Militaire - La dévaluation de la Livre et la défense britannique - À travers le Commonwealth - Les problèmes de défense en République fédérale d'Allemagne - Le budget de défense américain - Au Vietnam - Le renouvellement des accords hispano-américains
La dévaluation de la livre et la défense britannique
La dévaluation de la livre sera d’autant plus efficace qu’elle sera accompagnée de réductions des dépenses de l’État. Dans ce contexte, M. Wilson vient de déclarer aux Communes que le prochain budget de la Défense serait réduit de 100 millions de livres par :
– l’annulation de la commande aux États-Unis des appareils CH-47 Chinook, hélicoptères lourds de transport (40 hommes armés) ;
– la réduction des commandes d’avions chasseurs-bombardiers bi-réacteurs Blackburn Buccaneer, appareil anglais destiné aux porte-avions et pouvant transporter des bombes, des missiles ou des roquettes ;
– l’abandon du projet de base, anglo-américain, sur l’île d’Aldabra (océan Indien) ;
– des réductions de crédits concernant l’achat de munitions, de matériels et de véhicules, également la recherche scientifique, la modernisation et la construction de casernements ;
– le retrait anticipé du porte-avions Victorious, lancé en 1939, entré en service en mai 1941.
D’autre part, infirmant ce qui a pu être annoncé, le ministre de la Défense, M. Healey, a déclaré que le gouvernement n’avait pas l’intention de modifier la structure même des forces britanniques, ni le calendrier prévu pour le rapatriement de certaines troupes stationnées outre-mer.
La répercussion de la dévaluation sur le coût de l’entretien de l’armée britannique stationnée en Allemagne est évaluée à 25 M £. Londres a l’intention de demander à la République fédérale d’Allemagne (RFA) une augmentation correspondante du montant des achats allemands en Angleterre.
Quant aux dépenses britanniques aux États-Unis, elles seraient compensées, notamment en ce qui concerne l’achat de chasseurs-bombardiers F-111 Aardvark, par des contrats américains payés en dollars au Royaume-Uni.
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À ces problèmes financiers, s’ajoutent pour la Grande-Bretagne des difficultés techniques, particulièrement dans le domaine aéronautique.
La mise en service prévue en 1968 de l’avion chasseur-bombardier F-4 Phantom II destiné à la Royal Navy et à la Royal Air Force, fabriqué en coopération avec les États-Unis mais dont la version anglaise comporte 50 % d’équipements britanniques, sera sensiblement retardée du fait des difficultés rencontrées dans la mise au point et l’adaptation sur les appareils américains des réacteurs et des systèmes de navigation et de tir anglais. Le retard dans la livraison aux unités des 160 appareils commandés, dont 60 pour la Navy, obligera le Haut-Commandement britannique à maintenir en service les Canberra et les Hunter périmés de la RAF.
Le programme franco-anglais de production d’hélicoptères SA-330 (Puma), SA-340 (Gazelle) et WG-13 (Lynx), destinés à l’Armée de terre, n’est pas touché par les mesures de réduction de crédits.
Le projet d’avion supersonique Concorde connaît quelques difficultés, le gouvernement anglais n’ayant pas encore dégagé les 100 M£ nécessaires à titre d’avance et la British Aircraft Corporation refusant de les avancer sur ses propres fonds. Le programme franco-anglo-allemand d’Airbus est menacé par le retrait de l’Angleterre qui semble lui préférer l’appareil étudié par la British Aircraft Corporation, d’une capacité plus réduite : 180 passagers au heu de 800 ; le gouvernement de Londres estime ne pouvoir participer aux deux programmes.
À travers le Commonwealth
Si les liens politiques et économiques entre les États-membres du Commonwealth semblent se distendre, par contre l’assistance mutuelle militaire, quoique n’ayant plus l’aspect d’une alliance, apparaît toujours très cohésive.
Les Chefs d’état-major des Forces armées des pays du Commonwealth – à l’exception de ceux de Tanzanie qui n’auraient pas été conviés, et de ceux de l’Ouganda qui auraient décliné l’invitation – se sont en effet réunis récemment à Camberley. À ce congrès, qui a lieu tous les deux ans, assistait une vingtaine de directeurs de firmes travaillant pour la Défense nationale. Le thème en était : l’association pour la défense ; le but consistait à exposer les difficultés que chaque pays éprouve à moderniser sa défense dans le cadre des techniques nouvelles et à rechercher une meilleure coopération dans l’établissement et l’adoption des programmes nationaux.
