Aéronautique - L'exercice Fatex - Le congrès des Écoles de l'Armée de l'air - Le Lockheed L-1011
L’exercice Fatex
L’exercice Fatex s’est déroulé du 10 au 20 octobre 1967. Toutes les bases, tous les commandements, tous les moyens des services de l’Armée de l’air en France métropolitaine y ont participé.
Il avait pour but principal de mesurer dans des conditions aussi proches que possible de la réalité la capacité de l’Armée de l’air à faire face à une situation de crise menant progressivement à des actions de guerre. Le thème avait été choisi de façon à faire jouer tous les ressorts de la mise en condition des forces : organisation du commandement, mise en condition opérationnelle des unités de combat et de détection, manœuvre logistique, transmission.
Cet exercice devait donc fournir les éléments d’un bilan, mais plus encore, en révélant certaines imperfections et insuffisances inévitables, il devait donner les moyens d’y apporter un remède, de trouver les formules permettant d’adapter les forces aériennes aux situations rencontrées. En d’autres termes, il s’agissait bien moins de faire un constat que de mettre au point de nouvelles procédures ou d’aménager celles qui se seraient montrées valables.
C’est ainsi que tous les plans d’opérations, tous les procédés de transmission ont été mis à l’épreuve de la réalité. Les incidents choisis avaient pour objet, en diminuant progressivement les moyens disponibles, d’introduire toutes les variantes possibles et d’obliger commandements et exécutants à trouver des solutions à une multiplicité de problèmes imprévus, chacune des formules adoptées au cours de l’exercice devant ensuite faire l’objet d’études exhaustives pour retenir ultérieurement dans chaque cas la plus judicieuse.
Une large initiative était donc laissée à chaque grand commandement, de façon à susciter un grand nombre de procédures originales et à disposer lors de l’exploitation d’une gamme étendue d’enseignements.
Parmi les mécanismes et les procédés qu’il convenait d’expérimenter à l’échelle du temps de crise, figurait un nouveau système d’élaboration des comptes rendus, le « Système d’information du commandement de l’Armée de l’air », mis au point depuis peu. Ce « SICAA » vise à réduire le volume de l’information transmise en la codifiant, de façon à diminuer l’encombrement des transmissions qui est un des maux chroniques des opérations de guerre moderne. Il a été conçu en s’inspirant des principes suivants :
– Faciliter la diffusion ou l’acquisition des éléments de connaissance nécessaires au chef, pour prendre une décision, et au personnel, pour exécuter une mission.
– Écarter toute information qui, n’étant pas absolument nécessaire pour mener une action ou pour prendre une décision, est non seulement inutile, mais nuisible, car elle risque de saturer les transmissions et d’empêcher l’acheminement des informations vraiment indispensables.
– Réaliser un équilibre satisfaisant entre des situations de synthèse permettant la vue d’ensemble et la production des ordres d’une part, et des comptes rendus suffisamment analytiques pour autoriser une répartition des ressources d’autre part.
Le procédé retenu, adapté particulièrement à la technique de transmission par télétype, se prête à l’affichage des renseignements sur des tableaux d’un modèle uniformisé où les données importantes, ayant des conséquences sur les possibilités opérationnelles de l’unité en cause, captent immédiatement le regard.
Il n’y a pas lieu ici d’entrer dans le détail du thème : les événements qu’il avait prévus avaient en effet été choisis, non pour leur vraisemblance, mais pour la richesse des enseignements qu’on pouvait en tirer.
Toute la gamme des incidents possibles avait été prévue : depuis les sabotages jusqu’aux bombardements nucléaires, en passant par les bombardements classiques, et ce, non en vertu d’hypothèses sur une guerre réelle, mais poux étudier les conséquences de chacune de ces actions sur les avions, les stations de détection, les réserves logistiques. Une période était réservée pour chaque type d’action « ennemie », de façon que les conclusions puissent être ultérieurement tirées indépendamment pour chacune.
