Institutions internationales - Désenchantement à l'ONU - La session du Conseil atlantique - La France et l'Otan - La Session de l'Union de l'Europe occidentale (UEO)
Les dernières semaines de l’année voient traditionnellement des réunions importantes de certaines grandes organisations. L’Union de l’Europe occidentale (UEO) et l’Otan n’ont pas dérogé à cette tradition, et le fait que ces deux institutions, nées dans un même climat international à l’époque de la guerre froide, ont des préoccupations très voisines, donne à leurs travaux une signification particulière. Mais leurs deux réunions – la session de l’Assemblée de l’UEO et celle du Conseil atlantique, qui pour la première fois, se tenait à Bruxelles – ont, à quelques jours près, coïncidé avec la clôture de la XXIIe Assemblée générale des Nations unies, et il n’est pas sans intérêt d’évoquer cette dernière avant d’analyser les résultats auxquels sont parvenues les deux autres.
Désenchantement à l’ONU
Cette XXIIe Assemblée générale des Nations unies s’est terminée, comme elle s’était ouverte, dans une atmosphère de total désenchantement. Plus que jamais on doit constater que l’ONU n’a presque aucune prise sur les événements en un temps où les foyers de violence ont tendance à se multiplier.
On avait pensé que cette session serait dominée par les problèmes du Vietnam et du Moyen-Orient. Or le conflit le plus grave de notre époque n’a pas été discuté, mais seulement évoqué par les ministres des Affaires étrangères au cours du débat général d’ouverture. Celui-ci a tout de même montré que les esprits évoluaient sensiblement. Pour la première fois, la majorité des membres de l’ONU, y compris un pays comme les Pays-Bas, considéré comme l’un des plus étroitement liés aux États-Unis, se sont prononcés pour la cessation préalable des bombardements américains sur le Vietnam du Nord.
Ce n’est pourtant pas pour cette raison que les États-Unis hésitent encore à demander au Conseil de sécurité de reprendre l’examen de la question vietnamienne, dont il est saisi depuis plusieurs mois. Les sondages qu’ils ont effectués ne sont pas favorables à cette procédure. Aujourd’hui comme hier, la plupart des membres de l’ONU contestent l’utilité d’un débat sur le Vietnam auquel les Chinois et les Vietnamiens du Nord, non-membres de l’ONU, ont toujours fait savoir qu’ils ne participeraient pas, et auquel sont opposées, pour ce motif et pour d’autres, l’Union soviétique et la France.
L’étrange est qu’une appréciation aussi réaliste de la situation sur ce point précis n’ait pas amené ces mêmes puissances à rechercher systématiquement les moyens de faire entrer la Chine populaire dans le circuit diplomatique de la communauté des nations. Une fois de plus, au contraire, l’Assemblée générale a refusé de l’admettre en son sein.
En fait, elle a consacré le plus clair de son temps, surtout en coulisses, au Moyen-Orient. Ce qui a donné lieu à un interminable dialogue de sourds, comme cet organisme en offre si souvent le spectacle, entre les Israéliens et les pays arabes. M. Couve de Murville n’a pas eu tort de dire et de redire à l’Assemblée et ailleurs qu’aucun règlement ne serait possible dans cette partie du monde sans l’accord des quatre grandes puissances. Dans cette affaire du Moyen-Orient, en tout cas, une impasse totale n’a été évitée de justesse que grâce au vote au sein du Conseil de sécurité d’une résolution britannique prévoyant l’envoi sur place d’un représentant du secrétaire général. Mais chaque partie interprète à sa manière ce texte, qui n’a rien tranché au fond. C’est pourquoi les pays arabes se sont prononcés en faveur d’une reprise des travaux de l’Assemblée dans les prochains mois, bien qu’en principe elle ne soit prévue qu’au cas où un accord aurait été enfin réalisé à Genève sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Comme les précédentes, la XXIIe Assemblée a consacré une grande partie de son temps à la mise au point de ses recommandations habituelles en matière de décolonisation, accordant notamment une victoire morale et politique à l’Espagne sur la question de Gibraltar. Elle a également donné spectaculairement satisfaction aux pays amis de la langue française, qui ont fait reconnaître à une majorité massive sa pleine égalité avec la langue anglaise. Mais, en ce qui concerne sa principale mission, qui est de veiller et de contribuer au maintien, voire au rétablissement de la concorde entre ses membres, l’Assemblée n’a pu que manifester une fois de plus son impuissance. Il en sera évidemment ainsi aussi longtemps que ses membres, et d’abord bien entendu les plus grands, resteront prisonniers de leurs frayeurs et d’une conception anachronique des relations internationales. On ne peut que souhaiter un arbitrage international, mais il n’en demeure pas moins qu’aucun système n’est concevable au-dessus des souverainetés nationales, et la paix résulte ainsi moins de l’intervention d’un organisme international qui, en tout état de cause, ne peut disposer de pouvoirs de coercition (qui postuleraient la supranationalité) que de la conscience que les États, seuls maîtres de leur destin, prendront des exigences de cette même paix entre les nations.