Les enseignements, tirés des exercices qui se sont déroulés au cours de ce congrès, ont mis en exergue l’aide que peut apporter la Grande-Bretagne à chacun des pays représentés, la valeur et la primauté des structures et des matériels militaires britanniques, enfin l’intérêt pour chacun de les conserver et de s’adapter à leur évolution. Certes, cette réunion a été plus ou moins marquée par la crise rhodésienne et la candidature britannique au Marché commun qui risquent de disloquer davantage les liens qui unissent encore l’Angleterre à ses alliés.
Aujourd’hui, trois pays sont en pleine mutation :
– L’île Maurice (750 000 habitants) dont l’indépendance aura lieu le 12 mars 1968 ; elle deviendra le 26e membre du Commonwealth. Son gouvernement souhaiterait un rapprochement avec ses voisins : Madagascar et La Réunion. Les Anglais y maintiennent depuis juin 1960 – date du retrait officiel des troupes britanniques – une escale pour la Royal Navy et une station stratégique de télécommunications.
– Aden, où le retrait des troupes anglaises a été effectif le 29 novembre 1967 : au total 5 500 h, une quarantaine d’avions et 16 bâtiments dont 1 porte-avions et 9 navires logistiques. Rappelons que l’occupation anglaise datait de 1839.
– Malte (320 000 hab, indépendante depuis le 21 juillet 1964) où le retrait des troupes a déjà été échelonné sur une période plus longue que prévue, jusqu’en 1971, à la demande du gouvernement maltais qui voudrait encore le retarder jusqu’à ce que la reconversion de l’arsenal de La Valette soit terminée. La garnison compte 4 300 h (2 bataillons d’infanterie), une division de dragueurs, quelques frégates, 3 squadrons de la RAF sur la base de Luka.
Le rapatriement des troupes britanniques stationnées outre-mer a été décidé pour des motifs très divers : problèmes financiers antérieurs à la dévaluation mais accentués par celle-ci, oppositions locales, modernisation des armements et plus particulièrement des moyens de transport.
Les problèmes de défense en République Fédérale d’Allemagne.
Ayant repris ses fonctions au début du mois de novembre, après une longue convalescence, le ministre ouest-allemand de la Défense a dû aussitôt se préoccuper de remplacer le général von Kielmansegg, Commandant en chef des Forces de Centre-Europe. Après la renonciation à ce poste du général Schnez, en raison de son passé sous Hitler, c’est finalement le général Bennecke, ancien chef de l’Académie militaire de la Bundeswehr et Commandant le 1er Corps d’armée à Munster, qui a été choisi. La nomination des généraux de Maizière et Steinhoff respectivement Inspecteur général de la Bundeswehr et Inspecteur de la Luftwaffe avait été un moment envisagée, mais leur maintien à leurs postes a été jugé indispensable.
Le Ministre s’est préparé ensuite au grand débat sur la défense qui s’est ouvert au Bundestag le 6 décembre. Avant ce débat, diverses opinions ont été émises dans la Bundeswehr sur les grands problèmes stratégiques allemands. Le général Kielmansegg estime que la dissuasion doit reposer autant sur les armes conventionnelles que sur les armes nucléaires, d’où la présence indispensable en Europe de troupes alliées. Le général von Baudissin est partisan d’une réduction des effectifs sous réserve d’améliorer la qualité et d’intégrer jusqu’à la fusion des unités appartenant à plusieurs nations alliées. Enfin, le général de Maizière estime que l’Alliance atlantique demeure l’organisation indispensable pour répondre aux menaces que fait toujours peser sur l’Europe de l’Ouest le Pacte de Varsovie. Il a réaffirmé ses conceptions concernant :
– l’autonomie de la Bundeswehr, qui n’est qu’un élément de la défense commune et de la dissuasion ;
– la participation des forces allemandes à la mission Strike, mission de contre-offensive nucléaire tactique par des forces aériennes ;
– l’équilibre à réaliser entre le conventionnel et le nucléaire ;
– enfin, la mobilité des unités en raison de l’incertitude sur les points d’attaque de l’ennemi éventuel.
Le budget de défense américain
Le 1er octobre dernier, le président Johnson a signé la loi budgétaire qui permet d’engager 70,1 Mds de dollars de nouvelles autorisations pour le programme de défense 1968-1972 et pour les dépenses de l’exercice en cours (1er juillet 1967-30 juin 1968).
Le budget de défense 1967-1968 s’établit définitivement à 70 132 820 000 dollars alors que le président des États-Unis avait proposé dans son message aux Chambres 71 584 000 000 $, d’où une réduction de 1 451 680 000 $.
Mais c’est en fait d’un budget d’environ 114 Mds $ dont disposera le Secrétaire à la Défense car aux crédits ci-dessus s’ajoutent 48,7 Mds $ votés les années précédentes et non dépensés, et qui de ce fait ont été reportés sur l’exercice 1967-1968.