Mais pour que des enseignements valables découlent de cet exercice, il fallait obtenir un minimum de réalisme, indispensable pour que les exécutants se sentent dans l’ambiance et agissent à peu près comme ils le feraient en cas de crise : c’est ainsi que des détachements aériens ont été mis sur pied sur des terrains secondaires, où ils ont dû vivre « en campagne », que des missions réelles ont été exécutées par l’aviation de combat : missions d’interception par les avions de défense aérienne, missions d’entraînement par les avions d’attaque au sol, avec tirs réels sur des champs de tir.
Néanmoins certaines préoccupations ont empêché de pousser le réalisme aussi loin qu’on aurait voulu :
– souci de sécurité aérienne, qui a conduit notamment à réserver des fréquences lors des expériences de brouillage et à limiter le nombre d’avions exécutant certaines manœuvres ;
– souci d’économie, en vertu duquel beaucoup d’opérations ont été « fictives », leurs effets n’intervenant que dans les comptes rendus, sans « jeu » réel : ainsi en a-t-il été de beaucoup de mouvements de matériels et même de certaines missions opérationnelles.
En outre, la mission de l’Armée de l’air s’inscrit beaucoup trop dans un cadre interarmées et même interministériel (que l’on pense aux problèmes de circulation aérienne, à ceux de la protection civile ou aux missions du transport aérien en temps de guerre) pour qu’un exercice limité à ses seuls moyens permette d’embrasser l’ensemble de la situation du temps de crise : il n’était pas possible de simuler parfaitement tous les échelons de commandement ou de responsabilité, qui ne participaient pas à l’exercice, mais qui auraient joué un rôle important dans une crise réelle.
Malgré ces quelques réserves, on peut affirmer que les plans d’opérations ont été joués et que toutes les bases de l’Armée de l’air ont vécu pendant dix jours la manœuvre Fatex plus intensément qu’aucun exercice antérieur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 4 000 sorties ont ainsi été effectuées entre le 13 et le 18 octobre, dont 1 000 pour la seule journée du 18. Cette sincérité des exécutants, la préparation minutieuse menée depuis plusieurs mois dans les états-majors permettent de bien augurer des résultats de l’exercice : à n’en pas douter, d’importantes conclusions pourront être tirées de son exploitation, œuvre de longue haleine qui n’en est qu’à ses débuts.
Un test de cette ampleur, grâce à l’ambiance créée à tous les niveaux, permet des constatations qu’une étude théorique dans une atmosphère de temps de paix ne suffit pas toujours à susciter : telle mesure qu’on envisageait de prendre à une certaine phase de la crise, s’impose, dans cette lumière nouvelle, à un moment différent ; certains facteurs auparavant sous-estimés prennent une importance telle qu’il faudra y consacrer de nouvelles études, d’autres au contraire se révèlent négligeables.
Ainsi le travail des états-majors de l’Armée de l’air dans l’année qui s’ouvre va-t-il être largement orienté par les résultats de l’exercice Fatex, qu’il s’agisse d’études déjà lancées pour lesquelles on attendait cette expérimentation avant de les poursuivre ou de problèmes nouveaux soulevés au cours de ces dix jours.
D’ores et déjà cependant, certaines conclusions peuvent être tirées du déroulement de l’exercice ; elles viennent d’ailleurs souvent confirmer la valeur de procédures et de principes d’organisation mis au point au cours des années ou des mois précédents :
– Nécessité et intérêt d’un commandement d’emploi centralisé des forces aériennes, apte à fonctionner dès le début d’une crise.
– Rôle essentiel des Régions aériennes, d’une part dans la conduite de la manœuvre logistique, d’autre part dans la participation à la Défense opérationnelle du territoire.
– Intérêt d’une participation de l’Armée de terre pour la défense des bases aériennes importantes contre l’action éventuelle de commandos.
– Validité des principes régissant le système d’information du commandement de l’Armée de l’air, qui, en limitant le volume des comptes rendus de logistique opérationnelle, a permis de conserver le libre usage des réseaux télégraphiques pour la transmission des messages de commandement, mais nécessité d’instruire encore le personnel pour qu’il sache choisir les informations qu’il est indispensable de transmettre, compte tenu de la situation du moment et des moyens restant disponibles.