La session du Conseil atlantique
Pour la première fois, la session ministérielle d’hiver du Conseil atlantique s’est tenue à Bruxelles, alors que jusqu’ici elle se tenait à Paris. L’essentiel ne réside évidemment pas dans cette nouvelle localisation, mais dans les conclusions auxquelles sont parvenus les gouvernements, face à une crise qui a été plus éclairée que provoquée par le retrait de la France de l’Otan. Les quinze ministres des Affaires étrangères se sont réunis, sans s’opposer sur les sujets à l’ordre du jour. Sans doute parce que les principaux sujets d’inquiétudes et de désaccords – notamment le Vietnam et le Moyen-Orient – ne figuraient pas à cet ordre du jour. Ce n’est qu’en faisant preuve de beaucoup de prudence dans l’exposé de leurs thèses et en restant quasiment muets sur leurs griefs mutuels que les « 15 » ont pu, une fois encore, adopter à l’unanimité leur communiqué traditionnel. On peut tout de même y voir le signe de la volonté de maintenir l’Alliance, et il est significatif que M. Couve de Murville ait souscrit à des formules d’où il ressort que, pour reprendre la devise de SHAPE, la vigilance est toujours le prix de la liberté. De même, sur le problème allemand, le rapprochement avec l’Est ne paraît pas avoir entamé la solidarité de la France avec ses alliés, et l’on a remarqué que M. Couve de Murville avait rendu hommage aux efforts de la diplomatie de Bonn au moment même où Moscou, dans une note très vive, accusait la République fédérale d’« encourager le néonazisme ». On peut voir encore une preuve de la volonté des uns et des autres de préserver leur solidarité dans l’adoption du rapport présenté à l’initiative du ministre belge des Affaires étrangères, M. Harmel, qui tente de définir les objectifs à long terme de l’Alliance.
Ce document, certes, ne contient pas de révélations, et on en trouvera les dispositions bien peu compromettantes. Il est tout de même intéressant de constater que la France n’a pas fait objection à la réaffirmation d’une philosophie commune, et que ses alliés ont accepté, pour avoir sa signature, d’y introduire un certain nombre de modifications indiscutablement de nature à l’affaiblir. Ce document ne contient rien de contraire à deux des revendications principales de la France : s’abstenir de toute « apologie des blocs » et exclure les prétentions de l’Organisation à donner des directives politiques. « En tant qu’États souverains, les alliés ne sont pas tenus à subordonner leurs politiques à une décision collective » – et l’Alliance est qualifiée de précieux « forum pour les échanges d’informations ».
Sur le plan militaire, le retrait de la France a servi de prétexte aux « 14 » pour officialiser la doctrine de la « riposte graduée », donc abandonner celle des « représailles massives » qui, depuis M. Foster Dulles, était celle de l’Otan. On sait de quoi il s’agit. Les États-Unis considèrent que depuis la promotion nucléaire de l’URSS et la miniaturisation des engins, une menace de représailles massives dans n’importe quelle hypothèse d’agression n’est plus rationnelle parce que n’étant plus crédible, en raison des risques inéluctables de contre-représailles qu’elle implique, et qu’une menace n’a de chances d’être prise au sérieux par celui à qui elle s’adresse que dans la mesure où elle est proportionnée à l’acte qu’elle entend dissuader. On sait que la « doctrine McNamara » postule :
– la concentration entre les mains du seul président des États-Unis du pouvoir de recours à l’armement nucléaire ;
– la non-prolifération des forces nucléaires nationales ;
– l’accroissement de l’effort européen dans le domaine non nucléaire.
En d’autres termes, cette « doctrine McNamara » aboutit à ce que les Européens confient leur défense aux États-Unis, en laissant à ceux-ci le soin d’utiliser la menace de représailles qu’ils estiment la mieux adaptée à la situation, et, si la dissuasion échoue, la forme de riposte qu’ils jugent la mieux appropriée à la nature et à l’ampleur de l’agression.
