Politique et diplomatie - Le jeu à trois
Tentons de schématiser la structure du système international qui s’esquisse en 1968 et qui s’affirmera vraisemblablement au cours des années à venir.
1. Une première distinction s’impose entre deux catégories d’États. Ceux dont les actions extérieures peuvent modifier l’équilibre du système planétaire et ceux dont les actions ne peuvent modifier cet équilibre. Dans la première catégorie se rangent les États-Unis, l’Union Soviétique et la Chine ; dans la seconde, tous les autres États. Encore faut-il noter que dans cette seconde catégorie de nouvelles distinctions doivent être faites selon que ces États peuvent plus ou moins modifier l’équilibre et infléchir l’évolution des systèmes régionaux.
J’ajouterai une remarque : si les États de cette seconde catégorie ne peuvent modifier l’équilibre global dominé par la relation triangulaire entre Washington, Moscou et Pékin, cela ne signifie pas pour autant que leurs possibilités d’action extérieure soient nulles. Aussi longtemps en effet que l’action dont il s’agit est une action politique, c’est-à-dire diplomatique et psychologique, l’efficacité du comportement extérieur des États moyens, voire petits, reste réelle, même à l’échelle planétaire. Cette efficacité disparaîtrait au contraire dans une situation de guerre où la prévalence des rapports de force ne laisserait, en dernière analyse et en ce qui concerne l’équilibre planétaire, d’efficacité qu’aux trois Grands. Dans la situation de paix, le genre d’efficacité diplomatique et politique qui est donnée aux puissances moyennes est évidemment fonction d’abord de leur volonté d’en avoir, ensuite des circonstances (par exemple, une intervention de médiation dans le conflit vietnamien n’est raisonnable que si la position des protagonistes, et en particulier des États-Unis, lui donne une chance d’aboutir), et les résultats de leur action ne sont pas immédiatement perceptibles. Ainsi, l’efficacité de l’action diplomatique et politique de la France depuis dix ans ne s’est révélée que peu à peu. Elle est fonction d’une appréciation exacte du contexte international et du sens de son évolution (par exemple, de la portée du différend sino-soviétique, qui fut comprise dès 1959 par le Général de Gaulle). Les plus grandes puissances peuvent se permettre de commettre des erreurs. Les puissances moyennes ou petites ne le peuvent pas. D’où la nécessité plus impérative encore pour les États moyens et petits que pour les grands d’avoir une vision claire du monde dans lequel nous vivons.
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