, 2 missiles air-sol et 80 B-58 : 4 à 5 bombes représentant au total 10 à 15 mégatonnes) => Rayon d’action illimité grâce au ravitaillement en vol
Le total des vecteurs de missiles s’élève donc à 2 360 ayant une capacité d’emport de 4 400 têtes nucléaires représentant une puissance totale d’environ 22 500 mégatonnes.
M. McNamara a ajouté que :
– 40 % des bombardiers, soit 260 appareils, sont en état d’alerte : alerte en vol ou alerte au sol à 15 minutes ;
– l’ensemble des forces stratégiques en alerte transporte 2 200 têtes nucléaires.
Enfin, il a précisé que 400 missiles d’une mégatonne suffiraient à détruire un tiers de la population de l’Union soviétique et 50 % de sa capacité industrielle.
La défense antimissile américaine.
Dans ce même discours du 18 septembre à San Francisco, M. McNamara a exposé la décision du président Johnson de protéger le territoire des États-Unis contre une attaque nucléaire par une défense légère antimissiles. Le but recherché est de garantir la population américaine d’une part contre une attaque nucléaire chinoise, d’autre part contre un jet accidentel de missiles en provenance de toute autre nation ; enfin de protéger les silos de Minuteman contre une attaque soviétique.
Le système Nike X, qui doit être installé, comporte :
1° des moyens de détection par radar. Deux types ont été adoptés :
– le PAR (Perimeter Acquisition Radar) chargé de la détection des missiles ennemis et des calculs de leurs trajectoires. Il permet de discriminer les leurres des ogives nucléaires ; sa portée dépasserait 2 000 km.
– le MSR (Missile Side Radar) chargé de guider les missiles intercepteurs.
2° un système de destruction comportant deux types d’antimissiles :
– le Spartan, devant détruire le missile ennemi avant sa pénétration dans l’atmosphère, donc avant qu’il n’ait lâché ses leurres ; portée maxima : 500 km en altitude et 700 km en distance oblique ;
– le Sprint, dont la portée oblique maximum serait de l’ordre de 40 km et qui assurerait la défense locale.
Ce système Nike X, appelé modèle 167 (qui rappelle l’année où la décision a été prise) est appelé à protéger l’ensemble du territoire des États-Unis, y compris l’Alaska et Hawaï.
Le nombre prévu de batteries de Spartan et de Sprint serait de l’ordre de 20, les Sprint étant réservés à la défense des radars du système Nike X et à celle des silos Minuteman. Les villes des États-Unis ne seraient donc protégées que par la défense de zone assurée par les Spartan.
L’installation de ce réseau de défense demandera 5 à 6 ans ; la première batterie opérationnelle est prévue pour 1970. Ce sera sans doute une unité de Sprint, en expérimentation depuis 1965, tandis que le Spartan était encore à l’état de projet en janvier dernier.
Quant au prix de ce système, il est évalué à 5 milliards de dollars et son fonctionnement annuel à 500 millions $. Mais, déjà, des informations de presse font état d’une augmentation du coût du système de 4 Mds $ environ.
M. McNamara s’est rangé à la décision du président Johnson car, personnellement, il estime ce procédé inefficace contre une attaque soviétique. Par contre, il le croit valable pour la décennie 1970-1980 face à la Chine puisque, en janvier dernier, il a déclaré qu’une telle défense pourrait réduire les pertes de la population américaine par une attaque chinoise de 10 M d’habitants à moins de 1 M. Contre une attaque par sous-marins armés de missiles, le système Nike X paraît sans effet en raison de la faible durée de trajet des missiles de portée moyenne : 5 à 8 minutes, et des difficultés à repérer la position du submersible.
En résumé, M. McNamara considère que le meilleur atout américain est représenté par les forces stratégiques nucléaires offensives, en raison de leur valeur de dissuasion.
La décision du président Johnson paraît avoir été prise avant tout pour des questions politiques : politique intérieure en raison des prochaines élections présidentielles, politique extérieure pour amener les Soviétiques à des négociations sur la course aux armements nucléaires et pour montrer aux pays asiatiques que les États-Unis n’entendent pas se soumettre à un éventuel chantage nucléaire chinois.
Belgique : Modernisation de l’armement
On sait que le gouvernement belge a décidé d’acheter 834 chars Léopard à l’Allemagne de l’Ouest (cf. notre chronique d’octobre 1967) sous réserve que le gouvernement allemand procède pour une somme identique à des achats en Belgique (au total 387,5 M de francs français). Jusqu’ici, le gouvernement belge n’a pas accepté les propositions qui ont été faites par Bonn le 25 juillet 1967 au nom de l’industrie allemande. À son sens, elles ne sont pas suffisamment précises et il n’entend signer le contrat d’achat des chars que lorsqu’il aura reçu satisfaction dans ce domaine. Une Commission mixte belgo-allemande sera sans doute créée pour régler cette importante et délicate question. Les 12 chars Léopard, qui ont participé au défilé militaire du 21 juillet à Bruxelles, étaient des engins mis à la disposition de l’armée belge pour l’instruction du personnel.
Quant à la modernisation des forces aériennes belges (remplacement des F-84-F), les crédits nécessaires sont inscrits au budget 1968. Deux appareils sont en compétition : le Mirage V français et le F-5-A américain dont les prix sont comparables : environ 49 M de francs belges. Ce sont les compensations économiques proposées par l’un et l’autre pays qui décideront du choix du gouvernement.
Hollande : Choix d’un nouveau char
Le gouvernement néerlandais a décidé de remplacer les 600 chars Centurion en service dans l’Armée de terre. Cinq types de char lui sont offerts :
– le char suédois S ;
– le char français AMX-30 ;
– le char allemand Léopard ;
– le char britannique Chieftain ;
– le char américano-allemand MBT-70 pour lequel le gouvernement des Pays-Bas avait pris une option dès novembre 1965 et qu’une mission militaire est allée examiner aux États-Unis fin septembre dernier.
Réunion du groupe de planification nucléaire
Les 26 et 27 septembre 1967, le Groupe de planification nucléaire s’est réuni à Ankara. Au cours de cette réunion, M. McNamara a exposé la décision américaine de construire un réseau léger de défense antimissiles pour protéger :
– les villes américaines contre une attaque chinoise,
– les silos de Minuteman contre une attaque soviétique.
On sait que cette position des États-Unis a inquiété les pays de l’Otan, notamment la Grande-Bretagne, qui craignent qu’une nouvelle course aux armements nucléaires ne s’engage entre les États-Unis et l’URSS. Aussi, M. McNamara aurait-il insisté sur les efforts de Washington pour décider l’URSS à limiter les armements nucléaires offensifs et défensifs.
Comme suite à ces déclarations, le représentant britannique aurait présenté le projet d’un réseau antimissiles pour protéger les centres urbains européens contre une attaque soviétique. Le montant de la dépense a été évalué à 2 800 M $. Tout en se montrant réservés sur ce projet, les Américains ont accepté d’en envisager l’étude. Puis, le représentant de la Turquie aurait informé les membres présents d’un projet de défense des frontières soviéto-turques par des mines nucléaires. M. McNamara aurait accepté qu’un groupe d’experts étudie les conditions d’installation et de mise en œuvre d’une telle défense.
La prochaine réunion du Groupe doit avoir lieu au printemps 1968 à La Haye.