Ce dessaisissement des responsabilités européennes en matière de défense a été rejeté par la France, qui tenait à ce que l’Europe ne fût pas privée de la garantie nucléaire américaine. Son retrait de l’Otan a pour première conséquence que les États-Unis restent les seuls maîtres de la stratégie à adopter, et qu’ainsi les Européens « signent un chèque en blanc ».
Par ailleurs les ministres ont abordé, pour la première fois dans l’histoire de l’Otan, un plan quinquennal de défense – pour la période 1968-1972. Les « 14 » ont déjà accepté des engagements précis pour 1968 ; et les grandes lignes du programme pour les années suivantes ont été tracées. Parallèlement, un second plan couvrant la période 1969-1971 a été envisagé. Il pourrait chevaucher sur le premier, et selon les circonstances, il permettra des révisions périodiques. Le plan quinquennal a fixé comme objectif 24 divisions prêtes à combattre – ce qui représente une réduction de 6 divisions sur le nombre précédemment prévu, qu’il n’a d’ailleurs jamais été possible d’atteindre.
Enfin, les ministres ont approuvé le projet de constitution d’une « force navale permanente de l’Atlantique » composée au départ d’un petit nombre de destroyers placés sous le commandement de l’amiral Sir John Bush (Grande-Bretagne), actuel commandant de la zone de l’Est atlantique (Eastlant).
Comment ces décisions théoriques seront-elles concrétisées ? Il est évidemment trop tôt pour le prévoir.
La France et l’Otan
Au cours de cette session ministérielle du Conseil atlantique, comme, quelques jours plus tôt, lors de la réunion de l’Assemblée de l’UEO, la place de la France dans les dispositifs alliés a fait l’objet de nombreuses discussions. M. Beauguitte a, devant l’UEO, mis cette question au point.
Après avoir rappelé les mesures prises par le gouvernement français, M. Beauguitte cite M. Messmer : « On sait notre attachement à l’Alliance atlantique, mais on sait aussi nos critiques vis-à-vis de son expression militaire et administrative, l’Otan, dont les conditions de sa prolongation seront, d’après les textes mêmes, à considérer de nouveau dans moins de cinq ans. À nos yeux, pour un État souverain, une alliance ne peut pas, en temps de paix, conserver organiquement la forme d’un système intégré ».
Où en est-on aujourd’hui ? Nous citons textuellement M. Beauguitte.
« On peut résumer la situation d’un mot en disant que ce qui a été perdu sur le plan de l’intégration au sein de l’Otan a été regagné par la voie des accords bilatéraux entre la France et un grand nombre de pays membres.
Cela est vrai sur le triple plan :
– de la liaison entre la France et l’Otan ;
– des prestations de services entre la France et les autres membres, en particulier européens ;
– de la collaboration de la France à diverses activités de défense.
Sur le premier plan, on notera que si les personnels français intégrés ont quitté les différents organismes Otan où ils étaient affectés (SHAPE, Fontainebleau) la France n’a pas cessé, à l’échelon le plus élevé, de garder des antennes de liaison avec le SHAPE et sa nouvelle installation de Casteau (Belgique). La mission de liaison française est commandée par un officier général de haut grade, puisqu’il s’agit d’un général de corps d’armée, le général Lennuyeux. À des échelons moins élevés, la liaison est également maintenue, c’est le cas en Allemagne fédérale (RFA), où le général Massu, commandant en chef des Forces françaises en Allemagne (FFA), travaille en parfaite coordination avec les états-majors allemands.
Sur le plan des prestations de services, l’inquiétude était très grande. En fait, l’étroite coordination réalisée au temps où la France appartenait à l’Otan rendait impossible un éclatement total.
Quand le programme d’infrastructure fut lancé, financé, réalisé en commun, personne ne songeait que la France, placée au cœur du système, pourrait un jour vouloir quitter l’Otan. Les chaînes de radar d’alerte lointaine, les systèmes de détection, de poursuite de la défense aérienne, les réseaux hertziens, les pipelines étaient des biens communs, dont l’Otan réglait l’emploi au bénéfice de tous. Comme on l’a dit, vouloir séparer dans cet ensemble ce qui sert à la France de ce qui est mis en œuvre pour ses quatorze alliés fait songer au travail d’un cuisinier qui voudrait reconstituer un œuf déjà mélangé à quatorze autres dans le plat où il a déjà battu l’omelette.
