La guerre embourbée. Vietnam : situation et perspectives
Tandis que les pays d’Europe occidentale se mettent à l’heure de la coexistence pacifique, on voit dans différentes parties du monde des forces nouvelles en train de combler les vides nés de la décolonisation. Le combat pour un nouveau partage des zones d’influence et des richesses mondiales est déclenché ; en témoignent à la fois la crise du Proche-Orient, la pénétration dans le bassin méditerranéen, si important du point de vue stratégique, d’une Russie jusqu’alors confinée derrière les Détroits, et plus encore la guerre du Vietnam. Le plus souvent fomentés de l’extérieur, de tels conflits se développent peu à peu de telle manière qu’ils deviennent en fait des duels indirects entre les Super-Grands. Tout particulièrement, la guerre du Vietnam, dont l’issue décidera sans doute l’avenir de tout le Sud-Est asiatique, offre un exemple très instructif pour l’analyse des affrontements politico-militaires dans les années qui viennent.
Il est évident qu’on aperçoit ici non seulement la limite des possibilités des armes les plus modernes, mais encore les inconvénients du suréquipement technique, qui font rassembler les Américains aux chevaliers de jadis, alourdis par leur armure. En même temps, des Asiatiques sous-alimentés et habitués à la dure montrent une capacité de résistance physique et psychologique incomparablement supérieure à celle des Américains. C’est ainsi qu’a été magistralement démenti l’optimisme que M. McNamara manifestait dès décembre 1968 : « À Noël prochain, la plupart de nos garçons seront de nouveau chez eux »… Ce qui donne rétrospectivement raison au général Mac Arthur, lequel, fort de son expérience coréenne, avait expressément mis en garde contre toute intervention limitée sur le continent asiatique (« excepté si l’on engage tous les moyens disponibles »).
Née à l’origine de graves conflits internes, la guerre du Vietnam s’est enflée comme un tourbillon. Son internationalisation progressive de même que la croissante violence des combats qui menacent sans cesse de s’étendre au Laos, à la Thaïlande, au Cambodge, voire à la Chine, l’ont haussée au rang d’antagonisme soviéto-américain. Le peuple vietnamien n’y joue effectivement qu’un rôle de victime. Pour des raisons de prestige et d’équilibre mondial, Washington ne peut se permettre d’y mettre fin, cependant que Moscou se voit de son côté obligé de porter secours au Nord-Vietnam communiste.
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