Le congrès des Écoles de l’Armée de l’air
Le Commandement des Écoles de l’Armée de l’air a sous sa coupe toutes les écoles de formation de personnel : écoles de formation des officiers et des sous-officiers, du personnel navigant, du personnel spécialiste et du personnel du service général. Seuls le Centre d’enseignement supérieur aérien (Cesa) et les centres d’instruction spécialisés des grands commandements échappent à son autorité.
Ce Commandement a été institué par décret voici quelques années, quand il s’est révélé nécessaire de donner l’impulsion d’un chef unique à tant d’écoles diverses qui relevaient jusqu’alors du Chef d’état-major de l’Armée de l’air par l’intermédiaire d’un bureau particulier, et de faire prendre en compte par une autorité spécialisée les problèmes délicats de la formation du personnel : procédés modernes d’instruction, relations dans un dessein d’information avec les organismes chargés dans le pays d’une mission analogue : ministère de l’Éducation nationale, universités.
Mais le Commandant des Écoles accueille pour une période plus ou moins longue de leur carrière, des officiers et des sous-officiers issus de toutes les spécialités de l’Armée de l’air qui n’ont souvent en commun que leur vocation d’instructeurs. Il lui appartient donc de coordonner leur action et de mettre au point des principes généraux qui puissent être communs aux uns et aux autres, en assurant la cohésion des efforts de tous au profit de l’Armée de l’air.
Le congrès des Écoles est précisément l’une des manifestations qui permettent, en réunissant les commandants de bases et de groupements écoles, d’étudier en commun les problèmes qui se posent à eux, de confronter leurs points de vue et de les faire profiter de leurs expériences respectives. Il a lieu en principe tous les deux ans, et cette année, il a pris une ampleur particulière par la participation d’officiers de l’État-major de l’Armée de l’air et des Directions de services de l’Administration centrale.
Il s’est tenu sur la base aérienne de Tours du 25 au 27 octobre 1967. Le thème choisi pour les études des groupes de travail était double :
– formation des personnels de l’Armée de l’air aux différents stades de leur carrière ;
– recherche d’une meilleure adaptation aux besoins des utilisateurs, aux impératifs de gestion, aux intérêts du personnel.
Trois sous-commissions se sont penchées respectivement sur la formation des officiers, la formation du personnel navigant et celle du personnel non navigant. Les conclusions de leurs travaux ont été exposées et discutées pendant les trois jours du congrès et les rapports qui en sont issus formulent des vœux qui serviront de base à des études ultérieures sur les aménagements à apporter aux méthodes de formation actuelles dans l’Armée de l’air.
Sans entrer dans le détail des travaux des sous-commissions et en se limitant au problème de la formation des officiers, il paraît intéressant de noter que les participants sont tombés d’accord sur les conclusions suivantes.
Un officier doit recevoir une formation dans quatre grands domaines : formation professionnelle, formation militaire, formation générale et humaine, formation scientifique. Mais, comme dans toutes les professions, l’évolution rapide des techniques commande que cette formation soit dispensée tout au long de la carrière et qu’à chaque stade elle prenne une forme différente, tant pour s’adapter au niveau atteint par l’officier que pour lui permettre d’exercer sans surcharge excessive les activités normales de son métier.
C’est ainsi que pour ces quatre types de formation, il faut distinguer plusieurs phases dans la carrière de l’officier :
– Une phase initiale au cours de laquelle le jeune officier acquerra les connaissances et les méthodes de raisonnement qui lui permettront de tenir sa place dans les premiers postes qui lui seront offerts, tout en restant au courant de l’évolution technique générale.
– Après la phase d’application, pendant laquelle il apprend son métier et gagne de l’expérience, vient une phase de commandement subalterne, où, confirmé pour exécuter sa mission (pilote chef de patrouille ou commandant d’avion, officier mécanicien, etc.), l’officier se voit confier des responsabilités plus importantes.
– Dans une phase ultérieure, l’officier exerce des commandements de plus haut niveau, où il lui faut déployer des qualités d’organisateur et acquérir une vue synthétique des problèmes.
– Enfin, dans une phase de conception et de direction, l’officier qui a désormais une parfaite maîtrise de son métier de militaire et d’aviateur, prend part à l’élaboration des décisions où entre en jeu l’action combinée des armées.