Les difficultés ont été beaucoup moins considérables qu’on ne le prévoyait car le gouvernement français ne s’est nullement désintéressé des programmes Otan. La France, depuis 1966, a coopéré aux travaux sur les réseaux d’alerte, d’interception, de transmission de données sans lesquels sa défense aérienne et sa force stratégique, rendues aveugles, ne pourraient fonctionner. Mais notre abonnement aux radars de l’Otan n’est pas sans contrepartie. Si nous recevons des informations, nous transmettons les nôtres à nos alliés. Il y a un échange d’informations. Il serait aussi inconfortable pour nos alliés de se passer de nos informations radar que pour nous d’être privés des leurs.
Il faut mentionner d’autre part le concours que la France apporte à ses alliés sur le plan bilatéral, en leur ouvrant l’accès de ses camps de manœuvres, en stockant certaines de leurs munitions sur son territoire, etc.
Enfin, dans le domaine de la participation française aux activités Otan, s’il est exact que nous ne participons plus aux manœuvres et aux exercices Otan (ainsi l’exercice Fallex) nous y envoyons des observateurs et continuons ainsi à bénéficier des enseignements qui peuvent en être tirés.
Ainsi, la question de l’Otan qui, il y a un an et demi, avait fait tant de bruit, semble actuellement comprise dans sa conception et sa mise au point. À aucun moment, personne n’a vraiment pu croire que la déclaration concernant notre retrait de la structure militaire de l’Otan, qui avait été établie en 1950, au milieu de la guerre froide, et qui ne nous paraissait plus justifiée en 1967, nul n’a vraiment pu croire que cette décision, depuis longtemps annoncée, ait mis en péril la sécurité de l’Occident.
Au surplus, nous demeurons membre de l’Alliance atlantique. Les problèmes posés par la présence d’unités en Allemagne, par le départ des forces alliées installées sur notre sol, par les accords destinés à assurer les liaisons entre états-majors alliés en cas d’une guerre menée en commun, tout cela est réglé ou en voie de l’être.
Il semble ainsi que l’on soit orienté vers une formule de coopération entre la France et les quatorze membres de l’Alliance restés membres de l’Otan, entre une défense nationale et une défense collective (on ne peut pas dire intégrée car l’intégration ne touche que les armements non nucléaires). Sans doute des problèmes analogues à ceux qui se sont posés entre la France et l’Otan se poseront parmi les quatorze. Les contradictions entre les références à l’intégration, et la non-intégration, en fait, de l’armement nucléaire, ne deviendront-elles pas de plus en plus évidentes ?
M. John Leddy, Secrétaire d’État adjoint américain pour les affaires européennes, a dit récemment à Washington : “Il n’y a plus une pleine participation française à notre organisation, mais une participation suffisante pour lui permettre de remplir ses fonctions”.
Dix-huit mois après une décision qui avait paru consommer la rupture entre la France et le système de défense occidental, on se rend compte que la politique de la France à l’égard de l’Otan ne traduit pas un nationalisme étroit, mais une réaction nationale devant les exigences de la logique nucléaire, une simple manifestation du caractère relatif de la notion d’alliance à l’âge nucléaire.
La stratégie du gouvernement français, qui paraît à certains si déroutante, ne s’oppose pas à celle de l’Otan. Elle est une stratégie parallèle, qui apporte un complément nécessaire à la stratégie atlantique. Elle ne peut d’ailleurs se développer qu’en s’appuyant sur le maintien de l’alliance.
La solidarité des quatorze puissances demeurées fidèles à l’Otan est le point d’ancrage indispensable à la politique française » (1).
(1) Cette note de M. Beaugultte a été publiée en annexe du rapport État de la sécurité européenne, présenté, au nom de la Commission des questions de Défense et des Armements, par M. Radoux (Belge). Dans son rapport, M. Radoux analysait « Les effets du retrait de la France de l’organisation militaire de l’Alliance ».
Après avoir déclaré : « La conséquence la plus grave paraît être aujourd’hui la perte, pour l’Otan, de l’espace aérien et du territoire français, qui a considérablement réduit l’espace disponible pour le déploiement des forces alliées et les installations auxiliaires », M. Radoux relevait « quelques éléments positifs ».