Ces crédits permettront de réaliser les objectifs que s’était fixés le Département de la Défense :
Effectifs globaux : 8 464 302 h (soit 87 302 h de plus qu’au 30 juin 1967) répartis ainsi :
– Armée de terre : 1 520 000 h
– Marine : 762 000 h
– Marine Corps : 294 000 h
– Armée de l’air : 877 100 h
– Divers : 11 202 h.
• L’Armée de terre comptera :
– 17 divisions, 11 brigades, 5 brigades de cavalerie blindées ;
– 198 bataillons ;
– 218 unités d’aviation ;
– 7 groupes de Forces spéciales ;
– 75 bataillons de missiles sol-sol ;
– 11 578 aéronefs, pour la plupart des hélicoptères.
• La Marine et le Marine Corps compteront :
– 27 groupes d’aéronefs embarqués ;
– 32 escadrons d’avions de lutte ASM et de détection ;
– 4 divisions de Marine Corps ;
– 8 escadres aériennes du Marine Corps ;
– 8 878 aéronefs ;
– 398 bâtiments.
• L’Armée de l’air disposera de :
– 14 038 aéronefs ;
– 1 054 missiles stratégiques Minuteman et Titan II ;
– 73 escadres de combat ;
– 126 escadrons de support.
Il semble que le Congrès ait reconnu l’impossibilité d’évaluer exactement les crédits nécessaires pour la guerre au Vietnam ; il est tout disposé à examiner un collectif budgétaire pour permettre de poursuivre l’effort américain dans le Sud-Est asiatique ; d’ailleurs les réductions de dépenses portent strictement sur des chapitres qui n’intéressent pas directement la guerre au Vietnam.
Au Vietnam
En présence d’une opposition agissante et de manifestations pacifistes, tel le siège du Pentagone les 21 et 22 octobre 1967, le gouvernement américain a estimé devoir défendre avec vigueur sa politique vietnamienne.
Le président Johnson a rappelé que la présence des forces américaines au Vietnam était nécessaire à la sécurité des États-Unis et le secrétaire d’État, M. Dean Rusk, a déclaré : nous devons nous opposer à ce que l’Asie soit coupée en deux par la Chine.
Les deux antagonistes demeurent donc sur leurs positions : les États-Unis dans l’attente qu’Hanoï accepte d’engager des discussions en échange de l’arrêt des bombardements ; le Nord-Vietnam dans son refus d’entamer des négociations tant que les bombardements n’auront pas cessé.
Le général Westmoreland, Commandant du corps expéditionnaire, a déclaré, au cours de son dernier voyage aux États-Unis, que les effectifs prévus pour l’été 1968 : 525 000 h, permettront de maintenir la situation présente, qu’il a qualifiée d’encourageante. Il n’ignore pas les avantages que procurent aux Nord-Vietnamiens l’utilisation des territoires cambodgien et laotien ainsi que les ravitaillements en matériels et munitions « d’une certaine source ». Aussi, est-il opposé à toute pause prolongée des bombardements du Nord-Vietnam qui permettrait à l’adversaire de recompléter ses stocks.
Cette opinion n’est pas partagée par le général Gavin qui, au retour d’un voyage au Vietnam, a manifesté son scepticisme quant aux progrès de la pacification. Il estime que le Nord-Vietnam sera de plus en plus au service de la Chine, qui représente le véritable danger en Asie. Il est partisan de négociations de paix par le truchement des Nations unies.
Le sénateur Fulbright réfute la thèse officielle selon laquelle 37 États apportent leur concours au Sud-Vietnam. Selon lui, 16 États ont cessé toute aide depuis plus d’un an ; d’autres comme le Japon, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni pratiquent des échanges commerciaux avec le Nord-Vietnam pour des montants respectivement vingt fois, dix fois, huit fois, trois fois et deux fois supérieurs à l’aide qu’ils apportent au Sud-Vietnam.
Aucune évolution marquante concernant ce conflit n’est à envisager.
Le renouvellement des accords hispano-américains
Les accords hispano-américains qui arrivent à expiration le 26 septembre 1968 font déjà l’objet de nouvelles négociations entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays. La presse espagnole plaide en faveur d’une révision complète. Elle s’appuie sur des changements profonds intervenus au cours des cinq dernières années sur le plan international : retrait de la France de l’Otan, présence navale soviétique de plus en plus importante en Méditerranée, relations politiques excellentes de l’Espagne avec les pays arabes, échanges commerciaux entre la péninsule ibérique et les pays de l’Europe, y compris ceux situés au-delà du rideau de fer.
Madrid estime que, pour ces raisons, les bases américaines en Europe sont valorisées. Washington a décidé d’envoyer sur place une commission chargée d’étudier les propositions espagnoles et de procéder à des échanges de vues techniques.