L’enseignement dispensé doit être différent dans sa forme et dans sa nature non seulement en fonction de la spécialité de chaque officier (navigant, mécanicien ou officier des bases) mais aussi selon les postes auxquels il est destiné. C’est ainsi qu’à chaque phase de la carrière, au problème de formation s’ajoute un problème de sélection, les qualités propres à chaque officier l’orientant vers une carrière rapide ou plus lente, vers une spécialisation plus technique ou plus opérationnelle, sans que l’autre aspect doive pour cela être négligé.
On devine la complexité du problème ainsi posé et les solutions adaptées qui doivent être trouvées pour chaque catégorie d’officiers, en tenant compte à la Fois de leurs possibilités et des besoins d’une Armée de l’air en pleine évolution. Il n’est pas question d’entrer ici dans le détail des formules proposées, mais cette brève analyse aura suffi pour montrer que l’Armée de l’air, loin de se satisfaire des expériences anciennes et des habitudes acquises, s’attache à suivre au plus près l’évolution rapide du monde actuel et à maintenir son personnel continuellement apte à faire face aux situations complexes qu’il aura à démêler et à dominer.
Ainsi ce congrès des Écoles de l’Armée de l’air, s’il ne donne pas lieu à des exercices aériens et à des manifestations spectaculaires, n’en a pas moins une grande importance pour l’étude des problèmes permanents d’une Armée en perpétuel devenir, dont les cadres, pas plus que ceux des autres collectivités de la Nation, n’échappent à la nécessité d’une instruction continue.
Le Lockheed L-1011
La firme Lockheed Aircraft Corporation a tenu à Paris, le 19 octobre 1967, une conférence de presse pour présenter l’avion L-1011. Elle était dirigée par M. A. Carl Kotchian, président de la société, assisté de plusieurs de ses collaborateurs. Il s’agit d’un programme d’avion commercial triréacteur qui sera lancé au printemps prochain, si le nombre de commandes initiales, tant aux États-Unis qu’en Europe, se révèle suffisant.
M. Kotchian a exposé d’abord les raisons qui avaient poussé sa société à étudier un tel projet : croissance rapide des transports de voyageurs par air devant aboutir en 1974 à un volume triple de celui d’aujourd’hui, nécessité d’augmenter la capacité unitaire des avions pour éviter l’encombrement de l’espace aérien et des aérodromes, toutes raisons qui ont, notons-le en passant, conduit également à étudier le programme européen d’Airbus.
Il a ensuite décrit le L-1011 : avion gros-porteur pour étapes moyennes, susceptible d’emporter, selon l’aménagement des sièges, de 227 à 300 passagers avec leurs bagages, sur des distances pouvant aller jusqu’à 3 000 kilomètres, dans des conditions de confort et d’économie sans rapport avec ce qui se fait actuellement, il sera doté de trois réacteurs à double flux de 15 tonnes de poussée chacun dont le haut rendement permettra de diminuer le coût d’exploitation et dont le niveau sonore sera faible. En fait, on ne sait pas encore si les moteurs choisis seront construits par Rolls Royce, General Electric ou Pratt & Whitney. Son poids maximum au décollage sera de 135 t, son envergure de 45 m et sa longueur de 50 m. Il emportera 60 000 litres de carburant. Lockheed estime qu’un avion de ce type sera susceptible de satisfaire 70 % des besoins du « monde libre » en 1970. La vitesse de croisière à 10 000 m sera de 0,83 Mach.
Si la construction du prototype peut être lancée au printemps de 1968, le premier appareil sortira d’usine à la fin de 1970 et la mise en service aura lieu en 1972. Elle ne nécessitera pas de modifications profondes des pistes ni des installations des aéroports existants. L’avion est prévu pour un équipage de trois membres (deux pilotes et un mécanicien), sans compter le personnel de cabine (8 en tout). Enfin Lockheed pense que la mise en œuvre de l’appareil prendra seulement 20 min aux escales intermédiaires et 30 min aux escales de bout de ligne.
Le prix de chaque appareil devrait être de l’ordre de 80 millions de francs.