« Premièrement, le gouvernement français est revenu aujourd’hui à l’ancienne procédure consistant à accorder annuellement et non plus mensuellement aux avions de l’Otan l’autorisation de survoler le territoire français. Deuxièmement, comme l’a annoncé M. Couve de Murville le 16 juin 1967, les gouvernements français et américain d’une part, la France et l’Otan d’antre part, sont parvenus à des accords concernant la poursuite du fonctionnement des oléoducs traversant le territoire français. Enfin, les chefs d’état-major français et l’Otan sont convenus du rôle des forces françaises en temps de guerre. Cet accord à l’échelon militaire n’a cependant pas été ratifié par les gouvernements membres de l’Alliance. La France ne s’est donc pas encore politiquement engagée à placer ses forces à la disposition de l’Alliance en cas de guerre ou de crise ».
La session de l’UEO
Créée par les Accords de Paris de 1954, l’Union de l’Europe occidentale est la seule organisation qui réunisse les « 6 » de la Communauté européenne et la Grande-Bretagne. Il n’est donc pas surprenant qu’un rapport ait été présenté, devant la 18e session ordinaire de l’Assemblée, sur « la candidature britannique aux Communautés européennes », rapport qui avait été confié à M. van der Stoel (Pays-Bas). Ce rapport servit de base à une recommandation de l’Assemblée, demandant aux gouvernements « d’accepter l’ouverture immédiate de négociations avec le gouvernement britannique sur la question de l’adhésion du Royaume-Uni aux Communautés ». Mais on sait comment, en fait, se pose ce problème, et cette recommandation n’est qu’un vœu pieux.
Comme chaque année et comme, d’ailleurs, dans beaucoup de réunions de ce genre, l’essentiel consista dans la rédaction de certains rapports. Cette année, les principaux furent :
– « La collaboration européenne en matière aéronautique », par M. Kershaw (« L’Europe dans son ensemble, quelle que soit la forme politique qu’elle revête en définitive, ne doit pas renoncer, au profit des États-Unis, à son patrimoine en matière aérospatiale »…).
– « Les responsabilités politiques des pays de l’UEO hors d’Europe », par M. de Grailly (1).
– « État des activités européennes en matière spatiale », par M. de Montesquiou.
– « La défense de la Méditerranée et du flanc sud de l’Otan », par M. Goedhart. Les événements survenus au Moyen-Orient au cours de l’année 1967, en consacrant l’irruption de l’Union Soviétique en Méditerranée, ont donné à ce problème une particulière acuité. « Le retrait de la France de l’organisation militaire de l’Otan et l’isolement géographique du flanc méridional qui en résulte, la constitution rapide d’une flotte soviétique opérant de façon permanente dans la Méditerranée même, la substitution de l’influence politique soviétique à celle de l’Occident dans le monde arabe et enfin la guerre entre Israël et l’Égypte ont modifié radicalement la situation dans la Méditerranée. D’autres facteurs ont contribué à la détérioration de la position de l’Occident dans cette région : la naissance de tensions politiques sous-jacentes en Grèce à la suite du coup d’État du 21 avril 1967, le différend entre la Grèce et la Turquie au sujet de Chypre, l’importance décroissante de la base de Malte et, d’une manière générale, de la présence navale britannique en Méditerranée. Il ne convient plus de parler du danger de voir les Soviétiques déborder le flanc sud de l’Otan. Ce danger est devenu une réalité qui pose aux membres de l’Alliance le problème de savoir non pas comment le prévenir, mais bien comment réagir à ce fait brutal »…
L’Assemblée de l’UEO n’a guère suscité d’attention. Elle a pourtant abordé bien des problèmes importants. Il en est d’elle comme des autres institutions internationales : elle permet des échanges d’informations, des confrontations de points de vue, desquels les gouvernements (seuls maîtres des décisions) peuvent tirer le plus grand profit.
(1) « … Le gouvernement français n’a cessé de développer, au cours des dernières années, une politique fondée sur une certaine conception de la société internationale : cette conception, souvent évoquée et exposée par le général de Gaulle, repose sur l’idée fondamentale que la paix et l’ordre dans le monde ne peuvent être solidement établis sans que les aspirations nationales des peuples soient satisfaites. On ne saurait, selon cette doctrine, construire un ordre international en négligeant l’importance du fait national. N’en pas tenir compte sous prétexte que les valeurs universelles doivent passer avant les valeurs nationales, ce serait nécessairement aboutir à l’oppression des nations faibles, de celles qui ne sont pas en particulier constituées en véritables sociétés politiques au profit des nations les plus puissantes et les plus conscientes de leur spécificité. »…